jeudi 29 juillet 2021

Anniversaire de mon ordination épiscopale

J’ai reçu l’ordination presbytérale le 27 mai 1961 pour œuvrer dans le diocèse d’Amos. J’y ai rempli diverses charges ecclésiales avec l’élan de ma jeunesse, le goût de me donner, et toutes mes illusions…

Puis ce fut l’appel à l’épiscopat. J’ai quitté l’Abitibi avec, dans la mémoire et dans le cœur, diverses expériences comme professeur, curé, directeur de la pastorale diocésaine, etc. J’ai gardé de cette époque un fort souci pour la formation humaine et chrétienne des laïcs.

Je quittais pour la Côte-Nord. J’y fus ordonné évêque à Hauterive il y a 42 ans, le 31 juillet 1979.

Date inoubliable pour moi! Mes parents, mes frères et sœurs ainsi que leurs conjointes ou conjoints et familles, et beaucoup de personnes amies ont fait un long voyage pour être avec moi en ce moment unique dans ma vie. Ce soir-là, le ciel était magnifique. Nous avions soupé ensemble, plusieurs évêques venus se joindre à la communauté de ce diocèse pour la célébration. Puis ce fut en soirée, l’ordination elle-même.

Je ne peux pas oublier un geste posé au moment de la salutation par des personnes représentant diverses catégories de toute la communauté diocésaine. Une religieuse innue est venue me murmurer à l’oreille : « Je vais avoir soin de toi ». Elle parlait au nom des siens. Et c’est vrai que j’y ai reçu un si bel accueil de toutes les communautés, aussi bien autochtones qu’autres de la Côte-Nord!

Cette soirée fut un temps fort spirituel et humain pour moi. Elle a implanté dans mon cœur de grandes promesses qui ont entretenu mon zèle apostolique et mon courage. Ces promesses ont résonné en moi comme ceci : « Tu te fatigueras, mais tu ne succomberas pas ». Et encore : « Tu vas faire des faux pas et trébucher, mais sans tomber ». J’ai pressenti là les soutiens indéfectibles de Jésus dans mon ministère épiscopal. Et Jésus y fut fidèle, de mille façons si souvent imprévisibles!

Baie-Comeau : ce vaste territoire à la fois forestier, rural et urbain. Et aux populations variées, gens de vieille souche, immigrants récents, autochtones. Je m’y suis senti très à l'aise. J’ai cherché à y vivre ma devise épiscopale, à la teneur si fermement ecclésiale et missionnaire : « Par Lui, en Église, pour le monde ». Cette orientation de vie s’est concrétisée par diverses présences aux  communautés paroissiales ou autres, l’accueil de bien des personnes aux portes des églises, et une grande quantité de visites dans des écoles, lieux de travail et autres lieux possibles de rencontrer des personnes de tous âges et de toutes catégories : des enfants et des jeunes aux personnes âgées et malades.

Dès le lendemain de l’annonce de ma nomination au diocèse de Gatineau-Hull, soit le 7 avril 1988, j’y ai fait une visite d’une journée. Tout au long de ces heures très émotives, j’ai porté dans mon cœur une parole tirée de la messe de ce jour-là. Pierre disait à l’infirme qui lui demandait de l'aumône : « De l'or ou de l'argent, je n'en ai pas; mais ce que j'ai, je te le donne : au nom de Jésus Christ, le Nazaréen, marche! » (Actes des Apôtres 3, 1-6) J’ai senti que cette parole devenait la lampe sur mes pas pour les années à venir…

Le 25 avril 1988, j’ai présidé une messe d’adieu à Baie-Comeau, puis le 26  au matin, le cœur serré, j’ai mis tout mon bagage dans mon auto et j'ai quitté la Côte-Nord pour l’Outaouais. J’allais vers une ville en plein développement, avec des régions rurales tout autour. J’y ai été responsable comme évêque de 1988 à 2011, soit 23 ans.

Gatineau est un diocèse très urbanisé, et séparé de la capitale nationale par une rivière, mais relié par plusieurs ponts. J’y ai trouvé un grand défi : celui de la communication. Les journalistes y étaient plus aguerris que ceux de la Côte-Nord. La proximité du gouvernement fédéral oblige! Ce fut là un défi que j’ai réussi à relever, je crois, avec de solides aides.

J’y suis surtout arrivé avec une vive conscience de la tradition implantée par l’évêque fondateur, Mgr Paul-Émile Charbonneau, développée par son successeur, Mgr Adolphe Proulx : l’attention privilégiée pour les petits et les pauvres, et un engagement social, même politique en ce sens. J’ai cherché à enrichir ce précieux héritage et à l’élargir selon mes charismes et mes capacités.

Depuis le 30 novembre 2011, j’y vis ma retraite. Gatineau est devenu ma communauté, « chez-moi », le lieu de ma demeure, de mon vieillissement. Tant que j’en fus capable, mon successeur, Mgr Durocher, m’a invité; à célébrer des confirmations, à participer à des fêtes paroissiales, etc. Je lui en suis très reconnaissant.

Je vis depuis septembre 1988 dans ce qui était alors la maison provinciale des Sœurs de la Charité au Québec, et qui est devenu une grande résidence pour personnes âgées. Je suis heureux de pouvoir y célébrer la messe tous les jours, de répondre à divers appels d’aide aux plans spirituel ou pastoral. Et j’espère bien continuer tant que ma santé me le permettra…

Par ailleurs, ma santé ne me permet plus de vivre un ministère que j’ai beaucoup aimé : celui de l’écriture. Il me faut peu à peu consentir à tourner des pages de ma vie, et entrer dans un nouveau chapitre…

Je me confie à vos prières.

† Roger Ébacher
Archevêque émérite de Gatineau