samedi 3 septembre 2011

La mort, toujours un mystère qui nous provoque

Il nous est difficile, dans notre situation culturelle, de faire face à la mort. Celle qui apparaît continuellement à l’écran de TV est banalisée et en général réduite à des statistiques. Mais la mort de nos concitoyens, de nos proches, notre propre mort? Nous cherchons toutes sortes de subterfuges pour la maquiller ou la  camoufler. Pourtant, elle revient sans cesse s'imposer avec une obstination qui nous force à nous situer devant elle.
Ceci est particulièrement vrai dans le cas de quatre événements récents dans notre région. Je pense d’abord à la mort de Jack Layton. Elle a provoqué une vague irrésistible de sympathie. Jusque dans sa lettre écrite la veille de sa mort, cet homme a été fidèle, avec optimisme et passion, à ses engagements pour l’égalité, la justice, le partage plus équitable, l’environnement. Sa mort si subite a mis en lumière ses idéaux. Elle a  provoqué des prises de consciences profondes. Ses dernières phrases nous arrivent comme un dard de feu dans le coeur: « L’amour est cent fois meilleur que la haine. L’espoir est meilleur que la peur. L’optimisme est meilleur que le désespoir ». Par-delà toute partisannerie politique, ces paroles font réfléchir.
Je pense ensuite à la mort horrible, tragique, inexplicable de Valérie Leblanc, cette jeune fille assassinée derrière le Cégep de l'Outaouais. Elle a provoqué une vague de répulsion et de colère : un tel drame rejoint nos entrailles et les bouleversent. Comment se fait-il qu’un tel assassinat puisse se produire chez nous et avec autant d’horreurs? Que pouvons-nous faire pour que ca ne se reproduise pas?  C’est la jeunesse d'ici qui est en jeu!
Je pense encore au récent départ du Père Jean Monbourquette. Cet homme a soutenu et encouragé tellement de gens. Il a aidé à la guérison de tellement de personnes par ses écrits, ses conférences, ses enseignements, ses rencontres personnelles. Son rayonnement nous rappelle les liens profonds, souvent inexplorés, entre les souffrances de notre corps, de notre psychique et le spirituel qui est profondément ancré en nous. Il a aidé tellement de gens à apprivoiser la mort, leur mort et à la vivre dans la dignité, dans l’espérance et le respect de soi et des autres. Son souvenir, ses écrits vont continuer à nous stimuler.
Je pense enfin à une évocation de la mort dans un tout autre registre. En ces jours-ci, comme à chaque automne, les paroisses du diocèse de Gatineau vivent des messes ou des célébrations de la Parole dans les cimetières et y convoquent les parents et amis des défunts qui y gisent. La participation est nombreuse. L’invitation touche quelque chose qui souvent reste secret mais vibrant en nous. Il y a des relations que la mort ne tue pas. Tout ce que nous avons vécu d’amour, de soutien, de pardon revient lors de ces événements collectifs. Et nous intuitionnons que ce sont des « vivants » que nous venons rencontrer.
Par ailleurs, je suis touché par ce que je lis dans les lettres de centaines de jeunes adultes qui m’écrivent à l’occasion de leur confirmation. Beaucoup y réfèrent à leurs grands-parents décédés. Ces personnes qui les ont chéris dans leur tendre enfance, qui n’y sont plus, restent une source d'inspiration qui les provoque à les prier, croyant qu’ils sont en quelque sorte proches de Dieu. À leur façon, ils affirment ainsi leur foi chrétienne en la vie après la mort, comme Jésus nous l’a promis et nous en a montré le chemin. Il y a là une source enfouie dans le fond des consciences qui souvent jaillit fortement dans les moments de maladie, de détresse dans la vie de ces jeunes. Ils savent comme par intuition que la mort n'est pas la fin de tout.
† Roger Ébacher
Évêque de Gatineau