vendredi 31 janvier 2014

Le programme de François

Le 24 novembre 2013, le pape François a signé une exhortation apostolique qui est en fait son premier texte majeur. Il l’a intitulé La joie de l’Évangile. Il y présente les objectifs de son pontificat.
 
Il écrit dès le début : « Je désire m’adresser aux fidèles chrétiens, pour les inviter à une nouvelle étape évangélisatrice marquée par cette joie et indiquer des voies pour la marche de l’Église dans les prochaines années. » (par. 1) Le pape propose « quelques lignes qui puissent encourager et orienter dans toute l’Église une nouvelle étape évangélisatrice, pleine de ferveur et de dynamisme » (par. 17)
 
Cette insistance sur la nouvelle évangélisation fait de cette exhortation un document postsynodal. En fait, le dernier synode des évêques vécu avec Benoît XVI (7-28 octobre 2012) avait pour thème La nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne. Le pape François reprend ce thème et les propositions alors formulées, mais d'une façon très originale, en mettant l’accent sur la joie comme l’indique le titre de son exhortation, et sur les pauvres en conformité avec ce qu’il a monté de ses options depuis le début de son service papal.
 
Dans une série de textes que je commence ici mon intention est d’aider les personnes qui le désirent à accueillir ce texte, à en saisir les lignes fondamentales et à chercher les chemins pratiques pour traduire ces objectifs du pape dans notre réalité de l’Église d'ici.
(1er texte d’une série sur la joie)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

dimanche 26 janvier 2014

L’alliance dans Vatican II

Dans sa Constitution dogmatique sur l’Église, le Concile Vatican II nous a donné un beau texte sur l’alliance dans le dessein de salut de Dieu sur le monde entier. Il s’agit du paragraphe 9.1.
 
Le document formule d’abord une affirmation bouleversante, si l'on y réfléchit bien : « À toute époque, à la vérité, et en toute nation, Dieu a tenu pour agréable quiconque le craint et pratique la justice (cf. Ac 10, 35). » Ça signifie que Dieu veut le salut de tous les humains et offre à tous les possibilités réelles du salut éternel. Alors, les personnes qui obéissent à cet appel de leur conscience, porté aussi parfois par leurs propres religion ou croyances, sont agréables à Dieu.
 
Toutefois, le texte, éclairé par l’histoire du salut telle que révélée dans l’ensemble de la Bible, continue : «  Cependant le bon vouloir de Dieu a été que les hommes ne reçoivent pas la sanctification et le salut séparément, hors de tout lien mutuel; il a voulu en faire un peuple qui le connaîtrait selon la vérité et le servirait dans la sainteté. » Pour employer une comparaison, certes boiteuse, disons que Dieu n’a pas voulu pêcher à la ligne, mais au filet!
 
Et l'on montre tout de suite ce que ça signifie historiquement : « C’est pourquoi il s’est choisi Israël pour être son peuple avec qui il a fait alliance et qu’il a progressivement instruit, se manifestant, lui-même et son dessein, dans l’histoire de ce peuple et se l’attachant dans la sainteté. » Le Concile réfère aux récits bibliques que j’ai déjà longuement cités dans mes textes antérieurs.
 
Et il situe ces multiples alliances avec les Pères et Mères dans la foi dans une dynamique universelle : « Tout cela cependant n’était que pour préparer et figurer l’Alliance Nouvelle et parfaite qui serait conclue dans le Christ, et la révélation plus totale qui serait transmise par le Verbe de Dieu lui-même, fait chair. “Voici venir les jours, dit le Seigneur, où je conclurai avec la maison d’Israël et la maison de Juda une Alliance Nouvelle... Je mettrai ma foi au fond de leur être et je l’écrirai sur leur cœur. Alors, je serai leur Dieu et eux seront mon peuple. Tous me connaîtront du plus petit jusqu’au plus grand, dit le Seigneur» (Jr 31, 31-34). Cette alliance nouvelle, le Christ l’a instituée : c’est la Nouvelle Alliance dans son sang (cf. 1 Co 11, 25), il appelle la foule des hommes de parmi les Juifs et de parmi les Gentils, pour former un tout selon la chair mais dans l’Esprit et devenir le nouveau Peuple de Dieu. Ceux, en effet, qui croient au Christ, qui sont “re-nés» non d’un germe corruptible mais du germe incorruptible qui est la parole du Dieu vivant (cf. 1 P 1, 23), non de la chair, mais de l’eau et de l’Esprit Saint (cf. Jn 3, 5-6), ceux-là constituent finalement “une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple que Dieu s’est acquis, ceux qui autrefois n’étaient pas un peuple étant maintenant le Peuple de Dieu” (1 P 2, 9-10). »
 
Le Concile a ainsi relancé dans l’Église contemporaine cette compréhension de l’histoire du salut, toujours actuelle, toujours en marche dans l’Église et dans le monde. C’est une alliance d’amour entre Dieu et toutes ses créatures, dans laquelle nous sommes impliqués comme artisans et responsables.

(Dernier texte de la série sur l’Alliance)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

samedi 18 janvier 2014

L’alliance dans la 4ème prière eucharistique

Ce beau texte de la prière officielle de l’Église commence par une adoration éblouie du Père très saint : « Tu es le seul Dieu, le Dieu vivant et vrai : tu étais avant tous les siècles, tu demeures éternellement, lumière au-delà de toute lumière. Toi, le Dieu de bonté, la source de la vie, tu as fait le monde pour que toute créature soit comblée de tes bénédictions, et que beaucoup se réjouissent de ta lumière. »
 
Puis le prêtre qui préside la prière proclame que ce Père très saint a créé toutes choses, et particulièrement l’être humain, avec sagesse et par amour. « Tu as fait l´homme à ton image. » Il s’agit de la première alliance par laquelle le Dieu d’amour a confié l’univers à l’homme.
 
Suit la première rupture de cette alliance par le refus d’écouter la voix de Dieu, qui toutefois ne les abandonne pas. « Dans ta miséricorde, tu es venu en aide à tous les hommes pour qu´ils te cherchent et puissent te trouver. Tu as multiplié les alliances avec eux, et tu les as formés, par les prophètes, dans l´espérance du salut. » C’est là, en très condensé, la longue histoire des alliances rencontrées dans l’Ancien Testament.
 
Puis la prière liturgique nous conduit à la nouvelle alliance : « Tu as tellement aimé le monde, Père très saint, que tu nous as envoyé ton propre Fils, lorsque les temps furent accomplis, pour qu´il soit notre Sauveur. » Depuis les débuts, l’histoire humaine est le fruit de l'amour du Père et ce même régime d’amour miséricordieux se continue et va jusqu’à sa perfection : « Pour accomplir le dessein de ton amour, il s´est livré lui-même à la mort, et, par sa résurrection, il a détruit la mort et renouvelé la vie. Afin que notre vie ne soit plus à nous-mêmes, mais à lui qui est mort et ressuscité pour nous, il a envoyé d´auprès de toi, comme premier don fait aux croyants, l´Esprit qui poursuit son œuvre dans le monde et achève toute sanctification. »
 
Puis vient la prière consécratoire qui est très explicite sur l’actualisation de cette nouvelle alliance dans le mystère eucharistique célébré : « Que ce même Esprit Saint, nous t´en prions, Seigneur, sanctifie ces offrandes : qu´elles deviennent ainsi le corps et le sang de ton Fils dans la célébration de ce grand mystère, que lui-même nous a laissé en signe de l´Alliance éternelle. »
 
La parole sur la coupe de vin applique l’affirmation au sang du Christ versé pour nous. « Quand l´heure fut venue où tu allais le glorifier, comme il avait aimé les siens qui étaient dans le monde il les aima jusqu´au bout : pendant le repas qu´il partageait avec eux, […] il prit la coupe remplie de vin, il rendit grâce, et la donna à ses disciples, en disant : “Prenez, et buvez-en tous, car ceci est la coupe de mon sang, le sang de l´Alliance nouvelle et éternelle, qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés. Vous ferez cela, en mémoire de moi.” »
 
Cette longue histoire des alliances de Dieu avec nous les humains est une histoire d’amour fou et de miséricorde infinie. Et Dieu sans cesse nous rejoint dans les aléas de nos histoires personnelles et sociales pour nous redire : «  Je suis avec vous. N’ayez pas peur! »
(18e texte d’une série sur l’Alliance)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

dimanche 12 janvier 2014

L’alliance de Jésus

La Lettre aux Hébreux (9,15) affirme que le Christ « est médiateur d'une nouvelle alliance, afin que, sa mort ayant eu lieu pour racheter les transgressions de la première alliance, ceux qui sont appelés reçoivent l'héritage éternel promis. » Saint Paul pour sa part présente les missionnaires, dont lui-même, comme des « ministres d'une nouvelle alliance, non de la lettre, mais de l'Esprit. » (2Co 3,6)
 
Cette nouvelle alliance a pour base le mystère de l’incarnation où, dans et par son Fils, Dieu s’allie à l’humanité d’une façon irréversible et immuable. Et elle est fondée historiquement lors de la mort de Jésus sur la croix.
 
Son fruit essentiel est évoqué par Paul : « Vous étiez sans Christ, exclus de la cité d'Israël, étrangers aux alliances de la Promesse, n'ayant ni espérance ni Dieu en ce monde! Or voici qu'à présent, dans le Christ Jésus, vous qui jadis étiez loin, vous êtes devenus proches, grâce au sang du Christ. Car c'est lui qui est notre paix, lui qui des deux peuples n'en a fait qu'un, détruisant la barrière qui les séparait, supprimant en sa chair la haine […] pour créer en sa personne les deux en un seul Homme Nouveau, faire la paix, et les réconcilier avec Dieu, tous deux en un seul Corps, par la Croix : en sa personne il a tué la Haine. Alors il est venu proclamer la paix, paix pour vous qui étiez loin et paix pour ceux qui étaient proches : par lui nous avons en effet, tous deux en un seul Esprit, libre accès auprès du Père. » (Éphésiens 2, 12-18)
 
Les générations de croyants, tour à tour, entrent dans cette alliance par le baptême et surtout par l’eucharistie qui en est l’actualisation. « Le Seigneur Jésus, la nuit où il était livré, prit du pain et, après avoir rendu grâce, le rompit et dit : “Ceci est mon corps, qui est pour vous; faites ceci en mémoire de moi.” De même, après le repas, il prit la coupe, en disant : “Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang; chaque fois que vous en boirez, faites‑le en mémoire de moi”. Chaque fois en effet que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne. »  (1 Corinthiens 11,23-26)
 
La réalisation plénière de cette nouvelle alliance aura lieu quand le Seigneur Jésus reviendra. Tendu vers cette plénitude, « l'Esprit et l'Épouse disent : “Viens! ” Que celui qui entend dise : “Viens! ” Et que l'homme assoiffé s'approche, que l'homme de désir reçoive l'eau de la vie, gratuitement. […] Amen, viens, Seigneur Jésus! » (Apocalypse 22, 17-21)
(17e texte d’une série sur l’Alliance)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

lundi 6 janvier 2014

L’alliance et les prophètes

Les prophètes ont reconnu l’échec de l’alliance du Sinaï. Elle indiquait par les Dix Paroles le chemin que l’Allié demandait à son peuple de suivre. Mais l’alliance ne donnait pas la force d’y marcher dans la fidélité. La défection sans cesse répétée du peuple a rendu cette alliance sans valeur.
 
Alors, n’y a-t-il plus d’avenir? Au contraire! Les prophètes entrevoient une autre alliance qui sera une création nouvelle, fruit d’un acte divin tout à fait gratuit, provenant de l’amour de Dieu, et qui cette fois ne se limitera pas à donner les Dix Paroles sur des tables de pierre, mais en les inscrivant sur les cœurs.
 
Jérémie annonce cette nouvelle alliance : « Voici venir des jours, déclare le Seigneur, où je conclurai avec la maison d'Israël et avec la maison de Juda une Alliance nouvelle. Ce ne sera pas comme l'Alliance que j'ai conclue avec leurs pères, le jour où je les ai pris par la main pour les faire sortir d'Égypte : mon Alliance, c'est eux qui l'ont rompue, alors que moi, j'avais des droits sur eux. Mais voici quelle sera l'Alliance que je conclurai avec la maison d'Israël quand ces jours-là seront passés, déclare le Seigneur. Je mettrai ma Loi au plus profond d'eux-mêmes; je l'inscrirai dans leur coeur. Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. » (Jérémie31, 31-33) Cette alliance est inscrite dans le cœur de l’être humain comme une impulsion de Dieu à lui faire confiance et à obéir à sa parole. Cette rénovation intérieure est le fruit de la volonté gracieuse de Dieu de pardonner et ainsi de rendre l’homme capable par sa grâce à vaincre la puissance du péché et de rester en amitié, en communion avec Lui.
 
Ézéchiel reprend la même annonce, parlant cette fois d'une alliance de paix, où Dieu mettra en action sa tendresse de Bon Pasteur pour son peuple. « Je verserai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés. De toutes vos souillures, de toutes vos idoles je vous purifierai. Je vous donnerai un coeur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J'enlèverai votre coeur de pierre, et je vous donnerai un coeur de chair. Je mettrai en vous mon esprit : alors vous suivrez mes lois, vous observerez mes commandements et vous y serez fidèles. Vous habiterez le pays que j'ai donné à vos pères. Vous serez mon peuple, et moi, je serai votre Dieu. » (Ézéchiel 36,25-28) Ce sera la purification en profondeur du cœur humain. Cette œuvre divine étonnera tous les peuples et aura donc une dimension missionnaire.
 
Notons enfin l’annonce par Isaïe d’un Messie, mystérieux serviteur qui offrira « l’alliance de paix éternelle » à toute l‘humanité. « Moi, le Seigneur, je t'ai appelé selon la justice, je t'ai pris par la main, je t'ai mis à part, j’ai fait de toi mon Alliance avec le peuple et la lumière des nations; tu ouvriras les yeux des aveugles, tu feras sortir les captifs de leur prison, et de leur cachot ceux qui habitent les ténèbres. » (Isaïe 42, 5-7) C’est en somme l’alliance avec Noé, avec Abraham et avec David qui est reprise, mais à une autre profondeur : « Il en est de moi comme au temps de Noé, lorsque j’ai juré que les eaux ne submergeraient plus la terre […] Mon amour pour toi ne s’en ira pas et mon alliance de paix avec toi ne sera pas ébranlée. »(51,4-5)
 
Nous sommes tout près de Jésus, le Messie pour toutes les nations. « Béni soit le Seigneur, le Dieu d'Israël, parce qu'il a visité son peuple pour accomplir sa libération. Dans la maison de David, son serviteur, il a fait se lever une force qui nous sauve. C'est ce qu'il avait annoncé autrefois par la bouche de ses saints prophètes : le salut qui nous délivre de nos adversaires, des mains de tous nos ennemis. Il a montré sa miséricorde envers nos pères, il s'est rappelé son Alliance sainte : il avait juré à notre père Abraham qu'il nous arracherait aux mains de nos ennemis, et nous donnerait de célébrer sans crainte notre culte devant lui, dans la piété et la justice, tout au long de nos jours. » (Luc 1, 68-75)
(16e texte d’une série sur l’Alliance)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau