Le
pape François en énumère plusieurs dans son texte-programme intitulé La joie de l’Évangile. Je les
reprends rapidement, pour me les mettre en mémoire et pour que ces avis me
servent de guide dans le discernement de la qualité réelle de ma vie
spirituelle et missionnaire.
Voici
d’abord un titre curieux : « Non à l’acédie égoïste. » L’acédie
est « un manque de soin pour sa vie spirituelle. La conséquence de cette
négligence est un mal de l’âme qui s’exprime par l’ennui, ainsi que le dégoût
pour la prière, la pénitence et la lecture spirituelle. Quand l'acédie devient
un état de l’âme qui entraîne une torpeur spirituelle et un repli sur soi, elle
est alors une maladie spirituelle. »
Le
pape développe : « Quand nous avons davantage besoin d’un dynamisme
missionnaire qui apporte sel et lumière au monde, beaucoup de laïcs craignent
que quelqu’un les invite à réaliser une tâche apostolique, et cherchent à fuir
tout engagement qui pourrait leur ôter leur temps libre. […] Mais quelque chose
de semblable arrive avec les prêtres, qui se préoccupent avec obsession de leur
temps personnel. Fréquemment, cela est dû au fait que les personnes éprouvent
le besoin impérieux de préserver leurs espaces d’autonomie, comme si un
engagement d’évangélisation était un venin dangereux au lieu d’être une réponse
joyeuse à l’amour de Dieu qui nous convoque à la mission et nous rend complets
et féconds. Certaines personnes font de la résistance pour éprouver jusqu’au
bout le goût de la mission et restent enveloppées dans une acédie paralysante. »
(EG 81)
Le
problème n’est pas toujours l’excès d’activité. C’est souvent les activités mal
vécues, sans les motivations appropriées, sans une spiritualité qui imprègne
l’action et la rende désirable. « L’impatience d’aujourd’hui d’arriver à
des résultats immédiats fait que les agents pastoraux n’acceptent pas
facilement le sens de certaines contradictions, un échec apparent, une
critique, une croix. » La foi s’affaiblit et dégénère dans la mesquinerie.
« La psychologie de la tombe, qui transforme peu à peu les chrétiens en
momies de musée, se développe. […] Appelés à éclairer et à communiquer la
vie, ils se laissent finalement séduire par des choses qui engendrent seulement
obscurité et lassitude intérieure, et qui affaiblissent le dynamisme
apostolique. Pour tout cela je me permets d’insister : ne nous laissons pas
voler la joie de l’évangélisation ! » (EG 83)
Un
autre mot d’ordre du pape se formule ainsi : « Non au pessimisme
stérile. » « La joie de l’Évangile est celle que rien et personne ne
pourra jamais enlever (cf. Jn 16, 22). Les maux de notre monde – et ceux de
l’Église – ne devraient pas être des excuses pour réduire notre engagement et
notre ferveur. Prenons-les comme des défis pour croître. En outre, le regard de
foi est capable de reconnaître la lumière que l’Esprit Saint répand toujours
dans l’obscurité, sans oublier que « là où le péché s’est multiplié, la grâce a
surabondé » (Rm 5, 20). Notre foi est appelée à voir que l’eau peut être
transformée en vin, et à découvrir le grain qui grandit au milieu de
l’ivraie. » (EG 84)
Ce
qui peut étouffer la ferveur et l’audace en moi, c’est la prise de conscience
de mes limites, de mes défauts et de mes péchés. Il importe alors de me
rappeler ce qu’a dit le Seigneur à saint Paul : « Ma grâce te suffit : car la
puissance se déploie dans la faiblesse » (2 Co 12, 9).
La
vie de notre peuple et de notre Église peut sembler souvent un désert
spirituel. « En pareilles circonstances, nous sommes appelés à être des
personnes-amphores pour donner à boire aux autres. Parfois, l’amphore se
transforme en une lourde croix, mais c’est justement sur la Croix que le
Seigneur, transpercé, s’est donné à nous comme source d’eau vive. Ne nous
laissons pas voler l’espérance ! » (EG 86)
(14e texte d’une série sur La joie de l’Évangile)
† Roger ÉbacherÉvêque émérite de Gatineau