jeudi 29 septembre 2011

Le trafic d’êtres humains

Jusqu’à récemment, je pensais que  le trafic d'êtres humains était un phénomène d'un passé lointain. Lors d’un récent voyage au Bénin, j’ai visité un musée décrivant les terribles souffrances de la traite des esclaves africains vers l’Amérique. Mais je découvre de plus en plus que cette question a une bouleversante actualité et préoccupe de très nombreux organismes gouvernementaux, de la société civile et aussi de l'Église catholique.

Selon  Wikipedia  « La traite des êtres humains est un phénomène ancien et constant, malgré les diverses abolitions, qui s’est développé à nouveau depuis le début des années 1990 sur tous les continents, dans tous les pays. Elle consiste à réduire des individus à l’état d’esclave et à les exploiter au maximum de ce qui est possible, pour en tirer le plus grand profit. Comme toujours, tous les moyens imaginables sont utilisés par les trafiquants pour y parvenir : tromperie, corruption, violence, contrainte, séquestration, chantage, menace, privation de liberté, confiscation des pièces d’identité… »   

Le 14 septembre 2011, l’archevêque Silnavo Tomasi, représentant du Vatican au Conseil pour les Droits de l’homme des Nations-Unies, est intervenu sur ce sujet, dans le cadre d’une session sur l'esclavage contemporain. Les chiffres qu’il y présente sont bouleversants. Ils révèlent l’ampleur de ce phénomène.  Seraient prises dans ce drame près de trois millions de personnes à chaque année. Et ce commerce très lucratif rapporterait plus de trente milliards de dollars annuellement.  Et il commente : « Ce qui est nouveau, c'est la mondialisation de ce commerce, le développement d'un marché mondial qui exploite l'extrême pauvreté et la vulnérabilité de nombreux mineurs et femmes qui tentent d'échapper à des conditions intolérables de misère et de violence ».  

            Beaucoup de personnes sont préoccupées par ce phénomène qui exploite et humilie, même détruit surtout femmes et enfants. Je relève en particulier la très grande importance que donne à cette question la Conférence Religieuse Canadienne. Sur le site de cette association nous trouvons une très riche liste de ressources internet sur cet enjeu d'importance. Ces ressources sont regroupés en trois grandes catégories : les conventions et protocoles internationaux; les organismes non-gouvernementaux; les organismes gouvernementaux.

J’ai lu aussi qu’au Brésil les associations de religieuses et religieuses vont faire campagne sur cette question en rapport avec les prochains jeux olympiques, comme d’ailleurs la CRC l’a fait lors des jeux de Vancouver.

Nous touchons là un drame contemporain qui se développe mondialement. Il est important d’en prendre conscience, de mieux s’informer et d’être vigilants. Car notre pays n’est pas exempt de cette plaie.

† Roger Ébacher
Évêque de Gatineau

dimanche 25 septembre 2011

Ces croix qui parlent

Le 17 septembre dernier, j’ai béni la croix érigée sur un support devant l’église de Notre-Dame-de-la-Guadeloupe.  Elle était à la paroisse St-Raymond avant la fermeture de cette paroisse et son regroupement avec une nouvelle paroisse du nom de Notre-Dame de l'Eau Vive. Un bon nombre de paroissiens et paroissiennes y ont participé, sous un magnifique soleil et dans une atmosphère de joie profonde et de solidarité avec le monde d’ici et de toute la planète. Ces personnes y ont reconnu un symbole de leur foi, de leur engagement pour les plus démunis et appauvris de notre milieu.

Nous sommes habitués à nous marquer du signe de la croix. Ca peut même devenir une routine qui ne nous dit plus rien. Alors, il est bon que certains événements nous invitent à une nouvelle prise de conscience du sens de la croix dans notre tradition chrétienne.

Nous sommes aussi habitués de voir des croix de chemins sur le bord des routes de campagne : c’est une vieille tradition québécoise. Cette fois la croix a été érigée en pleine ville et près d’une rue achalandée, ce qui n’est pas nouveau non plus. Il suffit de penser à la croix sur le Mont-Royal. Et depuis des décennies, une croix est érigée sur la falaise qui borde à Gatineau (secteur Hull) le parc de la Gatineau.  Elle illumine nos nuits en toutes saisons et ainsi peut parler à nos cœurs. Et il y a les croix sur les églises en ville et en campagne.

Ériger ainsi une croix, c’est poser un signe public qui évoque des convictions. Ce signe de la croix clame silencieusement mais éloquemment que Dieu nous aime à la folie. Car toute la vie de Jésus a eu pour but de manifester et d’inviter à accueillir le plus grand secret du cœur de Dieu : il est amour, bonté et miséricorde pour nous les humains. Dieu aime le monde. Jésus est allé jusqu’au don de sa vie sur cet affreux instrument de supplice, le pire qui fut inventé dans l’antiquité, pour nous montrer la vérité de cet amour éternel pour chacune et chacun de nous.

Exposer ainsi une croix, c’est aussi évoquer des valeurs. Sont mises en exergue le don de soi, l’amour, la fidélité, le pardon, la solidarité, la justice. La croix de Jésus a été et est encore l’évocation de tant de haines, de tant de violences de toutes sortes sur l’humanité et sur la nature, de tant d’injustices qui séparent les personnes, les peuples et déchirent l’humanité. La croix de Jésus dit la valeur inestimable de tout être humain, quelles que soient les blessures de toutes sortes, les marginalisations et rejets qui le stigmatisent. En allant jusqu’à la croix, Jésus dit à notre monde que tout être humain possède une valeur et une dignité inaliénables.

Saint Paul avait bien raison, déjà au tout début de l’Église, d’affirmer que le langage de la croix, mise là et comme muette, est plus éloquent que tous les cris de haine ou de frivolité qui déchirent les silences de nos cœurs, de nos villes, de notre planète. Elle parle à tout cœur qui veut bien l’entendre. Elle dévoile paradoxalement le secret du bonheur et les chemins qui y mènent.

Ce n’est pas insignifiant que depuis des années, à travers le monde et particulièrement ici en Outaouais, beaucoup, et souvent des jeunes, des familles, marchent à chaque Vendredi Saint à la suite d’une grande croix et parcourent les rues de nos villes ou villages. La croix choque toujours, elle émeut aussi toujours et elle attire les cœurs affamés et assoiffés de justice, de compassion et de paix.

† Roger Ébacher
Évêque de Gatineau

mardi 20 septembre 2011

Le drame de la Palestine

Ces jours-ci, la Palestine est intensément présente à l’actualité. Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas a l’intention de soumettre le 23 septembre au Conseil de sécurité de l’ONU la demande d’adhésion de l’État palestinien aux Nations-Unies. Ce qui provoque l’accord enthousiaste de nombreuses nations mais aussi de vives oppositions de nations puissantes comme les États-Unis et la Russie.

Je suis allé deux fois en pèlerinage en Terre Sainte. J’ai visité avec émotions plusieurs lieux de la Palestine. J'y ai expérimenté avec douleur les restrictions mises sur les touristes pour de telles visites. Ainsi, je n’ai pas pu me rendre au puits de Jacob en Samarie car ce jour-là le territoire était bouclé par l’armée israélienne. Il en fut de même lorsque nous avons voulu terminer notre visite aux sources du Jourdain en passant par les hauteurs du Golan pour retourner à notre hôtel. Je pensais en m‘endormant ce soir-là à ce que doivent subir de restrictions et d’interdictions les populations locales palestiniennes soumises à une telle occupation militaire.

Et j’ai vu le mur qui sépare les terres, les familles, les lieux de résidence et de travail, J’ai vu les postes de contrôle qui forment des obstacles douloureux pour les personnes qui doivent y passer même quotidiennement pour aller au travail, à l‘école, dans leurs champs. J’ai écouté longuement des étudiantes et étudiants de Nazareth me raconter ce qu’ils vivent dans l’université et les difficultés qui risquent toujours de barrer leur chemin et leur recherche d’un avenir meilleur pour eux et pour leur peuple.

J’ai vu de loin quelques-unes de ces colonies en plein milieu de territoires palestiniens. L’écrivain Falk van Gaver raconte au sujet d’une de ces implantations sur des terres prises illégalement que ca ressemble à une base lunaire! « Lotissements et préfabriqués qui jurent dans le paysage, hérissés d’antennes et de tours de contrôle, ceinturés de réseaux de clôtures électrifiées, de grillages, de barbelés, de caméras, de blocs de béton, de chiens de garde, flanqués de bases et de casernes de l’armée en béton armé ». En somme un vrai décor de science-fiction!  (La Terre Sainte, juillet août 2011,  p. 202)

J’ai aimé prié en pèlerin sur ces lieux qui ont une forte résonnance biblique : Bethléem, Nazareth, la Galilée, Jéricho, Cana, le Carmel. Certes, j’y relisais les récits des grands événements bibliques qui y  ont été vécus et qui marquent notre histoire encore aujourd’hui. Mais j’aimais aussi attentivement regarder les paysages, les visages, les travaux, les lieux de service, en somme la vie quotidienne de ce peuple sur cette terre où Jésus a marché et maintenant blessée par tant de souffrances quotidiennes mais aussi éclairée par tant de solidarité et de joie de vivre malgré tout.

Yasser Arafat répétait à chaque occasion : « La Palestine est juive, chrétienne et musulmane ». Pendant des siècles on y a vécu une coexistence habituellement pacifique entre les différentes communautés religieuses. Mais tout est maintenant pris dans un conflit qui semble interminable. Je suis revenu de ces pèlerinages avec une grande tristesse au cœur et une prière intense pour ces peuples en conflits.

Je suis allé aussi en Israël. Jérusalem est unique pour son histoire plusieurs fois millénaire, pour ce qui s’y est vécu par les trois grandes religions monothéistes, pour ce qui s’y vit aujourd’hui encore avec ces gens qui cherchent à cohabiter et pèlerins qui viennent y boire aux sources mêmes de leur foi et de leur espérance. Jérusalem, ville de la paix, où a passé et est mort le Prince de la Paix. Jérusalem, toujours porteuse d’un appel à la paix.

Lors de mon premier voyage, je me suis abonné à la revue « la Terre Sainte ». Elle me renseigne beaucoup sur la présence des Franciscains depuis tant de siècles sur cette terre. Elle m’informe aussi sur tellement d’événements sociaux, économiques et politiques de la Palestine et d’Israël. Cette revue me fournit aussi divers textes d’archéologie biblique ou qui m’aident à mieux saisir la portée de certains textes bibliques, leur contexte historique et leur signification. En somme j’attends toujours le prochain numéro.

† Roger Ébacher
Évêque de Gatineau

dimanche 18 septembre 2011

Nos traces dans notre environnement

Le 1er mai 2011 le comité des affaires sociales de l’Assemblée des Évêques Catholiques du Québec a publié un message sur l’importance de concilier environnement et travail.  On s'y interroge : « Arrêtons-nous aujourd’hui au souci que nous avons de la création : nous prenons tous et toutes une conscience de plus en plus vive de l’empreinte que nous laissons personnellement sur notre environnement. Que ce soit par nos loisirs ou par notre travail, par nos déplacements ou notre résidence, nous laissons des traces de notre passage. Nous en portons tous et toutes la responsabilité, que nous le voulions ou non. » Et le texte continue en énumérant plusieurs réussites dans ce domaine, affirmant qu’il y en a des centaines parmi nous. C’est stimulant, ca appelle à réfléchir et à agir.

De son côté, la dixième rencontre des Journées sociales du Québec publiait le 5 juin 2011 une déclaration intitulée : « La cause de la terre est aussi celle des plus pauvres ».  J’y lis entre autres : « Nous avons pris conscience que la pauvreté, avec toutes ses conséquences, représente la pire des pollutions ». Et le message continue : « Si l’ensemble de l’humanité est interpellée par la crise écologiques, nous, chrétiennes et chrétiens, le sommes aussi pour des raisons qui nous sont propres. Nous avons toujours placé la personne humaine au centre de notre vision du monde. En conséquence, tout ce qui peut l’agresser, la menacer et lui porter atteinte doit nous préoccuper au premier chef ». Le message affirme aussi que le Canada vit de sérieux reculs sur le front écologique. Il est aujourd’hui à la traîne en ce domaine sur le plan mondial. Nous  avons des responsabilités politiques dans ce domaine.

Ces deux messages m’ont stimulé à chercher un peu plus. Ca m’a conduit à découvrir que le patriarche œcuménique Bartholomée 1er, dans son message du 1er septembre 2011 traite de l’environnement.  Il y parle « d’un combat spirituel qui conduit au bon changement de l’homme et contribue à l’amélioration de ses relations avec l’environnement et de la sensibilité de l’homme en faveur de sa protection et de sa sauvegarde. »

Et il ajoute : « Notre environnement est constitué, comme nous le savons, de la terre, de l’eau, du soleil, de l’air, tout comme de la faune et de la flore.  De nos jours, il est de bon droit de souligner le sens important des forêts et de la flore en général en faveur de la durabilité de l’écosystème terrestre, de même que celui de la sauvegarde des ressources en eau. Aussi, il ne faut pas sous-estimer la grande contribution des animaux à ce bon fonctionnement. »

La référence aux forêts m’a rappelé que l'année 2011 a été déclarée par les Nations-Unies l’Année internationale des forêts.  Au Québec, nous vivons une crise sérieuse en ce domaine de la forêt. Mais se développent aussi ici des recherches intensives en ce domaine et une créativité qui est pleine de promesses. J’aime bien signaler en particulier une organisation qui se développe depuis des années dans le village de Sacré-Cœur, sur la Côte-Nord, près du Saguenay. Il s’agit de Sacopan. C’est un exemple stimulant de réussite remarquable.

Ca vaut la peine de continuer à chercher. Les initiatives en tous ces domaines de l’environnement donnent de l’espérance, tout en montrant l’urgence des défis et en faisant entendre l’appel à une solidarité mondiale. Notre planète, avec son système écologique très complexe et tissé serré est notre richesse et un héritage précieux pour les jeunes générations.

† Roger Ébacher
Évêque de Gatineau

mercredi 14 septembre 2011

Les menaces contre notre alliance avec la nature

Les dernières années se sont produit un très grand nombre de tragédies rattachées à des phénomènes naturels :

       -Le tremblement de terre du Japon suivi d’un tsunami qui ont mis en péril de destruction vies humaines, champs en culture, maisons et villes, centrales nucléaires.
       -La famine en Somalie, avec ses centaines de milliers de morts, de déplacés.
       -Le désert qui envahit les pays au sud du Sahara.
       -Les ouragans qui passent ces temps-ci laissant sur leur chemin morts, inondations, destructions massives de maisons et autres structures et infrastructures.
       -Le récent tremblement de terre dans le nord-est américain avec répercussions au Canada.
        -Les inondations du printemps et de l’été au Québec et au Manitoba.

Ces tragédies peuvent être tout simplement classées comme des phénomènes naturels. Mais je pense que leur fréquence et leur intensité appellent une réflexion plus profonde sur notre situation écologique et notre responsabilité humaine dans ce domaine de l’écologie.

J’ai vu un récent message du pape Benoît XVI sur le sujet, qui me semble stimulant. Il s’adressait à six nouveaux ambassadeurs auprès du Saint-Siège. À travers eux, il appelle les divers gouvernements de la planète à une réflexion nouvelle et en profondeur sur l’environnement et signale que les Nations-Unies devraient être un lieu plus propice à de telles réflexions ensemble, en vue du bien commun et dans une effective solidarité.

Il y affirme que l’humanité risque la disparition si elle n’agit pas promptement et ne modifie pas nos façons de traiter la planète terre. Voici quelques extraits de ce message.

« L’écologie humaine est une nécessité impérative. Adopter en tout une manière de vivre respectueuse de l’environnement et soutenir la recherche et l’exploitation d’énergies propres qui sauvegardent le patrimoine de la création et sont sans danger pour l’homme, doivent être des priorités politiques et économiques. Dans ce sens, il s’avère nécessaire de revoir totalement notre approche de la nature. Elle n’est pas uniquement un espace exploitable ou ludique. Elle est le lieu natif de l’homme, sa "maison" en quelque sorte. Elle nous est essentielle. Le changement de mentalité dans ce domaine, voire les contraintes que cela entraine, doit permettre d’arriver rapidement à un art de vivre ensemble qui respecte l’alliance entre l’homme et la nature, sans laquelle la famille humaine risque de disparaître. Une réflexion sérieuse doit donc être conduite et des solutions précises et viables doivent être proposées. L’ensemble des gouvernants doit s’engager à protéger la nature et l’aider à remplir son rôle essentiel pour la survie de l’humanité.»

Mais cette interpellation ne s’adresse pas seulement aux gouvernements. À tous les niveaux de la société, nous avons diverses responsabilités. Il nous est très difficile de prendre vraiment en compte les effets de nos comportements et choix sur la nature. Pourtant, il en va du proche présent et aussi de l’avenir des plus jeunes parmi nous. D’ailleurs, j’ai le sentiment que beaucoup de jeunes s’ouvrent de plus en plus, et de multiples façons, à ce souci et trouvent des façons originales d’agir. Il serait intéressant de faire une sorte de relevé de tels engagements, souvent très simples, tout proches des gestes quotidiens à réviser, mais qui révèlent une sensibilité nouvelle.

† Roger Ébacher
Évêque de Gatineau

dimanche 11 septembre 2011

Impacts du 11 septembre 2001 sur les catholiques?

C’est une question  très complexe. Au plan régional, les croyantes et croyants d'ici ont vécu les mêmes chocs et effets que les autres partout en Amérique du Nord : peur, suspicions, contrôles resserrés, cœurs déchirés entre la vengeance et le pardon, entre le désir de paix et la nécessité de justice. Nous sommes hantés par la sécurité.

À ma connaissance, quelques catholiques se sont approchés de la communauté musulmane de Gatineau pour limiter la marginalisation de cette communauté et la peur mutuelle. Il en est résulté quelques contacts ouverts et chaleureux. Ainsi, j’ai  été invité, suite à des contacts réguliers entre un prêtre et quelques musulmans,  à participer à un repas de clôture du jeûne d’une journée du Ramadan. J’ai apprécié ce contact qui m’a permis de causer avec un imam local et de comprendre un peu mieux ce que les musulmans vivent parmi nous.

Je note aussi que la municipalité de Gatineau travaille par divers chemins et avec beaucoup de citoyens et citoyennes à développer un climat de compréhension entre les gens de diverses religions, cultures et origines. J’ai reçu les témoignages de personnes affirmant que dans leurs milieux de travail, il y a accueil et coopération sereine. Il est bon de s’engager dans de tels efforts de compréhension mutuelle et de respect.

Au plan international, la réaction très forte, même qualifiée de « croisade »,  de l’Ouest, suite à ces attaques du 11 septembre a causé de grandes souffrances à beaucoup des chrétiens dans plusieurs pays du proche Orient. Je pense à la situation si douloureuse des chrétiens en Irak, en Terre Sainte. C’est un immense exode qui risque de vider de tout chrétien le pays où Jésus a vécu.

Quoi  faire? Certains groupes ne croient pas au dialogue interreligieux comme instrument de paix. D’autres petits groupes s’y engagent. Moi je pense que de tels événements révèlent la nécessité vitale que les grandes religions du monde travaillent ensemble pour assurer la paix sur notre planète, dans le respect mutuel et la reconnaissance de la dignité de chaque être humain. Il est faux d’affirmer que toute religion est source de conflit (je vous invite à lire l’article « La foi peut contribuer à la paix, plaide le dalaï-lama » dans Le Droit du 8 septembre 2011). Il y a certes des extrémistes dans tous les camps. Mais il y a aussi dans tous les camps des personnes qui  veulent le dialogue et sont contre le terrorisme, quel qu’il soit. Le défi est de provoquer des lieux de rencontre, de dialogue et d’engagements ensemble pour lutter contre les causes de tant d’ignorance mutuelle et même de méfiance et de haine.

† Roger Ébacher
Évêque de Gatineau

mardi 6 septembre 2011

La Soupe populaire de Hull

J’ai lu un article de Yannick Boursier : « Le projet de la Soupe populaire sur le point de se concrétiser ».  Ce projet est très audacieux : il s’agit de bâtir un édifice qui abritera les locaux de la Soupe populaire. Mais on y a joint des logements sociaux pour les aînés autonomes. Ce projet est entrepris par une équipe courageuse et pleine de confiance en la population. Elle est d’ailleurs en train de réussir ce grand défi.

Qu’est-ce qui a pu pousser ainsi ces gens à se lancer dans une telle aventure? C’est qu’ils ont perçu que le nombre des personnes et les familles en besoin de nourriture augmentent. De plus, est toujours criant dans notre région le besoin de loyers abordables par des personnes au faible revenu.

J’étais heureux de lire dans l’article cité la reconnaissance du rôle majeur des Sœurs de la Charité d’Ottawa qui ont donné le terrain. Le président de la Soupe affirme même : «  Ca a été notre carte maîtresse ». En fait les communautés religieuses ont joué un rôle crucial dans la mise en place et dans le soutien de beaucoup de ces organismes communautaires, dont la Soupe et le Gite-Ami, pour que la population marginalisée de l’Outaouais reçoive cette attention que les gens ont le droit d’attendre d’une société civile et politique soucieuse du bien-être de ses membres. Merci à toutes ces religieuses et religieux qui ont été et sont encore, selon leurs moyens réduits, d’un tel soutien généreux parmi nous. Elles témoignent de leur amour de Dieu et des humains qui sont créés à son image et ressemblance.

Et mes félicitations à cette équipe formée du conseil d’administration de la Soupe populaire, ainsi qu’à toutes les personnes qui ont appuyé concrètement le projet de mille façons.

Puisse ce nouveau lieu, qui devrait être en service en septembre 2012, manifester les liens qui nous unissent dans la solidarité et le sens les uns des autres.

† Roger Ébacher
Évêque de Gatineau

samedi 3 septembre 2011

La mort, toujours un mystère qui nous provoque

Il nous est difficile, dans notre situation culturelle, de faire face à la mort. Celle qui apparaît continuellement à l’écran de TV est banalisée et en général réduite à des statistiques. Mais la mort de nos concitoyens, de nos proches, notre propre mort? Nous cherchons toutes sortes de subterfuges pour la maquiller ou la  camoufler. Pourtant, elle revient sans cesse s'imposer avec une obstination qui nous force à nous situer devant elle.
Ceci est particulièrement vrai dans le cas de quatre événements récents dans notre région. Je pense d’abord à la mort de Jack Layton. Elle a provoqué une vague irrésistible de sympathie. Jusque dans sa lettre écrite la veille de sa mort, cet homme a été fidèle, avec optimisme et passion, à ses engagements pour l’égalité, la justice, le partage plus équitable, l’environnement. Sa mort si subite a mis en lumière ses idéaux. Elle a  provoqué des prises de consciences profondes. Ses dernières phrases nous arrivent comme un dard de feu dans le coeur: « L’amour est cent fois meilleur que la haine. L’espoir est meilleur que la peur. L’optimisme est meilleur que le désespoir ». Par-delà toute partisannerie politique, ces paroles font réfléchir.
Je pense ensuite à la mort horrible, tragique, inexplicable de Valérie Leblanc, cette jeune fille assassinée derrière le Cégep de l'Outaouais. Elle a provoqué une vague de répulsion et de colère : un tel drame rejoint nos entrailles et les bouleversent. Comment se fait-il qu’un tel assassinat puisse se produire chez nous et avec autant d’horreurs? Que pouvons-nous faire pour que ca ne se reproduise pas?  C’est la jeunesse d'ici qui est en jeu!
Je pense encore au récent départ du Père Jean Monbourquette. Cet homme a soutenu et encouragé tellement de gens. Il a aidé à la guérison de tellement de personnes par ses écrits, ses conférences, ses enseignements, ses rencontres personnelles. Son rayonnement nous rappelle les liens profonds, souvent inexplorés, entre les souffrances de notre corps, de notre psychique et le spirituel qui est profondément ancré en nous. Il a aidé tellement de gens à apprivoiser la mort, leur mort et à la vivre dans la dignité, dans l’espérance et le respect de soi et des autres. Son souvenir, ses écrits vont continuer à nous stimuler.
Je pense enfin à une évocation de la mort dans un tout autre registre. En ces jours-ci, comme à chaque automne, les paroisses du diocèse de Gatineau vivent des messes ou des célébrations de la Parole dans les cimetières et y convoquent les parents et amis des défunts qui y gisent. La participation est nombreuse. L’invitation touche quelque chose qui souvent reste secret mais vibrant en nous. Il y a des relations que la mort ne tue pas. Tout ce que nous avons vécu d’amour, de soutien, de pardon revient lors de ces événements collectifs. Et nous intuitionnons que ce sont des « vivants » que nous venons rencontrer.
Par ailleurs, je suis touché par ce que je lis dans les lettres de centaines de jeunes adultes qui m’écrivent à l’occasion de leur confirmation. Beaucoup y réfèrent à leurs grands-parents décédés. Ces personnes qui les ont chéris dans leur tendre enfance, qui n’y sont plus, restent une source d'inspiration qui les provoque à les prier, croyant qu’ils sont en quelque sorte proches de Dieu. À leur façon, ils affirment ainsi leur foi chrétienne en la vie après la mort, comme Jésus nous l’a promis et nous en a montré le chemin. Il y a là une source enfouie dans le fond des consciences qui souvent jaillit fortement dans les moments de maladie, de détresse dans la vie de ces jeunes. Ils savent comme par intuition que la mort n'est pas la fin de tout.
† Roger Ébacher
Évêque de Gatineau