dimanche 29 juillet 2012

La passion de Dieu pour notre monde

Il est bon de sans cesse revenir à nos Saintes Écritures pour y chercher quelques traits de ce que sont appelées à devenir nos relations et notre vie ensemble pour correspondre toujours plus au rêve de Dieu sur nous.

Personnellement, j’ai perçu dans les interpellations des prophètes et dans les exemples de Jésus que l’adoration du Père et le respect de chaque être humain sont inséparables. L’adhésion à Dieu implique une participation à sa passion pour tous les humains. La préférence pour les pauvres, tout en nous gardant ouverts à tous, est au coeur de cette passion divine pour notre monde.

Je pense que l’accent mis sur la priorité aux pauvres, sur la miséricorde à exercer envers les blessés de la vie, sur l’option pour la justice et sur la solidarité avec les forces vives des milieux appauvris et les organismes communautaires est un chemin imposé par notre foi en Jésus. Et je vois qu’en fait ce souci pour la compassion et la justice, le partage équitable, la solidarité, la paix, l’environnement est porté par des milliers de croyantes et croyants bénévoles dans tous les organismes communautaires de chez nous. Ils y sont poussés par leurs convictions profondes, au nom de leur baptême et de l’Évangile. Il est bon de reconnaître toutes les personnes qui, dans les divers domaines de la vie, portent cette angoisse de Dieu pour les petits.

Le ferment évangélique est bon pour notre temps. Mais il s’agit de chercher résolument quoi faire pour que ce ferment soit force de libération et de vie pour les nôtres, mais aussi pour les humains de la terre. Et c’est en général par notre vie quotidienne vécue dans l’amour et la bonté que ce ferment est offert à notre monde, afin qu’il vive en abondance et devienne comme Dieu le veut.

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

jeudi 26 juillet 2012

Une peinture qui réveille mes souvenirs

Mon appartement est décoré par divers tableaux, quelques photos, mais surtout des icônes particulièrement chères à mon cœur et qui soutiennent ma prière. Il y a quelques semaines, j’y ai ajouté une peinture.

C’est un cadeau qui me fut remis le 9 juillet. Il me représente jeune évêque arrivant dans l’Outaouais. Que de souvenirs cachés dans ce portrait! Il m’a entraîné à remonter en 1988. J’arrivais avec une bonne expérience sacerdotale dans divers ministères, avec aussi une expérience de près de neuf ans dans le service épiscopal. J’étais en pleine forme et j'avais le goût d’une nouvelle aventure dans une région et dans un diocèse dont j’ignorais à peu près tout. Le défi de connaître de nouvelles personnes, des paroisses grosses et petites, dans un territoire à la fois très urbain et aussi rural, voilà autant d’appels que je m’apprêtais à relever de mon mieux. Ce magnifique portrait, que beaucoup ont vu sur le journal Le Droit et ont complimenté, fut pour moi un rappel de ces engagements qui sont maintenant dans mon cœur des souvenirs reconnaissants pour l’Église d'ici qui m’a alors accueilli.

L’idée de ce portrait a jailli dans le cerveau toujours si inventif d’un ami, M. Michel Careau qui, avec la complicité et l’œil averti de quelques dames du Centre diocésain, a choisi la photo retenue comme modèle. Un voisin et ami de M. Careau, M. Jean-Marie Pérusse, jeune retraité aux multiples talents, a peint le portrait. Et le 9 juillet au soir, ils sont venus tous les deux à ma résidence me remettre le bon résultat de ce travail préparé et exécuté de longue main.

Je remercie les artisanes et artisans de ce cadeau, et tout particulièrement celui qui l’a peint. Ce cadeau me touche, il réveille en mon cœur bien des souvenirs. Et il me donne le goût de continuer mon engagement, mais sous un mode nouveau, maintenant que je suis retraité et demeure dans cette région de l’Outaouais devenue « chez moi » en 1988.

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

mardi 24 juillet 2012

Une lecture priante de l’Évangile de Jean

En juillet 1975, au cœur de cette année sainte inoubliable pour moi, l’Esprit de Jésus ressuscité m’a donné une soif insatiable des Saintes Écritures. Et depuis, je sens au fond de mon être un attrait à sans cesse les lire et relire, les méditer, les offrir aux personnes qui veulent bien venir y boire. De ce temps-ci, en prévision des prochaines retraites que j’animerai, je m’attache à l’évangile de saint Jean.

J’aime la classification proposée par le Cardinal Martini, voulant que chaque évangile soit écrit pour un temps particulier de notre vie de foi. Marc s’adresse surtout aux catéchumènes qui se préparent au baptême. Pour eux, Jésus est bien énigmatique, mais ils veulent le découvrir, marcher à sa suite et y chercher le bonheur et une vie qui a un but et vaut la peine d’être vécue. Marc leur en trace le chemin. C’est l’Évangile le plus court et il contient l’essentiel des récits sur Jésus et ses appels à le suivre. Il conduit pas à pas les catéchumènes à découvrir le vrai Dieu, à l’adorer et à écouter sa voix en suivant Jésus puis en faisant le choix décisif du baptême.

Matthieu est l’évangéliste du baptisé, de la vie en Église comme lieu de la suite de Jésus en communauté. J’ai beau être baptisé, il reste bien de coins de mon être et de ma vie qui sont encore païens et attendent une conversion plus profonde. Matthieu offre une formation progressive à travers de longues catéchèses qui permettent de se familiariser avec Jésus et avec son monde intérieur. Il apprend aussi comment vivre dans la communauté comme un membre responsable et qui s’engage avec d’autres dans le grand et beau projet de Dieu sur notre monde. Le baptisé doit graduellement reconnaître la présence du Christ dans les petits et les pauvres qui apparemment ne valent rien.

Luc, aussi bien dans son évangile que dans les Actes des Apôtres, est l’évangéliste du témoin et de la mission. C’est la prise en charge de la responsabilité confiée par Jésus à ses disciples : offrir l’Évangile jusqu’aux confins de la terre. On trouve dans cet évangile une formation systématique du témoin, de l’évangélisateur à l’école quotidienne de Jésus. On y apprend à offrir la Parole à celui qui ne croit pas, à celui qui croit différemment, à celui qui croit superficiellement. C’est lui qui nous donne un bouleversant itinéraire de cette formation dans le récit des disciples d’Emmaüs (Luc 24, 32-35).

Jean, c’est l’évangile du chrétien adulte. Il  s’adresse aux personnes déjà avancées dans la vie chrétienne et qui se sentent appelées par l'Esprit à approfondir encore sérieusement leur amitié avec Jésus. Jean, qui s’est penché à la dernière Cène sur le cœur de Jésus et a entendu ses secrets battements de son sein, sait que le mystère de Dieu, de Jésus et de l’Esprit est inépuisable. C’est une source qui devient source en celui qui croit.  Il faut sans cesse y boire à nouveau. Alors tout se simplifie et s’approfondit dans une lente méditation qui nous entraîne dans les profondeurs du Père, Celui qui a envoyé Jésus pour qu’en croyant au Fils nous devenions nous-mêmes de plus en plus enfants de Dieu. C’est essentiellement l’évangile de l’amour. C'est cet évangéliste qui aura l'audace d'écrire dans sa première lettre : « Dieu est Amour ».

Je suis à méditer le commentaire de ce dernier évangile rédigé par le Père Robert Mercier : L’Évangile « pour que vous croyiez ». C’est une étude de ce texte inépuisable à travers la méthode appelée « lectio divina ».  Il ne suffit pas d'une interprétation détaillée du texte. Il faut aussi en tirer des leçons de vie à l’aide des méditations de grands penseurs et mystiques de la tradition chrétienne. La liturgie qui intègre ces textes de Jean dans la vie de l’Église et de nos communautés est aussi mise au service de l’approfondissement du mystère de Dieu et de notre propre mystère, tels qu’ils nous sont révélés en Jésus.

On a comparé Jean à un aigle aux yeux perçants. Il vole très haut mais en même temps, comme au ras de l’histoire et du quotidien, il pénètre les secrets intimes de notre vie la plus ordinaire.  Par ses récits de signe et d’œuvres de Dieu et par ses enseignements, il nous entraîne dans les profondeurs du mystère de Dieu Père, Fils et Esprit et il nous  attire avec lui aux sources de notre propre vitalité humanité, communautaire et spirituelle.

Il est impossible de résumer l’évangile de Jean. Il faut le goûter soi-même pour que notre foi y recueille un ressourcement fécond, rafraichissant et capable de dynamiser d’une façon neuve notre vie. Il faut lire et relire Jean dans un mode méditatif. Son style est à la fois très vivant, coloré et évocateur, mais aussi provocateur et capable de nous faire plonger dans les mystères divins et humains. C’est un évangile à accueillir ligne par ligne, dans une atmosphère de prière amicale venant d’un coeur disponible et assoiffé. Bonne lecture!

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

mercredi 18 juillet 2012

Les médias sociaux et leurs impacts

Plusieurs événements récents forts importants attirent notre attention sur la popularité des médias sociaux et leurs impacts sur notre vie en société et en Église. J’en relève quelques-uns.

Lors du déroulement du « printemps arabe », ces moyens de communications et d'échanges furent des moyens primordiaux, entre bien sûr d’autres procédés plus traditionnels tels que le porte-à-porte, pour déclencher les événements et surtout influencer leurs déroulements par des interventions très rapidement planifiées. Ces médias ont permis des mobilisations presque instantanées et des réactions de foules qui ont conditionné la suite de l'histoire de ces pays.

Au Québec, le « printemps érable » a révélé avec acuité le même phénomène. On y a constaté que les jeunes sont fort habiles dans une telle culture, si nouvelle pour les personnes de mon âge. Certains ont noté l’incapacité du gouvernement et de tant d’autres organismes à entrer dans un tel dialogue. Toutefois, on a noté que la police de Montréal a compris l’impact de ces médias et a pris les moyens pour y être dans un style de dialogue qui a permis de calmer un peu le jeu et d’ouvrir des canaux pour une compréhension meilleure.

Et que dire de l’Église catholique? Au niveau du Vatican, les polémiques ont fait rage dans ces médias sur divers sujets : l’affaire de Recife, les déclarations du pape lors d’un voyage en Afrique, la levée de l’excommunication de 4 évêques. Suite à ce dernier évènement et à la tempête médiatique qu’il a provoquée, le pape a dû écrire à tous les évêques de l’Église catholique pour s’expliquer. On y lit : « Il m’a été dit que suivre avec attention les informations auxquelles on peut accéder par internet aurait permis d’avoir rapidement connaissance du problème. J’en tire la leçon qu’à l’avenir au Saint-Siège nous devrons prêter davantage attention à cette source d’informations. » Et le pape ajoutait : « Une autre erreur, qui m’attriste sincèrement, réside dans le fait que la portée et les limites de la mesure du 21 janvier 2009 n’ont pas été commentées de façon suffisamment claire au moment de sa publication ». Comment être immédiatement aussi clair et transparent que possible pour que la communication se fasse bien?

Tous ces faits nous invitent à une réflexion plus intense sur les nouvelles façons de communiquer dans nos sociétés et leurs impacts sur tout notre style de vivre ensemble et de bâtir une société plus conviviale, plus ouverte. Les mêmes défis existent aussi pour l‘Église catholique. Je me sens bien ignorant et dépourvu devant cette évolution profonde des techniques de communication et leurs impacts. Je n’en suis qu’au blogue, et encore! Alors, je veux continuer à y réfléchir.

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

lundi 9 juillet 2012

Une belle expérience

Dans mes « années de jeunesse », j’ai animé beaucoup de retraites spirituelles pour des religieux, religieuses, prêtres, laïcs. Mais depuis plusieurs années, j’ai dû cesser, étant trop pris par mon ministère quotidien au diocèse de Gatineau. Le temps a passé sur ces beaux souvenirs et je me demandais si j’étais encore apte à vivre un tel exercice d’enseignement, de soutien spirituel et d’accompagnement.

Mais me voilà un retraité depuis quelques mois. Et j’ai reçu comme un clin d'œil de Dieu une invitation à plonger à nouveau dans ces engagements envers des groupes pour les accompagner pendant quelques jours. Je m’y suis risqué. Ce sont les Sœurs de l’Assomption de la Ste-Vierge qui ont eu cette audace de m’inviter et de m’accueillir durant une semaine. Nous nous sommes ensemble plongés dans l’Évangile de saint Jean (2). Ce grand apôtre et mystique est d’ailleurs un des patrons célestes de leur communauté.

Ca m’a fait du bien. Ce fut intense car cet évangile est un écrit très profond. Son auteur est symbolisé par un aigle. Cet oiseau qui vole très haut et a un œil perçant et capable de tout scruter évoque bien cet écrit jailli des contemplations du « disciple bien-aimé » qui a si intimement connu et aimé Jésus. Nous y sommes attirés vers les hauteurs du mystère éternel de Dieu Père, Fils et Esprit. Mais nous sommes aussi conduits à suivre à travers des personnages sympathiques et tellement humains les cheminements de la foi et de l’incroyance. Car il faut choisir pour ou contre ce Dieu toujours mystérieux mais pourtant si proche qui se manifeste par des signes qui questionnent et qui s’explique en des discours qui exigent réflexions et arrêts méditatifs.

J’ai donc le goût de continuer sur ce chemin, au fur et à mesure des appels de l’Esprit.

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

jeudi 5 juillet 2012

Respirer les beautés de la nature

J’aime aller une fois de temps à autre passer une journée à la campagne. C’est ce que j’ai fait récemment. Je suis allé à Champboisé.  Quel magnifique domaine avec ses boisés, sa source, ses champs, ses maisonnettes…..

Je me suis rendu à la source d’abord. Le débit d’eau est faible. Mais en tendant l'oreille j’ai perçu son gazouillis. Il a parlé à mon cœur : «  Demande et je te donnerai une eau qui vivra en toi pour rafraichir ton cœur ». J’ai demandé et j’ai reçu.

Je suis allé flâner dans les sentiers jusqu’à la statue de Marie. Elle veille sur les personnes qui y passent, comme elle a été proche de Jésus, lui donnant sécurité, amour, confiance et audace. N’est-ce pas elle qui a Cana l’a poussé à dépasser ses hésitations et à manifester quelque chose de son mystère intime?

J’ai marché dans les sous-bois, entouré des oiseaux qui en chantant y nourrissent leurs petits. C’est un lieu de fraicheur, mais parfois un coup de vent fait bouger tout le paysage. Le vent! Quel mystérieux personnage. D’où vient-il? Où va-t-il? Pourtant il existe bien : je le sens, je l’entends, je vois ses effets. Parfois c’est plein de douceur et de repos. Parfois c’est un puissant élan qui incite à aller, à oser.

J’ai suivi le ruisseau jusqu’à la petite chute. Là, le gazouillis tranquille du courant d’eau devient plus impétueux, vivant et vibrant. Il se lance vers les chemins qui sont encore devant lui jusqu’à la rivière proche qui l’appelle. Quel mystérieux appel qui le pousse vers le fleuve, vers l’océan.

La nature, c’est plein de vie, de mystères, de secrets. C’est un grand livre par lequel Dieu nous parle, nous instruit, nous fortifie, nous console, nous pousse à agir dans l’amour à la suite de Jésus. L’été est un bon temps pour en lire quelques pages.

J’ai aussi profité de l’accueil de la petite communauté qui anime les lieux. Le silence m’a invité à une bonne sieste. J’ai vécu une belle journée et suis revenu en ville prêt pour un autre bout de marche dans l’espérance de partager encore mieux les joies et les peines des personnes sur mon chemin.

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

mardi 3 juillet 2012

Annoncer la Parole

Je tiens à mettre dans mon programme des temps pour la prédication de retraites à des groupes. Je suis particulièrement invité à le faire par des communautés religieuses.

Je sais par expérience que ce temps consacré à l’exposition de l’Écriture est une période précieuse de ressourcement, non seulement pour les personnes qui s’inscrivent à la retraite, mais sans doute surtout à celui qui est appelé à la diriger. Il fut un mot d’ordre répandu dans les Ordres religieux de prédicateurs qui est toujours de grande actualité : prêche aux autres ce que tu as d’abord toi-même contemplé.

Assurer ce service de la Parole et de la direction spirituelle exige de la prière. Bien sûr, il en faut pendant le temps de la préparation du thème qui sera retenu et développé, mais encore plus durant tout le temps de l’enseignement lui-même. Seul l’Esprit-Saint peut rendre capable d’offrir d’une façon vraie, authentique, savoureuse la Parole de Dieu. Cela aussi, je le sais par expérience. Sans ce souffle de l’Esprit, je n’aurais vraiment rien à dire durant ces jours, qui vont jusqu’à une semaine complète. Je serais un désert, une terre aride, un puits desséché. Seul l’Esprit est Source, Élan, Vent, Feu, Souffle de vitalité et communication des secrets divins, que Lui seul connaît et peut révéler.

Aussi, je me permets de solliciter de votre part des intercessions pour toutes les retraites que je prêcherai dans les prochains mois, j’espère même les prochaines années.

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau