samedi 25 juin 2011

J’ai été un errant

Quand je préparais mon ordination comme prêtre, il y a cinquante ans, j’ai fait écrire sur la base de mon calice deux mots latins : « Donec veniat », c’est-à-dire : « jusqu'à ce qu'il vienne ». Pour moi, ces mots étaient une affirmation solennelle de ma volonté de fidélité à mon ordination jusqu'au bout.

Aujourd’hui, jetant un regard en arrière, je prends conscience à quel point cette promesse publique, certes imbibée de piété et de bonne volonté, était naïve. Car bien des lunes ont passé avant que je prenne conscience que cette ordination était un pacte, une alliance à deux.  Il me fut surtout long de découvrir à quel point l’Autre partenaire, Jésus, est fidèle.

Après mon ordination le 27 mai 1961, rapidement mes chemins sont devenus chaotiques. Il y eut des temps de négligence, de routines, d’oublis, de rêves, de peurs, de refus obstinés, de fuites. Je me suis égaré dans des buissons épineux et flâné dans des sentiers qui ne mènent à rien, sinon à de profondes incohérences. Mes déserts furent envahis de questions, de doutes, de tentations. J’ai été un errant……

Mais Lui Jésus n’a jamais oublié qu’il m’a voulu et appelé. Il m’a toujours revendiqué comme sien! Il m’a longuement cherché et attiré vers Lui. Il ne s’est jamais découragé mais a toujours été fidèle! J’y pense : j'en suis étonné, émerveillé, ému. Pourquoi a-t-il donc tellement tenu à moi? Il n’y a qu’une réponse : sa miséricorde et ses tendresses sont sans mesure.

Un jour Jésus est venu alors que j’étais dans un profond tunnel, et cela depuis des années. Il s’est révélé à moi comme le Vivant, le Ressuscité. Il continue son œuvre à travers nos jours, nos saisons, notre histoire. Et j’ai compris que je suis un bien-pauvre mais bien-aimé instrument dans cette œuvre divine. Il a alors en quelques minutes rattaché tous les fils de notre alliance, il en a éclairé le sens, il m’a transformé. Et j’ai compris intensément que ce que j'ai de mieux à faire de ma vie, c’est d'offrir le Christ et l’Évangile aux Québécoises et Québécois.

Jésus Ressuscité venant vers moi comme la lumière éblouissante du soleil d’un midi de juillet que le vent a libéré de ses nuages a été pour moi l’inoculation d’une énergie étonnante. Trente-cinq ans plus tard, j’en vis encore. Et je n’ai pas honte de Jésus de Nazareth, fils de Marie et Fils de Dieu, mon Seigneur et mon Sauveur, le « Témoin fidèle ».  Je suis fier de lui.

† Roger Ébacher
Évêque de Gatineau

Pour lire la version complète de ce texte.

dimanche 19 juin 2011

Notre relation à l'environnement

Je lisais récemment dans un journal hebdomadaire régional de l’Outaouais (« La Revue », 8 juin 2011, p. 21) un article que j'ai trouvé fort intéressant. On y raconte que le Collège secondaire privé catholique St-Alexandre s’est engagé dans ce qu’on appelle : l’aventure Brundtland.

Il s’agit de former les jeunes aux valeurs écologiques, pacifiques, solidaires et démocratiques, ainsi qu’à la paix dans le monde et dans notre milieu. On y donne quelques exemples d’activités qui seront promues, telles que le compostage, le recyclage.

Et on y note que le seul autre collège privé catholique de la région, le Collège St-Joseph Collège St-Joseph est lui aussi engagé dans la même voie. Sans doute que d'autres écoles de la région vont aussi dans la même voie, car ca rejoint une sensibilité profonde des jeunes.

Une telle formation des jeunes est une belle semence d’espérance. Car ces jeunes vont bientôt rayonner dans la communauté, et déjà ils le font, ce qu’ils croient et ce à quoi ils tiennent au sujet de cette question si vitale pour notre planète, même pour la survivance de ce que nous sommes sur cette planète.

L’enseignement de l’Église catholique peut être d’une belle inspiration dans cet engagement. Par exemple, je vous réfère à une lettre publiée par la commission Justice et Paix des Évêques du Canada, dont j’étais alors le président.

Ce document développe quelque peu le sens biblique de la création et des diverses relations qui nous y unissent dans le plan de Dieu sur nous. Puis il identifie les conséquences de la rupture de cet équilibre voulu par Dieu dans le respect de tous. Des dégâts terribles ont été faits à notre belle planète bleue.

Certes, des pas ont été faits dans le bon sens. Mais nous ne sommes pas suffisamment conscients de l’héritage appauvri que notre génération léguera aux générations à venir. Il faut y apporter des ajustements dès maintenant afin d’améliorer la situation actuelle, pour le mieux-être des prochaines générations et des populations de l’hémisphère sud.

Ce document identifie aussi un certain nombre d’actions qui pourraient être entreprises afin d’atténuer les effets de cette crise écologique, comme : retrouver le sens de la limite et ajuster notre mode de vie aux ressources planétaires disponibles; nous libérer de l’obsession de posséder et de consommer et opter plutôt pour « une austérité joyeuse » ou une simplicité volontaire; consentir des efforts personnels en faveur de l’environnement.

En somme vous avez là un document qui peut inspirer les jeunes et il serait malheureux de vous en priver.

Bon été.

† Roger Ébacher
Évêque de Gatineau

vendredi 17 juin 2011

Les grands-parents

Il me semble souvent que les personnes âgées s’ennuient et se pensent inutiles. J’ai le goût de protester et de leur dire : Mais, vous avez une chose très importante à faire : aimez vos enfants et vos petits-enfants et montrez-le-leur par des gestes simples, vrais, qui viennent de votre cœur: une invitation, un accueil, au appel téléphonique, un petit cadeau significatif... Ils en ont toujours cruellement besoin.
Depuis quelques années, je reçois très souvent le témoignage de jeunes dans la vingtaine ou plus qui affirment que certaines valeurs essentielles dans leur vie leur viennent de leur grand-père, qui non seulement les a initiés à bien des choses matérielles, mais surtout à un savoir-vivre et une sagesse dont ils découvrent peu à peu la beauté et la richesse. Et encore ils affirment en me montrent un objet : ce chapelet vient de ma grand-mère. Il m’est très précieux. Ou encore : cette médaille que je porte au cou, certes discrètement, j'y tiens car elle est un cadeau de ma grand-mère. Elle  m’inspire de la confiance en Dieu, en la vie, en un amour qui m’accompagne.
Les jeunes ont un besoin fou d’être aimés, appréciés. Et ils ne trouvent pas toujours cela sur leur chemin. Ils en viennent souvent à douter qu’ils soient aimables. N’est-ce pas une belle vocation que la vôtres, grands-parents, de leur montrer qu’ils sont aimables et que vous les aimez inconditionnellement!
† Roger Ébacher
Évêque de Gatineau

lundi 13 juin 2011

Nos valeurs

Je reçois chaque année beaucoup de lettres de jeunes et d’adultes qui demandent à recevoir le sacrement de la confirmation. Ils me disent leurs raisons pour faire cette démarche.

Revient souvent la liste des valeurs qu’ils disent vivre ou vouloir vivre dans leur quotidien. Elles sont remarquables. J’épingle les suivantes : honnêteté, respect de la vie et des autres, amour, pardon, rêve d'un monde meilleur, désir d’aider les gens, justice, générosité, équité. Je sens chez ces jeunes un idéal dynamique qui oriente leurs choix et leurs attitudes.
Quelques-uns me disent qu’ainsi ils sont en accord avec des positions de l’Église catholique. Mais pratiquement jamais on identifie Jésus comme source effective de ces valeurs. Il n’est jamais question d'une relation vivante avec Jésus Ressuscité. Alors, on s’attache à des valeurs, que certains reconnaissent vaguement comme des valeurs chrétiennes.
Certes, ces valeurs sont excellentes et animent encore en fait profondément, pour ne pas dire secrètement, notre société et notre culture. Mais elles sont vidées de ce qui est leur vraie force de vie, qui nous rend capables de les défendre avec douceur et respect : Jésus et les évangiles.
J’avoue que cette constatation, faite bien des fois, me trouble et me pose question. Car pour moi, sans Jésus et les évangiles, ces valeurs perdent leur force, leur capacité réelle de continuer à me motiver même dans les pires difficultés de la vie. Pour être fortes et stables, elles ont besoin d'un fondement profond. C'est ce que sont, du moins pour les croyantes et les croyants, une relation personnelle et vivante avec Jésus et les évangiles.
† Roger Ébacher
Évêque de Gatineau

jeudi 9 juin 2011

J'aime aussi l'été

Déjà les oisillons essaient leurs ailes. Les papillons et les abeilles s’en donnent à cœur joie dans les fleurs qui bientôt vont commencer à devenir des fruits. Le soleil s’y met de la partie. Le vent fait bercer doucement les nuages ou parfois les tournent en tempête. Les jours torrides appellent la douceur des nuits qui provoquent nos rêves et viennent calmer ou angoisser nos cœurs.

Quelque part, à l’orée d’un bois, je connais une source qui laisse exalter son chant en un jaillissement qui attire, fascine, rafraichit, me donne le désir de  la goûter. J’aime, chaque fois que je le peux, me laisser attirer par son murmure mystérieux, venir m’y assoir dans l’herbe et abandonner mon cœur à l’envahissement par cette musique qui fait jaillir en moi une source qui vient de je ne sais où…
Et par les nuits claires, la profondeur du mystère des cieux me bouleverse. Les étoiles filantes m’entrainent sous d’autres cieux. Cet univers est si grand, si beau, si plein de secrets, que nous ne finissons pas d'écouter.
Et du fond de ma mémoire jaillissent ces vieux chants bibliques toujours si actuels.
« Mon Dieu, tu es si grand! Vêtu de faste et d'éclat, drapé de lumière comme d'un manteau, tu déploies les cieux comme une tente, tu bâtis sur les eaux tes chambres hautes; faisant des nuées ton char, tu t'avances sur les ailes du vent; tu prends les vents pour messagers, pour serviteurs un feu de flammes. Tu poses la terre sur ses bases, inébranlable pour les siècles des siècles…Dans les ravins tu fais jaillir les sources, elles cheminent au milieu des montagnes;  elles abreuvent toutes les bêtes des champs, les ânes sauvages y calment leur soif;  l'oiseau des cieux séjourne près d'elles, sous la feuillée il élève la voix……… » (Psaume 104, Bible de Jérusalem).
 « A voir ton ciel, ouvrage de tes doigts, la lune et les étoiles, que tu fixas… » (Psaume 8). C’est si beau. C’est si grand. C’est si généreux dans sa diversité.
J’aime chanter l’été.
† Roger Ébacher
Évêque de Gatineau  

mardi 7 juin 2011

J'aime le printemps

Pourquoi j’aime le printemps?
J’ai été élevé dans la nature. J’ai vu avec émerveillement  le miracle printanier des pousses qui jaillissent au milieu des terres encore presque gelées et des herbes mortes de l'automne passé. Ces semences d’automne jetées à tout vent par la nature, que je croyais à jamais disparues sous la neige, germaient! J’ai senti l’arome des jeunes fleurs butinées par les abeilles. J’ai goûté la chaleur neuve du soleil printanier.
Je suis un fils de cultivateur. Très jeune j’ai regardé avec étonnement mon père patiemment jeter les graines en terre. En ce temps-là, pas question des gros instruments aratoires pour faire un tel épandage. Il fallait y aller à la main, pas par pas.
Mon père y manifestait beaucoup de courage, de ténacité et surtout d’espoir. Il croyait que nos champs ensemencés donneraient de belles récoltes à l’automne.
Et tout l’été, à chaque dimanche, il « marchait sa terre » comme on disait, regardant le fruit de sa sueur printanière.
Je commence ce blogue en murmurant dans mon cœur cette petite devise que j’aime bien : « Dis ta foi, elle fleurira ». Notre monde est si souvent noyé de mauvaises nouvelles. Mais il en existe d'autres, tellement belles, encourageants, stimulantes. Pourquoi ne pas se les dire?
Bonne continuation de la route à ceux et celles qui ont bien voulu me lire
† Roger Ébacher
Évêque de Gatineau