mercredi 2 juillet 2014

Des généraux d’armées défaites


C’est ainsi que le pape décrit, dans La joie de l’Évangile (par. 96), les personnes qui prétendent œuvrer pour l’Évangile et Jésus-Christ, mais qui ne pensent qu’à leurs propres intérêts. « La mondanité spirituelle, qui se cache derrière des apparences de religiosité et même d’amour de l’Église, consiste à rechercher, au lieu de la gloire du Seigneur, la gloire humaine et le bien-être personnel.»
 
Et François illustre les multiples formes de cette mondanité spirituelle. « Dans certaines d’entre elles, on note un soin ostentatoire de la liturgie, de la doctrine ou du prestige de l’Église, mais sans que la réelle insertion de l’Évangile dans le Peuple de Dieu et dans les besoins concrets de l’histoire ne les préoccupe. » L’Église se transforme alors en une pièce de musée.
 
Dans d’autres formes, la même mondanité spirituelle se cache derrière la fascination de pouvoir montrer des conquêtes sociales et politiques. « Elle peut aussi se traduire par diverses manières de se montrer soi-même engagé dans une intense vie sociale, remplie de voyages, de réunions, de dîners, de réceptions. Ou bien elle s’exerce par un fonctionnalisme de manager, chargé de statistiques, de planifications, d’évaluations, où le principal bénéficiaire n’est pas le Peuple de Dieu, mais plutôt l’Église en tant qu’organisation. »
 
« Dans ce contexte se nourrit la vaine gloire de ceux qui se contentent d’avoir quelque pouvoir et qui préfèrent être des généraux d’armées défaites plutôt que de simples soldats d’un escadron qui continue à combattre. Combien de fois rêvons-nous de plans apostoliques, expansionnistes, méticuleux et bien dessinés, typiques des généraux défaits! Ainsi nous renions notre histoire d’Église, qui est glorieuse en tant qu’elle est histoire de sacrifices, d’espérance, de lutte quotidienne, de vie dépensée dans le service, de constance dans le travail pénible. »  Puis le pape parle des vaniteux qui « disent ce “qu’on devrait faire” – le péché du “on devrait faire” – comme des maîtres spirituels et des experts en pastorale qui donnent des instructions tout en restant au dehors. » C’est alors se couper de la réalité douloureuse de notre peuple fidèle.
 
Dans ces situations de mondanité spirituelle, on regarde les autres de haut et de loin, on fait ressortir continuellement les erreurs des autres et on est obsédé par l’apparence. « C’est une terrible corruption sous l’apparence du bien. Il faut l’éviter en mettant l’Église en mouvement de sortie de soi, de mission centrée en Jésus Christ, d’engagement envers les pauvres. »
 
Et le pape a cette prière qui est en même temps une exhortation : « Que Dieu nous libère d’une Église mondaine sous des drapés spirituels et pastoraux! Cette mondanité asphyxiante se guérit en savourant l’air pur du Saint Esprit, qui nous libère de rester centrés sur nous-mêmes, cachés derrière une apparence religieuse vide de Dieu. »
 
« Ne nous laissons pas voler l’Évangile! »
(28e texte d’une série sur la joie)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau