samedi 12 août 2017

Célébration de la nativité de saint Jean Baptiste et fête nationale des Québécoises et Québécois

Frères et sœurs.

Le 12 octobre 2011 au matin, un ami est venu à mon appartement pour m’offrir une icône de saint Jean-Baptiste. J’en fus ému. Mon ami ne savait pas que ce jour-là était le premier de ma retraite. Par lui, Jean-Baptiste venait m’indiquer le chemin. Comme il l’a fait il y a 2000 ans pour ses premiers disciples, il a pour moi pointé du doigt Jésus et m’a dit : « Suis-le ». Depuis, l’icône de Jean-Baptiste est fixée au-dessus de mon ordinateur!

Les hommes et les femmes qui ont quitté la France pour la terre d’Amérique ont apporté la dévotion à saint Jean Baptiste dans leurs bagages humains et spirituels.

Dès 1606, des colons français se dirigeant vers l’Acadie firent escale le 24 juin à Terre-Neuve pour y célébrer la messe. Le « Monument de la Foi », érigé sur la Place d’Armes de la ville de Québec, rappelle la première messe sur l’ile de Montréal, le 24 juin 1615. Dès 1636, notent les Relations de Jésuites, nos ancêtres célébraient avec enthousiasme et des deux côtés du fleuve la Saint-Jean, avec messes solennelles et feux de joie.

Champlain, inspiré par les valeurs de l’Évangile, a rêvé d’une civilisation où l’on vivrait, Français et Autochtones, dans le respect de l’autre, l’enrichissement mutuel et la paix. Maisonneuve, plantant la croix sur la montagne, donna à Montréal un héritage semblable. Marie de l’Incarnation, Catherine de St-Augustin, Marguerite Bourgeoys, Jeanne Mance ont fondé écoles, hôpitaux, refuges aussi bien pour les Autochtones que pour les Français. Ces personnes et tant d’autres ont inscrit l’Évangile et ses valeurs dans l’ADN de notre nation.

400 ans plus tard, saint Jean Baptiste veut et peut toujours orienter notre cœur et notre discernement vers les valeurs fondamentales pour notre avenir ensemble.

Jean-Baptiste fut l’enfant d’un peuple en panne d’espérance et en mal de raisons de vivre. Il continue aujourd’hui sa mission qui consiste à nous indiquer où puiser le courage de bâtir une société plus juste, plus solidaire, capable de poser des gestes de réconciliation. Cette célébration est une invitation à retrouver nos raisons de vivre dans le cœur d’un Dieu fait homme qui, toujours, aime, accueille, pardonne, ouvre l’avenir. C’est une vaccination contre la résignation passive, la fuite dans les distractions.

Jean-Baptiste fut l’enfant de la rencontre. Alors que Marie, enceinte de Jésus, saluait Élisabeth, il dansa de joie dans le sein de sa mère. Cette célébration nous invite à la joie de la rencontre de l’autre : le réfugié, celui qui tend la main pour quelques sous et surtout pour un accueil, un sourire. C‘est la joie de la fraternité universelle voulue par Dieu et toujours à bâtir.

Jean-Baptiste fut l’homme du désert. Sa pauvreté volontaire interpelle notre mode de vie, notre style de consommation et de gaspillage, les blessures irréparables que nous imposons à la nature.

Jean-Baptiste fut le prophète à la parole dérangeante. À tous, il dit : « Si quelqu'un a de quoi manger, qu'il partage avec celui qui n'en a pas. » Aux détenteurs de pouvoir et de la force, il dit : « Ne faites ni violence ni tort à personne. » Aux brasseurs d’affaires et d’argent il dit : « N'exigez rien de plus que ce qui vous a été fixé. » (Lc 3, 11-14) Notre célébration répercute l’appel de Jean-Baptiste à la justice, à la sensibilité envers l’autre, à la générosité du cœur. La fidélité à notre héritage culturel et spirituel appelle un supplément d’âme, un sursaut de solidarité. Cette fête entretient le goût de bâtir une société marquée par une attention aux marginalisés, aux blessés par la vie et par la société.

Nous célébrons la naissance de Jean-Baptiste dans une famille humble, mais bien enracinée dans la parenté et en bonnes relations avec les voisins. Plus tard, sa mission sera de ramener « le cœur des parents vers leurs enfants, celui des enfants vers leurs parents. » Le couple et la famille sont les bases essentielles de la société et de l’Église. Y sont précieuses les relations de tendresse, de soutien, de consolation entre les grands-parents et les petits-enfants. Et notre société vieillissante appelle un surcroît d’attention des enfants envers leurs vieux parents qui risquent de se retrouver dans la solitude d’un appartement, où ils ont la sécurité, mais peuvent manquer de tendresse et de réconfort de la part des leurs.

Jean-Baptiste fut le témoin d’un Dieu qui aime et qui se souvient. La plaque d’immatriculation de mon auto affiche : « Je me souviens ». Que cette célébration de saint Jean-Baptiste et de notre fête nationale nous rappelle d’où nous venons, de quelle tendresse nous sommes aimés, quelle tâche est devant nous. Nous sommes appelés à devenir une tranche d’humanité porteuse des valeurs évangéliques d’adoration envers Dieu notre Père, de justice et de bonté envers tout humain, et d’admiration affectueuse et protectrice de la nature.

Que l’Esprit de Jésus ressuscité nous y guide!
Amen.

† Roger Ébacher
Archevêque émérite de Gatineau.

Homélie du 24 juin 2017 à la cathédrale St-Joseph de Gatineau