dimanche 25 septembre 2011

Ces croix qui parlent

Le 17 septembre dernier, j’ai béni la croix érigée sur un support devant l’église de Notre-Dame-de-la-Guadeloupe.  Elle était à la paroisse St-Raymond avant la fermeture de cette paroisse et son regroupement avec une nouvelle paroisse du nom de Notre-Dame de l'Eau Vive. Un bon nombre de paroissiens et paroissiennes y ont participé, sous un magnifique soleil et dans une atmosphère de joie profonde et de solidarité avec le monde d’ici et de toute la planète. Ces personnes y ont reconnu un symbole de leur foi, de leur engagement pour les plus démunis et appauvris de notre milieu.

Nous sommes habitués à nous marquer du signe de la croix. Ca peut même devenir une routine qui ne nous dit plus rien. Alors, il est bon que certains événements nous invitent à une nouvelle prise de conscience du sens de la croix dans notre tradition chrétienne.

Nous sommes aussi habitués de voir des croix de chemins sur le bord des routes de campagne : c’est une vieille tradition québécoise. Cette fois la croix a été érigée en pleine ville et près d’une rue achalandée, ce qui n’est pas nouveau non plus. Il suffit de penser à la croix sur le Mont-Royal. Et depuis des décennies, une croix est érigée sur la falaise qui borde à Gatineau (secteur Hull) le parc de la Gatineau.  Elle illumine nos nuits en toutes saisons et ainsi peut parler à nos cœurs. Et il y a les croix sur les églises en ville et en campagne.

Ériger ainsi une croix, c’est poser un signe public qui évoque des convictions. Ce signe de la croix clame silencieusement mais éloquemment que Dieu nous aime à la folie. Car toute la vie de Jésus a eu pour but de manifester et d’inviter à accueillir le plus grand secret du cœur de Dieu : il est amour, bonté et miséricorde pour nous les humains. Dieu aime le monde. Jésus est allé jusqu’au don de sa vie sur cet affreux instrument de supplice, le pire qui fut inventé dans l’antiquité, pour nous montrer la vérité de cet amour éternel pour chacune et chacun de nous.

Exposer ainsi une croix, c’est aussi évoquer des valeurs. Sont mises en exergue le don de soi, l’amour, la fidélité, le pardon, la solidarité, la justice. La croix de Jésus a été et est encore l’évocation de tant de haines, de tant de violences de toutes sortes sur l’humanité et sur la nature, de tant d’injustices qui séparent les personnes, les peuples et déchirent l’humanité. La croix de Jésus dit la valeur inestimable de tout être humain, quelles que soient les blessures de toutes sortes, les marginalisations et rejets qui le stigmatisent. En allant jusqu’à la croix, Jésus dit à notre monde que tout être humain possède une valeur et une dignité inaliénables.

Saint Paul avait bien raison, déjà au tout début de l’Église, d’affirmer que le langage de la croix, mise là et comme muette, est plus éloquent que tous les cris de haine ou de frivolité qui déchirent les silences de nos cœurs, de nos villes, de notre planète. Elle parle à tout cœur qui veut bien l’entendre. Elle dévoile paradoxalement le secret du bonheur et les chemins qui y mènent.

Ce n’est pas insignifiant que depuis des années, à travers le monde et particulièrement ici en Outaouais, beaucoup, et souvent des jeunes, des familles, marchent à chaque Vendredi Saint à la suite d’une grande croix et parcourent les rues de nos villes ou villages. La croix choque toujours, elle émeut aussi toujours et elle attire les cœurs affamés et assoiffés de justice, de compassion et de paix.

† Roger Ébacher
Évêque de Gatineau