mardi 28 mai 2019

Une personne sainte vit la miséricorde

Après avoir médité les béatitudes une à une (par. 63-94), le pape François revient longuement sur la parole de Jésus : « Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde. » (Matthieu 5, 7) Pour approfondir cette béatitude et en bien percevoir la lumière, l’énergie et la nécessité pour notre sanctification, le pape cite la parole par laquelle Jésus nous indique sur quoi il nous jugement à la fin de notre vie.
 
« J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire, j’étais un étranger et vous m’avez accueilli, nu et vous m’avez vêtu, malade et vous m’avez visité, prisonnier et vous êtes venus me voir » (Matthieu 25,35-36)
 
Le pape Jean-Paul II (par. 49) donnait cette orientation fondamentale à l’Église de notre millénaire en écrivant que, selon les paroles non équivoques de l'Évangile, « dans la personne des pauvres il y a une présence spéciale du Fils de Dieu qui impose à l'Église une option préférentielle pour eux. Par une telle option, on témoigne du style de l'amour de Dieu, de sa providence, de sa miséricorde, et d'une certaine manière on sème encore dans l'histoire les semences du Règne de Dieu que Jésus lui-même y a déposées au cours de sa vie terrestre en allant à la rencontre de ceux qui recouraient à lui pour tous leurs besoins spirituels et matériels. »
 
Et le pape François ajoute avec insistance et pertinence : « Dans cet appel à le reconnaître dans les pauvres et les souffrants, se révèle le cœur même du Christ, ses sentiments et ses choix les plus profonds, auxquels tout saint essaie de se conformer. »
 
Jésus s’adresse encore aujourd’hui à chacun de ceux et celles qui prétendent marcher vers la sainteté évangélique : « J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire, j’étais un étranger et vous m’avez accueilli, nu et vous m’avez vêtu, malade et vous m’avez visité, prisonnier et vous êtes venus me voir »
 
Il ne faut pas noyer cette injonction de Jésus par toutes sortes de commentaires et élucubrations ou excuses qui lui enlèvent son énergie divine. Impossible de comprendre et de vivre ma vie chrétienne et de marcher sur un chemin de sanctification sans la prendre au sérieux. La miséricorde c’est le cœur même du Père battant dans le cœur de Jésus quand il marche sur nos routes, quand il laisse son cœur s’ouvrir sur la croix pour nous. Devenir un saint, une sainte, c’est devenir miséricordieux comme le Père. « Comme le Père aime (par. 9), ainsi aiment les enfants. Comme il est miséricordieux, ainsi sommes-nous appelés à être miséricordieux les uns envers les autres. » C’est aussi devenir comme le Fils incarné dans notre chair pour que nous touchions ses plaies dans toute personne dans la souffrance, la détresse, l’abandon.
 
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau
(28e texte d’une série sur l’appel à la sainteté)

samedi 18 mai 2019

La personne sainte accepte chaque jour le chemin de l’Évangile

 
« Heureux les persécutés pour la justice, car le Royaume des cieux est à eux » (Matthieu 5, 10-12)
 
« Depuis longtemps les scientifiques envoient des signaux dans le cosmos, dans l’attente de réponses de la part d’êtres intelligents vivant sur une planète perdue. Depuis toujours l’Église dialogue avec les habitants d’un autre monde, les saints. » (Cantalamessa)
 
Le pape Jean-Paul, à l’occasion du grand jubilé de l’an 2000, a révélé à l’Église et au monde la multitude des martyrs qui ont glorifié Dieu et suivi le Christ jusqu’au don de leur sang.
 
Le pape François (par. 94) insiste pour montrer que c’est là une réalité bien actuelle. « Les persécutions ne sont pas une réalité du passé, parce qu’aujourd’hui également, nous en subissons, que ce soit d’une manière sanglante, comme tant de martyrs contemporains, ou d’une façon plus subtile, à travers des calomnies et des mensonges. Jésus dit d’être heureux quand “on dira faussement contre vous toute sorte d’infamie” (Matthieu 5, 11). D’autres fois, il s’agit de moqueries qui cherchent à défigurer notre foi et à nous faire passer pour des êtres ridicules. »
 
Dans une société assoiffée de consommation et d’autoréalisation intimiste, il devient très difficile de vivre l’amour généreux de l’autre, le don de soi et de travailler à la solidarité, à la fraternité humaine. « Dans une telle société aliénée, prise dans un enchevêtrement politique, médiatique, économique, culturel et même religieux qui empêche un authentique développement humain et social, il devient difficile de vivre les béatitudes, et cela est même mal vu, suspecté, ridiculisé. »
 
Pourtant, suivre Jésus et sa croix pour vivre l’amour et la justice « est une source de maturation et de sanctification. »
 
Tout notre environnement nous incite à oublier cette vérité fondamentale de notre foi chrétienne. En méditant cette béatitude, nous saurons accueillir le souffle de l’Esprit qui rend disponible pour aimer en actes et en vérité, en donnant généreusement de soi aux autres, à la suite de Jésus et avec sa force d’amour et d’oubli de soi.
 
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau
(27e texte d’une série sur l’appel à la sainteté)

lundi 13 mai 2019

Un attachement maternel


Évangile de Jésus selon saint Jean (10, 27-30)

Les quatre brefs versets de l’évangile de saint Jean de ce dimanche expriment toute la profondeur de la relation entre Jésus et notre monde. « Mes brebis écoutent ma voix ; moi, je les connais, et elles me suivent. Je leur donne la vie éternelle : jamais elles ne périront, et personne ne les arrachera de ma main. » Par cette image du bon berger, le Christ parle de sa filiation intime avec chacun et chacune de nous. Une relation qui ne cesse jamais et qui fait de nous une grande famille.

En ce dimanche de la fête des mères, il est possible de voir des similitudes entre le texte de l’évangile et le vécu de toutes les mères. Dès les débuts d’une grossesse, les mères ressentent un sentiment profond de filiation, un attachement ancré dans leur chair et dans leur cœur, une relation intime qui durera toute leur vie et même au-delà. Il suffit de revoir sa propre relation avec sa mère ou encore de voir le vécu des mères autour de soi pour comprendre la grande richesse de ce lien. Cette relation traversera des moments plus difficiles et des moments joyeux, mais jamais ce lien ne sera arraché du cœur maternel. Nous pouvons penser à une mère dont l’enfant est incarcéré et qui sera là pour lui en allant le visiter, en lui témoignant de son amour et en étant là pour le procès.

Les paroles de Jésus se résument donc à un message d’amour inconditionnel, un message d’unité, un message d’espérance sans fin.

René Laprise
Diacre permanent

(Ce texte a été publié dans la chronique Échos de la Parole de l'Office de catéchèse du Québec)

samedi 4 mai 2019

La personne sainte sème la paix autour d’elle


« Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu ». (Matthieu 5, 9)

Dans cette béatitude, Jésus ne parle pas seulement d’une attitude dans le cœur. Il parle de choses à faire. Il faut être un constructeur, un artisan de paix!


La paix est d’abord un don. « Le véritable et suprême “artisan de paix” n’est pas un homme, c’est Dieu lui-même. Précisément pour cette raison, ceux qui œuvrent pour la paix sont appelés “fils de Dieu” : parce qu’ils lui ressemblent, parce qu’ils l’imitent, parce qu’ils font ce qu’Il fait lui. » 

S. Paul parle de la « paix de Dieu » (Philippiens 4, 7), du « Dieu de la paix » (Romains 15, 33). De même, il présente le Christ comme notre paix (Éphésiens 2, 14-17). Jésus ressuscité donne sa paix : « Paix à vous! » Puis, « ayant dit cela il souffla et leur dit : “Recevez l’Esprit Saint” » (Jean 20,21-22).  La paix en nous et dans nos communautés, dans notre monde, est un fruit de l’Esprit du Ressuscité. 

Mais la paix est aussi notre tâche en tant que fils et filles de Dieu. Le pape François (par. 87-89) explique comment devenir artisans, artisanes de la paix. Lisons-le avec un cœur accueillant! 

Il dit d’abord comment nous pouvons, hélas, devenir des artisans de guerres dans notre milieu! « Il est fréquent que nous soyons des instigateurs de conflits ou au moins des causes de malentendus. Par exemple, quand j’entends quelque chose de quelqu’un, que je vais voir une autre personne et que je le lui répète; et que j’en fais même une deuxième version un peu plus étoffée et que je la propage. […] Le monde des ragots, fait de gens qui s’emploient à critiquer et à détruire, ne construit pas la paix. Ces gens sont au contraire des ennemis de la paix et aucunement bienheureux. »

Puis il montre comment nous pouvons être des bâtisseurs d’amitié sociale. « Il n’est pas facile de bâtir cette paix évangélique qui n’exclut personne mais qui inclut également ceux qui sont un peu étranges, les personnes difficiles et compliquées, ceux qui réclament de l’attention, ceux qui sont différents, ceux qui sont malmenés par la vie, ceux qui ont d’autres intérêts. C’est dur et cela requiert une grande ouverture d’esprit et de cœur. […] Il s’agit d’être des artisans de paix, parce que bâtir la paix est un art qui exige sérénité, créativité, sensibilité et dextérité. » 

Mais c’est une tâche exigée par le grand commandement de l’amour du prochain. Et c’est ainsi, en nous laissant guider par l’Esprit Saint, que nous nous fortifions dans notre identité d’enfants de Dieu.


† Roger Ébacher 
Évêque émérite de Gatineau  
(26e texte d’une série sur l’appel à la sainteté)