vendredi 30 décembre 2016

Paix dans nos cœurs et dans notre entourage!

C’est du dedans de nos cœurs que jaillit soit la paix, soit la violence. Le pape nous invite, dans son message pour la journée de la paix, à purifier nos cœurs de la haine, de la rancune, de la vengeance; à les incliner vers la paix, le pardon, la miséricorde pour les gens autour de nous.

Jésus a prêché inlassablement l’amour inconditionnel de Dieu qui accueille et pardonne. Il nous enseigne à aimer nos ennemis (cf. Mt 5, 44). Nous en avons tous! «  Celui qui accueille la Bonne Nouvelle de Jésus sait reconnaître la violence qu’il porte en lui-même et se laisse guérir par la miséricorde de Dieu, en devenant ainsi, à son tour, un instrument de réconciliation. » Répandons généreusement sur nos chemins un sourire, un mot aimable, un petit geste qui sèment la paix et l’amitié.

Je demande à Dieu pour moi-même et pour toutes les personnes que j’aime un supplément d'amour, de bonté. Pacifiés dans nos cœurs par l’Esprit divin, devenons ensemble des instruments de paix dans nos milieux de vie : couple, famille, milieu communautaire. Soyons des agents actifs de dialogue, de respect, de recherche du bien de l’autre, de miséricorde et le pardon.  Jésus le Prince de la Paix nous le demande et il est avec nous pour le faire humblement jour après jour, tout au long de l’année 2017.

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

vendredi 23 décembre 2016

La foi est source de respect de la création

Saint Jean-Paul II écrivait dans son message pour la Journée mondiale de la paix 1990 (par. 15) : « Ceux qui croient en Dieu créateur et qui sont convaincus, par conséquent, de l'existence dans le monde d'un ordre et d'une finalité bien définis doivent se sentir appelés à se préoccuper du problème. Les chrétiens, notamment, savent que leurs devoirs à l'intérieur de la création et leurs devoirs à l'égard de la nature et du Créateur font partie intégrante de leur foi. » Cette affirmation montre la conviction intime de l’Église catholique que la foi chrétienne, bien comprise et vraiment vécue, a un impact important sur l’engagement en faveur du bien commun mondial qu’est le respect de la création.
 
Le pape François en tire l’affirmation que « c’est un bien pour l’humanité et pour le monde que nous, les croyants, nous reconnaissions mieux les engagements écologiques qui jaillissent de nos convictions. » (LS 64) Il dit en somme que plus nous vivrons notre foi au Dieu créateur, plus nous respecterons toute créature et en particulier nos frères et sœurs humains.
 
D’où une affirmation très inspiratrice : « Nous ne pouvons pas avoir une spiritualité qui oublie le Dieu tout-puissant et créateur. Autrement, nous finirions par adorer d’autres pouvoirs du monde, ou bien nous prendrions la place du Seigneur au point de prétendre piétiner la réalité créée par lui, sans connaître de limite. La meilleure manière de mettre l’être humain à sa place, et de mettre fin à ses prétentions d’être un dominateur absolu de la terre, c’est de proposer la figure d’un Père créateur et unique maître du monde, parce qu’autrement l’être humain aura toujours tendance à vouloir imposer à la réalité ses propres lois et intérêts. » (LS 75)
 
Tout a été créé avec amour. Nous devons vivre cette même tendresse envers toutes les créatures, et particulièrement envers nos frères et sœurs les humains. Cette tendresse nous interdira d’abuser de la création, de la nature et des humains. « Tout est lié, et, comme êtres humains, nous sommes tous unis comme des frères et des sœurs dans un merveilleux pèlerinage, entrelacés par l’amour que Dieu porte à chacune de ses créatures et qui nous unit aussi, avec une tendre affection, à frère soleil, à sœur lune, à sœur rivière et à mère terre. » (LS 92)
 
Plus je saurai approfondir les grandes richesses de ma foi chrétienne, plus je respecterai le Créateur et ses œuvres. Telle est le dynamisme caché dans toute la Bible et particulièrement dans les paroles évangéliques. Une foi chrétienne vécue apprend à apprécier, respecter, protéger toute créature. 
 
(19e texte d’une série sur La joie de l’Évangile)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

samedi 17 décembre 2016

Une attente remplie d’espérance

Le verbe attendre est souvent associé négativement aux situations de nos vies où nous devons attendre : aux lumières dans la circulation; à l’urgence; à la caisse du supermarché ou au magasin. Il y a des temps d’attente qui peuvent causer de l’anxiété comme attendre un résultat d’examen médical, la réponse d’une entrevue pour un nouvel emploi, le résultat d’une note de cours ou la conclusion d’une transaction pour la vente ou l’achat d’une propriété. Par ailleurs, il y a également des situations qui sont porteuses de joie et de paix comme attendre l’arrivée de la famille et des amis pour célébrer Noël et la nouvelle année, l’attente avant le spectacle de ses enfants à l’école et par-dessus tout le temps précédent la naissance d’un enfant.
 
Joseph a eu ce même sentiment de joie à l’annonce de la venue de son fils. Mais il avait d’abord vécu des doutes et inquiétudes. Son attente comportait certainement des craintes et des questions. L’Évangile de Matthieu de ce dimanche, une semaine avant la grande fête de Noël, vient nous redire encore et encore comment Dieu est vraiment présent au cœur de notre humanité, de nos projets et de notre vie à chacun et à chacune. La naissance de Jésus rend visible cette présence. En fait, le nom qui lui est donné à sa naissance, l’Emmanuel, veut dire « Dieu-avec-nous ».
 
