samedi 28 janvier 2017

Mon centre est le Christ et son Église

Pour un disciple-missionnaire, le Christ et l’Église doivent être au centre de sa vie. Ainsi, il est une personne décentrée. L’attitude contraire est de se mettre soi-même au centre, de se sentir bien armé, sûr de soi, autosuffisant. En nous offrant au Christ tels que nous sommes, vases d’argile, nous sommes alors portés hors de nous-mêmes. Penser et regardant l’horizon vers lequel on doit aller et mettre le Christ au centre de tout : voilà la véritable force du disciple-missionnaire. Il peut alors être créatif et généreux.
 
Le fondement et la source de tout engagement missionnaire, si humble soit-il, est l’appel par Jésus « pour être ses compagnons et pour les envoyer prêcher, avec pouvoir de chasser les démons. » (Marc 3,14) C’est Jésus qui choisit et appelle pour d’abord être avec lui, être ses compagnons, ses amis. Puis il envoie sur les chemins de la vie avec les moyens d’accomplir la mission confiée. L’identité chrétienne se définit donc par deux références fondamentales : être choisi par Jésus pour être avec lui, être engagé dans la mission avec Jésus. Ce sont là des piliers nécessaires, inséparables!
 
Il est donc une réalité que nous ne devons pas oublier : la place centrale du Christ pour chacun de nous, et aussi pour tout groupe en Église. Il faut sans cesse se placer en face de notre Seigneur Jésus, notre Créateur et Sauveur. Cette façon de mettre Jésus au centre nous conduit à être décentrés. Le Christ nous fait sortir de nous-mêmes en permanence. Il nous fait sortir de notre amour-propre, de notre volonté et de notre intérêt.
 
Ces affirmations peuvent être la base d’un examen de conscience. Je peux alors développer en moi la conscience de cette constante tentation de penser que c’est moi qui suis mon propre centre et d’agir en conséquence! Est-ce que je permets au Christ de devenir le centre de ma vie, d’y prendre de la place, toute la place? Cette conscience sans cesse entretenue et développée que le Christ est mon centre, ma source intérieure, ma vie, devient la voie d’une mystique ouverte et qui comme pédagogie procède par le récit, le partage d’expérience.
 
(23e et dernier texte de la série sur La joie de l’Évangile)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

vendredi 20 janvier 2017

Contempler Dieu le Miséricordieux pour devenir miséricordieux

Le pape François a mis à la base du Jubilé extraordinaire de la Miséricorde l’appel à contempler Dieu dont le nom est Miséricorde. C’est la condition fondamentale pour devenir nous-mêmes capables de vivre cette miséricorde et de la traduire dans les multiples œuvres de miséricorde. Le premier paragraphe de la bulle d’indiction de ce jubilé est un beau résumé du mystère à contempler.
 
« Jésus-Christ est le visage de la miséricorde du Père. Le mystère de la foi chrétienne est là tout entier. Devenue vivante et visible, elle atteint son sommet en Jésus de Nazareth. Le Père, “riche en miséricorde” (Ep 2, 4) après avoir révélé son nom à Moïse comme “Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité” (Ex 34, 6) n’a pas cessé de faire connaître sa nature divine de différentes manières et en de nombreux moments. Lorsqu’est venue la “plénitude des temps” (Ga 4, 4), quand tout fut disposé selon son dessein de salut, il envoya son Fils né de la Vierge Marie pour nous révéler de façon définitive son amour. Qui le voit a vu le Père (cf. Jn 14, 9). À travers sa parole, ses gestes, et toute sa personne Jésus de Nazareth révèle la miséricorde de Dieu. »
 
Dès le second paragraphe, le pape explicite le lien de cause à effet entre notre contemplation de la miséricorde divine et notre vie chrétienne marquée essentiellement par la miséricorde. Sans cette contemplation de Jésus, visage de la miséricorde du Père, nous ne saurons pas devenir miséricordieux.
 
« Nous avons toujours besoin de contempler le mystère de la miséricorde. Elle est source de joie, de sérénité et de paix. Elle est la condition de notre salut. Miséricorde est le mot qui révèle le mystère de la Sainte Trinité. La miséricorde, c’est l’acte ultime et suprême par lequel Dieu vient à notre rencontre. La miséricorde, c’est la loi fondamentale qui habite le cœur de chacun lorsqu’il jette un regard sincère sur le frère qu’il rencontre sur le chemin de la vie. La miséricorde, c’est le chemin qui unit Dieu et l’homme, pour qu’il ouvre son cœur à l’espérance d’être aimé pour toujours malgré les limites de notre péché. »
 
Il faut contempler le Christ pour suivre le Christ sur ses chemins de miséricorde. Pour accueillir dans sa vie l’œuvre de l’Esprit qui le sculpte à l’image du Fils qui est l’image du Père, le chrétien doit rester collé à Jésus par la prière et la contemplation de son visage. Le chrétien ne peut devenir miséricordieux comme son Père du ciel est miséricordieux que s’il puise à la source d’où découle cette miséricorde compatissante et bonne : le Cœur ouvert de Jésus sur la croix.
 
(22e texte d’une série sur La joie de l’Évangile)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

samedi 14 janvier 2017

Rendre grâce avant les repas

Dans son encyclique intitulée Laudato Si’, devenue un best-seller, le pape François donne une foule de conseils pratiques pour vivre en chrétiens et chrétiennes nos responsabilités par rapport à notre demeure commune, la terre, et face à l’humanité que nous partageons avec les multitudes humaines. En général, il nous invite à développer une attitude sereine devant les événements, les personnes, la nature : une attitude du cœur.
 
Il la décrit ainsi : « Une écologie intégrale implique de consacrer un peu de temps à retrouver l’harmonie sereine avec la création, à réfléchir sur notre style de vie et sur nos idéaux, à contempler le Créateur, qui vit parmi nous et dans ce qui nous entoure. » (225) En somme, il nous demande de vivre sérieusement notre foi dans la vie quotidienne!
 
Un bel exemple est son appel à rendre grâce à Dieu avant et après les repas : « Je propose aux croyants de renouer avec cette belle habitude et de la vivre en profondeur. Ce moment de la bénédiction, bien qu’il soit très bref, nous rappelle notre dépendance de Dieu pour la vie, il fortifie notre sentiment de gratitude pour les dons de la création, reconnaît ceux qui par leur travail fournissent ces biens, et renforce la solidarité avec ceux qui sont le plus dans le besoin. » (227)
 
Il situe cette simple attitude quotidienne dans un ensemble : « La préservation de la nature fait partie d’un style de vie qui implique une capacité de cohabitation et de communion. Jésus nous a rappelé que nous avons Dieu comme Père commun, ce qui fait de nous des frères. » L’amour fraternel ne peut être que gratuit. « C’est pourquoi il est possible d’aimer les ennemis. Cette même gratuité nous amène à aimer et à accepter le vent, le soleil ou les nuages, bien qu’ils ne se soumettent pas à notre contrôle. Voilà pourquoi nous pouvons parler d’une fraternité universelle. » (228)
 
Le pape reconnaît cette fraternité universelle dans sainte Thérèse de Lisieux. Elle ne perdait pas une l’occasion « d’un mot aimable, d’un sourire, de n’importe quel petit geste qui sème paix et amitié. Une écologie intégrale est aussi faite de simples gestes quotidiens par lesquels nous rompons la logique de la violence, de l’exploitation, de l’égoïsme. » (230)
 
Autre exemple de fraternité universelle : des personnes s’unissent dans leur quartier pour intervenir en faveur du bien commun en préservant l’environnement naturel et urbain. « Par exemple, elles s’occupent d’un lieu public (un édifice, une fontaine, un monument abandonné, un paysage, une place) pour protéger, pour assainir, pour améliorer ou pour embellir quelque chose qui appartient à tous. Autour d’elles, se développent ou se reforment des liens, et un nouveau tissu social local surgit. […]De cette façon, le monde et la qualité de vie des plus pauvres sont préservés, grâce à un sens solidaire qui est en même temps la conscience d’habiter une maison commune que Dieu nous a prêtée. Ces actions communautaires, quand elles expriment un amour qui se livre, peuvent devenir des expériences spirituelles intenses. » (232)
 
Ces citations suffisent pour nous convaincre que le texte de pape est très inspirant. Puisse-t-il rejoindre beaucoup de personnes et les orienter à développer leur foi chrétienne dans des actions en faveur de la maison commune que Dieu nous a prêtée.
 
(21e texte d’une série sur La joie de l’Évangile)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

samedi 7 janvier 2017

Une spiritualité écologique

« La grande richesse de la spiritualité chrétienne, générée par vingt siècles d’expériences personnelles et communautaires, offre une belle contribution à la tentative de renouveler l’humanité. Je veux proposer aux chrétiens quelques lignes d’une spiritualité écologique qui trouvent leur origine dans des convictions de notre foi, car ce que nous enseigne l’Évangile a des conséquences sur notre façon de penser, de sentir et de vivre. Il ne s’agit pas de parler tant d’idées, mais surtout de motivations qui naissent de la spiritualité pour alimenter la passion de la préservation du monde. Il ne sera pas possible, en effet, de s’engager dans de grandes choses seulement avec des doctrines, sans une mystique qui nous anime, sans les mobiles intérieurs qui poussent, motivent, encouragent et donnent sens à l’action personnelle et communautaire ». (EG 261) « Nous devons reconnaître que, nous les chrétiens, nous n’avons pas toujours recueilli et développé les richesses que Dieu a données à l’Église, où la spiritualité n’est déconnectée ni de notre propre corps, ni de la nature, ni des réalités de ce monde; la spiritualité se vit plutôt avec celles-ci et en elles, en communion avec tout ce qui nous entoure. » (LS 216)
 
Il faut lire et relire ce texte du pape François! Ses affirmations nous injectent un nouveau souffle de joie et de fierté : notre héritage chrétien est un trésor!
 
Le pape parle d’une « mystique » chrétienne apte à nous insuffler des pensées, des décisions, du courage pour nous engager résolument en faveur d’une écologie naturelle et humaine. En somme, la rencontre personnelle avec Jésus, avec l’Évangile, avec les prophètes de l’Ancien Testament nous donne de puissantes motivations pour une action décisive, en vue du bien commun de l’humanité et de la survie de notre planète et des espèces vivantes qui y habitent.
 
« La crise écologique est un appel à une profonde conversion intérieure. » Certains chrétiens, engagés et qui prient, ont l’habitude de se moquer des préoccupations pour l’environnement. D’autres sont passifs, ils ne se décident pas à changer leurs habitudes et ils deviennent incohérents. « Ils ont donc besoin d’une conversion écologique, qui implique de laisser jaillir toutes les conséquences de leur rencontre avec Jésus-Christ sur les relations avec le monde qui les entoure. Vivre la vocation de protecteurs de l’œuvre de Dieu est une part essentielle d’une existence vertueuse; cela n’est pas quelque chose d’optionnel ni un aspect secondaire dans l’expérience chrétienne. » (LS 217)
 
Humilité, sobriété, tendresse envers toutes les créatures vivantes, sérénité et paix du cœur dans nos relations avec les êtres vivants et les humains, style de vie qui favorise la cohabitation et la communion : voilà quelques attitudes à développer. Ces paragraphes sont à lire et à méditer pour les appliquer chacun dans sa vie personnelle et dans notre vie en communauté.
 
Oui, la relation personnelle avec Jésus le ressuscité est source d’une vitalité nouvelle dans nos engagements envers notre humanité et notre planète.
 
(20e texte d’une série sur La joie de l’Évangile)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau