vendredi 30 mai 2014

L’argent doit servir


Le pape François, dans La joie de l’Évangile, prend vigoureusement position contre le marché divinisé.  En fait, ce qui est en jeu ici, c’est le refus de l’éthique et en définitive le refus de Dieu en ces domaines des finances et des affaires.
 
L’éthique relativise l’argent et le pouvoir. Alors, on s’en méfie. « On la perçoit comme une menace, puisqu’elle condamne la manipulation et la dégradation de la personne. » Quant à Dieu, il « est incontrôlable, non-manipulable, voire dangereux, parce qu’il appelle l’être humain à sa pleine réalisation et à l’indépendance de toute sorte d’esclavage. »
 
Le pape exhorte les experts financiers et les gouvernants politiques des différents pays à considérer les paroles de saint Jean Chrysostome: « Ne pas faire participer les pauvres à ses propres biens, c’est les voler et leur enlever la vie. Ce ne sont pas nos biens que nous détenons, mais les leurs ».
 
Pour parvenir à une réforme financière qui donne sa juste place à l’éthique, il faut que les responsables financiers et politiques prennent de sages et fermes décisions. Et François leur offre une orientation claire : « L’argent doit servir et non pas gouverner ! Le Pape aime tout le monde, riches et pauvres, mais il a le devoir, au nom du Christ, de rappeler que les riches doivent aider les pauvres, les respecter et les promouvoir. Je vous exhorte à la solidarité désintéressée et à un retour de l’économie et de la finance à une éthique en faveur de l’être humain. »
 
Moi qui ne suis ni expert financier ni responsable politique, comment une telle parole me rejoint-elle ?
 
Que puis-je faire en ce sens et à mon niveau? Ai-je le désir et le courage de le faire ?
 
(19e texte d’une série sur la joie)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

dimanche 25 mai 2014

Un amour immense pour l’humanité


Nous faisons souvent face à des critiques plus ou moins intenses contre l’Église, son histoire, ses engagements, ses péchés. Le pape François nous rappelle souvent qu’il faut savoir écouter ces voix qui nous interpellent à nous convertir plus radicalement à Jésus et à son Évangile.
 
Dans son exhortation La joie de l’Évangile, tout en nous incitant à un discernement spirituel face à ces critiques, il nous souligne aussi certains aspects de l’Église qui peuvent nous inciter à la joie au lieu de nous noyer dans la morosité.
 
Ainsi, il affirme : « Malgré tout le courant séculariste qui envahit la société, en de nombreux pays, – même là où le christianisme est minoritaire – l’Église Catholique est une institution crédible devant l’opinion publique, fiable en tout ce qui concerne le domaine de la solidarité et de la préoccupation pour les plus nécessiteux. En bien des occasions, elle a servi de médiatrice pour favoriser la solution de problèmes qui concernent la paix, la concorde, l’environnement, la défense de la vie, les droits humains et civils, etc. Et combien est grande la contribution des écoles et des universités catholiques dans le monde entier! Qu’il en soit ainsi est très positif. » (par. 65) Ce sont là des fruits de la fidélité aux convictions de base de l’Église sur la dignité de la personne humaine et sur le bien commun.
 
Un peu plus loin, il écrit : « L’apport de l’Église dans le monde actuel est immense. Notre douleur et notre honte pour les péchés de certains des membres de l’Église, et aussi pour les nôtres, ne doivent pas faire oublier tous les chrétiens qui donnent leur vie par amour : ils aident beaucoup de personnes à se soigner ou à mourir en paix dans des hôpitaux précaires, accompagnent les personnes devenues esclaves de différentes dépendances dans les lieux les plus pauvres de la terre, se dépensent dans l’éducation des enfants et des jeunes, prennent soin des personnes âgées abandonnées de tous, cherchent à communiquer des valeurs dans des milieux hostiles, se dévouent autrement de différentes manières qui montrent l’amour immense pour l’humanité que le Dieu fait homme nous inspire. Je rends grâce pour le bel exemple que me donnent beaucoup de chrétiens qui offrent leur vie et leur temps avec joie. Ce témoignage me fait beaucoup de bien et me soutient dans mon aspiration personnelle à dépasser l’égoïsme pour me donner davantage. » (par. 76)
 
Est-ce que je suis porté à un tel discernement, qui fait tenir bon dans la joie confiante et le courage de l'engagement?
(18e texte d’une série sur la joie)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

jeudi 22 mai 2014

Le veau d’or contemporain


L’argent est devenu parmi nous plus important que l'être humain qui est réduit à son besoin de consommation! Tel est le discernement fait par François (La joie de l’Évangile par. 55ss). « Nous avons créé de nouvelles idoles. L’adoration de l’antique veau d’or (cf. Ex 32,1-35) a trouvé une nouvelle et impitoyable version dans le fétichisme de l’argent et dans la dictature de l’économie sans visage et sans un but véritablement humain. »
 
C’est là le fruit du refus de l’éthique et du refus de Dieu. Et il est empoisonné.  « Une nouvelle tyrannie invisible s’instaure, parfois virtuelle, qui impose ses lois et ses règles, de façon unilatérale et implacable. De plus, la dette et ses intérêts éloignent les pays des possibilités praticables par leur économie et les citoyens de leur pouvoir d’achat réel. S’ajoutent à tout cela une corruption ramifiée et une évasion fiscale égoïste qui ont atteint des dimensions mondiales. L’appétit du pouvoir et de l’avoir ne connaît pas de limites. Dans ce système, qui tend à tout phagocyter dans le but d’accroître les bénéfices, tout ce qui est fragile, comme l’environnement, reste sans défense par rapport aux intérêts du marché divinisé, transformés en règle absolue. »
 
« L’argent doit servir et non pas gouverner! Le Pape aime tout le monde, riches et pauvres, mais il a le devoir, au nom du Christ, de rappeler que les riches doivent aider les pauvres, les respecter et les promouvoir. Je vous exhorte à la solidarité désintéressée et à un retour de l’économie et de la finance à une éthique en faveur de l’être humain. »
 
Suis-je parmi les riches ou parmi les pauvres? Comment les paroles de François me touchent-elles?
(17e texte d’une série sur la joie)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

vendredi 16 mai 2014

La mondialisation de l’indifférence

Dans son discernement évangélique sur notre monde, notre pape (La joie de l’Évangile par. 52ss) fustige « une économie de l’exclusion. » « De même que le commandement de “ne pas tuer” pose une limite claire pour assurer la valeur de la vie humaine, aujourd’hui, nous devons dire “non à une économie de l’exclusion et de la disparité sociale”. Une telle économie tue. Il n’est pas possible que le fait qu’une personne âgée réduite à vivre dans la rue, meure de froid ne soit pas une nouvelle, tandis que la baisse de deux points en bourse en soit une. Voilà l’exclusion. »
 
Il fustige aussi la tolérance que nous pratiquons devant la nourriture gaspillée alors que tant de personnes meurent de faim : « C’est la disparité sociale.. » Le jeu de la compétitivité et de la loi du plus fort s’imposent partout. Ainsi, « de grandes masses de population se voient exclues et marginalisées : sans travail, sans perspectives, sans voies de sortie. »  L’être humain lui-même est vu comme un bien de consommation, qu’on peut utiliser et ensuite jeter. « Les exclus ne sont pas des ‘exploités’, mais des déchets, ‘des restes’. »
 
Pour soutenir un tel style de vie qui exclut les autres, « on a développé une mondialisation de l’indifférence. Presque sans nous en apercevoir, nous devenons incapables d’éprouver de la compassion devant le cri de douleur des autres, nous ne pleurons plus devant le drame des autres. » Et le pape a ces paroles qui nous stigmatisent : « La culture du bien-être nous anesthésie et nous perdons notre calme si le marché offre quelque chose que nous n’avons pas encore acheté, tandis que toutes ces vies brisées par manque de possibilités nous semblent un simple spectacle qui ne nous trouble en aucune façon. »
 
Suis-je englué dans la société de consommation? Est-ce que les drames qu’on montre en abondance dans les médias ne sont pour moi qu’un spectacle et me laissent indifférent? Y a-t-il autour de moi des exclus que je ne vois pas?
(16e texte d’une série sur la joie)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

vendredi 9 mai 2014

Sortons!


C’est le cri du pape François (La joie de l’Évangile, par. 48s). Et il faut aller en toute priorité vers les pauvres, qui sont les privilégiés de Jésus dans l’Évangile. « Aucun doute ni aucune explication, qui affaiblissent ce message si clair, ne doivent subsister. »
 
Et François laisse ce cri se répercuter, s’amplifier. Nous trouvons ici le cœur de ce pape missionnaire, qui trouve sa joie à évangéliser. Il n’y a pas à commenter, mais à lire avec notre cœur.
 
« Sortons, sortons pour offrir à tous la vie de Jésus-Christ. Je répète ici pour toute l’Église ce que j’ai dit de nombreuses fois aux prêtres et laïcs de Buenos Aires : je préfère une Église accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins, plutôt qu’une Église malade de la fermeture et du confort de s’accrocher à ses propres sécurités. Je ne veux pas une Église préoccupée d’être le centre et qui finit renfermée dans un enchevêtrement de fixations et de procédures. Si quelque chose doit saintement nous préoccuper et inquiéter notre conscience, c’est que tant de nos frères vivent sans la force, la lumière et la consolation de l’amitié de Jésus-Christ, sans une communauté de foi qui les accueille, sans un horizon de sens et de vie. Plus que la peur de se tromper j’espère que nous anime la peur de nous renfermer dans les structures qui nous donnent une fausse protection, dans les normes qui nous transforment en juges implacables, dans les habitudes où nous nous sentons tranquilles, alors que, dehors, il y a une multitude affamée, et Jésus qui nous répète sans arrêt : « Donnez-leur vous-mêmes à manger » (Mc 6, 37). »
 
Ces paroles brassent quoi en moi? En quoi elles me dérangent? Ou me réconfortent?
(15e texte d’une série sur la joie)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

mercredi 7 mai 2014

L’Église n’est pas une douane


Avec un  franc parler qui étonne et souvent bouleverse, le pape actuel, dans son beau texte intitulé La joie de l’Évangile affirme que l’Église est « une mère au cœur ouvert. » (par. 46) qui sort vers les autres pour aller aux périphéries humaines, pour sans peur les regarder, les écouter. Elle est aussi comme le père du fils prodigue, « qui laisse les portes ouvertes pour qu’il puisse entrer sans difficultés quand il reviendra. »
 
Les églises avec des portes ouvertes sont un beau symbole de cet accueil. « Si quelqu’un veut suivre une motion de l’Esprit et s’approcher pour chercher Dieu, il ne rencontre pas la froideur d’une porte close. »
 
Mais le pape traite surtout d’autres portes qui ne doivent plus se fermer.  « Tous peuvent participer de quelque manière à la vie ecclésiale, tous peuvent faire partie de la communauté, et même les portes des sacrements ne devraient pas se fermer pour n’importe quelle raison. Ceci vaut surtout pour ce sacrement qui est “ la porte”, le Baptême. L’Eucharistie, même si elle constitue la plénitude de la vie sacramentelle, n’est pas un prix destiné aux parfaits, mais un généreux remède et un aliment pour les faibles. »
 
Et le pape insiste : « Nous nous comportons fréquemment comme des contrôleurs de la grâce et non comme des facilitateurs. Mais l’Église n’est pas une douane, elle est la maison paternelle où il y a de la place pour chacun avec sa vie difficile. »
 
De tels propos vont sûrement provoquer de sérieuses réflexions et mises en questions. Lesquelles ? Déjà le prochain synode des évêques pourra nous en dire quelque chose.
 
Et moi, comment est-ce que ça me met en question ? Ça me choque ? Ça me libère ? Et la porte de mon église paroissiale est-elle habituellement ouverte ou fermée à clé?
(14e texte d’une série sur la joie)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau
(Photo du Pape : site de Radio Vatican)