Comme Joseph, il nous arrive et il est normal d’avoir des doutes selon les saisons de notre vie. Il y a des choses, des situations et des projets qui peuvent nous dépasser et nous pouvons avoir des difficultés à voir l’espérance qui s’y cache. Il est bon alors de se rappeler que nous ne sommes pas laissés à nous même, que Dieu est présent, que la vie est faite des gestes d’amour et de solidarité qui prennent racine au cœur de notre quotidien.
 
Si Noël est une fête qui se prépare dans l’attente, il s’agit d’une attente remplie d’espérance. Cette espérance se manifeste par la joie qui nous habite, par le partage avec les personnes dans le besoin, par les gestes d’amour et d’accueil, par la venue du prince de la paix, l’Emmanuel, Dieux-avec-nous. 

René Laprise, diacre permanent
Gatineau
(Ce texte est également publié sur les sites d'Auvidec media et de l'Office de catéchèse du Québec.) 

lundi 12 décembre 2016

Message de Noël 2016


Jésus!
Il est né sur le chemin de l’exil;
Déposé dans une mangeoire pour animaux;
Visité par les bergers : les pauvres du coin;
Menacé de mort par le puissant Hérode.
Tout cela pour se faire proche de nous.
Tout cela pour nous dire que Dieu nous aime à la folie!
Il continue à nous offrir son message de fraternité.
Il nous demande de le répandre partout autour de nous,
De le dire par nos gestes d’amitié envers les abandonnés.
Joie et paix aux femmes et aux hommes de bonne volonté!
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau
 

samedi 10 décembre 2016

Être transformés par l’Esprit

« Jésus veut des évangélisateurs qui annoncent la Bonne Nouvelle non seulement avec des paroles, mais surtout avec leur vie transfigurée par la présence de Dieu. »(EG 259) C’est là l’œuvre en nous de l’Esprit de Jésus ressuscité. Aussi, faut-il s’ouvrir sans crainte à son action. L’Esprit Saint est l’âme de l’Église qui évangélise, l’âme de chaque évangélisateur. Sans cet Esprit, toute annonce de l’Évangile risque de manquer d’âme.
 
Le pape François rejette toute approche qui sépare une spiritualité qui transforme le cœur et une spiritualité axée sur un fort engagement social et missionnaire. Les évangélisateurs mus par l’Esprit sont ceux qui à la fois « prient et travaillent. » (EG 262) Il ne faut pas séparer contemplation et action. « Il faut toujours cultiver un espace intérieur qui donne un sens chrétien à l’engagement et à l’activité. » Ce fut la pratique constante des évangélisateurs et évangélisatrices qui jalonnent toute histoire de l’Église.
 
Le pape relève quelques motivations qui aideront à les imiter aujourd’hui (EG 264-284). Toutes ces motivations se ramènent à une seule : « La rencontre personnelle avec l’amour de Jésus qui nous sauve. » Ce qui peut se vivre de multiples façons.
 
La première façon est de se laisser regarder par Jésus et de le regarder longuement sur la croix. L’expérience de l’amour de Jésus pour nous et d’être sauvé par lui nous pousse à toujours plus l’aimer. Car, « quel est cet amour qui ne ressent pas la nécessité de parler de l’être aimé, de le montrer, de le faire connaître? Si nous ne ressentons pas l’intense désir de le communiquer, il est nécessaire de prendre le temps de lui demander dans la prière qu’il vienne nous séduire. » (EG 264)
 
« Toute la vie de Jésus, sa manière d’agir avec les pauvres, ses gestes, sa cohérence, sa générosité quotidienne et simple, et finalement son dévouement total, tout est précieux et parle à notre propre vie. Chaque fois que quelqu’un se met à le découvrir, il se convainc que c’est cela même dont les autres ont besoin. […] L’enthousiasme à annoncer le Christ vient de la conviction que l’on répond à cette attente. » Plus quelqu’un goute profondément l’amitié et le message de Jésus, plus il saura en témoigner. C’est là la source d’où jaillit un témoignage brûlant en faveur de Jésus. « Unis à Jésus, cherchons ce qu’il cherche, aimons ce qu’il aime. » Voilà la motivation ultime de tout témoignage chrétien.
 
« Pour être d’authentiques évangélisateurs, il convient aussi de développer le goût spirituel d’être proche de la vie des gens, jusqu’à découvrir que c’est une source de joie supérieure. » (EG 268) Jésus est notre modèle, lui qui s’est fait proche de tous! Nous ne devons pas être « des chrétiens qui se maintiennent à une prudente distance des plaies du Seigneur. » (EG 270)
 
« Je suis une mission sur cette terre, et pour cela je suis dans ce monde. Je dois reconnaître que je suis comme marqué au feu par cette mission afin d’éclairer, de bénir, de vivifier, de soulager, de guérir, de libérer. » (EG 273)
 
« L’Évangile nous raconte que les premiers disciples allèrent prêcher, “le Seigneur agissant avec eux et confirmant la Parole” (Mc  16, 20). Cela s’accomplit aussi de nos jours. Il nous invite à le connaître, à vivre avec lui. Le Christ ressuscité et glorieux est la source profonde de notre espérance, et son aide ne nous manquera pas dans l’accomplissement de la mission qu’il nous confie. » (EG 275) Je suis un instrument du dynamisme de Jésus ressuscité continuant dans le monde sa mission de révéler l’amour du Père pour tout être humain.
 
Voilà un résumé bien pauvre, en somme bien frustrant, de ce grand texte de notre pape! Il faut le prendre dans nos mains, l’ouvrir, le méditer au complet. Bonne lecture.
 
(18e texte d’une série sur La joie de l’Évangile)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

dimanche 4 décembre 2016

Pas d’évangélisation sans la Parole de Dieu

Dans La joie de l’Évangile (135-159), le pape François enseigne la nécessité de la Parole de Dieu pour alimenter le prédicateur et ses homélies. L’homélie doit transmettre la synthèse essentielle du message évangélique. C’est de ce cœur de l’Évangile que doit jaillir, à partir du cœur du prédicateur, une homélie qui éclaire, qui réchauffe, qui stimule, qui console, qui guide vers une vie heureuse avec Jésus. C’est ce dont le peuple de Dieu a besoin. « Le prédicateur a la très belle et difficile mission d’unir les cœurs qui s’aiment : celui du Seigneur et ceux de son peuple. » (EG 143)
 
L’homéliste doit prêter toute l’attention au texte biblique, qui doit être le fondement de la prédication. Avec humilité du cœur, il reconnaît « que la Parole nous transcende toujours, que nous n’en sommes “ni les maîtres, ni les propriétaires, mais les dépositaires, les hérauts, les serviteurs”. Cette attitude de vénération humble et émerveillée de la Parole s’exprime en prenant du temps pour l’étudier avec la plus grande attention et avec une sainte crainte de la manipuler. » (EG 146) Il faut que l’homéliste comprenne le sens des paroles proclamées dans l’assemblée.
 
Le prédicateur doit donc acquérir une grande familiarité personnelle avec la Parole de Dieu. « Il lui faut accueillir la Parole avec un cœur docile et priant, pour qu’elle pénètre à fond dans ses pensées et ses sentiments et engendre en lui un esprit nouveau ». Il lui faut se laisser renouveler par un amour grandissant de la Parole. Car « la sainteté plus ou moins réelle du ministre a une véritable influence sur sa façon d’annoncer la Parole. […] Les lectures du dimanche résonneront dans toute leur splendeur dans le cœur du peuple, si elles ont résonné en premier lieu dans le cœur du pasteur. » (EG 149) Pour annoncer la Parole, il faut d’abord être disposé à se laisser toucher par la Parole et à la faire devenir chair dans son existence concrète. La Parole vivante dans le cœur du prédicateur conditionne fondamentalement la qualité, la vérité et l’ardeur de sa prédication.
 
Cette présentation du cœur de l’Évangile doit aussi être la préoccupation première de tout catéchète. C’est la première annonce, la plus essentielle, celle qui doit être toujours reprise : « Jésus Christ t’aime, il a donné sa vie pour te sauver, et maintenant il est vivant à tes côtés chaque jour pour t’éclairer, pour te fortifier, pour te libérer » (EG 164)
 
« Ce n’est pas seulement l’homélie qui doit se nourrir de la Parole de Dieu. Toute l’évangélisation est fondée sur elle, écoutée, méditée, vécue, célébrée et témoignée. La Sainte Écriture est source de l’évangélisation. Par conséquent, il faut se former continuellement à l’écoute de la Parole. L’Église n’évangélise pas si elle ne se laisse pas continuellement évangéliser. Il est indispensable que la Parole de Dieu “devienne toujours plus le cœur de toute activité ecclésiale”. La Parole de Dieu écoutée et célébrée, surtout dans l’Eucharistie, alimente et fortifie intérieurement les chrétiens et les rend capables d’un authentique témoignage évangélique dans la vie quotidienne. Nous avons désormais dépassé cette ancienne opposition entre Parole et Sacrement. La Parole proclamée, vivante et efficace, prépare à la réception du sacrement et dans le sacrement cette Parole atteint son efficacité maximale. » (EG 174)
 
(17e texte d’une série sur La joie de l’Évangile)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

samedi 26 novembre 2016

Être baptisé = être disciple-missionnaire

Le paragraphe 120 du document du pape François intitulé La joie de l’Évangile est très riche. Il me semble essentiel pour nous conduire à une compréhension chrétienne de ce que nous sommes comme baptisés. Il est long. Mais ça vaut la peine de le lire avec attention. Le voici :
 
« En vertu du Baptême reçu, chaque membre du Peuple de Dieu est devenu disciple missionnaire (cf. Mt 28, 19). Chaque baptisé, quelle que soit sa fonction dans l’Église et le niveau d’instruction de sa foi, est un sujet actif de l’évangélisation, et il serait inadéquat de penser à un schéma d’évangélisation utilisé pour des acteurs qualifiés, où le reste du peuple fidèle serait seulement destiné à bénéficier de leurs actions. La nouvelle évangélisation doit impliquer que chaque baptisé soit protagoniste d’une façon nouvelle. »
 
« Cette conviction se transforme en un appel adressé à chaque chrétien, pour que personne ne renonce à son engagement pour l’évangélisation, car s’il a vraiment fait l’expérience de l’amour de Dieu qui le sauve, il n’a pas besoin de beaucoup de temps de préparation pour aller l’annoncer, il ne peut pas attendre d’avoir reçu beaucoup de leçons ou de longues instructions. Tout chrétien est missionnaire dans la mesure où il a rencontré l’amour de Dieu en Jésus Christ; nous ne disons plus que nous sommes “disciples” et “missionnaires”, mais toujours que nous sommes “disciples-missionnaires”. Si nous n’en sommes pas convaincus, regardons les premiers disciples, qui immédiatement, après avoir reconnu le regard de Jésus, allèrent proclamer pleins de joie : “Nous avons trouvé le Messie” (Jn 1, 41). La samaritaine, à peine eut-elle fini son dialogue avec Jésus, devint missionnaire, et beaucoup de samaritains crurent en Jésus “à cause de la parole de la femme” (Jn 4, 39). Saint Paul aussi, à partir de sa rencontre avec Jésus Christ, “aussitôt se mit à prêcher Jésus” (Ac 9, 20). Et nous, qu’attendons-nous? »
 
Le fil conducteur de ce texte est simple. Le baptisé est une personne qui a rencontré Jésus. Il a découvert en lui le Fils donné par le Père pour le salut de tous les humains. Bouleversé au fond de son cœur par la découverte de ce trésor, il ne peut pas le garder égoïstement pour lui-même. Une force intime le pousse à sortir, à aller vers les personnes qui ne savent pas qu’ils sont à ce point aimées par Dieu le Père, qui est allé jusqu’à donner son Fils pour chacun de nous, qui que nous soyons. Les exemples cités par le pape sont lumineux. Il faut prendre le temps d’aller lire et méditer chaque récit.
 
L’histoire de l’Église nous montre que plus un baptisé grandit dans sa familiarité avec Jésus, plus il veut lui rendre « amour pour amour » en le faisant connaître et aimer. On peut détecter chez les évangélisateurs et évangélisatrices qui ont marqué l’histoire de l’Église au Québec une relation de cause à effet entre l’approfondissement de leur intimité avec Jésus et la croissance de leur zèle apostolique. Ils n’ont pu témoigner que de ce qu’ils ont expérimenté dans leur relation personnelle et communautaire avec Jésus ressuscité. Ils savent que s’être laissé regarder avec amour par Jésus change tout. Et ils ne peuvent pas se taire!
 
« Et nous, qu’attendons-nous? »
 
(16e texte d’une série sur La joie de l’Évangile)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

vendredi 18 novembre 2016

Jésus ressuscité engendre des relations nouvelles

Le pape François aime rencontrer les gens, se faire proche, les embrasser, les prendre dans ses bras. Il se situe ainsi dans ce qu’il considère comme une caractéristique de notre époque. Le pape a conscience qu’en agissant ainsi, il suit Jésus, il développe en lui et autour de lui les relations mêmes que Jésus engendrait lorsqu’il marchait sur notre terre. Il sait dans sa foi que c’est Jésus ressuscité qui continue en lui, par son Esprit son œuvre de créer la communauté des enfants de Dieu. Le pape sait aussi donner sens à ses gestes en les situant dans la culture contemporaine. Dans son texte-programme La joie de l’Évangile (EG 87), il développe cette idée et l’applique à la vie de tout disciple-missionnaire.
 
« De nos jours, alors que les réseaux et les instruments de la communication humaine ont atteint un niveau de développement inédit, nous ressentons la nécessité de découvrir et de transmettre la “mystique” de vivre ensemble, de se mélanger, de se rencontrer, de se prendre dans les bras, de se soutenir, de participer à cette marée un peu chaotique qui peut se transformer en une véritable expérience de fraternité, en une caravane solidaire, en un saint pèlerinage. Ainsi, les plus grandes possibilités de communication se transformeront en plus grandes possibilités de rencontre et de solidarité entre tous. Si nous pouvions suivre ce chemin, ce serait une très bonne chose, très libératrice, très génératrice d’espérance! Sortir de soi-même pour s’unir aux autres fait du bien. S’enfermer sur soi-même signifie goûter au venin amer de l’immanence, et en tout choix égoïste que nous faisons, l’humanité aura le dessous. »
 
Par ses exemples comme par son enseignement, le pape François montre ce que doit être un disciple-évangélisateur : quelqu’un qui dépasse le soupçon, le manque de confiance permanent, la peur d’être envahi, les comportements défensifs. « L’Évangile nous invite toujours à courir le risque de la rencontre avec le visage de l’autre, avec sa présence physique qui interpelle, avec sa souffrance et ses demandes, avec sa joie contagieuse dans un constant corps à corps. La foi authentique dans le Fils de Dieu fait chair est inséparable du don de soi, de l’appartenance à la communauté, du service, de la réconciliation avec la chair des autres. Dans son incarnation, le Fils de Dieu nous a invités à la révolution de la tendresse. » (EG 88)
 
La relation personnelle, constante, entretenue avec le Dieu Père et Amour et avec Jésus le Fils fait chair provoque chez le disciple-missionnaire l’élan pour relever le défi de ne jamais fuir une relation personnelle et engagée avec Dieu, et qui engage en même temps avec les autres. « L’unique voie consiste dans le fait d’apprendre à rencontrer les autres en adoptant le comportement juste, en les appréciant et en les acceptant comme des compagnons de route, sans résistances intérieures. Mieux encore, il s’agit d’apprendre à découvrir Jésus dans le visage des autres, dans leur voix, dans leurs demandes. C’est aussi apprendre à souffrir en embrassant Jésus crucifié quand nous subissons des agressions injustes ou des ingratitudes, sans jamais nous lasser de choisir la fraternité. » [EG 89]
 
La vie du disciple-missionnaire est tissée de relations. Un tel disciple doit savoir regarder la grandeur sacrée du prochain, découvrir Dieu en chaque être humain. Il le pourra en s’accrochant à Jésus ressuscité qui sait par son Esprit ouvrir le cœur à l’amour divin que lui-même a manifesté jusqu’au don suprême de sa vie.
 
(15e texte d’une série sur La joie de l’Évangile)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

samedi 12 novembre 2016

Autres défis pour le disciple qui évangélise

Le pape François en énumère plusieurs dans son texte-programme intitulé La joie de l’Évangile. Je les reprends rapidement, pour me les mettre en mémoire et pour que ces avis me servent de guide dans le discernement de la qualité réelle de ma vie spirituelle et missionnaire.
 
Voici d’abord un titre curieux : « Non à l’acédie égoïste. » L’acédie est « un manque de soin pour sa vie spirituelle. La conséquence de cette négligence est un mal de l’âme qui s’exprime par l’ennui, ainsi que le dégoût pour la prière, la pénitence et la lecture spirituelle. Quand l'acédie devient un état de l’âme qui entraîne une torpeur spirituelle et un repli sur soi, elle est alors une maladie spirituelle. »
 
Le pape développe : « Quand nous avons davantage besoin d’un dynamisme missionnaire qui apporte sel et lumière au monde, beaucoup de laïcs craignent que quelqu’un les invite à réaliser une tâche apostolique, et cherchent à fuir tout engagement qui pourrait leur ôter leur temps libre. […] Mais quelque chose de semblable arrive avec les prêtres, qui se préoccupent avec obsession de leur temps personnel. Fréquemment, cela est dû au fait que les personnes éprouvent le besoin impérieux de préserver leurs espaces d’autonomie, comme si un engagement d’évangélisation était un venin dangereux au lieu d’être une réponse joyeuse à l’amour de Dieu qui nous convoque à la mission et nous rend complets et féconds. Certaines personnes font de la résistance pour éprouver jusqu’au bout le goût de la mission et restent enveloppées dans une acédie paralysante. » (EG 81)
 
Le problème n’est pas toujours l’excès d’activité. C’est souvent les activités mal vécues, sans les motivations appropriées, sans une spiritualité qui imprègne l’action et la rende désirable. « L’impatience d’aujourd’hui d’arriver à des résultats immédiats fait que les agents pastoraux n’acceptent pas facilement le sens de certaines contradictions, un échec apparent, une critique, une croix. » La foi s’affaiblit et dégénère dans la mesquinerie. « La psychologie de la tombe, qui transforme peu à peu les chrétiens en momies de musée, se développe. […] Appelés à éclairer et à communiquer la vie, ils se laissent finalement séduire par des choses qui engendrent seulement obscurité et lassitude intérieure, et qui affaiblissent le dynamisme apostolique. Pour tout cela je me permets d’insister : ne nous laissons pas voler la joie de l’évangélisation ! » (EG 83)
 
Un autre mot d’ordre du pape se formule ainsi : « Non au pessimisme stérile. » « La joie de l’Évangile est celle que rien et personne ne pourra jamais enlever (cf. Jn 16, 22). Les maux de notre monde – et ceux de l’Église – ne devraient pas être des excuses pour réduire notre engagement et notre ferveur. Prenons-les comme des défis pour croître. En outre, le regard de foi est capable de reconnaître la lumière que l’Esprit Saint répand toujours dans l’obscurité, sans oublier que « là où le péché s’est multiplié, la grâce a surabondé » (Rm 5, 20). Notre foi est appelée à voir que l’eau peut être transformée en vin, et à découvrir le grain qui grandit au milieu de l’ivraie. » (EG 84)
 
Ce qui peut étouffer la ferveur et l’audace en moi, c’est la prise de conscience de mes limites, de mes défauts et de mes péchés. Il importe alors de me rappeler ce qu’a dit le Seigneur à saint Paul : « Ma grâce te suffit : car la puissance se déploie dans la faiblesse » (2 Co 12, 9).
 
La vie de notre peuple et de notre Église peut sembler souvent un désert spirituel. « En pareilles circonstances, nous sommes appelés à être des personnes-amphores pour donner à boire aux autres. Parfois, l’amphore se transforme en une lourde croix, mais c’est justement sur la Croix que le Seigneur, transpercé, s’est donné à nous comme source d’eau vive. Ne nous laissons pas voler l’espérance ! » (EG 86)

(14e texte d’une série sur La joie de l’Évangile)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

dimanche 6 novembre 2016

« L’amour en héritage »

Voilà un beau chant de Nana Mouskouri que ma mère Reine-Marie chantait avec cœur et sourire. Les paroles et la musique sont porteuses d’espoir et traversent les générations. Elles sont à la fois intemporelles et ancrées dans un présent bien réel. Cet héritage d’amour, il se traduit par des gestes concrets dans le quotidien et il se perpétue dans nos lendemains pour que les générations à venir y trouvent force et espoir.
 
Il en va de même pour le Royaume de Dieu, il se réalise ici et maintenant et l’amour est la réponse pour rendre visible ce message de Jésus pour notre monde d’aujourd’hui. L’Évangile de Luc de ce dimanche se termine en affirmant que Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants et tous et toutes vivent pour lui. Le Dieu de l’éternité n’est pas inaccessible. En fait, la réponse de Jésus aux Sadducéens qui ont peine à comprendre la résurrection se retrouve dans l’invitation qu’il leur adresse pour qu’ils changent leur regard et en arrivent à voir que Dieu réalise le ciel de chacun et chacune en le débutant ici même et maintenant.
 
La réalisation du Royaume est comme une œuvre collective. Il se construit également avec ce que nous pouvons faire et dire de bien là où nous vivons, au cœur de notre famille, de notre travail, de notre quartier et de notre collectivité. L’amour est la réponse, sur la terre et au ciel, et nous n’avons pas à nous inquiéter. Récemment, lors d’une journée de prière pour la paix en Syrie, le pape François affirmait : « en retournant dans nos maisons, emmenons avec nous l’engagement de réaliser chaque jour un geste de paix et de réconciliation ».
 
Voilà un bel héritage que nous sommes invités à construire et à vivre au quotidien de notre vie. L’amour en héritage est à accueillir, à partager et à transmettre.
 
René Laprise, diacre permanent
Gatineau
(Ce texte est également publié sur les sites d'Auvidec media et de l'Office de catéchèse du Québec.) 

samedi 29 octobre 2016

Tentations et défis du disciple-missionnaire

Ce qui caractérise un disciple-missionnaire, c’est l’Esprit Saint en lui, qui l’éclaire, le dirige dans le discernement de son propre cœur et des réalités ecclésiales ou mondaines qui l’entourent. Le disciple-missionnaire est branché sur Jésus ressuscité qui par Esprit ouvre son cœur à l’amour, au don de soi. La source actuelle de son action, c’est bien sa relation intime, soutenue, consciente avec son Seigneur, celui qui a donné sa vie pour le monde, celui qui continue par ses disciples son œuvre de salut.
 
Le pape François interroge avec amour et audace tout disciple-missionnaire sur la qualité de sa vie spirituelle, sur les obstacles à l’épanouissement de sa vie intérieure et à son rayonnement dans le monde qui l’entoure.
 
Son mot d’ordre est : « Oui au défi d’une spiritualité missionnaire. » (EG 78) Il pointe chez le disciple-missionnaire une préoccupation exagérée pour les espaces personnels d’autonomie et de détente. Les tâches missionnaires deviennent alors un simple appendice de sa vie, comme si elles ne faisaient pas partie de son identité. « En même temps, la vie spirituelle se confond avec des moments religieux qui offrent un certain soulagement, mais qui ne nourrissent pas la rencontre avec les autres, l’engagement dans le monde, la passion pour l’évangélisation. Ainsi, on peut trouver chez beaucoup d’agents de l’évangélisation, bien qu’ils prient, une accentuation de l’individualisme, une crise d’identité et une baisse de ferveur. Ce sont trois maux qui se nourrissent l’un l’autre. »
 
Le risque est aussi de développer un complexe d’infériorité, qui conduit à relativiser ou à occulter mon identité chrétienne et mes convictions. J’entre alors dans un cercle vicieux : n’étant pas heureux de ce que je suis et de ce que je fais, ne m’identifiant pas à la mission évangélisatrice, mon engagement s’affaiblit. La joie de la mission est étouffée par une obsession pour être comme tous les autres et pour avoir ce que les autres possèdent.
 
Le pape signale un autre piège, celui d’un relativisme pratique qui « consiste à agir comme si Dieu n’existait pas, à décider comme si les pauvres n’existaient pas, à rêver comme si les autres n’existaient pas, à travailler comme si tous ceux qui n’avaient pas reçu l’annonce n’existaient pas. » (EG 80) Et le pape exhorte : « Ne nous laissons pas voler l’enthousiasme missionnaire! »
 
Comment résister à ce vol? En concentrant mon cœur sur Jésus mort et ressuscité, en lui redisant avec cœur ma foi, mon amour, mon désir de le suivre, d’agir avec lui pour le salut de notre monde, ce monde chéri par Dieu le Père et habité par l’Esprit qui y travaille le cœur des humains.
 
(13e texte d’une série sur La joie de l’Évangile)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

dimanche 23 octobre 2016

Privilégier le cœur de l’Évangile

Le disciple-missionnaire ne se noie pas dans une multitude d’aspects qu’il peut trouver en lisant l’Écriture sainte. Il ne se laisse pas fasciner par des aspects secondaires du message de Jésus. Il concentre son attention, sa vie, son témoignage, son message sur « le cœur essentiel de l’Évangile qui lui confère sens, beauté et attrait. » (EG 34)
 
Ce principe vaut d’abord pour le développement de ma propre vie spirituelle. Je dois m’y concentrer sur Jésus mort et ressuscité nous guidant par son Esprit. Il est le chemin vers le Père, le chemin vers mon prochain, surtout vers ce prochain que je peux craindre à cause de ses blessures de toutes sortes.
 
Celui que sainte Marie de l’Incarnation appelle « Le suradorable Verbe incarné », Jésus vrai Dieu et vrai homme, dans le mystère du don de sa vie doit être le centre de ma vie de disciple. C’est à partir de ce cœur de ma vie que je pourrai devenir un disciple-missionnaire crédible.
 
Le pape François explique bien cette réalité : « Une pastorale en terme missionnaire n’est pas obsédée par la transmission désarticulée d’une multitude de doctrines qu’on essaie d’imposer à force d’insister. Quand on assume un objectif pastoral et un style missionnaire, qui réellement arrivent à tous sans exceptions ni exclusions, l’annonce se concentre sur l’essentiel, sur ce qui est plus beau, plus grand, plus attirant et en même temps plus nécessaire. La proposition se simplifie, sans perdre pour cela profondeur et vérité, et devient ainsi plus convaincante et plus lumineuse. » (EG 35)
 
Quel est donc ce cœur de l’Évangile, que je dois toujours garder dans mon cœur pour en témoigner avec vérité et conviction? Quel trésor contient-il, cache-t-il, que je dois découvrir pour pouvoir l’offrir aux autres? « Dans ce cœur fondamental [de l’Évangile] resplendit la beauté de l’amour salvifique de Dieu manifesté en Jésus Christ mort et ressuscité. » (EG 36)
 
« L’Évangile invite avant tout à répondre au Dieu qui nous aime et qui nous sauve, le reconnaissant dans les autres et sortant de nous-mêmes pour chercher le bien de tous. […] Si cette invitation ne resplendit pas avec force et attrait, l’édifice moral de l’Église court le risque de devenir un château de cartes, et là se trouve notre pire danger. Car alors ce ne sera pas vraiment l’Évangile qu’on annonce, mais quelques accents doctrinaux ou moraux qui procèdent d’options idéologiques déterminées. Le message courra le risque de perdre sa fraîcheur et de ne plus avoir “le parfum de l’Évangile”. » (EG 39)
 
Être disciple-missionnaire, c’est me tenir devant le cœur ouvert de Jésus en croix, en percevoir sa tendresse, ma miséricorde, en être bouleversé dans mes entrailles et témoigner de cet amour. « Dieu, en effet, a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils, son unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle. Car Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. » (Jn 3,16-17)
 
Être disciple-missionnaire, c’est montrer par ma vie la vérité de cet amour fou encore en action dans notre monde.
 
(12e texte d’une série sur La joie de l’Évangile)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

dimanche 16 octobre 2016

Un trésor à partager

Qu’est-ce qui est le plus important, le plus précieux dans ma vie? Quel est le centre de mon cœur, ce qui me motive, me donne joie et élan?
 
Je désire que ce soit de plus en plus, toujours plus, Jésus Ressuscité, qui a donné sa vie pour moi et qui continue à m’offrir son Esprit qui est vie éternelle.
 
Il a dit : « Vous êtes mes amis ». Je désire que cette parole soit de plus en plus vraie pour moi et que je sache et j’ose présenter Jésus aux personnes de mon entourage, pour qu’il les invite eux aussi à devenir ses amis.
 
Voilà le secret caché dans l’Évangile : il me choisit, il m’appelle, il m’envoie. Et il ajoute : « Ne crains pas! Je suis avec toi par mon Esprit! En fait, tout ce que je te demande, c’est de consentir à ce que j’œuvre par toi dans ton monde, dans notre monde. Je te demande d’être mon partenaire. Alors, va! Il y a tant de personnes qui ne se savent pas aimées! »
 
Il me demande de le suivre, de faire comme lui, de « sortir » de moi-même, de dépasser mon égoïsme, d’aller vers les personnes qui sont seules, qui peinent, qui portent blessures et mépris. Il veut que je sois avec lui un pèlerin qui passe en faisant du bien, en somme un missionnaire.
 
Le pape François emploie fréquemment l’expression : disciple-missionnaire. Que veut-il signifier par cela? Par mon baptême, je suis missionnaire. La mission fait partie de mon identité même de chrétien. « La mission au cœur du peuple n’est ni une partie de ma vie ni un ornement que je peux quitter, ni un appendice ni un moment de l’existence. Elle est quelque chose que je ne peux pas arracher de mon être si je ne veux pas me détruire. Je suis une mission sur cette terre, et pour cela je suis dans ce monde. Je dois reconnaître que je suis comme marqué au feu par cette mission afin d’éclairer, de bénir, de vivifier, de soulager, de guérir, de libérer. Là apparaît l’infirmière dans l’âme, le professeur dans l’âme, le politique dans l’âme, ceux qui ont décidé, au fond, d’être avec les autres et pour les autres. Toutefois, si une personne met d’un côté son devoir et de l’autre sa vie privée, tout deviendra triste, et elle vivra en cherchant sans cesse des gratifications ou en défendant ses propres intérêts. » (EG 273)
 
Par tout mon être de baptisé, de disciple, je suis une mission! Quelle affirmation bouleversante, à longuement méditer! Je demande ce regard sur moi-même et sur le monde, regard du disciple-missionnaire éclairé et affermi par l’Esprit Saint. (EG 50)
 
(11e texte d’une série sur La joie de l’Évangile)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

lundi 10 octobre 2016

Le disciple de Jésus sort de son confort

Notre pape François sort beaucoup. Il va vers les personnes les plus blessées dans leur dignité, et même leur vie. Il va vers les lieux de désespoir tels que les prisons, les refuges pour sans-logis ou sans-patrie, les résidences pour vieillards ou malades chroniques de toutes sortes, etc. Et il rappelle à tous qu’être disciple de Jésus, c’est sortir de sa zone de confort.
 
« Dans la Parole de Dieu apparaît constamment ce dynamisme de “la sortie” que Dieu veut provoquer chez les croyants. Abraham accepta l’appel à partir vers une terre nouvelle (cf. Gn 12,1-3). Moïse écouta l’appel de Dieu : “Va, je t’envoie” (Ex 3,10) et fit sortir le peuple vers la terre promise (cf. Ex 3, 17). À Jérémie il dit : “Vers tous ceux à qui je t’enverrai, tu iras» (Jr 1, 7). »
 
Le pape nous demande d’accueillir cette impulsion de la Parole dans notre vie : « Aujourd’hui, dans cet “allez” de Jésus, sont présents les scénarios et les défis toujours nouveaux de la mission évangélisatrice de l’Église, et nous sommes tous appelés à cette nouvelle “sortie” missionnaire. Tout chrétien et toute communauté discernera quel est le chemin que le Seigneur demande, mais nous sommes tous invités à accepter cet appel : sortir de son propre confort et avoir le courage de rejoindre toutes les périphéries qui ont besoin de la lumière de l’Évangile. »  (E. G. 20)
 
Cette parole d’envoi a été prononcée sur moi à mon baptême, à ma confirmation, à mon ordination diaconale, puis presbytérale, puis épiscopale. J’ai cherché à y obéir. Mais maintenant que je suis à la retraite, que signifie-t-elle pour moi? Elle m’appelle surtout à sortir de mon égoïsme, de mes peurs et de vivre l’ouverture de cœur dans le milieu où je vis. J’ai à sans cesse chercher ce que signifie ce défi évangélique dans ma vie? Je ne dois surtout pas oublier que c’est là l’attitude qui ouvrira mon cœur à la joie promise et donnée par Jésus.
 
« La joie de l’Évangile qui remplit la vie de la communauté des disciples est une joie missionnaire. Les soixante-dix disciples en font l’expérience, eux qui reviennent de la mission pleins de joie (cf. Lc 10, 17). Jésus la vit, lui qui exulte de joie dans l’Esprit Saint et loue le Père parce que sa révélation rejoint les pauvres et les plus petits (cf. Lc 10, 21). Les premiers qui se convertissent la ressentent, remplis d’admiration, en écoutant la prédication des Apôtres “chacun dans sa propre langue” (Ac 2, 6) à la Pentecôte. Cette joie est un signe que l’Évangile a été annoncé et donne du fruit. Mais elle a toujours la dynamique de l’exode et du don, du fait de sortir de soi, de marcher et de semer toujours de nouveau, toujours plus loin. Le Seigneur dit : “Allons ailleurs, dans les bourgs voisins, afin que j’y prêche aussi, car c’est pour cela que je suis sorti” (Mc 1, 38). Quand la semence a été semée en un lieu, il ne s’attarde pas là pour expliquer davantage ou pour faire d’autres signes, au contraire l’Esprit le conduit à partir vers d’autres villages. » (E.G. 21)
 
Ce qui importe, c’est de faire confiance à la Parole évangélique, à Jésus vivant et agissant par sa Parole aujourd’hui. « L’Évangile parle d’une semence qui, une fois semée, croît d’elle-même, y compris quand l’agriculteur dort (cf. Mc 4, 26-29). L’Église doit accepter cette liberté insaisissable de la Parole, qui est efficace à sa manière, et sous des formes très diverses, telles qu’en nous échappant elle dépasse souvent nos prévisions et bouleverse nos schémas. » (E.G. 22) Comme je me réjouis quand je vois la Parole produire des fruits inattendus, sur des terrains qui semblaient peu propices!
 
« L’intimité de l’Église avec Jésus est une intimité itinérante. […] Fidèle au modèle du maître, il est vital qu’aujourd’hui l’Église sorte pour annoncer l’Évangile à tous, en tous lieux, en toutes occasions, sans hésitation, sans répulsion et sans peur. La joie de l’Évangile est pour tout le peuple, personne ne peut en être exclu. » (E.G. 23)
 
Pour vivre cette « sortie » de moi-même, il faut que je m’attache à Jésus, que j’entretienne chaque jour une intimité confiante avec celui qui m’a un jour appelé à être son ami. Ce n’est qu’avec lui que mes « sorties » seront fructueuses. Sans son Esprit, je ne saurai pas discerner quelles sont ces zones de confort que je dois délaisser pour vivre l’aventure évangélique avec celui qui m’en montre le chemin!
 
(10e texte d’une série sur La joie de l’Évangile)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

samedi 1 octobre 2016

L’Église est missionnaire

Quelle est la tâche première de l’Église dans son ensemble, de chaque membre de l’Église, des divers groupes et communautés dans l’Église? Jean-Paul II y a répondu : l’Église existe pour annoncer la Bonne Nouvelle de l’Évangile à ceux qui sont éloignés du Christ. Il a insisté : « Telle est la tâche première de l’Église ». C’est aussi son plus grand défi. « La cause missionnaire doit avoir la première place ».
 
Après avoir cité ces paroles de saint Jean-Paul II, le pape François a formulé une question qui doit rejoindre nos cœurs : « Que se passerait-il si nous prenions réellement au sérieux ces paroles? » Il répond lui-même à cette question dans une affirmation provocante : « Nous reconnaîtrions simplement que l’action missionnaire est le paradigme de toute tâche de l’Église. » (EG 15)
 
Et le pape François cite Jésus : « Il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent que pour quatre-vingt-dix-neuf justes, qui n’ont pas besoin de repentir » (Lc 15, 7). Nous connaissons bien ces trois belles paraboles de saint Luc sur la joie de Dieu le Père à chaque fois qu’un de ses enfants revient vers lui, accueille son pardon, sa tendresse, sa miséricorde et le don d’une vie filiale renouvelée.
 
L’appel et l’envoi pour la mission sont là claironnés! Ça veut dire quoi dans ma vie personnelle, dans le groupe ecclésial et communautaire où je vis? Est-ce que je prends au sérieux ces paroles de Jésus, au point qu’elles me dérangent? Est-ce que je suis l’ami de Jésus au point que son souci, celui qui l’a conduit jusqu’au don suprême, hante mon cœur, parfois m’empêche de dormir?
 
Je veux souvent prier l’Esprit-Saint de me souffler la réponse et de me la faire vivre. Et je supplie la Vierge Marie de m’éduquer à être ouvert à ce Souffle, à le désirer, à l’accueillir, à y obéir promptement. Car la vraie réponse doit jaillir de mon cœur, un cœur conquis par mon Seigneur!
 
(9e texte d’une série sur La joie de l’Évangile)

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau