lundi 25 août 2014

La disparité sociale


« La nécessité de résoudre les causes structurelles de la pauvreté ne peut attendre », affirme vigoureusement le pape François (La joie de l’Évangile par. 202). Les plans d’assistance qui font face à certaines urgences ne sont que des réponses provisoires. « Tant que ne seront pas résolus radicalement les problèmes des pauvres, en renonçant à l’autonomie absolue des marchés et de la spéculation financière, et en attaquant les causes structurelles de la disparité sociale, les problèmes du monde ne seront pas résolus, ni en définitive aucun problème. La disparité sociale est la racine des maux de la société. »
 
Le système économique mondial n’aime pas de telles prises de parole! « C’est gênant de parler d’éthique, c’est gênant de parler de solidarité mondiale, c’est gênant de parler de distribution des biens, c’est gênant de parler de défendre les emplois, c’est gênant de parler de la dignité des faibles, c’est gênant de parler d’un Dieu qui exige un engagement pour la justice. » Et le pape ajoute : «La vocation d’entrepreneur est un noble travail, il doit se laisser toujours interroger par un sens plus large de la vie; ceci lui permet de servir vraiment le bien commun, par ses efforts de multiplier et rendre plus accessibles à tous les biens de ce monde. »
 
« Nous ne pouvons plus avoir confiance dans les forces aveugles et dans la main invisible du marché. La croissance dans l’équité exige quelque chose de plus que la croissance économique, bien qu’elle la suppose; elle demande des décisions, des programmes, des mécanismes et des processus spécifiquement orientés vers une meilleure distribution des revenus, la création d’opportunités d’emplois, une promotion intégrale des pauvres qui dépasse le simple assistanat. »
 
Et encore ici, le pape nous ouvre son cœur. « Si quelqu’un se sent offensé par mes paroles, je lui dis que je les exprime avec affection et avec la meilleure des intentions, loin d’un quelconque intérêt personnel ou d’idéologie politique. Ma parole n’est pas celle d’un ennemi ni d’un opposant. Seul m’intéresse de faire en sorte que ceux qui sont esclaves d’une mentalité individualiste, indifférente et égoïste puissent se libérer de ces chaînes si indignes, et adoptent un style de vie et de pensée plus humain, plus noble, plus fécond, qui confère dignité à leur passage sur cette terre. »
 
Que puis-je faire dans mon milieu pour sensibiliser entrepreneurs et politiciens à cet appel papal?
(38e texte d’une série sur la joie)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

lundi 18 août 2014

L’option pour les pauvres

La Bible témoigne que les pauvres ont une place de choix dans le cœur miséricordieux de Dieu. Cette préférence divine a des conséquences dans la vie de foi de tous les chrétiens, appelés à avoir « les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus » (Ph 2, 5). L’Église doit opter pour la même préférence et affirme son option pour les pauvres.
 
« Pour cette raison, commente le pape François (dans La joie de l'Évangile par. 198), je désire une Église pauvre pour les pauvres. Ils ont beaucoup à nous enseigner. » Par leurs propres souffrances, ils connaissent le Christ souffrant. Il est nécessaire que tous nous nous laissions évangéliser par eux. « La nouvelle évangélisation est une invitation à reconnaître la force salvifique de leurs existences, et à les mettre au centre du cheminement de l’Église. Nous sommes appelés à découvrir le Christ en eux, à prêter notre voix à leurs causes, mais aussi à être leurs amis, à les écouter, à les comprendre et à accueillir la mystérieuse sagesse que Dieu veut nous communiquer à travers eux. »
 
Cette priorité appelle une attention aimante à la personne du pauvre, une proximité réelle et cordiale.  « Cela implique de valoriser le pauvre dans sa bonté propre, avec sa manière d’être, avec sa culture, avec sa façon de vivre la foi. Le véritable amour est toujours contemplatif, il nous permet de servir l’autre non par nécessité ni par vanité, mais parce qu’il est beau, au-delà de ses apparences. »
 
Et le pape conclut : « Personne ne peut se sentir exempté de la préoccupation pour les pauvres et pour la justice sociale. » Et avec émotion et grande franchise, il nous dit ses appréhensions. « Je crains que ces paroles fassent seulement l’objet de quelques commentaires sans véritables conséquences pratiques. Malgré tout, j’ai confiance dans l’ouverture et dans les bonnes dispositions des chrétiens, et je vous demande de rechercher communautairement de nouveaux chemins pour accueillir cette proposition renouvelée. »
 
Comment une telle interpellation, si directe et émouvante, me rejoint, me pousse à l’action?
(37e texte d’une série sur la joie)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

lundi 11 août 2014

Confession de la foi et engagement social

Le pape François s’est vite fait connaître comme une personne engagée envers les personnes pauvres, rejetées, marginalisées, exploitées, et cela au nom de sa foi. Dans son texte-programme intitulé La joie de l’Évangile, il explique très longuement cette priorité dans sa vie et dans celle de l’Église (par. 176-258).
 
Il pose dès le début de ces réflexions le phare qui éclaire son chemin : « Le kérygme possède un contenu inévitablement social : au cœur même de l’Évangile, il y a la vie communautaire et l’engagement avec les autres. Le contenu de la première annonce a une répercussion morale immédiate dont le centre est la charité. »
 
Confesser un Père qui aime infiniment chaque être humain implique de découvrir la dignité infinie de cet être. Confesser que Jésus a donné son sang pour nous nous empêche de maintenir le moindre doute sur l’amour sans limites qui ennoblit tout être humain. Confesser que l’Esprit Saint agit en tous implique de reconnaître qu’il cherche à pénétrer dans chaque situation humaine et dans tous les liens sociaux afin de dénouer les nœuds même les plus complexes et les plus inextricables.
 
« À partir du cœur de l’Évangile, nous reconnaissons la connexion intime entre évangélisation et promotion humaine, qui doit nécessairement s’exprimer et se développer dans toute l’action évangélisatrice. L’acceptation de la première annonce, qui invite à se laisser aimer de Dieu et à l’aimer avec l’amour que lui-même nous communique, provoque dans la vie de la personne et dans ses actions une réaction première et fondamentale : désirer, chercher et avoir à cœur le bien des autres. »
 
Ce lien indissoluble entre l’accueil de l’Évangile et un amour fraternel effectif, spécialement pour les pauvres, est fréquemment exprimé dans l’Écriture. Ce que disent ces textes c’est la priorité absolue de « la sortie de soi vers le frère. » Ce service de la charité est « une dimension constitutive de la mission de l’Église et il constitue une expression de son essence-même». Il s’agit de la charité effective pour le prochain, la compassion qui comprend, assiste et promeut.
 
«Personne ne peut exiger de nous que nous reléguions la religion dans la secrète intimité des personnes, sans aucune influence sur la vie sociale et nationale, sans se préoccuper de la santé des institutions de la société civile, sans s’exprimer sur les événements qui intéressent les citoyens. Qui oserait enfermer dans un temple et faire taire le message de saint François d’Assise et de la bienheureuse Teresa de Calcutta? »  Une foi authentique implique toujours un profond désir de changer le monde, de transmettre des valeurs, de laisser quelque chose de meilleur après notre passage sur la terre, qui « est notre maison commune et nous sommes tous frères. » L’Église ne peut ni ne doit rester à l’écart dans la lutte pour la justice, l’ordre social et le bien commun.
 
Ai-je déjà réfléchi à ce lien essentiel entre l’Évangile et l’engagement social? Est-ce que vis de tels engagements au nom de ma foi?
(36e texte d’une série sur la joie)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

jeudi 7 août 2014

L’accompagnement spirituel

L’accompagnement personnel assure une aide précieuse dans le processus de croissance de la foi et de la vie chrétienne. C’est ce que le pape François montre très concrètement dans La joie de l’Évangile (par. 169ss). « Dans une civilisation paradoxalement blessée par l’anonymat et, en même temps, obsédée par les détails de la vie des autres, malade de curiosité morbide, l’Église a besoin d’un regard de proximité pour contempler, s’émouvoir et s’arrêter devant l’autre chaque fois que cela est nécessaire. » Il s’agit de «rendre présent le parfum de la présence proche de Jésus et son regard personnel. »
 
Cet « art de l’accompagnement » nous apprend à ôter nos  sandales devant la terre sacrée de l’autre (cf. Ex 3, 5). « Nous devons donner à notre chemin le rythme salutaire de la proximité, avec un regard respectueux et plein de compassion mais qui en même temps guérit, libère et encourage à mûrir dans la vie chrétienne. »
 
Cet art exige prudence, compréhension, capacité d’attendre, docilité à l’Esprit. Y est essentielle la capacité d’écoute, « qui est plus que le fait d’entendre. » Car écouter exige la proximité, sans laquelle il n’existe pas une véritable rencontre spirituelle. Et il y faut toujours la patience. Il s’agit d'orienter les personnes vers leur maturité afin qu’elles soient capables de décisions vraiment libres et responsables. Pour cela, il est indispensable de donner du temps, avec une immense patience.
 
« Dans tous les cas, un bon accompagnateur ne cède ni au fatalisme ni à la pusillanimité. Il invite toujours à vouloir se soigner, à se relever, à embrasser la croix, à tout laisser, à sortir toujours de nouveau pour annoncer l’Évangile. L’expérience personnelle de nous laisser accompagner et soigner, réussissant à exprimer en toute sincérité notre vie devant celui qui nous accompagne, nous enseigne à être patients et compréhensifs avec les autres, et nous met en mesure de trouver les façons de réveiller en eux la confiance, l’ouverture et la disposition à grandir. »
 
Suis-je accompagné dans mon cheminement spirituel? Ai-je déjà pratiqué cet art? Si oui, j’en ai tiré quelle sagesse?
(35e texte d’une série sur la joie)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

lundi 4 août 2014

Une catéchèse kérygmatique

Le kérygme, c’est la première annonce de la foi et en même temps un appel à la croissance de cette foi. C'est ce que le pape développe dans La joie de l’Évangile (par. 160 ss), sous le titre : « Une évangélisation pour l’approfondissement du kérygme ». La catéchèse est au service de cette croissance.
 
La première annonce de la foi garde sa place fondamentale dans cette catéchèse. « Sur la bouche du catéchiste revient toujours la première annonce : “Jésus Christ t’aime, il a donné sa vie pour te sauver, et maintenant il est vivant à tes côtés chaque jour pour t’éclairer, pour te fortifier, pour te libérer”. Quand nous disons que cette annonce est “la première”, cela ne veut pas dire qu’elle se trouve au début et qu’après elle est oubliée ou remplacée par d’autres contenus qui la dépassent. Elle est première au sens qualitatif, parce qu’elle est l’annonce principale, celle que l’on doit toujours écouter de nouveau de différentes façons et que l’on doit toujours annoncer de nouveau durant la catéchèse sous une forme ou une autre, à toutes ses étapes et ses moments. »
 
« Il n’y a rien de plus solide, de plus profond, de plus sûr, de plus consistant et de plus sage que cette annonce. Toute la formation chrétienne est avant tout l’approfondissement du kérygme qui se fait chair toujours plus et toujours mieux. » Rien ne répond mieux à la soif d’infini de chaque cœur humain.
 
Pour respecter cette centralité du kérygme, toute catéchèse doit avoir certaines caractéristiques :
·         exprimer l’amour salvifique de Dieu préalable à l’obligation morale et religieuse;
·         ne pas imposer la vérité, mais faire appel à la liberté;
·         posséder certaines notes de joie, d’encouragement, de vitalité. Ce qui exige du catéchète : proximité, ouverture au dialogue, patience, accueil cordial qui ne condamne pas.
 
De plus, cette catéchèse doit être une initiation mystagogique. «  La rencontre catéchétique est une annonce de la Parole et est centrée sur elle, mais elle a toujours besoin d’un environnement adapté et d’une motivation attirante, de l’usage de symboles parlants, de l’insertion dans un vaste processus de croissance et de l’intégration de toutes les dimensions de la personne dans un cheminement communautaire d’écoute et de réponse. » Et le pape signale le rôle de la beauté dans ce processus.
 
Et comment y présenter la morale? Il importe d’indiquer toujours le bien désirable, la proposition de vie, de maturité, de réalisation, de fécondité. « Plus que comme experts en diagnostics apocalyptiques ou jugements obscurs qui se complaisent à identifier chaque danger ou déviation, il est bien qu’on puisse nous regarder comme de joyeux messagers de propositions élevées, gardiens du bien et de la beauté qui resplendissent dans une vie fidèle à l’Évangile. »
 
Comment ces quelques orientations sur une catéchèse évangélisatrice me rejoignent, me stimulent? Que puis-je en faire dans ma condition de vie?
(34e texte d’une série sur la joie)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau