samedi 28 décembre 2013

L’alliance dans les psaumes

Le psautier est le livre de prières du peuple d’Israël, ce peuple qui se sait en alliance avec son Dieu. Dieu lui a révélé son Nom : « Je suis celui qui suis. Tu parleras ainsi aux fils d'Israël :' Celui qui m'a envoyé vers vous, c'est : JE-SUIS.' »  (Exode 3, 14) Puis il a fait la grande confidence à Moïse, révélant les secrets de son cœur pour les siens : « YAHVÉ, LE SEIGNEUR, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d'amour et de fidélité. » (Exode 34, 6)
 
Ayant reçu ce don gracieux de l’alliance et les Dix Paroles à l’entrée du désert, le peuple a fait l’apprentissage de vivre avec son Allié durant la longue traversée jusqu’en Terre promise. Il a appris par expérience les tendresses et les miséricordes, mais aussi les exigences de ce Dieu toujours mystérieux, mais toujours fidèle.
 
C’est à Lui que s’adressent les psaumes. Une telle connaissance expérimentale de l’Allié permettait à la communauté priante et à chaque membre de lui présenter adorations et actions de grâces, demandes et supplications, lamentations et même révoltes. Tous les sentiments et toutes les expériences de vie pouvaient ainsi être mises en commun avec Celui qui marche avec les siens et ne les abandonne jamais.
 
Voici par exemple un psaume qui explicite bien cette conscience à la base de la prière du peuple d’Israël.
 
« Alléluia! De tout cœur je rendrai grâce au Seigneur dans l'assemblée, parmi les justes. Grandes sont les œuvres du Seigneur; tous ceux qui les aiment s'en instruisent. Noblesse et beauté dans ses actions : à jamais se maintiendra sa justice. De ses merveilles il a laissé un mémorial; le Seigneur est tendresse et pitié. Il a donné des vivres à ses fidèles, gardant toujours mémoire de son alliance. Il a montré sa force à son peuple, lui donnant le domaine des nations. Justesse et sûreté, les œuvres de ses mains, sécurité, toutes ses lois, établies pour toujours et à jamais, accomplies avec droiture et sûreté! Il apporte la délivrance à son peuple; son alliance est promulguée pour toujours : saint et redoutable est son nom. La sagesse commence avec la crainte du Seigneur. Qui accomplit sa volonté en est éclairé. A jamais se maintiendra sa louange. » (Psaume 110)
 
Voici un autre exemple, particulièrement clair :
 
« Acclamez le Seigneur, terre entière, servez le Seigneur dans l'allégresse, venez à lui avec des chants de joie! Reconnaissez que le Seigneur est Dieu : il nous a faits, et nous sommes à lui, nous, son peuple, son troupeau. Venez dans sa maison lui rendre grâce, dans sa demeure chanter ses louanges; rendez-lui grâce et bénissez son nom! Oui, le Seigneur est bon, éternel est son amour, sa fidélité demeure d'âge en âge. » (Psaume 99)
 
Comprenant cette dynamique de la prière des psaumes, nous ne sommes pas surpris de les retrouver au cœur de la prière de l'Église, Peuple de la Nouvelle Alliance. Ces prières gardent toute leur énergie spirituelle en entretenant ou rétablissant une relation de confiance, de communion avec l’Allié toujours fidèle, miséricordieux, patient et bon.
(15e texte d’une série sur l’Alliance)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

jeudi 26 décembre 2013

« Vivre unis, en prenant soin l’un de l’autre »

Ce titre est extrait du message du pape François pour la Journée mondiale de la paix 2014 : « La fraternité,fondement et route pour la paix ». Le texte papal est abondamment présenté et commenté sur la toile électronique. Le service d’information duVatican l’a officiellement proposé, de même que le site de diverses Églises du monde. Le site de Zenit le résume d’une belle façon en présentant douze « pépites d’or » qui forment un programme tiré de ce message.  Par ailleurs, le document pousse aussi à des expériences communautaires d’engagements pour la paix, la justice, la fraternité.
 
J’épingle quelques extraits de ce message très dynamique et de forte actualité.
 
« Dans le cœur de chaque homme et de chaque femme habite en effet le désir d’une vie pleine, à laquelle appartient une soif irrépressible de fraternité, qui pousse vers la communion avec les autres, en qui nous ne trouvons pas des ennemis ou des concurrents, mais des frères à accueillir et à embrasser. En effet, la fraternité est une dimension essentielle de l’homme, qui est un être relationnel. La vive conscience d’être en relation nous amène à voir et à traiter chaque personne comme une vraie sœur et un vrai frère; sans cela, la construction d’une société juste, d’une paix solide et durable devient impossible. »
 
« Le nombre toujours croissant d’interconnexions et de communications qui enveloppent notre planète rend plus palpable la conscience de l’unité et du partage d’un destin commun entre les nations de la terre. Dans les dynamismes de l’histoire, de même que dans la diversité des ethnies, des sociétés et des cultures, nous voyons ainsi semée la vocation à former une communauté composée de frères qui s’accueillent réciproquement, en prenant soin les uns des autres. » Toutefois, contrairement à ces poussées vers l’autre se développe aussi une « mondialisation de l’indifférence, qui nous fait lentement nous habituer à la souffrance de l’autre, en nous fermant sur nous-mêmes. » Il nous faut choisir notre camp!
 
Le pape prend soin d’indiquer la source biblique d'où jaillit cette fraternité qu’il nous appelle à développer. Puisqu’il n’y a qu'un seul Père qui est Dieu, nous sommes tous des frères et sœurs. « La racine de la fraternité est contenue dans la paternité de Dieu. Il ne s’agit pas d’une paternité générique, indistincte et inefficace historiquement, mais bien de l’amour personnel, précis et extraordinairement concret de Dieu pour chaque homme. »  Il rejoint ainsi le message essentiel de Noël. Dans un amour inouï, Dieu a voulu librement se rendre dépendant de notre accueil. Il nous offre son Fils comme le cadeau le plus merveilleux. C’est à nous de consentir à l'accueillir et de le laisser produire des fruits d’amour dans notre vie. Alors, tout change. Devenus enfants de Dieu en Jésus, nous sommes appelés à reconnaître tout être humain comme un frère, une sœur, et capables de poser des gestes en conséquence.
 
Alors, la fraternité qui fleurit sur cet amour accueilli et donné est l’énergie qui nous motive à engager la lutte contre la pauvreté, la misère, la guerre, et qui nous donne le courage et la ténacité de passer à l’acte à notre niveau et où l’on est. La fraternité devient « fondement et route pour la paix ».  C’est déjà ce que disait Paul VI en affirmant que « le développement est le nouveau nom de la paix », ce qui a inspiré la création de l’organisme du Peuple de Dieu du Canada pour lutter contre les misères ponctuelles ou structurelles qui  minent la fraternité : Développement et Paix.
 
Mais ce ne sont là que quelques pépites de ce beau message. Je vous invite à aller le parcourir en ce temps qui nous incite à revenir à notre cœur pour l’ouvrir à l’appel de Celui qui nous aime et de ceux que nous n’aimons pas assez.
 
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

lundi 23 décembre 2013

Des enfants ont faim

Durant « le temps des Fêtes », nous mangeons à satiété. Mais nous aimons bien aussi donner quelques dollars dans une guignolée ou quelques denrées non périssables pour une banque alimentaire. Par ailleurs, il existe des politiques de destruction alimentaire. « « Environ un tiers de la production alimentaire mondiale est indisponible en raison de pertes et de gaspillages toujours plus étendus. Il suffirait de les éliminer pour réduire de manière drastique le nombre des affamés », affirmait le pape le 16 octobre dernier. Ce vécu contradictoire ne répond pas à la situation réelle de notre monde où un milliard d’êtres humains, dont un grand nombre d'enfants, souffrent et meurent de la faim.
 
Le pape François a récemment lancé une campagne mondiale contre la faim, qualifiant cette situation de scandaleuse. Il s’adressait à la Caritas Internationalis qui est la confédération de 164 organisations  actives dans 200 pays, dont la nôtre : Développement et Paix. Le thème de cette campagne est : « Une seule famille humaine et de la nourriture pour tous les hommes. »
 
Le pape affirme : « Nous nous trouvons face au scandale mondial d’environ un milliard de personnes qui souffrent encore de la faim. Nous ne pouvons pas tourner le dos et faire semblant que ce problème n’existe pas. La nourriture disponible dans le monde suffirait à nourrir tout un chacun. » Et il spécifie que c’est une urgence de respecter ce « droit donné à chacun par Dieu, le droit d’avoir accès à une alimentation adéquate. »
 
Pour faire face à ce besoin primaire, il ne suffit pas de partager ce qui est dans notre assiette. Il faut aussi se faire les « promoteurs d’une authentique coopération avec les pauvres, pour qu’au travers de leur et de notre travail ils puissent vivre une vie digne. J’invite toutes les institutions du monde, toute l’Église et chacun de nous, comme une seule famille humaine, à nous faire l’écho des personnes qui silencieusement souffrent de la faim, afin que cet écho devienne un rugissement capable de secouer le monde. »
 
Cette campagne est une « invitation pour nous tous à devenir plus conscients de nos choix alimentaires, qui souvent comprennent le gaspillage d’aliments et une mauvaise utilisation des ressources que nous avons à disposition. C’est aussi une exhortation à arrêter de penser que nos actions quotidiennes n’ont pas d’impact sur les vies de ceux pour qui, proches ou lointains qu’ils soient. »
 
Quel défi! Comment nous y engager? Certes, en soutenant  Développement et Paix qui œuvre dans plusieurs parties du monde. Mais aussi en ne perdant pas les occasions de responsabiliser les élus des divers niveaux de gouvernement pour que soient efficacement mis en place des politiques et des lieux pour pallier à ce drame chez nous. Notre gouvernement s’était bien engagé à éradiquer ce drame de la vie des enfants canadiens avant l’an 2000. On est loin de cet objectif!
 
Jésus a dit que nous serons questionnés à ce sujet: « J’avais faim. M’avez-vous donné à manger? » C’est une question adressée à nos consciences, à notre Église, à notre société.
 
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

mercredi 18 décembre 2013

Les célébrations de renouvellement de l’alliance

Le peuple d’Israël a cultivé une conscience dynamique que l'offre d’alliance divine est répétée par Dieu à chaque génération, avant que les chrétiens saisissent que c’est là une loi qui vaut pour toute l’histoire du salut et donc concerne tous les peuples. Il revient donc à chaque génération de s’approprier cette grâce et de consentir aux engagements religieux (ne pas servir d’idoles) et sociaux (soin des pauvres, justice pour les travailleurs, accueil des immigrants, en somme vie fraternelle) qui y étaient impliqués. C’est ainsi que nous trouvons dans la bible des célébrations périodiques de renouvellement de l’alliance (Deutéronome 31, 10-11), et aussi surtout lors de certains moments-clés de l’histoire du peuple. Ainsi Moïse avant de mourir donna l’ordre au Peuple d’un tel renouvellement (Deutéronome 27).
 
C’est ce que fait Josué après l'installation des tribus dans la Terre Promise. C’est alors que les tribus s'engagèrent solennellement par serment : « Plutôt mourir que d'abandonner le Seigneur pour servir d'autres dieux! » Josué insiste sur la conséquence fondamentale du choix radical fait ainsi par le peuple : « Alors, enlevez les dieux étrangers qui sont au milieu de vous, et tournez votre cœur vers le Seigneur, le Dieu d'Israël. » Et le peuple répond : « C'est le Seigneur notre Dieu que nous voulons servir, c'est à sa voix que nous voulons obéir. » Josué « conclut une Alliance pour le peuple. C'est à Sichem qu'il lui donna un statut et un droit. Josué inscrivit tout cela dans le livre de la loi de Dieu. » (Josué 24)
 
Lors du retour de l’exil, une grande fête de renouvellement de l’alliance est organisée. « Esdras lisait un passage dans le livre de la loi de Dieu, puis les lévites traduisaient, donnaient le sens, et l'on pouvait comprendre. Néhémie le gouverneur, Esdras qui était prêtre et scribe, et les lévites qui donnaient les explications, dirent à tout le peuple : “Ce jour est consacré au Seigneur votre Dieu! Ne prenez pas le deuil, ne pleurez pas!” Car ils pleuraient tous en entendant les paroles de la Loi. Esdras leur dit encore : “Allez, mangez des viandes savoureuses, buvez des boissons aromatisées, et envoyez une part à celui qui n'a rien de prêt. Car ce jour est consacré à notre Dieu! Ne vous affligez pas : la joie du Seigneur est votre rempart!” Les lévites calmaient tout le peuple en disant : “Cessez de pleurer, car ce jour est saint. Ne vous affligez pas!” Puis tout le peuple se dispersa pour aller manger, boire, envoyer des parts à ceux qui n'avaient rien de prêt, et se livrer à de grandes réjouissances; en effet, ils avaient compris les paroles qu'on leur avait fait entendre. » (Esdras 8)
 
Il est bon de connaître cette longue tradition. Ainsi, nous saurons mieux situer et vivre la veillée pascale annuelle, temps pour la communauté de renouveler les promesses du baptême. Nous comprendrons aussi qu’à chaque messe dominicale, même à chaque célébration eucharistique, c’est bien un engagement renouvelé dans l’alliance nouvelle et éternelle que nous sommes provoqués à vivre.
(14e texte d’une série sur l’Alliance)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

samedi 14 décembre 2013

L’esclavage chez nous

J’ai longtemps pensé que l’esclavage était une vieille histoire, que c’était fini dans notre monde civilisé. Mais je lisais récemment avec stupeur qu’il y a aujourd’hui beaucoup plus d’esclaves qu’autrefois. On parle de trente millions de personnes tenues en esclavage. On fait quoi avec ces personnes réduites à la condition de « choses » à exploiter impunément?  Des enfants-soldats, de forçats exploités pour travailler ou pour mendier, mais surtout des femmes et enfants prostitués.
 
Et ce qui est terrible, cet esclavage « est devenu une chose normale, une chose acceptée, car désormais le fait qu’une personne puisse être vendue ou achetée fait partie de la culture ». C’est ce qu’a déclaré Sœur Eugenia Bonetti, Prix du citoyen européen 2013.
 
Et ça se passe aussi chez nous. On affirme que Montréal est la capitale du tourisme sexuel. Sans parler de l’esclavage sexuel, il y aurait plus de 6000 esclaves au Canada.
 
Une des causes de cette situation est l’extrême pauvreté qui sévit dans de multiples populations de la terre. Mais il faut aussi voir l’appât effréné du gain dans le cœur des personnes qui exploitent ces formes d’esclavage parmi nous, et de celles qui cherchent à en profiter. Ce sont là de graves négations de la dignité de toute personne humaine. Notre inconscience ou notre indifférence joue aussi en faveur de tels drames, dont nous sommes sans doute complices, comme en ce qui concerne les vêtements que nous portons.
 
Nous approchons de Noël. Nous y reconnaissons dans la foi que Jésus, c’est Dieu qui a pris notre condition humaine, proclamant par le fait même la dignité de toute personne humaine. Il est venu partager nos esclavages pour nous en libérer. C’est un bon moment pour réfléchir seul ou en communauté et prendre conscience de ces terribles réalités et comment nous nous y situons comme disciples de Jésus. Suivons-nous ses traces aujourd’hui? Notre pape François aussi nous montre le chemin vers ces esclaves de la peur, de l’exploitation et de notre indifférence.
 
Noël nous invite à une fraternité et à une solidarité renouvelées et actives avec nos frères et sœurs les humains répartis sur cette planète qui est destinée à être une demeure et un lieu de liberté pour chaque personne humaine. Quels gestes puis-je faire en ce sens?
 
† Roger Ébacher
Archevêque émérite de Gatineau

mercredi 11 décembre 2013

Vœux de Noël et du Nouvel An

Le cri antique résonne encore en ce Noël 2013 : « Éclatez en cris de joie, ruines de Jérusalem, car le Seigneur a consolé son peuple. » (Isaïe 52, 9)
 
Les ruines abondent parmi nous. Il est facile d’en faire une longue liste. Pensons à toutes les ruines causées par le chômage, le manque de logements, la violence sur les femmes et les enfants, la drogue, la corruption, la collusion, l’injustice sous tant de formes, la faim, la maladie, la guerre, les ruines intérieures et spirituelles qui écrasent et minent nos vies. Ce sont les ruines de notre propre maison : notre famille, notre ville ou village, notre humanité, la terre, l’air que nous respirons.
 
Et pourtant, nous osons proclamer à Noël : « La terre entière a vu le Sauveur que Dieu nous donne. » (Psaume 97, 3) « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière; sur ceux qui habitaient le pays de l'ombre, une lumière a resplendi. […] Oui! un enfant nous est né, un fils nous a été donné; l’insigne du pouvoir est sur son épaule; on proclame son nom : “Merveilleux-Conseiller, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix”. » (Isaïe, 9, 1.5)
 
Et notre pape François, dans son exhortation sur La joie de l’Évangile, nous appelle à oser proclamer cette joie par toute notre vie.
 
Une année est devant nous pour traduire cette joie dans nos engagements envers les plus blessés par la vie. Nous pouvons travailler pour la paix dans le monde par notre prière, mais aussi jour après jour par nos humbles gestes pour bâtir la paix où nous sommes. Nous pouvons lutter contre les multiples pauvretés du cœur et du corps en nous engageant dans des œuvres humanitaires mondiales, mais aussi en allant vers ces personnes blessées ou marginalisées qui sont sur notre chemin quotidien.
 
Jésus sollicite nos cœurs, nos mains, nos pieds, notre bouche, notre sourire. Osons faire alliance avec Lui dans cette œuvre de paix et de joie, « la joie de l’Évangile »
 
Oui, que la joie de Noël habite nos cœurs!
Que l’an 2014 nous ouvre des chemins de service et de don dans la joie!
 
† Roger Ébacher
Archevêque émérite de Gatineau

vendredi 6 décembre 2013

L’alliance avec David

On cite ces dernières paroles du roi David : « Oui, ma maison est stable auprès de Dieu : il a fait avec moi une alliance éternelle, réglée en tout et bien assurée. »  Cette alliance avec la famille royale de David remonte au temps où David, s’étant bien installé à Jérusalem, voulut bâtir un temple pour le Seigneur. Dieu refuse et l’avertit par le prophète Nathan que c’est plutôt Lui qui bâtira pour David une Maisonnée : « Quand tes jours seront accomplis et que tu seras couché avec tes pères, je maintiendrai après toi le lignage issu de tes entrailles et j'affermirai pour toujours son trône royal. […] Ta maison et ta royauté subsisteront à jamais devant moi, ton trône sera affermi à jamais. » (2 Samuel 7, 12-16)
 
Cette promesse d’alliance éternelle avec la Famille royale de David a été abondamment reprise dans les textes bibliques. Ainsi nous lisons : « Yahvé l'a juré à David, vérité dont jamais il ne s'écarte : “C'est le fruit sorti de tes entrailles que je mettrai sur le trône fait pour toi”. » (Psaume 132, 11) (3) Et le deuxième livre des Chroniques répète de roi en roi cette alliance divine infrangible. Ainsi à Salomon : « Je maintiendrai ton trône royal comme je m'y suis engagé envers ton père David quand j'ai dit : Il ne te manquera jamais un descendant qui règne en Israël. » (2 Chroniques 7,18)
 
Cette alliance davidique a joué un rôle très important dans les attentes messianiques du peuple, en particulier durant l’absence de roi, comme durant l’exil. C’est aussi à cette alliance que réfère l’ange quand il annonce à Marie : « Tu vas concevoir et enfanter un fils; tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père;  il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n'aura pas de fin. » Luc 1, 26-37 Cette même attente du Roi-Messie descendant de David est aussi souvent présente dans les Évangiles.
 
Il est important que nous sachions identifier ces connexions qui tissent le grand plan de salut de Dieu pour tous les humains. Ces chemins divins sont souvent encore aujourd’hui pour nous fort mystérieux, comme ils le furent pour Marie, quelques autres femmes et le disciple Jean quand ils lurent l’inscription affichée par un païen représentant la puissance impériale à la croix de Jésus mourant : « Jésus le Nazaréen, roi des Juifs. » (Jean 19, 19)
(13e texte d’une série sur l’Alliance)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

jeudi 28 novembre 2013

Les Dix Paroles de Dieu

En relisant l’ensemble des alliances, depuis celle avec Adam et Ève, puis avec Noé, avec Abraham et ses descendants, jusqu’à l’alliance du Sinaï, on peut rétrospectivement deviner le projet divin de communion universelle entre Dieu et les humains et même avec toute la création. Même s’il semble peu à peu se restreindre dans son amplitude, nous retrouvons dans les Dix Paroles remises par Dieu à son peuple des injonctions qui visent en fait tous les humains. Le dynamisme interne du plan de Dieu est mondial, car Dieu aime tous les humains et veut le salut de tous.
 
Voici ces Paroles données à Moïse et au peuple: « Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pays d'Égypte, de la maison d'esclavage. Tu n'auras pas d'autres dieux que moi. Tu ne feras aucune idole […] Tu n'invoqueras pas le nom du Seigneur ton Dieu pour le mal, car le Seigneur ne laissera pas impuni celui qui invoque son nom pour le mal. Tu feras du sabbat un mémorial, un jour sacré. Pendant six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage; mais le septième jour est le jour du repos, sabbat en l'honneur du Seigneur ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni tes bêtes, ni l'immigré qui réside dans ta ville. Car en six jours le Seigneur a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu'ils contiennent, mais il s'est reposé le septième jour. C'est pourquoi le Seigneur a béni le jour du sabbat et l'a consacré. Honore ton père et ta mère, afin d'avoir longue vie sur la terre que te donne le Seigneur ton Dieu. Tu ne commettras pas de meurtre. Tu ne commettras pas d'adultère. Tu ne commettras pas de vol. Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain. Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain; tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne : rien de ce qui lui appartient. » (Exode 20, 1-17)
 
Ces Paroles qui règlent les relations avec Dieu et entre les humains gardent leur valeur de guide, de lumière sur nos pas. Jésus ne les a pas abolies, mais accomplies, en révélant leur dynamisme interne dans les Béatitudes et le Sermon sur la Montagne. Ces Dix Paroles articulent l’adoration de l’unique Dieu et les façons de vivre d’un peuple qui sait que les idoles exigent toujours des larmes et du sang, brisent la fraternité et la paix.
 
Dans le texte biblique suivent une foule de prescriptions concrètes qui appliquent aux conditions de vie d’alors ces préceptes généraux et sont périmées. Mais déjà ces Dix Paroles guidaient le peuple dans ses relations humaines fondamentales qui valent encore pour nous aujourd’hui et rejoignent les grandes souffrances de notre époque. (4)
 
Retenons par exemple : « Tu ne molesteras pas l'étranger ni ne l'opprimeras, car vous-mêmes avez été étrangers dans le pays d'Égypte. Vous ne maltraiterez pas une veuve ni un orphelin. […]Tu ne colporteras pas de fausses rumeurs. Tu ne prêteras pas la main au méchant en témoignant injustement. Tu ne prendras pas le parti du plus grand nombre pour commettre le mal, ni ne témoigneras dans un procès en suivant le plus grand nombre pour faire dévier le droit. […] Tu n'accepteras pas de présents, car le présent aveugle les gens clairvoyants et ruine les causes des justes. Tu n'opprimeras pas l'étranger. Vous savez ce qu'éprouve l'étranger, car vous-mêmes avez été étrangers au pays d'Égypte. » (Exode 22, 20-21 à 23,9)
 
Ces règles éthiques fondamentales, et bien d’autres qu’on trouve aussi comme découlant des Dix Paroles, sont toujours d’une grande actualité, car elles expriment notre commune humanité et ses exigences de fraternité universelle. Elles méritent d’être méditées et appliquées parmi nous et dans tous les peuples.
(12e texte d’une série sur l’Alliance)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

jeudi 14 novembre 2013

L’alliance sur le Sinaï

Cette alliance sur le Sinaï est faite par Dieu qui s’est auparavant révélé à Moïse comme Celui qui accompagne les descendants d’Abraham, Isaac et Jacob pour les libérer d’Égypte. C’est une alliance avec ce petit peuple récemment sorti de l’esclavage, pauvre et humilié. Dieu veut en faire son instrument pour un jour manifester sa miséricordieuse bonté à tous les peuples de la terre. Avec l’alliance faite avec Abraham, nous avons là l’alliance la plus importante de l’Ancien Testament. Elle contient la promulgation des dix Paroles (Dix Commandements). Son influence dans l’histoire de toutes les nations est unique.
 
En voici la description : « Moïse vint rapporter au peuple toutes les paroles du Seigneur et tous ses commandements. Le peuple répondit d'une seule voix : “Toutes ces paroles que le Seigneur a dites, nous les mettrons en pratique.” Moïse écrivit toutes les paroles du Seigneur; le lendemain matin, il bâtit un autel au pied de la montagne, et il dressa douze pierres pour les douze tribus d'Israël. Puis il chargea quelques jeunes Israélites d'offrir des holocaustes, et d'immoler au Seigneur de jeunes taureaux en sacrifice de paix. Moïse prit la moitié du sang et le mit dans des bassins; puis il aspergea l'autel avec le reste du sang. Il prit le livre de l'Alliance et en fit la lecture au peuple. Celui-ci répondit : “Tout ce que le Seigneur a dit, nous le mettrons en pratique, nous y obéirons.” Moïse prit le sang, en aspergea le peuple, et dit : “Voici le sang de l'Alliance que, sur la base de toutes ces paroles, le Seigneur a conclue avec vous.” (Exode 24,3-8)
 
La communion entre Dieu et le peuple choisi fut célébrée par un banquet devant Dieu. Aaron et 70 représentants du peuple furent invités par Dieu à monter sur la montagne avec Moïse. "Ils virent le Dieu d'Israël. Sous ses pieds il y avait comme un pavement de saphir, aussi pur que le ciel même. Il ne porta pas la main sur les notables des Israélites. Ils contemplèrent Dieu puis ils mangèrent et burent.” (Exode 24,11-12)
 
Peu à peu, Israël a compris que Dieu parlait alors à toutes les générations à venir. Son actualité fut sans cesse renouvelée de génération en génération, en particulier dans de grandes célébrations cultuelles. Pour notre part, nous pouvons reconnaître là des paroles reprises par Jésus la veille de sa mort, lorsqu’il a institué l’eucharistie. L’alliance visée par Dieu traversera les siècles et les cultures de toutes sortes : Dieu veut un jour se faire connaître et accueillir dans la liberté de l’amour par tous les humains.
(11e texte d’une série sur l’Alliance)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

lundi 4 novembre 2013

L’alliance abrahamique et Moïse


Dieu, en donnant son alliance à Abraham, y incluait ses descendants. Mais que leur est-il advenu alors que pendant quatre-cents ans ils ont dû vivre dans le milieu païen de l’Égypte, y furent réduits en esclavage puis menacés de génocide?
 
« Les Israélites, gémissant de leur servitude, crièrent, et leur appel à l'aide monta vers Dieu, du fond de leur servitude.  Dieu entendit leur gémissement; Dieu se souvint de son alliance avec Abraham, Isaac et Jacob. Dieu vit les Israélites et Dieu connut... » (Exode 2, 23-25) Celui qui s’est fait connaître à leurs ancêtres n’a pas oublié. Telle est la fidélité de Dieu à son alliance, par-delà les siècles et les errances de ses alliés.
 
Moïse a essayé de libérer les siens. Mais ce fut l’échec et il devient un fuyard. Il prend une femme madianite, a  un enfant à qui il donne un nom qui exprime sa peine et sa nostalgie de réfugié. Et il essaie d'oublier! Mais Dieu le rejoint dans la solitude du Sinaï et se présente en retissant le fil des générations qui semblait à jamais brisé : « Je suis le Dieu de tes pères, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob. » (3,6)
 
Et Dieu lui fait une bouleversante confidence : « J'ai vu, j'ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte. J'ai entendu son cri devant ses oppresseurs; oui, je connais ses angoisses. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et le faire monter de cette terre vers une terre plantureuse et vaste, vers une terre qui ruisselle de lait et de miel. » (3,7-8. Voir aussi 6,1-4) Les anciennes promesses sont toujours effectives.
 
Malgré les apparences, Dieu n’a pas oublié l’alliance donnée dans un élan de sa bienveillance : elle est toujours solide. Il se souvient. Il agit. Il appelle des collaborateurs. Et il n’oubliait pas non plus la finalité universelle de cette alliance qui semble ici se restreindre à un seul peuple. Nous lisons dans Ben Sirac (44, 19 à 45,1) qu’Abraham fit alliance avec Dieu, en incrusta le signe dans sa chair et lors de l'épreuve fut fidèle. « Dieu lui promit par serment de bénir toutes les nations en sa descendance, de la multiplier comme la poussière de la terre et d'exalter sa postérité comme les étoiles,  de leur donner le pays en héritage, d'une mer à l'autre, depuis le Fleuve jusqu'aux extrémités de la terre. À Isaac, à cause d'Abraham son père, il renouvela la bénédiction de tous les hommes; il fit reposer l'alliance sur la tête de Jacob. Il le confirma dans ses bénédictions et lui donna le pays en héritage […] Il fit sortir de lui un homme de bien qui trouva faveur aux yeux de tout le monde, bien‑aimé de Dieu et des hommes, Moïse, dont la mémoire est en bénédiction. »
 
En ces temps où nous vivons dans un contexte social et culturel où se multiplient les idoles et où il nous semble que beaucoup oublient ou méprisent l’alliance de leurs ancêtres, il est très précieux de nous souvenir que Dieu n’oublie pas. Il est fidèle. Il nous demande d'oser lui faire confiance. Il est capable, par des chemins que nous ignorons et au temps qui sera le sien, d’activer d’une façon neuve son alliance éternelle avec les humains. Car il veut leur salut et leur bonheur.
(10e texte d’une série sur l’Alliance)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

lundi 28 octobre 2013

L’alliance passe à Joseph

Avant de mourir, le vieux Jacob témoigna devant l’arrière-petit-fils d’Abraham que l’alliance alors conclue par Dieu avec leur ancêtre est toujours solide et fiable. Il dit à Joseph : « El Shaddaï m'est apparu à Luz, au pays de Canaan, il m'a béni et m'a dit: “Je te rendrai fécond et je te multiplierai, je te ferai devenir une assemblée de peuples et je donnerai ce pays en possession perpétuelle à tes descendants après toi.” Maintenant, les deux fils qui te sont nés au pays d'Égypte avant que je ne vienne auprès de toi en Égypte, ils seront miens! Éphraïm et Manassé seront à moi au même titre que Ruben et Siméon. » Et Jacob bénit ses deux petits-fils, nés de Joseph en Égypte : « Que le Dieu devant qui ont marché mes pères Abraham et Isaac, que le Dieu qui fut mon pasteur depuis que je vis jusqu'à maintenant, que l'Ange qui m'a sauvé de tout mal bénisse ces enfants, que survivent en eux mon nom et le nom de mes ancêtres, Abraham et Isaac, qu'ils croissent et multiplient sur la terre! »  Et il ajouta à l’endroit de Joseph : « Voici que je vais mourir, mais Dieu sera avec vous et vous ramènera au pays de vos pères. » (Genèse 48, 3-22)
 
Joseph croit avec fermeté aux promesses faites aux patriarches et matriarches. Il accueille la bénédiction.  Puis voyant venir la fin de ses jours, il transmet à sa famille, comme un précieux héritage, cette certitude de la fidélité du Dieu de ses pères, le « Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ».  « Je vais mourir, mais Dieu vous visitera et vous fera remonter de ce pays dans le pays qu'il a promis par serment à Abraham, Isaac et Jacob. » (54,25-26)
 
Ainsi s‘affirme dans la Bible la façon dont Dieu met en œuvre son grand dessein de miséricorde pour les humains et pour leur bonheur. Dieu passe par des alliances. Dieu ainsi se révèle, fait connaître ses chemins, guide celles et ceux qui acceptent d'entrer dans son alliance. Il les bénit, les fait fructifier et réussir, les protège et leur donne la mission de porter le témoignage de sa volonté de proximité et de salut à tous les humains. Ainsi,  nous voyons l’alliance passer, par cette famille d’Abraham, élargie par adoptions, au cœur du peuple païen des Égyptiens. Elle portera là son témoignage pour ce Dieu fidèle.
 
Il est important que nous cultivions en Église la mémoire de l’alliance divine qui est à la base de notre vie de foi et d’espérance. Ainsi nous pourrons dans l’amour développer des relations sans cesse nouvelles avec Dieu, entre nous et avec tous les humains appelés par Dieu à partager cette alliance.
 
Et en ces temps que nous vivons, il semble particulièrement important de développer une conscience très vive de l’importance des générations pour que se perpétue cette alliance. Pensons au rôle des grands-parents envers leurs petits-enfants. Les catéchètes savent bien cette réalité. Il faut la valoriser et ainsi faire de plus en plus de nos familles un lieu de transmission de cette alliance dans la foi. Dieu est fidèle. Mais il demande notre consentement actif pour que sa bonté rejoigne les plus jeunes générations parmi nous. N’est-ce pas un des chemins pour la nouvelle évangélisation?
(9e texte d’une série sur l’Alliance)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

dimanche 20 octobre 2013

L’alliance avec Jacob

L’alliance abrahamique, valide pour Isaac le fruit de la promesse, le fut aussi pour Jacob le petit-fils  d’Abraham.  Le récit biblique y insiste fortement.
 
Jacob vient d’arracher par ruse le droit d’ainesse d’Ésaü et la bénédiction paternelle. Devant la colère meurtrière de son frère, il s’enfuit. Un soir, le fuyard se coucha avec une pierre sous sa tête et s'endormit. « Il eut un songe: Voilà qu'une échelle était dressée sur la terre et que son sommet atteignait le ciel, et des anges de Dieu y montaient et descendaient! Voilà que Yahvé se tenait devant lui et dit: “Je suis Yahvé, le Dieu d'Abraham ton ancêtre et le Dieu d'Isaac. La terre sur laquelle tu es couché, je la donne à toi et à ta descendance. Ta descendance deviendra nombreuse comme la poussière du sol, tu déborderas à l'occident et à l'orient, au septentrion et au midi, et tous les clans de la terre se béniront par toi et par ta descendance. Je suis avec toi, je te garderai partout où tu iras et te ramènerai en ce pays, car je ne t'abandonnerai pas tant que je n'aie accompli ce que je t'ai promis.” » Jacob prit « la pierre qui lui avait servi de chevet, il la dressa comme une stèle et répandit de l'huile sur son sommet. » Et il fait le vœu que, si le Dieu d’Abraham et d’Isaac le protège à l’allée et au retour de son voyage, il sera son Dieu et que la pierre dressée comme une stèle sera le mémorial de cette alliance (Genèse 28, 10-22).
 
Après de nombreuses années et s’étant enrichi, Jacob, revenant au pays de ses ancêtres, repasse au lieu de son songe. « Dieu apparut encore à Jacob, à son retour de Paddân‑Aram, et il le bénit. Dieu lui dit: “Ton nom est Jacob, mais on ne t'appellera plus Jacob, ton nom sera Israël.” Aussi l'appela‑t‑on Israël. Dieu lui dit: “Je suis El Shaddaï. Sois fécond et multiplie. Une nation, une assemblée de nations naîtra de toi et des rois sortiront de tes reins. Le pays que j'ai donné à Abraham et à Isaac, je te le donne, et à ta postérité après toi je donnerai ce pays.” » (Genèse 35, 9-12. Voir aussi 48, 3-4)
 
L’alliance est encore là, marquée par une dimension universelle. Dieu, dans son dessein de salut et de bonheur pour tous les humains, passe ainsi par des personnes ou des groupes appelés à une mission pour tous. Voilà qui éclaire ce que nous sommes et devons être en Église : des agents de communion, de solidarité, de paix.
(8e texte d’une série sur l’Alliance)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

lundi 14 octobre 2013

L’alliance avec Isaac

L’alliance que Dieu fit avec Abraham a été établie avec sa descendance physique, dont Isaac est le premier maillon : « Ce jour‑là Yahvé conclut une alliance avec Abram en ces termes : “A ta postérité je donne ce pays”. » (Genèse 15,18) Cette promesse est répétée avec insistance : « Ce jour‑là Yahvé conclut une alliance avec Abram en ces termes : “A ta postérité je donne ce pays”. » (17,7) Et Dieu est très explicite au sujet d’Isaac : « ta femme Sara te donnera un fils, tu l'appelleras Isaac, j'établirai mon alliance avec lui, comme une alliance perpétuelle, pour être son Dieu et celui de sa race après lui. […] Mon alliance, je l'établirai avec Isaac, que va t'enfanter Sara, l'an prochain à cette saison. » (17,19-21)
 
La Bible montre bien la réalité de cette alliance dans l’histoire d’Isaac, en particulier lors d’une grande sécheresse qui menaçait sa famille. « Il y eut une famine dans le pays -- en plus de la première famine qui eut lieu du temps d'Abraham -- et Isaac se rendit à Gérar chez Abimélek, roi des Philistins. Yahvé lui apparut et dit : “Ne descends pas en Égypte; demeure au pays que je te dirai. Séjourne dans ce pays‑ci, je serai avec toi et te bénirai. Car c'est à toi et à ta race que je donnerai tous ces pays‑ci et je tiendrai le serment que j'ai fait à ton père Abraham. Je rendrai ta postérité nombreuse comme les étoiles du ciel, je lui donnerai tous ces pays et par ta postérité se béniront toutes les nations de la terre, en retour de l'obéissance d'Abraham, qui a gardé mes observances, mes commandements, mes règles et mes lois.” Ainsi Isaac demeura à Gérar . » (26, 1-6)
 
Isaac expérimente donc, comme son père Abraham, des relations solides avec le Dieu vivant et unique. Comme Abraham, il a expérimenté la protection divine dans tous ses dangers. Dieu, dans une mystérieuse initiative, s’est lié à Isaac et lui a fait don de son amitié. Il l’a guidé dans sa vie de nomade sur cette terre promise à Abraham et à sa descendance. Car Dieu est toujours fidèle à sa promesse et à son alliance.
 
La Bible souligne souvent cette transmission de la bénédiction et de l‘alliance au fils de la promesse. Ainsi nous lisons dans Ben  Sirac 44, 19-22 : « Abraham, ancêtre célèbre d'une multitude de nations, nul ne lui fut égal en gloire. Il observa la loi du Très-Haut et fit une alliance avec lui. Dans sa chair il établit cette alliance et au jour de l'épreuve il fut trouvé fidèle. C'est pourquoi Dieu lui promit par serment de bénir toutes les nations en sa descendance, de la multiplier comme la poussière de la terre et d'exalter sa postérité comme les étoiles, de leur donner le pays en héritage, d'une mer à l'autre, depuis le Fleuve jusqu'aux extrémités de la terre. À Isaac, à cause d'Abraham son père, il renouvela la bénédiction de tous les hommes. »
 
Cette histoire de la vie d’Isaac nous invite à une même confiance abandonnée à Dieu afin que porter l’alliance de paix et de réconciliation aux humains de notre temps. Car notre humanité appelle vraiment un lieu où l’alliance divine se révèle et agit. C’est bien ce qu’est l’Église et dans cette communauté c’est là notre mission.
(7e texte d’une série sur l’Alliance)
 
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

dimanche 6 octobre 2013

L’alliance avec Abraham (2ière partie)

Dans Genèse 17, 1-14 nous est donné un second récit d’alliance avec Abraham. Abram a atteint quatre-vingt-dix-neuf ans. Dieu lui apparait et lui dit : « Je suis El Shaddaï, marche en ma présence et sois parfait. » Dieu se présente comme le Dieu-Puissant et le Très-Haut. L’homme doit humblement marcher en sa présence dans l’abandon confiant et, ainsi accompagné par Dieu dans sa vie nomade, devenir parfait.
 
Dieu continue en formulant une promesse : « J'institue mon alliance entre moi et toi, et je t'accroîtrai extrêmement. » Et il précise : « Moi, voici mon alliance avec toi : tu deviendras père d'une multitude de nations. Et l'on ne t'appellera plus Abram, mais ton nom sera Abraham, car je te fais père d'une multitude de nations. Je te rendrai extrêmement fécond, de toi je ferai des nations, et des rois sortiront de toi. J'établirai mon alliance entre moi et toi, et ta race après toi, de génération en génération, une alliance perpétuelle, pour être ton Dieu et celui de ta race après toi. » Dieu dans cette alliance prend possession de toute la personne d’Abraham en changeant son nom. Et c’est une alliance perpétuelle qui engage aussi toute sa postérité. « Je serai votre Dieu ».
 
De cette alliance divine résulte une grave obligation pour Abraham. Dieu la précise : « Et toi, tu observeras mon alliance, toi et ta race après toi, de génération en génération. Et voici mon alliance qui sera observée entre moi et vous, c'est‑à‑dire ta race après toi : que tous vos mâles soient circoncis. Vous ferez circoncire la chair de votre prépuce, et ce sera le signe de l'alliance entre moi et vous. » En signe d’accueil inconditionnel, Abraham tombe la face contre terre en une profonde prostration devant Dieu. Abraham se montre ainsi consentant à être fidèle et loyal envers ce partenaire divin. Et il y engage sa postérité.
 
Le signe de cette alliance est donc la circoncision, imposée à tous les mâles de la famille d’Abraham, qu’ils soient ses fils ou ses esclaves et ses serviteurs étrangers. C’est ainsi qu’il sera source de bénédiction pour des peuples innombrables, et même des rois. En somme, il s’agit encore ici, comme avec Noé, d’une alliance universelle. Et cette alliance universelle commence déjà avec les esclaves étrangers qui, une fois circoncis, participent aux bienfaits promis à Abraham. Cette alliance ne se limite pas à ceux qui sont liés par le sang avec Abraham. Tous ceux qui sont avec Abraham, de sa famille, entrent dans cette communion donnée par Dieu à son ami Abraham. Le Dieu d’Abraham est leur allié, leur protecteur, leur guide. Et ils ont à lui être fidèles dans la confiance totale, marchant en sa présence en étant sûrs de sa fidélité.
 
Saint Paul (en Galates 3, 5-8, et Romains 11, 25-36) expliquera comment par la foi en Jésus nous recevons une circoncision non pas charnelle, mais spirituelle, œuvre de l’Esprit, par laquelle nous devenons de la descendance d’Abraham. Ainsi, nous participons à son alliance avec Dieu. Et nous portons ses obligations, sa mission de révéler au monde ce Dieu qui est source de salut et de bonheur. Ce que Dieu a dit à Abraham lors de son premier appel : « Quitte pour ton bonheur… », nous avons à le vivre en Église et à le dire par la qualité de notre vie, pour que beaucoup se reconnaissent comme enfants d’Abraham par la même foi confiante et abandonnée et donc sous la bénédiction divine, source de tout bonheur véritable. En somme, par cette alliance, un dynamisme est lancé dans l’histoire de toute l’humanité pour provoquer un renouveau de la communion avec Dieu et des relations entre tous les humains de la terre. Voilà qui éclaire notre existence en Église et notre mission.
(6e texte d’une série sur l’Alliance)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

vendredi 4 octobre 2013

L’alliance avec Abraham (1ière partie)

Les descendants de Noé, en commençant par son fils Cham, ont brisé l’alliance divine que Dieu avait conclue avec tous les humains et la nature entière lors de la création. C’est ce que nous raconte la fin du chapitre 9 et les chapitres 10 et 11 de la Genèse. On y lit que Dieu voulait un ordre cosmique, social et religieux marqué par la pluralité des nations dans le respect mutuel et la paix. Mais, dans son orgueil, l’humanité a voulu faire elle-même cette unité selon son propre modèle : l'uniformité. Alors, Dieu décide de faire cesser la construction d’une telle civilisation, cette « tour de Babel », et disperse les humains sur la terre. Puis, pour rassembler cette humanité dispersée, Dieu choisit Abraham avec qui il fera deux alliances (Genèse 12ss).  Ainsi en lui seront bénies toutes les nations de la terre.
 
Le premier récit se trouve dans Genèse 15. Toute l’initiative de cette alliance vient de Dieu et de sa bienveillance. Et elle vise une vie de communion, d’amitié entre les deux partenaires : Abraham sera nommé « l’ami de Dieu ». Mais ce nomade venu de Mésopotamie s’appelle alors Abram et il vit encore des idées païennes de ses ancêtres. Dieu se fait connaître à lui comme le vrai Dieu, le vivant présent dans toutes les circonstances de sa vie. Abram peut toujours compter sur lui avec confiance. Car Dieu sera son fidèle allié et ami. Il lui promet une descendance et une terre. Abram ose croire à la promesse incroyable de Dieu : son couple est stérile et la terre est déjà possédée par les Cananéens. Abram ouvre son coeur à Dieu et lui soumet ses questions, auxquelles Dieu répond par une alliance.
 
Abram apporta les animaux demandés par Dieu. Il « les partagea par le milieu et plaça chaque moitié vis-à-vis de l'autre; cependant il ne partagea pas les oiseaux. Les rapaces s'abattirent sur les cadavres, mais Abram les chassa. Comme le soleil allait se coucher, une torpeur tomba sur Abram et voici qu'un grand effroi le saisit. Yahvé dit à Abram : “Sache bien que tes descendants seront des étrangers dans un pays qui ne sera pas le leur. Ils y seront esclaves, on les opprimera pendant 400 ans. Mais je jugerai aussi la nation à laquelle ils auront été asservis et ils sortiront ensuite avec de grands biens. Pour toi, tu t'en iras en paix avec tes pères, tu seras enseveli dans une vieillesse heureuse.” […] Quand le soleil fut couché et que les ténèbres s'étendirent, voici qu'un four fumant et un brandon de feu passèrent entre les animaux partagés. Ce jour‑là Yahvé conclut une alliance avec Abram en ces termes : “À ta postérité je donne ce pays, du Fleuve d'Égypte jusqu'au Grand Fleuve, le fleuve d'Euphrate.” »
 
Par cette alliance, Abram reçoit la garantie que Dieu l’accompagnera dans ses cheminements et n’abandonnera pas ses descendants. Les rapaces représentent les dangers dans sa vie et dans celle de sa large famille. Mais ils seront chassés. Malgré les échecs et dangers qui s’accumuleront sur le chemin d’Abram et de ses descendants, la parole de Dieu est irrévocable et en Abram seront bénies toutes les nations de la terre.
 
Il faut noter que Dieu seul passe entre les quartiers des animaux immolés. Par là, Dieu jure par serment sur lui-même que sa promesse est solide. L’alliance de Dieu est un don qui ne vient que de la miséricordieuse fidélité divine. Dieu donnera un fils, une descendance innombrable comme les étoiles du ciel et le sable de la mer, une terre où ruissèleront le lait et le miel, tel que promis.
 
Abram, lui, est appelé à la confiance absolue et à marcher selon les indications de la parole divine. Au cœur des contradictions et des multiples épreuves, il doit vivre dans une foi attentive, accueillante, audacieuse et tenace, en restant toujours disponible au projet divin sur lui et sur l’humanité dont il porte la bénédiction pour des générations et des générations.
 
Cette figure d’Abraham le croyant doit être notre guide pour que, Église, nous soyons ensemble un phare dans ce monde obscur. Notre culture actuelle a bien besoin d’un peu de lumière pour trouver des chemins de paix, de réconciliation et de construction d’un monde fraternel. N’est-ce pas là un appel pour toutes les personnes, dont nous sommes, qui se reconnaissent enfants d’Abraham?
(5e texte d’une série sur l’Alliance)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau