mercredi 30 avril 2014

Le confessionnal n’est pas une salle de torture


Dans son texte sur La joie de l’Évangile, le pape affirme qu’au sein de l’Église il y a d’innombrables questions autour desquelles on recherche et on réfléchit avec une grande liberté. « À ceux qui rêvent une doctrine monolithique défendue par tous sans nuances, cela peut sembler une dispersion imparfaite. Mais la réalité est que cette variété aide à manifester et à mieux développer les divers aspects de la richesse inépuisable de l’Évangile. » (par. 40)
 
Puis il rappelle aux prêtres que « l’imputabilité et la responsabilité d’une action peuvent être diminuées voire supprimées par l’ignorance, l’inadvertance, la violence, la crainte, les habitudes, les affections immodérées et d’autres facteurs psychiques ou sociaux ». (par 44)
 
D’où il tire des conclusions fort importantes au sujet de la façon de traiter les gens au confessionnal. « Par conséquent, sans diminuer la valeur de l’idéal évangélique, il faut accompagner avec miséricorde et patience les étapes possibles de croissance des personnes qui se construisent jour après jour. Aux prêtres je rappelle que le confessionnal ne doit pas être une salle de torture mais le lieu de la miséricorde du Seigneur qui nous stimule à faire le bien qui est possible. Un petit pas, au milieu de grandes limites humaines, peut être plus apprécié de Dieu que la vie extérieurement correcte de celui qui passe ses jours sans avoir à affronter d’importantes difficultés. La consolation et l’aiguillon de l’amour salvifique de Dieu, qui œuvre mystérieusement en toute personne, au-delà de ses défauts et de ses chutes, doivent rejoindre chacun. »
 
Est-ce que ces conseils me rappellent des choses vécues au confessionnal ? Chambre de torture ou salle de miséricorde dans l’amour ?
(13e texte d’une série sur la joie)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

samedi 26 avril 2014

Répandre le parfum de l’Évangile

Dans son exhortation à vivre La joie de l’Évangile (par. 34ss), le pape François nous invite à nous attacher vigoureusement et amoureusement au cœur même du message évangélique. Il ne faut pas nous limiter à certains aspects secondaires, même si ce sont ces questions qui sont priorisées  dans les médias selon certains intérêts et opinions du milieu. Il faut aller au cœur de l’Évangile, à ce qui fait sa grandeur et son attrait.
 
Dans ce cœur « resplendit la beauté de l’amour salvifique de Dieu manifesté en Jésus Christ mort et ressuscité » (par. 36). Souvent d’ailleurs François a rappelé cette nécessité de nous centrer sur l’amour miséricordieux et inconditionnellement généreux qui se donne jusqu’à la croix pour que nous vivions en abondance. C’est ce qu’il faut d’abord accueillir. C’est aussi ce qu’il faut d’abord annoncer. L’Église existe pour révéler au monde, en actes et en paroles, ce Dieu qui n’est qu’amour et miséricorde.
 
« Une pastorale en terme missionnaire n’est pas obsédée par la transmission désarticulée d’une multitude de doctrines qu’on essaie d’imposer à force d’insister. Quand on assume un objectif pastoral et un style missionnaire, qui réellement arrivent à tous sans exceptions ni exclusions, l’annonce se concentre sur l’essentiel, sur ce qui est plus beau, plus grand, plus attirant et en même temps plus nécessaire. La proposition se simplifie, sans perdre pour cela profondeur et vérité, et devient ainsi plus convaincante et plus lumineuse. » (par. 35)
 
Et le pape n’hésite pas à en tirer les conséquences pour ses propres paroles, ce qu’on ne se gêne pas parfois de lui reprocher, surtout au sujet des questions morales! Aussi explique-t-il : « Il faut dire que, dans l’annonce de l’Évangile, il est nécessaire de garder des proportions convenables. Ceci se reconnaît dans la fréquence avec laquelle sont mentionnés certains thèmes et dans les accents mis dans la prédication. Par exemple, si un curé durant une année liturgique parle dix fois sur la tempérance et seulement deux ou trois fois sur la charité ou sur la justice, il se produit une disproportion, par laquelle ces vertus, qui devraient être plus présentes dans la prédication et dans la catéchèse, sont précisément obscurcies. La même chose se passe quand on parle plus de la loi que de la grâce, plus de l’Église que de Jésus Christ, plus du Pape que de la Parole de Dieu. » (par. 38)
 
Comment une telle interpellation me rejoint-elle? Est-ce que l’Évangile fait la joie de mon cœur? Comment et quand est présenté par moi ou autour de moi ce cœur de l’Évangile? Est-ce que je sens, à travers ma communauté locale, ce « parfum de l’Évangile »?
(12e texte d’une série sur la joie)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

lundi 21 avril 2014

Une conversion missionnaire


Le cœur du projet du pape François (voir La joie de l’Évangile par.25ss) consiste en un insistant appel à une conversion missionnaire de toute l’Église, dans toutes ses parties. On « ne peut laisser les choses comme elles sont. » Le renouveau ecclésial ne peut pas être différé! L’Église n’est pas une simple administration. Elle doit être partout « en état de mission ». Pour cela, comme Vatican II nous l’a demandé dans le Décret sur l’œcuménisme, « l’Église au cours de son pèlerinage est appelée par le Christ à cette réforme permanente dont elle a perpétuellement besoin en tant qu’institution humaine et terrestre ».
 
François précise : « J’imagine un choix missionnaire capable de transformer toute chose, afin que les habitudes, les styles, les horaires, le langage et toute structure ecclésiale devienne un canal adéquat pour l’évangélisation du monde actuel, plus que pour l’auto-préservation. La réforme des structures, qui exige la conversion pastorale, ne peut se comprendre qu’en ce sens : faire en sorte qu’elles deviennent toutes plus missionnaire, que la pastorale ordinaire en toutes ses instances soit plus expansive et ouverte, qu’elle mette les agents pastoraux en constante attitude de “sortie” et favorise ainsi la réponse positive de tous ceux auxquels Jésus offre son amitié. » (par. 27)
 
La paroisse : elle doit se réformer et d’adapter constamment. « Cela suppose que réellement elle soit en contact avec les familles et avec la vie du peuple et ne devienne pas une structure prolixe séparée des gens, ou un groupe d’élus qui se regardent eux-mêmes. » (par. 28)
 
Les autres institutions ecclésiales : « Communautés de base et petites communautés, mouvements et autres formes d’associations, sont une richesse de l’Église que l’Esprit suscite pour évangéliser tous les milieux et secteurs. Souvent elles apportent une nouvelle ferveur évangélisatrice et une capacité de dialogue avec le monde qui rénovent l’Église. Mais il est très salutaire qu’elles ne perdent pas le contact avec cette réalité si riche de la paroisse du lieu, et qu’elles s’intègrent volontiers dans la pastorale organique de l’Église particulière. »
 
Chaque diocèse est invité « à entrer dans un processus résolu de discernement, de purification et de réforme. »  « Sa joie de communiquer Jésus Christ s’exprime tant dans sa préoccupation de l’annoncer en d’autres lieux qui en ont plus besoin, qu’en une constante sortie vers les périphéries de son propre territoire ou vers de nouveaux milieux sociaux-culturels. »
 
Quant à l’évêque, « parfois il se mettra devant pour indiquer la route et soutenir l’espérance du peuple, d’autres fois il sera simplement au milieu de tous dans une proximité simple et miséricordieuse, et en certaines circonstances il devra marcher derrière le peuple, pour aider ceux qui sont restés en arrière et – surtout – parce que le troupeau lui-même possède un odorat pour trouver de nouveaux chemins. » Il doit stimuler les organismes de participation, « avec le désir d’écouter tout le monde, et non pas seulement quelques-uns, toujours prompts à lui faire des compliments. Mais l’objectif de ces processus participatifs ne sera pas principalement l’organisation ecclésiale, mais le rêve missionnaire d’arriver à tous. »
 
Et le pape? François ajoute : « Du moment que je suis appelé à vivre ce que je demande aux autres, je dois aussi penser à une conversion de la papauté. » Les structures centrales de l’Église universelle ont aussi besoin d’écouter l’appel à une conversion pastorale. Et pour cela, il faut revoir les statuts de conférences épiscopales et sortir d'une centralisation excessive.
 
Comment ces invitations résonnent-elles dans mon cœur? Je suis invité à changer quoi dans ma prière, dans mes choix, mes comportements, mes attraits et refus?
(11e texte d’une série sur la joie)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

vendredi 18 avril 2014

Devenir des itinérants


Le pape François précise son projet d’Église en nous demandant de devenir des itinérants (voir La joie de l’Évangile par. 23ss), « Fidèle au modèle du maître, il est vital qu’aujourd’hui l’Église sorte pour annoncer l’Évangile à tous, en tous lieux, en toutes occasions, sans hésitation, sans répulsion et sans peur. La joie de l’Évangile est pour tout le peuple, personne ne peut en être exclu. » Et François trace le chemin : « Prendre l’initiative, s’impliquer, accompagner, porter du fruit et fêter. »
 
Oser prendre l’initiative :  le Seigneur a pris l’initiative, il a précédé sa communauté « dans l’amour (cf. 1Jn 4, 10), et en raison de cela, elle sait aller de l’avant, elle sait prendre l’initiative sans crainte, aller à la rencontre, chercher ceux qui sont loin et arriver aux croisées des chemins pour inviter les exclus. »
 
S’impliquer : Jésus, à genoux, a lavé les pieds de ses disciples. Et il a ajouté : « Heureux êtes-vous, si vous le faites » (Jn 13, 17). « La communauté évangélisatrice, par ses œuvres et ses gestes, se met dans la vie quotidienne des autres, elle raccourcit les distances, elle s’abaisse jusqu’à l’humiliation si c’est nécessaire, et assume la vie humaine, touchant la chair souffrante du Christ dans le peuple. Les évangélisateurs ont ainsi “l’odeur des brebis” et celles-ci écoutent leur voix. »
 
Accompagner : être avec, consentir aux « longues attentes et la patience apostolique. » L’évangélisateur a beaucoup de patience, et évite de ne pas tenir compte des limites.
 
Fructifier : le semeur est toujours attentif aux fruits. « Il prend soin du grain et ne perd pas la paix à cause de l’ivraie. Le semeur, quand il voit poindre l’ivraie parmi le grain n’a pas de réactions plaintives ni alarmistes. Il trouve le moyen pour faire en sorte que la Parole s’incarne dans une situation concrète et donne des fruits de vie nouvelle, bien qu’apparemment ceux-ci soient imparfaits et inachevés. »
 
Fêter : la communauté évangélisatrice, joyeuse, sait toujours fêter. « Elle célèbre et fête chaque petite victoire, chaque pas en avant dans l’évangélisation. L’évangélisation joyeuse se fait beauté dans la liturgie, dans l’exigence quotidienne de faire progresser le bien.»
 
Est-ce que « devenir itinérant » pour l’Évangile, ça me dit quelque chose? Suis-je engagé dans ce chemin? Quel pas l’Esprit me demande-t-il de faire aujourd’hui?
(10e texte d’une série sur la joie)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

dimanche 6 avril 2014

Le projet de François

Une Église « en sortie » : voilà comment le pape, dans son exhortation La joie de l’Évangile (par. 19ss) résume son projet de réforme ecclésial.
 
Il part de la parole de Jésus ressuscité aux siens : « Allez donc » (Matthieu28,19). Puis, dans un très suggestif résumé de la Bible, il montre que « dans la Parole de Dieu apparaît constamment ce dynamisme de “la sortie” que Dieu veut provoquer chez les croyants. Abraham accepta l’appel à partir vers une terre nouvelle (cf. Gn 12,1-3). Moïse écouta l’appel de Dieu : “Va, je t’envoie” (Ex 3,10) et fit sortir le peuple vers la terre promise (cf. Ex 3, 17). À Jérémie il dit : “Vers tous ceux à qui je t’enverrai, tu iras” (Jr 1, 7). Aujourd’hui, dans cet “ allez ” de Jésus, sont présents les scénarios et les défis toujours nouveaux de la mission évangélisatrice de l’Église, et nous sommes tous appelés à cette nouvelle “sortie” missionnaire. Tout chrétien et toute communauté discernera quel est le chemin que le Seigneur demande, mais nous sommes tous invités à accepter cet appel : sortir de son propre confort et avoir le courage de rejoindre toutes les périphéries qui ont besoin de la lumière de l’Évangile. » (par. 20)
 
Puis il montre que la joie de l’Évangile est une « joie missionnaire ». « Les soixante-dix disciples en font l’expérience, eux qui reviennent de la mission pleins de joie (cf. Lc 10, 17). Jésus la vit, lui qui exulte de joie dans l’Esprit Saint et loue le Père parce que sa révélation rejoint les pauvres et les plus petits (cf. Lc 10, 21). Les premiers qui se convertissent la ressentent, remplis d’admiration, en écoutant la prédication des Apôtres “chacun dans sa propre langue” (Ac 2,6) à la Pentecôte. » (par. 21).
 
Ai-je déjà pris le temps de méditer ces textes? Ai-je déjà expérimenté cette joie missionnaire? Est-ce que cet « Allons ailleurs » (Mc 1,38) de Jésus me pousse à ne pas m’installer  dans les fruits produits, mais me défie d’entrer sans cesse dans un nouvel exode?
(9e texte d’une série sur la joie)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau