dimanche 28 février 2016

Une économie qui détruit humanité et planète

Le sujet fut traité très vigoureusement par le pape François lors de son voyage en Bolivie. Dans un discours percutant aux mouvements populaires, il affirme leurs rôles irremplaçables pour analyser les structures qui détruisent « la fraternité, l’entraide, l’engagement, la soif de justice. » Il les appelle à continuer à s’engager dans un mouvement de conversion des cœurs. Il faut s’engager dans une globalisation de l’espérance!
 
Sa description de la situation est implacable. « On est en train de causer des dommages peut-être irréversibles à l’écosystème. On est en train de châtier la terre, les peuples et les personnes de façon presque sauvage. Et derrière tant de douleur, tant de mort et de destruction, on sent l’odeur de ce que Basile de Césarée – l’un des premiers théologiens de l’Église — appelait “le fumier du diable”; le désir sans retenue de l’argent qui commande. […] Cela ruine la société, condamne l’homme, le transforme en esclave, détruit la fraternité entre les hommes, oppose les peuples les uns aux autres, et comme nous le voyons, met même en danger notre maison commune, la sœur et mère terre. »
 
Que peut-on y faire? Entrer dans un processus de changement des cœurs. « Quand nous regardons le visage de ceux qui souffrent, le visage du paysan menacé, du travailleur exclu, de l'indigène opprimé, de la famille sans toit, du migrant persécuté, du jeune en chômage, de l'enfant exploité, de la mère qui a perdu son fils dans une fusillade parce que le quartier a été accaparé par le trafic de stupéfiants, du père qui a perdu sa fille parce qu'elle a été soumise à l'esclavage; quand nous nous rappelons ces “‘visages et ces noms”’, nous sommes profondément bouleversés face à tant de douleur et nous sommes émus, nous sommes tous émus. » Non pas par des statistiques, mais par les blessures, nos blessures dans notre chair.
 
Et le pape assigne comme tâche aux mouvements populaires de « mettre l'économie au service des peuples : les êtres humains et la nature ne doivent pas être au service de l'argent. Disons NON à une économie d'exclusion et d'injustice où l'argent règne au lieu de servir. Cette économie tue. Cette économie exclut. Cette économie détruit la Mère Terre. »  Il faut la transformer. « L'économie ne devrait pas être un mécanisme d'accumulation, mais l'administration adéquate de la maison commune. Cela implique de prendre jalousement soin de la maison et de distribuer convenablement les biens entre tous. »
 
Pour un chrétien, c’est un commandement de travailler à une juste distribution des biens.
 
(25e texte d'une série sur l'encyclique du pape François)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

dimanche 21 février 2016

Le coup de poing papal

Le pape nous rappelle fortement et fermement (48) les liens multiples entre ce qui se passe dans notre environnement et ce que vivent des milliards de pauvres, des nations complètes qui s’appauvrissent. La dégradation écologique, humaine et sociale actuelle affecte en tout premier lieu les pauvres. Nous ne devons pas séparer écologie, économie, finance, politique et éthique.
 
« Par exemple, l’épuisement des réserves de poissons nuit spécialement à ceux qui vivent de la pêche artisanale et n’ont pas les moyens de la remplacer; la pollution de l’eau touche particulièrement les plus pauvres qui n’ont pas la possibilité d’acheter de l’eau en bouteille, et l’élévation du niveau de la mer affecte principalement les populations côtières appauvries qui n’ont pas où se déplacer. L’impact des dérèglements actuels se manifeste aussi à travers la mort prématurée de beaucoup de pauvres, dans les conflits générés par manque de ressources et à travers beaucoup d’autres problèmes qui n’ont pas assez d’espace dans les agendas du monde. »
« Une vraie approche écologique se transforme toujours en une approche sociale, qui doit intégrer la justice dans les discussions sur l’environnement, pour écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres. » (49)
 
Voilà un véritable coup de poing à accueillir avec honnêteté!
 
(24e texte d'une série sur l'encyclique du pape François)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

mercredi 10 février 2016

Le carême comme expérience de la miséricorde de Dieu

Le pape François présente ce carême 2016 comme un temps particulier pour expérimenter dans nos propres vies et pour rayonner autour de nous la miséricorde de Dieu.
 
Que signifie le mot « miséricorde » dans la Bible? « Dans la tradition prophétique – et déjà au niveau étymologique – la miséricorde est étroitement liée aux entrailles maternelles (rahamim) et à une bonté généreuse, fidèle  et compatissante (hesed) qui s’exerce dans les relations conjugales et parentales. »
 
Tout au long de l’histoire sainte, qui est une histoire d’alliance, Dieu « se montre toujours riche en miséricorde, prêt à reverser sur lui en toutes circonstances une tendresse et une compassion viscérales, particulièrement dans les moments les plus dramatiques, lorsque l’infidélité brise le lien du pacte. » On y est en  face d’un drame d’amour où Dieu joue le rôle du père et du mari trompé, et Israël celui du fils ou de la fille, et de l’épouse infidèles. »
 
« Ce drame d’amour atteint son point culminant dans le Fils qui s’est fait homme. Dieu répand en lui sa miséricorde sans limites. » Jésus de Nazareth « est l’Époux qui met tout en œuvre pour conquérir l’amour de son Épouse. Il lui est lié par son amour inconditionnel qui se manifeste dans les noces éternelles avec elle. » La miséricorde « illustre le comportement de Dieu envers le pécheur, lui offrant une nouvelle possibilité de se repentir, de se convertir et de croire. » En Jésus Crucifié, Dieu veut rejoindre l’homme pécheur jusque dans son éloignement le plus extrême, précisément là où il s’est égaré et éloigné de Lui.
 
Transformés par la miséricorde de Dieu, nous devons être à notre tour miséricordieux. La tradition ecclésiale nous en a tracé le chemin en parlant des 14 œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles. C’est « une façon de réveiller notre conscience souvent endormie face au drame de la pauvreté, et de pénétrer toujours davantage le cœur de l’Évangile, où les pauvres sont les destinataires privilégiés de la miséricorde divine. »
 
« Si à travers les œuvres corporelles nous touchons la chair du Christ dans nos frères et nos sœurs qui ont besoin d’être nourris, vêtus, hébergés, visités, les œuvres spirituelles, quant à elles, - conseiller, enseigner, pardonner, avertir, prier - touchent plus directement notre condition de pécheurs. C’est pourquoi les œuvres corporelles et les œuvres spirituelles ne doivent jamais être séparées. »
 
Que sera mon carême cette année?
 
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

vendredi 5 février 2016

Tendresse de Jésus pour les malades

Les Évangiles nous montrent Jésus se faisant proche des personnes malades, frappées par toutes sortes de souffrances physiques, psychologiques et spirituelles. Il est le visage de Dieu plein de bonté, de tendresse et de miséricorde pour nous, les humains, ses créatures qu’il aime.
 
C’est ce que nous rappelle le pape François dans son message pour la 24e journée mondiale des malades, célébrée le 11 février. Célébrée chaque année dans tous les diocèses du monde, cette fête sera particulièrement vécue cette année en Terre Sainte, à Nazareth. C’est là que le Verbe s’est fait chair dans le sein de Marie. C’est là que Jésus a commencé sa mission de miséricorde envers tous les malades qu’il croisait sur son chemin ou vers qui il allait.
 
La maladie, surtout lorsqu’elle est grave, constitue une épreuve qui nous remplit d’interrogations, même de révoltes. D’où la tentation de penser que rien n’a plus de sens. « Dans ces situations, la foi en Dieu est, d’une part, mise à l’épreuve et, d’autre part, révèle en même temps toute sa puissance positive. Non parce que la foi fait disparaître la maladie, la douleur ou les problèmes qui en dérivent, mais parce qu’elle offre une clé avec laquelle nous pouvons découvrir le sens le plus profond de ce que nous sommes en train de vivre; une clé qui nous aide à voir que la maladie peut être la voie pour arriver à une proximité plus étroite avec Jésus, qui chemine à nos côtés, chargé de la croix. » (5)
 
Commentant les noces de Cana, le pape ajoute : « Nous avons une Mère qui a les yeux vigilants et pleins de bonté, comme son Fils; le cœur maternel et débordant de miséricorde, comme lui; les mains qui veulent aider, comme les mains de Jésus qui rompaient le pain pour celui qui avait faim, qui touchaient les malades et les guérissaient. Cela nous remplit de confiance et fait que nous nous ouvrons à la grâce et à la miséricorde du Christ. »
 
La tendresse de Marie et la compassion pleine de miséricorde de Jésus orientent nos cœurs vers une sollicitude renouvelée pour les personnes qui nous entourent, et particulièrement pour les malades.
 
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau