J’ai longtemps pensé que l’esclavage était un phénomène d’un passé
lointain. Mais il y a quelques années, j’ai découvert que la réalité est bien
différente. Il y a plus d’esclaves aujourd’hui dans le monde qu’il n’y en
avait dans le passé. Mais qui sont-ils? Où sont-ils?
En ce début de la nouvelle année, le pape François nous demande de faire
croître en nous la conscience qu’existe bien ce phénomène tragique, inhumain,
contraire à ce qui est le plus sacré : notre commune humanité et dignité. Car
ce « fléau toujours plus répandu de
l’exploitation de l’homme par l’homme blesse gravement la vie de communion et
la vocation à tisser des relations interpersonnelles empreintes de respect, de
justice et de charité. »
Cet abominable phénomène, qui conduit à piétiner la
dignité et les droits fondamentaux de l’autre et à en anéantir la liberté et la
dignité, prend de multiples formes. Dressons-en une liste partielle mais déjà impressionnantes.
Ce sont les nombreux travailleurs
et travailleuses, même mineurs, asservis dans les divers secteurs, du travail domestique au travail agricole, de l’industrie manufacturière au secteur minier,
tant dans les pays où la législation du travail n’est pas conforme aux normes
et aux standards minimaux internationaux que, même illégalement, dans les pays
où la législation protège le travailleur. Ce sont les nombreux migrants qui souffrent de la faim, sont privés
de liberté, dépouillés de leurs biens ou abusés physiquement et sexuellement. Ce
sont ceux d’entre eux qui, arrivés à destination après un voyage dans des
conditions physiques très dures et dominé par la peur et l’insécurité, sont détenus dans des conditions souvent
inhumaines. Ce sont ces migrants
poussés à vivre dans la clandestinité et écrasés par un véritable « travail
esclave ».
Il y en a encore d'autres : les personnes contraintes
de se prostituer, les esclaves sexuels, les femmes forcées de
se marier, même vendues dans ce but, les victimes de prélèvements d’organes, les enfants soldats.
Phénomène ahurissant!
Il importe au moins d’en prendre conscience et de voir, chacun et chacune dans
sa conscience, ce qu’il y a à faire seuls ou ensemble pour œuvrer à extirper ce
fléau de notre humanité en voie de mondialisation. S’agira-t-il d’une mondialisation de l’esclavage ou d’une mondialisation de la solidarité et de la fraternité?
Évêque émérite de Gatineau