Ce qui caractérise un disciple-missionnaire, c’est l’Esprit
Saint en lui, qui l’éclaire, le dirige dans le discernement de son propre cœur
et des réalités ecclésiales ou mondaines qui l’entourent. Le
disciple-missionnaire est branché sur Jésus ressuscité
qui par Esprit ouvre son cœur à l’amour, au don de soi. La source actuelle de
son action, c’est bien sa relation intime, soutenue, consciente avec son
Seigneur, celui qui a donné sa vie pour le monde, celui qui continue par ses
disciples son œuvre de salut.
Le pape François interroge avec amour et audace tout
disciple-missionnaire sur la qualité de sa vie spirituelle, sur les obstacles à
l’épanouissement de sa vie intérieure et à son rayonnement dans le monde qui
l’entoure.
Son mot d’ordre est : « Oui au défi d’une
spiritualité missionnaire. » (EG 78) Il pointe chez le disciple-missionnaire
une préoccupation exagérée pour les espaces personnels d’autonomie et de
détente. Les tâches missionnaires deviennent alors un simple appendice de sa
vie, comme si elles ne faisaient pas partie de son identité. « En même
temps, la vie spirituelle se confond avec des moments religieux qui offrent un
certain soulagement, mais qui ne nourrissent pas la rencontre avec les autres,
l’engagement dans le monde, la passion pour l’évangélisation. Ainsi, on peut
trouver chez beaucoup d’agents de l’évangélisation, bien qu’ils prient, une
accentuation de l’individualisme, une crise d’identité et une
baisse de ferveur. Ce sont trois maux qui se nourrissent l’un l’autre. »
Le risque est aussi de développer un complexe d’infériorité,
qui conduit à relativiser ou à occulter mon identité chrétienne et mes
convictions. J’entre alors dans un cercle vicieux : n’étant pas heureux de
ce que je suis et de ce que je fais, ne m’identifiant pas à la mission
évangélisatrice, mon engagement s’affaiblit. La joie de la mission est étouffée
par une obsession pour être comme tous les autres et pour avoir ce que les
autres possèdent.
Le pape signale un autre piège, celui d’un relativisme
pratique qui « consiste à agir comme si Dieu n’existait pas, à décider
comme si les pauvres n’existaient pas, à rêver comme si les autres n’existaient
pas, à travailler comme si tous ceux qui n’avaient pas reçu l’annonce
n’existaient pas. » (EG 80) Et le pape exhorte : « Ne nous
laissons pas voler l’enthousiasme missionnaire! »
Comment résister à ce vol? En concentrant mon cœur sur Jésus
mort et ressuscité, en lui redisant avec cœur ma foi, mon amour, mon désir de
le suivre, d’agir avec lui pour le salut de notre monde, ce monde chéri par
Dieu le Père et habité par l’Esprit qui y travaille le cœur des humains.
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau