samedi 26 novembre 2016

Être baptisé = être disciple-missionnaire

Le paragraphe 120 du document du pape François intitulé La joie de l’Évangile est très riche. Il me semble essentiel pour nous conduire à une compréhension chrétienne de ce que nous sommes comme baptisés. Il est long. Mais ça vaut la peine de le lire avec attention. Le voici :
 
« En vertu du Baptême reçu, chaque membre du Peuple de Dieu est devenu disciple missionnaire (cf. Mt 28, 19). Chaque baptisé, quelle que soit sa fonction dans l’Église et le niveau d’instruction de sa foi, est un sujet actif de l’évangélisation, et il serait inadéquat de penser à un schéma d’évangélisation utilisé pour des acteurs qualifiés, où le reste du peuple fidèle serait seulement destiné à bénéficier de leurs actions. La nouvelle évangélisation doit impliquer que chaque baptisé soit protagoniste d’une façon nouvelle. »
 
« Cette conviction se transforme en un appel adressé à chaque chrétien, pour que personne ne renonce à son engagement pour l’évangélisation, car s’il a vraiment fait l’expérience de l’amour de Dieu qui le sauve, il n’a pas besoin de beaucoup de temps de préparation pour aller l’annoncer, il ne peut pas attendre d’avoir reçu beaucoup de leçons ou de longues instructions. Tout chrétien est missionnaire dans la mesure où il a rencontré l’amour de Dieu en Jésus Christ; nous ne disons plus que nous sommes “disciples” et “missionnaires”, mais toujours que nous sommes “disciples-missionnaires”. Si nous n’en sommes pas convaincus, regardons les premiers disciples, qui immédiatement, après avoir reconnu le regard de Jésus, allèrent proclamer pleins de joie : “Nous avons trouvé le Messie” (Jn 1, 41). La samaritaine, à peine eut-elle fini son dialogue avec Jésus, devint missionnaire, et beaucoup de samaritains crurent en Jésus “à cause de la parole de la femme” (Jn 4, 39). Saint Paul aussi, à partir de sa rencontre avec Jésus Christ, “aussitôt se mit à prêcher Jésus” (Ac 9, 20). Et nous, qu’attendons-nous? »
 
Le fil conducteur de ce texte est simple. Le baptisé est une personne qui a rencontré Jésus. Il a découvert en lui le Fils donné par le Père pour le salut de tous les humains. Bouleversé au fond de son cœur par la découverte de ce trésor, il ne peut pas le garder égoïstement pour lui-même. Une force intime le pousse à sortir, à aller vers les personnes qui ne savent pas qu’ils sont à ce point aimées par Dieu le Père, qui est allé jusqu’à donner son Fils pour chacun de nous, qui que nous soyons. Les exemples cités par le pape sont lumineux. Il faut prendre le temps d’aller lire et méditer chaque récit.
 
L’histoire de l’Église nous montre que plus un baptisé grandit dans sa familiarité avec Jésus, plus il veut lui rendre « amour pour amour » en le faisant connaître et aimer. On peut détecter chez les évangélisateurs et évangélisatrices qui ont marqué l’histoire de l’Église au Québec une relation de cause à effet entre l’approfondissement de leur intimité avec Jésus et la croissance de leur zèle apostolique. Ils n’ont pu témoigner que de ce qu’ils ont expérimenté dans leur relation personnelle et communautaire avec Jésus ressuscité. Ils savent que s’être laissé regarder avec amour par Jésus change tout. Et ils ne peuvent pas se taire!
 
« Et nous, qu’attendons-nous? »
 
(16e texte d’une série sur La joie de l’Évangile)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

vendredi 18 novembre 2016

Jésus ressuscité engendre des relations nouvelles

Le pape François aime rencontrer les gens, se faire proche, les embrasser, les prendre dans ses bras. Il se situe ainsi dans ce qu’il considère comme une caractéristique de notre époque. Le pape a conscience qu’en agissant ainsi, il suit Jésus, il développe en lui et autour de lui les relations mêmes que Jésus engendrait lorsqu’il marchait sur notre terre. Il sait dans sa foi que c’est Jésus ressuscité qui continue en lui, par son Esprit son œuvre de créer la communauté des enfants de Dieu. Le pape sait aussi donner sens à ses gestes en les situant dans la culture contemporaine. Dans son texte-programme La joie de l’Évangile (EG 87), il développe cette idée et l’applique à la vie de tout disciple-missionnaire.
 
« De nos jours, alors que les réseaux et les instruments de la communication humaine ont atteint un niveau de développement inédit, nous ressentons la nécessité de découvrir et de transmettre la “mystique” de vivre ensemble, de se mélanger, de se rencontrer, de se prendre dans les bras, de se soutenir, de participer à cette marée un peu chaotique qui peut se transformer en une véritable expérience de fraternité, en une caravane solidaire, en un saint pèlerinage. Ainsi, les plus grandes possibilités de communication se transformeront en plus grandes possibilités de rencontre et de solidarité entre tous. Si nous pouvions suivre ce chemin, ce serait une très bonne chose, très libératrice, très génératrice d’espérance! Sortir de soi-même pour s’unir aux autres fait du bien. S’enfermer sur soi-même signifie goûter au venin amer de l’immanence, et en tout choix égoïste que nous faisons, l’humanité aura le dessous. »
 
Par ses exemples comme par son enseignement, le pape François montre ce que doit être un disciple-évangélisateur : quelqu’un qui dépasse le soupçon, le manque de confiance permanent, la peur d’être envahi, les comportements défensifs. « L’Évangile nous invite toujours à courir le risque de la rencontre avec le visage de l’autre, avec sa présence physique qui interpelle, avec sa souffrance et ses demandes, avec sa joie contagieuse dans un constant corps à corps. La foi authentique dans le Fils de Dieu fait chair est inséparable du don de soi, de l’appartenance à la communauté, du service, de la réconciliation avec la chair des autres. Dans son incarnation, le Fils de Dieu nous a invités à la révolution de la tendresse. » (EG 88)
 
La relation personnelle, constante, entretenue avec le Dieu Père et Amour et avec Jésus le Fils fait chair provoque chez le disciple-missionnaire l’élan pour relever le défi de ne jamais fuir une relation personnelle et engagée avec Dieu, et qui engage en même temps avec les autres. « L’unique voie consiste dans le fait d’apprendre à rencontrer les autres en adoptant le comportement juste, en les appréciant et en les acceptant comme des compagnons de route, sans résistances intérieures. Mieux encore, il s’agit d’apprendre à découvrir Jésus dans le visage des autres, dans leur voix, dans leurs demandes. C’est aussi apprendre à souffrir en embrassant Jésus crucifié quand nous subissons des agressions injustes ou des ingratitudes, sans jamais nous lasser de choisir la fraternité. » [EG 89]
 
La vie du disciple-missionnaire est tissée de relations. Un tel disciple doit savoir regarder la grandeur sacrée du prochain, découvrir Dieu en chaque être humain. Il le pourra en s’accrochant à Jésus ressuscité qui sait par son Esprit ouvrir le cœur à l’amour divin que lui-même a manifesté jusqu’au don suprême de sa vie.
 
(15e texte d’une série sur La joie de l’Évangile)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

samedi 12 novembre 2016

Autres défis pour le disciple qui évangélise

Le pape François en énumère plusieurs dans son texte-programme intitulé La joie de l’Évangile. Je les reprends rapidement, pour me les mettre en mémoire et pour que ces avis me servent de guide dans le discernement de la qualité réelle de ma vie spirituelle et missionnaire.
 
Voici d’abord un titre curieux : « Non à l’acédie égoïste. » L’acédie est « un manque de soin pour sa vie spirituelle. La conséquence de cette négligence est un mal de l’âme qui s’exprime par l’ennui, ainsi que le dégoût pour la prière, la pénitence et la lecture spirituelle. Quand l'acédie devient un état de l’âme qui entraîne une torpeur spirituelle et un repli sur soi, elle est alors une maladie spirituelle. »
 
Le pape développe : « Quand nous avons davantage besoin d’un dynamisme missionnaire qui apporte sel et lumière au monde, beaucoup de laïcs craignent que quelqu’un les invite à réaliser une tâche apostolique, et cherchent à fuir tout engagement qui pourrait leur ôter leur temps libre. […] Mais quelque chose de semblable arrive avec les prêtres, qui se préoccupent avec obsession de leur temps personnel. Fréquemment, cela est dû au fait que les personnes éprouvent le besoin impérieux de préserver leurs espaces d’autonomie, comme si un engagement d’évangélisation était un venin dangereux au lieu d’être une réponse joyeuse à l’amour de Dieu qui nous convoque à la mission et nous rend complets et féconds. Certaines personnes font de la résistance pour éprouver jusqu’au bout le goût de la mission et restent enveloppées dans une acédie paralysante. » (EG 81)
 
Le problème n’est pas toujours l’excès d’activité. C’est souvent les activités mal vécues, sans les motivations appropriées, sans une spiritualité qui imprègne l’action et la rende désirable. « L’impatience d’aujourd’hui d’arriver à des résultats immédiats fait que les agents pastoraux n’acceptent pas facilement le sens de certaines contradictions, un échec apparent, une critique, une croix. » La foi s’affaiblit et dégénère dans la mesquinerie. « La psychologie de la tombe, qui transforme peu à peu les chrétiens en momies de musée, se développe. […] Appelés à éclairer et à communiquer la vie, ils se laissent finalement séduire par des choses qui engendrent seulement obscurité et lassitude intérieure, et qui affaiblissent le dynamisme apostolique. Pour tout cela je me permets d’insister : ne nous laissons pas voler la joie de l’évangélisation ! » (EG 83)
 
Un autre mot d’ordre du pape se formule ainsi : « Non au pessimisme stérile. » « La joie de l’Évangile est celle que rien et personne ne pourra jamais enlever (cf. Jn 16, 22). Les maux de notre monde – et ceux de l’Église – ne devraient pas être des excuses pour réduire notre engagement et notre ferveur. Prenons-les comme des défis pour croître. En outre, le regard de foi est capable de reconnaître la lumière que l’Esprit Saint répand toujours dans l’obscurité, sans oublier que « là où le péché s’est multiplié, la grâce a surabondé » (Rm 5, 20). Notre foi est appelée à voir que l’eau peut être transformée en vin, et à découvrir le grain qui grandit au milieu de l’ivraie. » (EG 84)
 
Ce qui peut étouffer la ferveur et l’audace en moi, c’est la prise de conscience de mes limites, de mes défauts et de mes péchés. Il importe alors de me rappeler ce qu’a dit le Seigneur à saint Paul : « Ma grâce te suffit : car la puissance se déploie dans la faiblesse » (2 Co 12, 9).
 
La vie de notre peuple et de notre Église peut sembler souvent un désert spirituel. « En pareilles circonstances, nous sommes appelés à être des personnes-amphores pour donner à boire aux autres. Parfois, l’amphore se transforme en une lourde croix, mais c’est justement sur la Croix que le Seigneur, transpercé, s’est donné à nous comme source d’eau vive. Ne nous laissons pas voler l’espérance ! » (EG 86)

(14e texte d’une série sur La joie de l’Évangile)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

dimanche 6 novembre 2016

« L’amour en héritage »

Voilà un beau chant de Nana Mouskouri que ma mère Reine-Marie chantait avec cœur et sourire. Les paroles et la musique sont porteuses d’espoir et traversent les générations. Elles sont à la fois intemporelles et ancrées dans un présent bien réel. Cet héritage d’amour, il se traduit par des gestes concrets dans le quotidien et il se perpétue dans nos lendemains pour que les générations à venir y trouvent force et espoir.
 
Il en va de même pour le Royaume de Dieu, il se réalise ici et maintenant et l’amour est la réponse pour rendre visible ce message de Jésus pour notre monde d’aujourd’hui. L’Évangile de Luc de ce dimanche se termine en affirmant que Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants et tous et toutes vivent pour lui. Le Dieu de l’éternité n’est pas inaccessible. En fait, la réponse de Jésus aux Sadducéens qui ont peine à comprendre la résurrection se retrouve dans l’invitation qu’il leur adresse pour qu’ils changent leur regard et en arrivent à voir que Dieu réalise le ciel de chacun et chacune en le débutant ici même et maintenant.
 
La réalisation du Royaume est comme une œuvre collective. Il se construit également avec ce que nous pouvons faire et dire de bien là où nous vivons, au cœur de notre famille, de notre travail, de notre quartier et de notre collectivité. L’amour est la réponse, sur la terre et au ciel, et nous n’avons pas à nous inquiéter. Récemment, lors d’une journée de prière pour la paix en Syrie, le pape François affirmait : « en retournant dans nos maisons, emmenons avec nous l’engagement de réaliser chaque jour un geste de paix et de réconciliation ».
 
Voilà un bel héritage que nous sommes invités à construire et à vivre au quotidien de notre vie. L’amour en héritage est à accueillir, à partager et à transmettre.
 
René Laprise, diacre permanent
Gatineau
(Ce texte est également publié sur les sites d'Auvidec media et de l'Office de catéchèse du Québec.)