vendredi 28 février 2014

François et 3 formes de misère

Dans son message pour le carême 2014, le pape distingue la misère de la pauvreté. « La misère est la pauvreté sans confiance, sans solidarité, sans espérance. » Puis il décrit trois formes de misère.
 
« La misère matérielle est celle qui est appelée communément pauvreté et qui frappe tous ceux qui vivent dans une situation contraire à la dignité de la personne humaine : ceux qui sont privés des droits fondamentaux et des biens de première nécessité comme la nourriture, l’eau et les conditions d’hygiène, le travail, la possibilité de se développer et de croître culturellement. » Les chrétiens voient dans ces laissés-pour-compte « le visage du Christ; en aimant et en aidant les pauvres nous aimons et nous servons le Christ. » Il importe d’en avoir soin, mais aussi de faire en sorte que cessent ces atteintes à la dignité humaine, par une distribution équitable des richesses. « Il est nécessaire que les consciences se convertissent à la justice, à l’égalité, à la sobriété et au partage. »
 
La misère morale « consiste à se rendre esclave du vice et du péché. Combien de familles sont dans l’angoisse parce que quelques-uns de leurs membres – souvent des jeunes – sont dépendants de l’alcool, de la drogue, du jeu, de la pornographie! Combien de personnes ont perdu le sens de la vie, sont sans perspectives pour l’avenir et ont perdu toute espérance! Et combien de personnes sont obligées de vivre dans cette misère à cause de conditions sociales injustes, du manque de travail qui les prive de la dignité de ramener le pain à la maison, de l’absence d’égalité dans les droits à l’éducation et à la santé. Dans ces cas, la misère morale peut bien s’appeler début de suicide. »
 
La misère spirituelle nous frappe « lorsque nous nous éloignons de Dieu et refusons son amour. » Nous pensons alors nous suffire à nous-mêmes, mais nous nous engageons sur la voie de l’échec. « Seul Dieu nous sauve et nous libère vraiment. »
 
L’Évangile, message de miséricorde et d’espérance, est l'antidote véritable contre cette misère spirituelle et aussi remède dans la misère morale.  « Il est beau d’expérimenter la joie de répandre cette bonne nouvelle, de partager ce trésor qui nous a été confié pour consoler les cœurs brisés et donner l’espérance à tant de frères et de sœurs qui sont entourés de ténèbres. Il s’agit de suivre et d’imiter Jésus qui est allé vers les pauvres et les pécheurs comme le berger est allé à la recherche de la brebis perdue, et il y est allé avec tout son amour. Unis à Lui, nous pouvons ouvrir courageusement de nouveaux chemins d’évangélisation et de promotion humaine. »
Bon carême!
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

dimanche 23 février 2014

Les grands textes bibliques sur la joie

Dans son exhortation apostolique sur La joie de l’Évangile, le pape François nous offre une sélection de textes bibliques sur la joie. Je me limite à reproduire ce florilège. Pour situer les textes dans leur contexte, on peut aller à notre Bible personnelle, ou consulter la traduction liturgique, ou encore toute autre traduction dont on trouve les principales sur le site ici indiqué.
 
« Les livres de l’Ancien Testament avaient annoncé la joie du salut, qui serait devenue surabondante dans les temps messianiques. Le prophète Isaïe s’adresse au Messie attendu en le saluant avec joie : “Tu as multiplié la nation, tu as fait croître sa joie” (9, 2). Et il encourage les habitants de Sion à l’accueillir parmi les chants : “Pousse des cris de joie, des clameurs” (12, 6). Qui l’a déjà vu à l’horizon, le prophète l’invite à se convertir en messager pour les autres : “Monte sur une haute montagne, messagère de Sion; élève et force la voix, messagère de Jérusalem” (40, 9). Toute la création participe à cette joie du salut : “Cieux criez de joie, terre, exulte, que les montagnes poussent des cris, car le Seigneur a consolé son peuple, il prend en pitié ses affligés” (49, 13).
 
« Voyant le jour du Seigneur, Zacharie invite à acclamer le Roi qui arrive, ‘humble, monté sur un âne’ : ‘Exulte avec force, fille de Sion ! Crie de joie, fille de Jérusalem ! Voici que ton roi vient à toi : il est juste et victorieux’ (Za 9, 9). Cependant, l’invitation la plus contagieuse est peut-être celle du prophète Sophonie, qui nous montre Dieu lui-même comme un centre lumineux de fête et de joie qui veut communiquer à son peuple ce cri salvifique. Relire ce texte me remplit de vie : ‘Le Seigneur ton Dieu est au milieu de toi, héros sauveur ! Il exultera pour toi de joie, il tressaillira dans son amour; il dansera pour toi avec des cris de joie’ (3, 17). ‘C’est la joie qui se vit dans les petites choses de l’existence quotidienne, comme réponse à l’invitation affectueuse de Dieu notre Père : ‘Mon fils, dans la mesure où tu le peux, traite-toi bien […] Ne te prive pas du bonheur d’un jour’ (Si 14, 11.14). Que de tendresse paternelle s’entrevoit derrière ces paroles !
 
« L’Évangile, où resplendit glorieuse la Croix du Christ, invite avec insistance à la joie. Quelques exemples suffisent : ‘Réjouis-toi’ est le salut de l’ange à Marie (Lc 1, 28). La visite de Marie à Élisabeth fait en sorte que Jean tressaille de joie dans le sein de sa mère (cf. Lc 1, 41). Dans son cantique, Marie proclame : ‘Mon esprit tressaille de joie en Dieu mon Sauveur’ (Lc 1, 47). Quand Jésus commence son ministère, Jean s’exclame : ‘Telle est ma joie, et elle est complète’ (Jn 3, 29). Jésus lui-même ‘tressaillit de joie sous l’action de l’Esprit-Saint’ (Lc 10, 21). Son message est source de joie : ‘Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète’ (Jn 15, 11). Notre joie chrétienne jaillit de la source de son cœur débordant. Il promet aux disciples : ‘Vous serez tristes, mais votre tristesse se changera en joie’ (Jn 16, 20). Et il insiste : ‘Je vous verrai de nouveau et votre cœur sera dans la joie, et votre joie, nul ne vous l’enlèvera (Jn 16, 22). Par la suite, les disciples, le voyant ressuscité ‘furent remplis de joie’ (Jn 20, 20). Le Livre des Actes des Apôtres raconte que dans la première communauté ils prenaient ‘leur nourriture avec allégresse’ (Ac 2, 46). Là où les disciples passaient ‘la joie fut vive’ (8, 8), et eux, dans les persécutions ‘étaient remplis de joie’ (13, 52). Un eunuque, qui venait d’être baptisé, poursuivit son chemin tout joyeux’ (8, 39), et le gardien de prison ‘se réjouit avec tous les siens d’avoir cru en Dieu’ (16, 34). Pourquoi ne pas entrer nous aussi dans ce fleuve de joie? » (Par. 4-5)
 
Voilà un filon à creuser. Ou pour prendre une autre image : voilà une abondante nourriture à manger puis à ruminer pour qu’elle devienne notre chair, notre cœur, notre vie.
 
Mais est-ce que je suis prêt à y mettre du temps? Un temps disponible à l’Autre? Un temps silencieux?
 
Puis seul l’Esprit-Saint peut me faire goûter la saveur de ces textes et me les faire assimiler. Est-ce que je le prie régulièrement, Lui demandant cette intelligence du cœur qui me fera recevoir la joie qui m’est ainsi offerte?
(4e texte d’une série sur la joie)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

jeudi 20 février 2014

François et sa définition de la pauvreté

Dans son message du carême 2014, le pape pose la question : « Quelle est-elle cette pauvreté, grâce à laquelle Jésus nous délivre et nous rend riches? C’est justement sa manière de nous aimer, de se faire proche de nous, tel le Bon Samaritain qui s’approche de l’homme laissé à moitié mort sur le bord de la route (cf. Lc 10, 25ss). Ce qui nous donne la vraie liberté, le vrai salut, le vrai bonheur, c’est son amour de compassion, de tendresse et de partage. »
 
Et il ajoute : « La pauvreté du Christ est la plus grande richesse : Jésus est riche de sa confiance sans limite envers le Père, de pouvoir compter sur Lui à tout moment, en cherchant toujours et seulement la volonté et la gloire du Père. Il est riche comme est riche un enfant qui se sent aimé et qui aime ses parents et ne doute pas un seul instant de leur amour et de leur tendresse. »
 
Ce chemin de pauvreté se limite-t-il à Jésus? Non! « À chaque époque et dans chaque lieu, Dieu continue à sauver les hommes et le monde grâce à la pauvreté du Christ, qui s’est fait pauvre dans les sacrements, dans la Parole, et dans son Église, qui est un peuple de pauvres. La richesse de Dieu ne peut nous rejoindre à travers notre richesse, mais toujours et seulement à travers notre pauvreté personnelle et communautaire, vivifiée par l’Esprit du Christ. »
 
Voilà le chemin que le pape nous propose, non seulement pour le carême 2014, mais comme style de vie : recevoir de l’Esprit un cœur nouveau, filial envers Dieu et fraternel envers tout être humain.

Bon carême qui approche!
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

vendredi 14 février 2014

La source jaillissante de la joie


D’emblée, le pape François, dans son exhortation apostolique sur La joie de l’Évangile, indique cette source : « Avec Jésus Christ la joie naît et renaît toujours. » (par. 1).
 
C’est quand on écoute la voix de Dieu, qu’on jouit de la douce joie de son amour. Et alors nous est donné « l’enthousiasme de faire le bien » qui palpite en nous. (par.2) Cette voix de Dieu, comme l’a abondamment expliqué Benoît XVI dans son exhortation postsynodale sur la Parole de Dieu, c’est Jésus lui-même, Lumière pour nos intelligences et nos cœurs, Force dans nos faiblesses et source de toute joie. (par.2) Alors, nos joies « puisent à la source de l’amour toujours plus grand de Dieu qui s’est manifesté en Jésus Christ. » (par. 7)
 
Personne n’est exclu de cette joie qu’apporte le Seigneur. Aussi le pape se fait insistant : « J’invite chaque chrétien, en quelque lieu et situation où il se trouve, à renouveler aujourd’hui même sa rencontre personnelle avec Jésus Christ ou, au moins, à prendre la décision de se laisser rencontrer par lui, de le chercher chaque jour sans cesse. » (par. 3) 
 
La source de toute joie chrétienne est donc la rencontre évangélique avec le Christ Jésus, Fils de Dieu venu parmi nous pour nous appeler au bonheur de devenir enfant de Dieu par la foi. Il est l’Amour de Dieu venu dans notre chair de faiblesse pour nous offrir la joie de consentir à être aimés par Dieu. « C’est seulement grâce à cette rencontre – ou nouvelle rencontre – avec l’amour de Dieu, qui se convertit en heureuse amitié, que nous sommes délivrés de notre conscience isolée et de l’auto-référence. Nous parvenons à être pleinement humains quand nous sommes plus qu’humains, quand nous permettons à Dieu de nous conduire au-delà de nous-mêmes pour que nous parvenions à notre être le plus vrai. Là se trouve la source de l’action évangélisatrice. Parce que, si quelqu’un a accueilli cet amour qui lui redonne le sens de la vie, comment peut-il retenir le désir de le communiquer aux autres? » (par. 8)
 
La joie de la rencontre amicale avec Jésus Ressuscité conduit à la joie évangélisatrice.
 
Suis-je assoiffé de cette source?
 
Comment est-ce que je la recherche au cœur de mes déserts?
 
Source vivante, est-elle déjà venue à moi? Comment l’ai-je accueillie?

(3e texte d’une série sur la joie)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

dimanche 9 février 2014

François et la logique de l’amour

Le message du carême 2014 du pape François commence par une réflexion sur le style de Dieu. Ce texte est très éclairant sur les options de ce pape qui cherche à vivre ce style de Dieu parmi nous et nous incite à aller dans ce sens.
 
« Dieu ne se révèle pas par les moyens de la puissance et de la richesse du monde, mais par ceux de la faiblesse et la pauvreté : “Lui qui est riche, il est devenu pauvre à cause de vous …”. » Et le pape explicite la venue de Jésus, Fils de Dieu, parmi nous: « C’est l’amour divin qui en est la cause, un amour qui est grâce, générosité, désir d’être proche et qui n’hésite pas à se donner, à se sacrifier pour ses créatures bien-aimées. La charité, l’amour, signifient partager en tout le sort du bien-aimé. L’amour rend semblable, il crée une égalité, il abat les murs et les distances. C’est ce qu’a fait Dieu pour nous. »
 
François ajoute une stimulante synthèse de la logique de Dieu, de la logique de l’amour, de la logique de l’Incarnation et de la Croix. « Dieu n’a pas fait tomber sur nous le salut depuis le haut, comme le ferait celui qui donne en aumône de son superflu avec un piétisme philanthropique. »
 
Et il explique au sujet du baptême que Jésus a voulu recevoir : « Il ne le fait pas par pénitence, ou parce qu’il a besoin de conversion ; il le fait pour être au milieu des gens, de ceux qui ont besoin du pardon, pour être au milieu de nous, qui sommes pécheurs, et pour se charger du poids de nos péchés. Voilà la voie qu’il a choisie pour nous consoler, pour nous sauver, pour nous libérer de notre misère. »
 
Quelle belle synthèse des manières de Dieu avec nous! Suivre Jésus, croire en Lui, c’est développer en nous aussi de tels comportements.  
Bon carême qui approche! 
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

vendredi 7 février 2014

La joie

Par le titre même de son exhortation apostolique, La joie de l'Évangile, François nous dit qu’il accorde une très grande place dans son programme pour toute l’Église à cette émotion profonde, à cette jouissance paisible de l'âme qui transforme la vie. Les premières lignes de son texte le confirment : « La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. Ceux qui se laissent sauver par lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement. Avec Jésus Christ la joie naît et renaît toujours. » (par. 1) Il ajoute qu’il invite tous les fidèles « à une nouvelle étape évangélisatrice marquée par cette joie. »
 
Cette joie est la réponse apportée par le discernement spirituel et pastoral du pape, qui, ne l’oublions pas, est un jésuite disciple de saint Ignace : « Le grand risque du monde d’aujourd’hui, avec son offre de consommation multiple et écrasante, est une tristesse individualiste qui vient du cœur bien installé et avare, de la recherche malade de plaisirs superficiels, de la conscience isolée. Quand la vie intérieure se ferme sur ses propres intérêts, il n’y a plus de place pour les autres, les pauvres n’entrent plus, on n’écoute plus la voix de Dieu, on ne jouit plus de la douce joie de son amour, l’enthousiasme de faire le bien ne palpite plus. » (par. 2)
 
Ainsi beaucoup « se transforment en personnes vexées, mécontentes, sans vie. Ce n’est pas le choix d’une vie digne et pleine, ce n’est pas le désir de Dieu pour nous, ce n’est pas la vie dans l’Esprit qui jaillit du cœur du Christ ressuscité. »
 
Ce diagnostic produit par le discernement spirituel de François me pose bien des questions. Est-ce que j’y reconnais quelques traits du monde où je vis ? Sur quoi m’ouvre-t-il les yeux, que je n’avais pas remarqué auparavant?
 
Et moi, quelle est la qualité, la profondeur, la puissance dynamique de ma joie ? Ou suis-je submergé par l’inquiétude et la peur ? Ai-je « un air de Carême sans Pâques » ? (par. 6)
 
Quelle prière ça suscite en moi ? Je reprends le cri du psalmiste : « Rends-moi la joie d'être sauvé ; que l'esprit généreux me soutienne. »
(2e texte d’une série sur la joie)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau