dimanche 30 décembre 2012

Le Jour de l’An

Le Jour de l’An
C’est le jour des retrouvailles familiales
Je me souviens du geste de bénédiction de mon père sur nous ce matin-là
Geste inoubliable apportant la paix dans nos cœurs et notre famille
Puissions-nous trouver des façons actualisées de vivre un tel moment
Faisons-en un jour d’accueil neuf
Jour pour un nouveau regard sur l’autre si proche et parfois si lointain
Jour de pardons et de réconciliations
Jour qui marque le début d’une nouvelle marche

Bonne et sainte année 2013!

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

jeudi 27 décembre 2012

Vatican II et l’Église Corps mystique du Christ

Le paragraphe 7 du document sur « L’Église » présente et explique ce que nous sommes ensemble en Église en se servant de la notion paulinienne de Corps du Christ. Cette approche évoque le mystère de chacun et chacune de nous en tant que membres vivants du Christ Ressuscité.

Le Fils de Dieu incarné « a racheté l’homme en triomphant de la mort par sa mort et sa résurrection, et il l’a transformé en une créature nouvelle (cf. Ga 6, 15 ; 2 Co 5, 17). »  Et par le don de l’Esprit il a rassemblé de toutes les nations des humains qu’il a constitués comme son corps.

« Dans ce corps, la vie du Christ se répand à travers les croyants que les sacrements, d’une manière mystérieuse et réelle, unissent au Christ souffrant et glorifié. » Comme l’affirmait saint Paul : « Nous avons tous été baptisés en un seul Esprit pour n’être qu’un seul corps » (1 Co 12, 13). Puis, participant à la célébration eucharistique, « à nous tous nous ne formons qu’un corps, car tous nous avons part à ce pain unique » (1 Co 10, 17). Nous devenons ainsi les membres de ce corps (cf. 1 Co 12, 27), « étant chacun pour sa part membres les uns des autres» (Rm 12, 5). »

Cette image du corps pour évoquer ce que nous sommes en Église est riche d’enseignements.  Le même Paul nous enseigne que, comme tous les membres du corps humain, malgré leur multiplicité, ne forment qu’un seul corps, ainsi les fidèles dans le Christ (cf. 1 Co 12, 12). « Dans l’édification du Corps du Christ règne également une diversité de membres et de fonctions. Unique est l’Esprit qui distribue des dons variés pour le bien de l’Église à la mesure de ses richesses et des exigences des services (cf. 1 Co 12, 11). » Cette perception de ce que nous sommes comme membres de ce Corps, chacun selon sa vocation, ses grâces, dons et charismes, est fondamentale pour provoquer un renouvellement du sens de la dignité unique et de la richesse intime de chaque personne dans l’Église. Cette compréhension de ce que nous sommes en Église invite aussi à un respect mutuel, à une appréciation réciproque dans la diversité des engagements de toutes sortes, selon les vocations et charismes de chacun.

De ce Corps le Christ est la tête et il le comble des richesses variées (cf. Ep 1, 18-23).  Aussi « tous les membres doivent se conformer à lui jusqu’à ce que le Christ soit formé en eux (cf. Ga 4, 19). C’est pourquoi nous sommes assumés dans les mystères de sa vie, configurés à lui, associés à sa mort et à sa résurrection, en attendant de l’être à son règne (cf. Ph 3, 21 ; 2 Tm 2, 11 ; Ep 2, 6 ; Col 2, 12, etc.). »  De lui le Corps tout entier tire nourriture et cohésion pour opérer sa croissance en Dieu (Col 2, 19).

Dans son corps, le Christ Ressuscité « dispose continuellement les dons des ministères par lesquels nous nous apportons mutuellement, grâce à sa vertu, les services nécessaires au salut, en sorte que par la pratique d’une charité sincère nous puissions grandir de toutes manières vers celui qui est notre tête. » Il nous fait part généreusement de son Esprit qui vivifie le corps entier, l’unifie et le meut.

Ces enseignements de Vatican II nous rappellent le rôle premier, vital et toujours actuel du Christ Jésus et de son Esprit dans l’Église que nous formons ensemble. Ils nous révèlent aussi nos richesses uniques, de par ses dons et charismes, et nos diverses vocations et missions pour que l’Église puisse remplir aujourd’hui sa mission dans notre monde qui cherche son unité et sa paix.

Le Christ Ressuscité est notre paix. Nous sommes ses membres. Et dans sa grande bonté, il veut avoir besoin de nous pour semer dans notre histoire des énergies de fraternité et de bonheur, même si les chemins de son action ne sont pas restreints à l’œuvre de l‘Église. Toutefois, l’Église qui est son Corps est en fait le chemin en quelque sorte officiel, public et sûr de son action, malgré les faiblesses et tribulations des membres de cette Église.
(20e texte d’une série sur Vatican II)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

dimanche 23 décembre 2012

L’Enfant de Noël

L’Enfant de Noël
Il est né d’un humble couple juif de Palestine
Marie et Joseph l’ont nommé Jésus
Le ciel l’a nommé Emmanuel : Dieu-avec-nous
Son visage porte les traits de chaque être humain
Il est Dieu-pour-tous-et-toutes

Joyeux Noël
Paix et lumière dans votre cœur

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

J’ai pris les images qui suivent sur le site :

jeudi 20 décembre 2012

Message de Noël 2012 : Jésus, don du Père pour notre bonheur

Dans mon message de Noël 2008, publié dans Le Droit, j’écrivais : « L’élection de Barak Obama a fait vivre à toute la planète une parabole bouleversante. Cet homme, par sa compassion sentie pour tous ses semblables, a été le révélateur qui a fait jaillir à la lumière les aspirations de nos cœurs à plus de justice et de fraternité, dans le respect mutuel. Les sondages mondiaux ont montré à quel point il a appelé au jour ce qu’il y a de meilleur en notre humanité. »

Le Président Obama avait alors su nommer les racines de la souffrance terrible de milliards de personne sur notre planète et identifier les véritables responsables de l’étranglement des pauvres : « Une culture d’entreprise où les délits d’initiés, les pratiques comptables douteuses et la course aux gains rapides sont monnaie courante; une politique économique au service d’une minorité de privilégiés. » Beaucoup y ont reconnu leur soif de partage et de paix. »

Cet appel à la confiance, au respect, au dépassement de soi pour le bien commun et la paix n’ont plus résonné de la même façon lors de sa récente réélection comme président des États-Unis. Notre monde continue à dériver! Avec la Commission Charbonneau et avec tant d’autres révélations venant de partout dans le monde, nous devons reconnaître que M. Obama avait vu juste en nommant les causes de tant de pauvretés. Pourtant, pourquoi est-ce que ça ne change pas?

La crise financière et économique qui a ébranlé toute la planète à compter de 2008 n’a pas conduit à des prises de conscience suffisantes pour pousser à changer les choses. Nous n’avons pas fait beaucoup de progrès dans l’approfondissement des bases éthiques qui doivent rendre plus humaines et respectueuses toutes les activités financières, économiques et politiques.

De crise en crise, nous pouvons être portés à désespérer de notre humanité et de sa capacité de gérer ses diverses activités humaines de sorte que tous, mais surtout les plus démunis, puissent trouver leur place au soleil, leur gite où se reposer et leur table pour se nourrir.

Pour ne pas sombrer dans le pessimisme, nous avons bien besoin d’écouter le message que nous donne la fête de Noël. Elle nous montre que Dieu n’est pas lointain, indifférent à nos drames et à nos larmes. Il nous aime tellement qu’il nous a envoyé son Fils unique et bien-aimé pour que nous sachions qu’il est fidèlement avec nous. Il vit avec nous, rit et pleure avec nous, travaille et se repose avec nous. Nous ne sommes pas seuls, perdus dans un monde refroidi par tant d’égoïsmes, de méfiances réciproques, de guerres, de famines.

Dans la pauvreté de sa naissance comme dans la simplicité de sa vie et surtout dans le drame de sa mort, Jésus met sous nos yeux ce à quoi aspirent les profondeurs de notre cœur : devenir vraiment humains les uns envers les autres. Cette espérance est semée dans notre histoire depuis deux mille ans. Des millions et des millions de personnes y trouvent la capacité de donner de leur cœur et de leur vie pour la joie des autres.

Que ce Noël 2012 soit lumière, paix, réconciliation, échanges de vœux et cadeaux de toutes sortes! Tous ces simples gestes symbolisent ce qui hante notre cœur. Ils disent bien simplement qu’il y a toujours devant nous une espérance plus forte que tout et même que la mort. Le Vivant vient encore aujourd’hui mettre dans la crèche les merveilleux cadeaux de sa présence fortifiante lumineuse, capable de réchauffer nos cœurs en leur donnant paix et joie.

Joyeux Noël! Sainte année 2013!

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

dimanche 16 décembre 2012

Vatican II et les images bibliques de l’Église

Vatican II (L’Église par. 5) situe l’histoire de l’Église à l'aide de l’image du Royaume de Dieu. Présenté dans l’Ancien Testament sous diverses figures, ce Royaume brille « aux yeux des hommes dans la parole, les œuvres et la présence du Christ ». Sa Parole est comme une semence dans un champ. Ceux qui l’écoutent accueillent le Royaume qui croît jusqu’au temps de la moisson (cf. Mc 4, 26-29). Ses miracles confirment que le Royaume est déjà venu sur la terre (Lc 11, 20 ; Mt 12, 28). Finalement, le Royaume se manifeste dans la personne même de Jésus le Christ. Puis l’Église reçoit la mission d’annoncer ce Royaume et de l’instaurer dans toutes les nations. Elle forme « de ce Royaume le germe et le commencement sur la terre. »

Le même texte (par. 6) fournit plusieurs images de l’Église. Elles nous orientent vers la nature intime de l’Église. Cette approche est fondamentale, car nous sommes toujours tentés de ne voir que l’extérieur, la structure de l’Église, non son âme! Ces images sont tirées de trois domaines de l’expérience humaine : la vie pastorale et des champs, le travail de construction, la famille et les épousailles. Ce texte est tellement riche que je ne peux que le citer tel quel, et en partie seulement, dans les paragraphes qui suivent.

« L’Église, en effet, est le bercail dont le Christ est l’entrée unique et nécessaire (Jn 10, 1- 10). Elle est aussi le troupeau dont Dieu a proclamé lui-même à l’avance qu’il serait le pasteur (cf. Is 40, 11 ; Ez 34, 11s.), et dont les brebis, quoiqu’elles aient à leur tête des pasteurs humains, sont cependant continuellement conduites et nourries par le Christ même, Bon Pasteur et Prince des pasteurs (cf. Jn 10, 11 ; 1 P 5, 4), qui a donné sa vie pour ses brebis (cf. Jn 10, 11-15). »

« L’Église est le terrain de culture, le champ de Dieu (1 Co 3, 9). Dans ce champ croît l’antique olivier dont les patriarches furent la racine sainte et en lequel s’opère et s’opérera la réconciliation entre Juifs et Gentils (Rm 11, 13-26). Elle fut plantée par le Vigneron céleste comme une vigne choisie (Mt 21, 33-43 par; Is 5, 1 s.). La Vigne véritable, c’est le Christ : c’est lui qui donne vie et fécondité aux rameaux que nous sommes : par l’Église nous demeurons en lui, sans qui nous ne pouvons rien faire (Jn 15, 1-5). »

« Bien souvent aussi, l’Église est dite la construction de Dieu (1 Co 3, 9). Le Seigneur lui-même s’est comparé à la pierre rejetée par les bâtisseurs et devenue pierre angulaire (Mt 21, 42 par. ; Ac 4, 11 ; 1 P 2, 7 ; Ps 117, 22). Sur ce fondement, l’Église est construite par les Apôtres (cf. 1 Co 3, 11), et de ce fondement elle reçoit fermeté et cohésion. Cette construction est décorée d’appellations diverses : la maison de Dieu (1 Tm 3, 15), celle dans laquelle habite la famille, l’habitation de Dieu dans l’Esprit (Ep 2, 19-22), la demeure de Dieu chez les hommes (Ap 21, 3), et surtout le temple saint » représenté par des sanctuaires de pierres et dont nous sommes les pierres vivantes.

« L’Église s’appelle encore “la Jérusalem d’en haut” et “notre mère” (Ga 4, 26 ; cf. Ap 12, 17) ; elle est décrite comme l’épouse immaculée de l’Agneau immaculé (Ap 19, 7 ; 21, 2.9 ; 22, 17) que le Christ “a aimée, pour laquelle il s’est livré afin de la sanctifier” (Ep 5, 26), qu’il s’est associée par un pacte indissoluble, qu’il ne cesse de “nourrir et d’entourer de soins” (Ep 5, 29) ; l’ayant purifiée, il a voulu se l’unir et se la soumettre dans l’amour et la fidélité (cf. Ep 5, 24), la comblant enfin et pour l’éternité des biens célestes, pour que nous puissions comprendre l’amour envers nous de Dieu et du Christ, amour qui défie toute connaissance (cf. Ep 3, 19).»  Que de richesses à contempler!
(19e texte d’une série sur Vatican II)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

dimanche 9 décembre 2012

Vatican II explicite notre conscience de l’Église

En ouvrant le document conciliaire sur « L’Église », nous sommes témoins de l’Église, par et avec ses évêques, approfondissant son mystère et de sa mission. Pour cela, elle retourne à ses sources vives : les Écritures et la grande tradition patristique.  C’est un texte d’une grande richesse et densité. Aussi, faut-il le lire lentement et le méditer. Il met en question notre idée de l’Église. Comment la voyons-nous? Comment nous y situons-nous nous-mêmes? Quelle est notre expérience de l’Église? Avons-nous creusé, à l’intérieur des apparences extérieures et des structures, son mystère profond, son sens, sa mission?

Dès les premiers mots, on affirme fermement que l’Église n’existe pas pour elle-même mais pour sa mission.  C’est le Christ Jésus Ressuscité « qui est la lumière des peuples.» L’Église s’atteste au service de cette lumière pour le salut du genre humain et de toute la création.  Elle se décrit comme « dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain. » Et c’est ainsi située qu’elle se propose « de mettre dans une plus vive lumière, pour ses fidèles et pour le monde entier, […] sa propre nature et sa mission universelle. » (par. 1) Prenons conscience que cette auto-affirmation de l’Église est encore plus urgente pour nous aujourd’hui qui sommes lancés dans une mondialisation pleine d'espoirs et de dangers. « Il faut que tous les hommes, désormais plus étroitement unis entre eux par les liens sociaux, techniques, culturels, réalisent également leur pleine unité dans le Christ. »

Tel est bien le grand dessein universel de salut de Dieu le Père. Créateur de tout dans sa bonté généreuse, il a voulu appeler les humains à participer à sa vie divine. Malgré les refus répétés, « il ne les a pas abandonnés, leur apportant sans cesse les secours salutaires, en considération du Christ rédempteur. » (par. 2) Et le Père « a convoqué tous ceux qui croient au Christ dans la sainte Église qui, annoncée en figure dès l’origine du monde, merveilleusement préparée dans l’histoire du peuple d’Israël et de l’ancienne Alliance, établie enfin dans ces temps qui sont les derniers, s’est manifestée grâce à l’effusion de l’Esprit Saint et, au terme des siècles, se consommera dans la gloire. »

Jésus, le Fils de Dieu envoyé  par le Père, inaugura « le Royaume des cieux sur la terre.» (par. 3) Et l’Église, qui est le règne de Dieu déjà en acte parmi nous « opère dans le monde, par la vertu de Dieu, sa croissance visible. » Cette croissance s’accomplit tout particulièrement par la célébration eucharistique où « l’œuvre de notre Rédemption s’opère. » En même temps y « est représentée et réalisée l’unité des fidèles qui, dans le Christ, forment un seul corps.»  Tous les humains sont appelés à cette union avec le Christ, lumière du monde.

« Le jour de Pentecôte, l’Esprit Saint fut envoyé qui devait sanctifier l’Église en permanence.» C’est lui l’Esprit de vie, la source d’eau jaillissant du cœur ouvert de Jésus sur la Croix et qui devient source dans le cœur des croyants pour la vie éternelle.  « L’Esprit habite dans l’Église et dans le cœur des fidèles comme dans un temple (cf. 1 Co 3, 16 ; 6, 19), en eux il prie et atteste leur condition de fils de Dieu par adoption (cf. Ga 4, 6 ; Rm 8, 15-16.26). » Cet Esprit bâtit l’Église « et la dirige grâce à la diversité des dons hiérarchiques et charismatiques, il l’orne de ses fruits (cf. Ep 4, 11-12 ; 1 Co 12, 4 ; Ga 5, 22). Par la vertu de l’Évangile, il fait la jeunesse de l’Église et la renouvelle sans cesse.» (par. 4)

Quelle synthèse magnifique et inspirante du grand projet d’amour de Dieu pour le monde ! En méditant ces textes tellement riches et inépuisables, nous pénétrons peu à peu dans une nouvelle perception de l’Église, de sa nature, de sa mission. Et nous remontons jusqu’à son origine dans la vie intime de Dieu-Trinité. L’Église est un « peuple qui tire son unité de l’unité du Père et du Fils et de l’Esprit Saint ».

Il faut sans cesse revenir à ce document. Il n’a pas encore donné tous ses fruits.
(18e texte d’une série sur Vatican II)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

mercredi 5 décembre 2012

Vatican II et l’avenir de l’humanité

Les textes précédents de la présente série sur Vatican II ont effleuré plusieurs sujets vitaux pour nos relations sociales et notre bonheur dans la paix et la fraternité. Dans son grand texte « L’Église dans le monde de ce temps », le concile nous invite à réfléchir sur encore d’autres thèmes cruciaux pour aujourd’hui.

Je pense à la coopération internationale.  La crise vécue récemment par « Développement et Paix » et les priorités fixées par notre gouvernement dans  son soutien aux pays pauvres nous poussent à examiner notre volonté et notre capacité d’œuvrer  au développement des populations les plus délaissées de la terre. C’est là un pressant devoir si nous voulons vraiment bâtir la paix. Car la pauvreté d’une part et l’accaparement des richesses d’autre part est une cause importante des multiples tensions qui déchirent les nations et entretiennent la menace de guerres intercontinentales.

« Pour édifier un véritable ordre économique mondial, il faut en finir avec l’appétit de bénéfices excessifs, avec les ambitions nationales et les volontés de domination politique, avec les calculs des stratégies militaristes ainsi qu’avec les manœuvres dont le but est de propager ou d’imposer une idéologie. Une grande diversité des systèmes économiques et sociaux se présentent : il est à souhaiter que les hommes compétents puissent y trouver des bases communes pour un sain commerce mondial, ce qui sera bien facilité si chacun renonce à ses propres préjugés et se prête sans retard à un dialogue sincère. » (par. 85.3)

Ce document conciliaire commence par une affirmation qui est aussi un impérieux programme : « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. » (par. 1) L’espérance qui colore tout le texte est plus que jamais nécessaire. Beaucoup de crises de toutes sortes peuvent nous pousser à un pessimisme qui invite à nous renfermer sur nos propres intérêts et laisser le reste du monde à son destin misérable. Il faut donc savoir regarder notre monde en nous souvenant de cette affirmation bouleversante de l’évangéliste Jean : « Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle. » (3,16)

Une saine inquiétude face au destin de notre humanité et de notre planète nous incite à relire ces textes qui datent certes de cinquante ans, mais qui n’ont rien perdu de leurs énergies qui sont bien aptes à renouveler nos engagements personnels, communautaires et sociaux en vue du bien commun et de la paix de l’humanité. Les grands développements en écologie, de nouvelles spiritualités, des réseaux de solidarité sans cesse en action, une nouvelle sensibilité éthique dans ces domaines se montrent capables d’un renouveau de vitalité en ces domaines qui concernent toute notre planète. Certains y verront une utopie. Mais il faut rêver pour s’engager et changer notre monde pour le mieux-être et l’avenir des jeunes générations.
(17e texte d’une série sur Vatican II)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

dimanche 2 décembre 2012

Vatican II et l’activité humaine

Nous sommes fort occupés par toutes sortes d’activités qui remplissent notre agenda et souvent nos préoccupations. Nous cherchons sans cesse à élargir nos champs d’influence sur la nature et sur le devenir humain par toutes sortes de techniques. Ces activités sur la nature et sur la société nous rendent-elles plus humains et plus responsables les uns des autres? Il y a cinquante ans, le Concile a réfléchi sur ces questions dans le document sur « L’Église dans le monde de ce temps » (par. 33ss) « Quels sont le sens et la valeur de cette laborieuse activité? Quel usage faire de toutes ces richesses? Quelle est la fin de ces efforts, individuels et collectifs? »

Par notre action, nous transformons la nature et la société. Mais nous nous transformons aussi nous-mêmes, apprenant à nous connaître et développant nos diverses capacités. « Cet essor, bien conduit, est d’un tout autre prix que l’accumulation possible de richesses extérieures. L’homme vaut plus par ce qu’il est que par ce qu’il a. De même, tout ce que font les hommes pour faire régner plus de justice, une fraternité plus étendue, un ordre plus humain dans les rapports sociaux, dépasse en valeur les progrès techniques. Car ceux-ci peuvent bien fournir la base matérielle de la promotion humaine, mais ils sont tout à fait impuissants, par eux seuls, à la réaliser. »

Ce qui importe alors, c’est que nos activités permettent aux humains, considérés comme individus ou comme membres de la société, de s’épanouir selon leur véritable dignité humaine dans ses dimensions personnelles et communautaires.

« Pour les croyants, une chose est certaine : considérée en elle-même, l’activité humaine, individuelle et collective, ce gigantesque effort par lequel les hommes, tout au long des siècles, s’acharnent à améliorer leurs conditions de vie, correspond au dessein de Dieu. »

Le Concile demande aux catholiques de « remplir avec zèle et fidélité leurs tâches terrestres, en se laissant conduire par l’esprit de l’Évangile. »  C’est là une exigence de notre foi. « À l’exemple du Christ qui mena la vie d’un artisan, que les chrétiens se réjouissent plutôt de pouvoir mener toutes leurs activités terrestres en unissant dans une synthèse vitale tous les efforts humains, familiaux, professionnels, scientifiques, techniques, avec les valeurs religieuses, sous la souveraine ordonnance desquelles tout se trouve coordonné à la gloire de Dieu. »

Le genre humain tend vers la mondialisation. Il importe alors grandement qu’au nom de notre foi dans le message évangélique et dans l’œuvre universelle de Jésus, nous contribuions à ce que l’humanité entière devienne vraiment solidaire et fraternelle dans le respect de tous et dans un équitable partage des biens physiques et spirituels.
(16e  texte d’une série sur Vatican II)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

vendredi 30 novembre 2012

Vatican II : la paix commence dans les cœurs

Nous vivons des temps de grandes tensions et divisions qui conduisent parfois à des guerres petits ou grosses. Aussi il est urgent d’écouter à nouveau l’enseignement que nous a donné il y a 50 ans Vatican II sur  la source la plus intime de la paix. Dans « L’Église dans le monde de ce temps » (par. 77ss). Les évêques ont lancé « un appel ardent aux chrétiens pour qu’avec l’aide du Christ, auteur de la paix, ils travaillent avec tous les hommes à consolider cette paix entre eux, dans la justice et l’amour, et à en préparer les moyens. »

Après avoir condamné la barbarie et l'inhumanité des guerres, aujourd’hui rendues encore plus cruelles par les armes scientifiquement mises au point et largement commercialisées, les évêques ajoutaient : « En ce qui regarde les problèmes de la paix et du désarmement, il faut tenir compte des études approfondies, courageuses et inlassables déjà effectuées et des congrès internationaux qui ont traité de ce sujet, et les regarder comme un premier pas vers la solution de si graves questions .» Toutefois, il faut rejeter la tentation de « s’en remettre aux seuls efforts de quelques-uns, sans se soucier de son état d’esprit personnel. Car les chefs d’État, qui sont les répondants du bien commun de leur propre nation et en même temps les promoteurs du bien universel, sont très dépendants des opinions et des sentiments de la multitude. Il leur est inutile de chercher à faire la paix tant que les sentiments d’hostilité, de mépris et de défiance, tant que les haines raciales et les partis pris idéologiques divisent les hommes et les opposent. »

Pour que la paix puisse advenir dans notre monde, il est urgent et nécessaire de renouveler nos mentalités afin d’en venir à un changement de ton dans l’opinion publique. Cette tâche concerte les éducatrices et les éducateurs des jeunes et aussi les responsables des médias qui forment l’opinion publique.  Qu’ils « considèrent comme leur plus grave devoir celui d’inculquer à tous les esprits de nouveaux sentiments générateurs de paix. »

Le grand défi qui nous concernent toutes et tous, c’est de changer nos cœurs afin de travailler ensemble au progrès de la paix dans le monde.  « Ne nous leurrons pas de fausses espérances. En effet, si, inimitiés et haines écartées, nous ne concluons pas des pactes solides et honnêtes assurant pour l’avenir une paix universelle, l’humanité, déjà en grand péril, risque d’en venir, malgré la possession d’une science admirable, à cette heure funeste où elle ne pourra plus connaître d’autre paix que la paix redoutable de la mort. »  Jésus a proclamé : « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. » (Matthieu 5, 9)

Notre marche ensemble vers la paix sur notre planète est dans le bon chemin quand nous accueillons l’œuvre de l’Esprit qui change les cœurs, quand nous cherchons activement la paix dans notre milieu de vie et que nous soutenons toutes les actions internationales en faveur de la justice, du partage, de la réconciliation. Voilà bien un chemin de bonheur pour notre humanité tellement déchirée, sans cesse versant larmes et sang sur son destin qui devient ainsi malheureux. Chacun et chacune commençant l’œuvre de paix dans son cœur, il y a espérance que le Christ Jésus Prince de la Paix (voir Éphésiens 2, 13-22)  parviendra à accomplir son cœur dans notre monde que Dieu veut rassembler dans une communauté d’amour et de fraternité.
(15e texte d’une série sur Vatican II)
† Roger Ébacher
Évêque  émérite de Gatineau

mercredi 28 novembre 2012

Vatican II, la guerre et la paix

Il y a cinquante ans, c’était la « guerre froide » confrontant les deux grands blocs américain et soviétique. On y a risqué en 1962, donc au tout début du Concile Vatican II, un affrontement meurtrier lors du blocus de Cuba.  L’intervention du pape Jean XXIII fut alors cruciale pour éviter ce désastre. Et juste avant de mourir Jean XXIII a pu signer l’encyclique qui a marqué son temps et est encore d’actualité : « Pacem in terris ».  Ce texte a d’ailleurs fortement inspiré l’intervention des évêques au concile sur ce sujet de la guerre et de la paix.

Depuis, la situation mondiale a bien changé. Nous vivons actuellement dans un monde éclaté où les guerres régionales, exacerbées par les disparités quant aux besoins fondamentaux et les fondamentalistes de toutes sortes, se multiplient au risque d’enflammer la planète.  Mais l’enseignement de Vatican II reste toujours actuel. Il va aux sources véritables de la paix dans son texte « L’Église dans le monde de ce temps ». (par. 77-90)

« La paix n’est pas une pure absence de guerre et elle ne se borne pas à assurer l’équilibre de forces adverses; elle ne provient pas non plus d’une domination despotique ». Elle est « œuvre de justice » (Isaïe 32, 17). « Elle est le fruit d’un ordre inscrit dans la société humaine par son divin fondateur, et qui doit être réalisé par des hommes qui ne cessent d’aspirer à une justice plus parfaite. » La paix n’est jamais une chose acquise une fois pour toutes : elle est sans cesse à construire.

Mais il faut ajouter que cette paix suppose la sauvegarde du bien des personnes, la libre et confiante communication entre les hommes des richesses de leur esprit et de leurs facultés créatrices. « La ferme volonté de respecter les autres hommes et les autres peuples ainsi que leur dignité, la pratique assidue de la fraternité sont absolument indispensables à la construction de la paix. Ainsi la paix est-elle aussi le fruit de l’amour qui va bien au-delà de ce que la justice peut apporter. »

En somme, les sources vitales de la paix à tous les niveaux de la vie humaine (de la paix dans le cœur à la paix mondiale en passant par la paix dans les couples, les familles, les peuples) sont la justice, fruit d’un véritable développement et d'un partage équitable des biens, et l’amour du prochain qui nous rend capables de dépasser nos limites, de reconnaître l’autre dans sa dignité et dans ses droits.

Pour nous, chrétiens, la source fondamentale de la paix est le Christ Jésus. « Car le Fils incarné en personne, prince de la paix, a réconcilié tous les hommes avec Dieu par sa croix, rétablissant l’unité de tous en un seul peuple et un seul corps. Il a tué la haine dans sa propre chair et, après le triomphe de sa résurrection, il a répandu l’Esprit de charité dans le cœur des hommes. » Œuvrer à la paix est un appel fondamental de notre foi. « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. » (Matthieu 5,9)
(14e texte d’une série sur Vatican II)
†Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

dimanche 25 novembre 2012

Vatican II et la politique

Depuis plusieurs mois, l’intégrité des élus responsables de notre destin politique est mise en question. Les allégations de corruption et de collusion pleuvent. Et l’existence même de la Commission Charbonneau montre que la population perçoit qu’il y a là un danger de grande ampleur pour notre vie civique. Mais ça ne semble pas être une histoire récente, d’après certaines recherches! Et le phénomène ne nous est pas réservé. Il semble bien enraciné en Chine, en Italie. Et il serait facile de multiplier les exemples.

De plus, l’activité politique semble se polariser de plus en plus et par le fait même polariser et diviser les populations. On parle du « combat politique » et des affrontements. La logique du conflit fait voir l’autre comme l’ennemi. Le réflexe du vainqueur est souvent d'ignorer les arguments et valeurs du vaincu. De telles mœurs politiques mettent en question la cohésion sociale et la paix.

Il faut s’interroger sur les principes éthiques qui sont à la base les choix politiques des candidats et des élus dans nos régimes démocratiques. Vatican II nous offre quelques pistes dans son document sur « L’Église dans le monde de ce temps » (par. 73-76). J’en épingle quelques aspects.

« Pour instaurer une vie politique vraiment humaine, rien n’est plus important que de développer le sens intérieur de la justice, de la bonté, le dévouement au bien commun, et de renforcer les convictions fondamentales sur la nature véritable de la communauté politique, comme sur la fin, le bon exercice et les limites de l’autorité publique. » (par. 73.5)

Une communauté existe « pour le bien commun; elle trouve en lui sa pleine justification et sa signification et c’est de lui qu’elle tire l’origine de son droit propre. Quant au bien commun, il comprend l’ensemble des conditions de vie sociale qui permettent aux hommes, aux familles et aux groupements de s’accomplir plus complètement et plus facilement. » (par. 74.1) Il s’ensuit que l’exercice de l’autorité politique dans une communauté humaine doit se vivre « dans les limites de l’ordre moral, en vue du bien commun. […] D’où, assurément, la responsabilité, la dignité et l’importance du rôle de ceux qui gouvernent. »

L’activité politique est un art très difficile, mais très noble. Elle exige que les personnes « s’y livrent avec zèle, sans se soucier de leur intérêt personnel ni des avantages matériels. Ils lutteront avec intégrité et prudence contre l’injustice et l’oppression, contre l’absolutisme et l’intolérance, qu’elles soient le fait d’un homme ou d’un parti politique; et ils se dévoueront au bien de tous avec sincérité et droiture, bien plus, avec l’amour et le courage requis par la vie politique. » (par. 75.6)

Ces principes éthiques sont capables, si vécus avec le soutien des citoyennes et citoyens, d’assainir les mœurs dans ce domaine si important et peuvent permettre à l’État de jouer son rôle par rapport à tous et particulièrement aux personnes les plus faibles et aux plus démunies, dans une optique de fraternité et de paix.
(13e texte de la série sur Vatican II)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

vendredi 23 novembre 2012

La religion dans la société québécoise

On entend ou on lit souvent que la population du Québec fait partie des sociétés les plus sécularisées de la planète. Une telle affirmation appelle un peu d’analyse et de réflexion sur l’histoire récente de la population et de l’Église catholique au Québec. Elle exige aussi un regard sur la situation actuelle de pluralisme qui s’y vit. Et il est fort opportun de chercher à préciser certains mots tels que laïcité, liberté religieuse ou de conscience, qui peuvent devenir de faciles étiquettes au lieu d’éclairer une situation complexe et de faciliter à s’y situer.

Comment comprendre ce que nous vivons sans aucune perspective historique sur les liens séculaires entre la foi catholique et la société québécoise? Quelle est la situation actuelle du pluralisme dans notre société? Quelles sont les forces en opposition ou en lutte au sujet de la place de la religion dans les institutions publiques et dans la vie sociale sous ses diverses formes? Quels sont les grands traits de la vie catholique actuelle au Québec? Voilà quelques questions parmi tant d’autres qui circulent à ce sujet.

Ce sont de telles questions que tentent de clarifier les évêques catholiques du Québec dans un texte intitulé « Catholiques dans un Québec pluraliste ». Ils adressent ces réflexions aux catholiques du Québec. Mais c’est en même temps leur contribution à la réflexion collective et à la recherche de voies nouvelles où peuvent s’engager ensemble toutes les personnes de bonne volonté pour le bien commun de toute notre population.

On y décrit un nouveau pluralisme québécois, tant au niveau de la société qu’à l’interne à l'Église. Nous y trouvons le portrait bref mais suggestif d’un Québec et d’une Église marqués par une diversité sans cesse croissante pour de multiples raisons. Certes entre en jeu l’immigration. Mais il faut y reconnaître aussi le rôle des courants de déconfessionnalisation et de laïcisation, qui donnent un nouveau visage à l’Église d'ici. Et la circulation des idées par les médias sociaux et autres provoque l’apparition d'un pluralisme inédit et sans frontières.

Tous ces phénomènes conduisent à des oppositions et tensions aussi inédites dans notre milieu face à la religion et à sa place dans la société. Le catholicisme aussi apparaît travaillé par de multiples accents, parfois contradictoires. Et puis, il faut bien reconnaître que la fascination du religieux n’est pas éteinte et travaille le cœur de beaucoup.

Il est donc très opportun de développer une réflexion sur le pluralisme et la liberté religieuse chez nous. Les évêques affirment dans leur texte que la religion apporte une contribution positive à la société et est une composante essentielle de l'espace public. 

Ils cherchent aussi à préciser le langage. « La distinction entre "société pluraliste" et "institutions laïques" est à mettre en évidence, comme le souhait d'un "espace public ouvert et accueillant" ». On précise ce que signifient les concepts de laïcité, de sécularisation et de pluralisme. Et les évêques du Québec formulent quels types de relations ils considèrent justes entre le gouvernement, les institutions publiques et les religions au Québec.

En troisième partie du message, on identifie quelques éléments essentiels sur ce que c’est qu’être catholique dans la société qui est la nôtre. On trouve là en particulier des exposés sur l’Église locale, le diocèse, la paroisse, les engagements de toutes sortes qui donnent une image moins pessimiste que ces clichés dont nous inondent trop souvent certains médias et tribuns. C'est rafraichissant.

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

mercredi 21 novembre 2012

Vatican II et la vie économique

On sait que les bases idéologiques du capitalisme sont l’égoïsme devant automatiquement conduire au profit pour tous, et l’intérêt particulier.  Depuis 2008, pris dans une grave crise financière et économique, de plus en plus de responsables financiers et d’entrepreneurs acceptent de se questionner sur les bases de leurs choix professionnels.  Il me semble y avoir là quelque chose de nouveau, qui reste sans doute le fait d’une minorité.  Devant les désastres humains causés par leurs décisions, quelques responsables acceptent de se questionner sur les principes éthiques et les valeurs qui ont motivé leurs choix : le profit, l’efficacité, la compétitivité et le conflit, éclipsant en pratique les autres dimensions humaines fondamentales, telles que la solidarité avec le milieu social, le respect de l’environnement, la paix.

Vatican II avait déjà posé des bases solides pour une telle interrogation (voir « L’Église dans le monde de ce temps, par. 63-72). Y est formulé d'abord un principe fondamental qui vaut pour toutes les activités humaines: « Il faut honorer et promouvoir la dignité de la personne humaine, sa vocation intégrale et le bien de toute la société. C’est l’homme en effet qui est l’auteur, le centre et le but de toute la vie économico-sociale. » (par. 63.1)

Avec la mondialisation, l’accroissement de la population et l’élargissement des aspirations à un partage plus juste, il faut certes continuer à développer  la production agricole, industrielle et le volume des services offerts. « Mais le but fondamental d’une telle production n’est pas la seule multiplication des biens produits, ni le profit ou la puissance; c’est le service de l’homme : de l’homme tout entier, selon la hiérarchie de ses besoins matériels comme des exigences de sa vie intellectuelle, morale, spirituelle et religieuse; de tout homme, disons-nous, de tout groupe d’hommes, sans distinction de race ou de continent. C’est pourquoi l’activité économique, conduite selon ses méthodes et ses lois propres, doit s’exercer dans les limites de l’ordre moral, afin de répondre au dessein de Dieu sur l’homme. » (Par. 64)

Cela signifie que les développements économiques et financiers ne doivent pas être abandonnés entre les mains d’un petit nombre de personnes ou de groupes très puissants, ni au pouvoir politique ou aux pays les plus puissants. « Il convient au contraire que le plus grand nombre possible d’hommes, à tous les niveaux, et au plan international l’ensemble des nations, puissent prendre une part active à son orientation. Il faut de même que les initiatives spontanées des individus et de leurs libres associations soient coordonnées avec l’action des pouvoirs publics, et qu’elles soient ajustées et harmonisées entre elles. » (par. 65.1)

Le document conciliaire traite de beaucoup d’autres sujets rattachés à ce souci de faire en sorte que le bien commun et la paix non seulement locale mais mondiale soient visés par ces activités économiques et financières. Ainsi on parle des disparités économiques dans le monde, de la participation des travailleurs  et des conflits de travail, du lien avec la vie familiale et les loisirs, de l’accès à la propriété privée. Mais « quelles que soient les formes de la propriété, adaptées aux légitimes institutions des peuples, selon des circonstances diverses et changeantes, on doit toujours tenir compte de cette destination universelle des biens. » (par. 69). Tout un paragraphe aborde les investissements et questions monétaires ( par. 70). Enfin, on signale que « les chrétiens actifs dans le développement économico-social et dans la lutte pour le progrès de la justice et de la charité doivent être persuadés qu’ils peuvent ainsi beaucoup pour la prospérité de l’humanité et la paix du monde. » (par. 72)

Certes, ces principes fondamentaux ont été développés de multiples façons depuis et repris dans le Compendium de la doctrine sociale de l’Église.  Pensons aussi à l’encyclique de Benoît XVI sur « le développement humain intégral dans la charité et dans la vérité.» Nous avons là une source très féconde pour alimenter et orienter les recherches et les engagements dans ces domaines cruciaux pour la paix mondiale et l’avenir de notre planète.
(12e texte d’une série sur Vatican II)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

dimanche 18 novembre 2012

Vatican II et la culture

La culture est importante dans notre société. Le mot lui-même a plusieurs sens.  On parle par exemple des industries culturelles. Le Concile Vatican II a réfléchi à cette réalité dans son document « L’Église dans le monde de ce temps » (par. 53-62). Il prend le mot au sens large. On y désigne « tout ce par quoi l’homme affine et développe les multiples capacités de son esprit et de son corps ; s’efforce de soumettre l’univers par la connaissance et le travail ; humanise la vie sociale, aussi bien la vie familiale que l’ensemble de la vie civile, grâce au progrès des mœurs et des institutions ; traduit, communique et conserve enfin dans ses œuvres, au cours des temps, les grandes expériences spirituelles et les aspirations majeures de l’homme, afin qu’elles servent au progrès d’un grand nombre et même de tout le genre humain. »

Des styles de vie divers et des échelles de valeurs différentes naissent de ces façons particulières de se servir des choses, de travailler, de s’exprimer, de pratiquer sa religion, de se conduire, de légiférer, d’établir des institutions juridiques, d’enrichir les sciences et les arts et de cultiver le beau.

Ce domaine de la culture se transforme sans cesse. « En même temps, l’accroissement des échanges entre les différentes nations et les groupes sociaux découvre plus largement à tous et à chacun les richesses des diverses cultures, et ainsi se prépare peu à peu un type de civilisation plus universel qui fait avancer l’unité du genre humain et l’exprime, dans la mesure même où il respecte mieux les particularités de chaque culture. » Un tel phénomène est un puissant appel à construire un monde meilleur dans la vérité et la justice. « Nous sommes donc les témoins de la naissance d’un nouvel humanisme ; l’homme s’y définit avant tout par la responsabilité qu’il assume envers ses frères et devant l’histoire. » En s’appliquant par exemple à la philosophie, à l’histoire, aux mathématiques, sciences arts, « l’homme peut grandement contribuer à ouvrir la famille humaine aux plus nobles valeurs du vrai, du bien et du beau, et à une vue des choses ayant valeur universelle. »

Le Concile a souligné les multiples connivences entre la culture et le message évangélique. « Car Dieu, en se révélant à son peuple jusqu’à sa pleine manifestation dans son Fils incarné, a parlé selon des types de culture propres à chaque époque. » L’Église a continué dans la même route au cours de son histoire bimillénaire. « Ainsi l’Église, en remplissant sa propre mission, concourt déjà, par là même, à l’œuvre civilisatrice et elle y pousse ; son action, même liturgique, contribue à former la liberté intérieure de l’homme. »

Bien des champs appellent alors au travail. On peut y voir une interpellation à travailler avec acharnement à ce que « des décisions fondamentales soient prises de nature à faire reconnaître partout et pour tous, en harmonie avec la dignité de la personne humaine, sans distinction de race, de sexe, de nation, de religion ou de condition sociale, le droit à la culture et d’assurer sa réalisation. »

Je vous invite à aller lire le document lui-même qui indique encore d’autres pistes pour qui veut s’engager dans ce domaine au nom de sa foi ou de son humanisme.
(11e texte d’une série sur Vatican II)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau