samedi 28 novembre 2015

Dégradation de l’environnement et appauvrissement

Le pape nous rappelle fortement (48) les liens très multiples entre ce qui se passe dans notre environnement et ce que vivent des milliards de pauvres, des nations complètes qui s’appauvrissent. La dégradation écologique, humaine et sociale actuelle affecte en tout premier lieu les pauvres. Nous ne devons pas séparer écologie, économie, finance, politique et éthique.
 
« Par exemple, l’épuisement des réserves de poissons nuit spécialement à ceux qui vivent de la pêche artisanale et n’ont pas les moyens de la remplacer; la pollution de l’eau touche particulièrement les plus pauvres qui n’ont pas la possibilité d’acheter de l’eau en bouteille, et l’élévation du niveau de la mer affecte principalement les populations côtières appauvries qui n’ont pas où se déplacer. L’impact des dérèglements actuels se manifeste aussi à travers la mort prématurée de beaucoup de pauvres, dans les conflits générés par manque de ressources et à travers beaucoup d’autres problèmes qui n’ont pas assez d’espace dans les agendas du monde. »
 
« Une vraie approche écologique se transforme toujours en une approche sociale, qui doit intégrer la justice dans les discussions sur l’environnement, pour écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres. » (49)
 
Voilà un véritable coup de poing à accueillir avec honnêteté!
 
(20e texte d'une série sur l'encyclique du pape François)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

samedi 21 novembre 2015

Les multiples problèmes environnementaux

Le pape François, dans son texte fondamental sur l’environnement (4), nous rappelle une parole prononcée par Paul VI en 1971. Ce dernier reconnaissait déjà à cette époque que la problématique écologique conduisait à une crise aux conséquences dramatiques pour la terre et pour les humains. « Par une exploitation inconsidérée de la nature [l’être humain] risque de la détruire et d’être à son tour la victime de cette dégradation ». (21) Paul VI notait déjà que les retombées de la civilisation industrielle risquaient de conduire à une véritable catastrophe écologique. Et il en appelait à un urgent et radical changement dans le comportement de l’humanité.
 
Est-ce que cet appel très clair a été entendu? Où en sommes-nous 45 ans plus tard? Le pape François le répète sans ambages! Avec sagesse et accueillant le meilleur des connaissances scientifiques actuelles, il affirme les hauts risques auxquels l’humanité est confrontée dans une large échelle de problèmes environnementaux : changement du climat, déforestation, pollution de l’air, perte de la biodiversité.
 
Et le pape fait entendre plus fortement que jamais un appel à tous les humains. « Le défi urgent de sauvegarder notre maison commune inclut la préoccupation d’unir toute la famille humaine dans la recherche d’un développement durable et intégral, car nous savons que les choses peuvent changer. » (13) Nous avons de multiples raisons d’oser avec confiance nous y engager! « Le Créateur ne nous abandonne pas, jamais il ne fait marche arrière dans son projet d’amour, il ne se repent pas de nous avoir créés. L’humanité possède encore la capacité de collaborer pour construire notre maison commune. » Et François ajoute : « Je souhaite saluer, encourager et remercier tous ceux qui, dans les secteurs les plus variés de l’activité humaine, travaillent pour assurer la sauvegarde de la maison que nous partageons. »
 
Et il insiste sur le fait que ces dommages à l’environnement ont des conséquences dramatiques « sur la vie des plus pauvres dans le monde. » Les jeunes aussi réclament de l’action, car « ils se demandent comment il est possible de prétendre construire un avenir meilleur sans penser à la crise de l’environnement et aux souffrances des exclus. »
 
Un tel appel rejoint-il mon cœur, ma pensée, mes mains?
 
(19e texte d'une série sur l'encyclique du pape François)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

vendredi 13 novembre 2015

Laisser une planète habitable

« On ne peut plus parler de développement durable sans une solidarité intergénérationnelle. Quand nous pensons à la situation dans laquelle nous laissons la planète aux générations futures, nous entrons dans une autre logique, celle du don gratuit que nous recevons et que nous communiquons. Si la terre nous est donnée, nous ne pouvons plus penser seulement selon un critère utilitariste d’efficacité et de productivité pour le bénéfice individuel. » (Pape François 159) Nous sommes devant une question fondamentale de justice : la terre appartient aussi à ceux qui viendront après nous. Elle est « un prêt que chaque génération reçoit et doit transmettre à la génération suivante ».
 
Quel monde voulons-nous laisser aux enfants qui grandissent? « Les prévisions catastrophistes ne peuvent plus être considérées avec mépris ni ironie. Nous pourrions laisser trop de décombres, de déserts et de saletés aux prochaines générations. Le rythme de consommation, de gaspillage et de détérioration de l’environnement a dépassé les possibilités de la planète, à tel point que le style de vie actuel, parce qu’il est insoutenable, peut seulement conduire à des catastrophes, comme, de fait, cela arrive déjà périodiquement dans diverses régions. » (François 161)
 
Nous avons de grandes difficultés à prendre au sérieux ce défi. C’est là la conséquence d’une mentalité qui devient profondément individualiste. « Beaucoup de problèmes sociaux sont liés à la vision égoïste actuelle axée sur l’immédiateté, aux crises des liens familiaux et sociaux, aux difficultés de la reconnaissance de l’autre. […]  En outre, notre incapacité à penser sérieusement aux générations futures est liée à notre incapacité à élargir notre conception des intérêts actuels et à penser à ceux qui demeurent exclus du développement. Ne pensons pas seulement aux pauvres de l’avenir, souvenons-nous déjà des pauvres d’aujourd’hui, qui ont peu d’années de vie sur cette terre et ne peuvent pas continuer d’attendre. »
 
Pour construire la paix dans notre génération et dans les générations futures, il faut veiller à la santé de notre planète.
 
(18e texte d'une série sur l'encyclique du pape François)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

vendredi 6 novembre 2015

Technologie et environnement

« Nous sommes les héritiers de deux siècles d’énormes vagues de changement : la machine à vapeur, le chemin de fer, le télégraphe, l’électricité, l’automobile, l’avion, les industries chimiques, la médecine moderne, l’informatique, et, plus récemment, la révolution digitale, la robotique, les biotechnologies et les nanotechnologies. » (102) Voilà comment le pape François résume ces extraordinaires poussées de la technoscience.   Ces progrès sont enthousiasmants et ouvrent à de nouvelles possibilités. Depuis ses débuts, l’humanité modifie la nature à des fins utiles. « Nous ne pouvons pas ne pas valoriser ni apprécier le progrès technique, surtout dans la médecine, l’ingénierie et les communications. Et comment ne pas reconnaître tous les efforts de beaucoup de scientifiques et de techniciens qui ont apporté des alternatives pour un développement durable? »
 
Mais le pape note aussi que « nous ne pouvons pas ignorer que l’énergie nucléaire, la biotechnologie, l’informatique, la connaissance de notre propre ADN et d’autres capacités que nous avons acquises, nous donnent un terrible pouvoir. » (104) Et rien ne garantit qu’on s’en servira toujours bien. Pensons aux bombes atomiques lancées en plein XXe siècle, au déploiement technologique étalé par le nazisme, par le communisme et par d’autres régimes totalitaires au service de l’extermination de millions de personnes.
 
Aujourd’hui, la logique qui se développe est celle de maximiser les profits. « Ce qui intéresse c’est d’extraire tout ce qui est possible des choses par l’imposition de la main de l’être humain, qui tend à ignorer ou à oublier la réalité même de ce qu’il a devant lui. Voilà pourquoi l’être humain et les choses ont cessé de se tendre amicalement la main pour entrer en opposition. De là, on en vient facilement à l’idée d’une croissance infinie ou illimitée, qui a enthousiasmé beaucoup d’économistes, de financiers et de technologues. Cela suppose le mensonge de la disponibilité infinie des biens de la planète, qui conduit à la “presser” jusqu’aux limites et même au-delà des limites. » (106)
 
Face à ce système mondial, la culture écologique exige « un regard différent, une pensée, une politique, un programme éducatif, un style de vie et une spiritualité qui constitueraient une résistance face à l’avancée du paradigme technocratique. » Il est possible d’élargir notre regard, de limiter la technologie, de l’orienter et la mettre au service d’un progrès « plus sain, plus humain, plus social, plus intégral. » Car notre monde manque aujourd’hui d’une éthique solide, d’une culture et d’une spiritualité qui le limitent réellement et le contiennent dans une abnégation lucide. Il a un urgent besoin d’un « supplément d’âme ».
 
(17e texte d'une série sur l'encyclique du pape François)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau