mardi 30 octobre 2012

Les révélations privées


Ces révélations prétendent éclairer notre foi ou même annoncer des mystères encore cachés, surtout en ce qui concerne la fin des temps. Elles interrogent, dérangent même bien des gens. Certains en sont friands. D’autres y sont allergiques.  D’autres encore cultivent un scepticisme systématique devant ces affirmations. Les études sur le sujet abondent.

Aussi l’Église catholique a pris fréquemment position dans ce débat. Le cardinal Ratzinger y est intervenu le 13 mai 2000 en commentant le message de Fatima.  L’Assemblée des évêques catholiques du Québec a publié une note sur la question.  Il en est de même de la Conférence des évêques catholiques du Canada, qui a réagi devant le cas de l’Armée de Marie.  Et le catéchisme de l’Église catholique traite aussi de ces révélations.  Ces quelques références, parmi des milliers d'autres, montrent que beaucoup cherchent compréhension et paix du cœur devant ce phénomène.

Je me limiterai à citer le document post synodal sur la Parole de Dieu signé par le Pape Benoît XVI : « La valeur des révélations privées est foncièrement diverse de l’unique révélation publique : celle-ci exige notre foi ; en effet, en elle, au moyen de paroles humaines et par la médiation de la communauté vivante de l’Église, Dieu lui-même nous parle. Le critère pour établir la vérité d’une révélation privée est son orientation vers le Christ lui-même. Quand celle-ci nous éloigne de Lui, à ce moment-là elle ne vient certainement pas de l’Esprit Saint, qui nous conduit à l’Évangile et non hors de lui. La révélation privée est une aide pour la foi, et elle se montre crédible précisément parce qu’elle renvoie à l’unique révélation publique. »

On y ajoute qu’une telle révélation privée « peut être une aide valable pour comprendre et pour mieux vivre l’Évangile à l’heure actuelle. Elle ne doit donc pas être négligée. C’est une aide, qui nous est offerte, mais il n’est pas obligatoire de s’en servir. Dans tous les cas, il doit s’agir de quelque chose qui nourrit la foi, l’espérance et la charité, qui sont pour tous le chemin permanent du salut ».

Nous avons là quelques bons critères qui peuvent nous guider dans ce qui nous apparait parfois comme une jungle difficile à pénétrer.

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

dimanche 28 octobre 2012

Qui peut être sauvé selon Vatican II?

Dans les Évangiles, les Apôtres stupéfaits des exigences de Jésus lui posent cette question (Luc 18,27). Des gens inquiets interrogent aussi Jésus sur le petit nombre des élus (Luc 13,23). Quel peut être le sort éternel de toutes ces personnes qui n’ont pas connu l’Évangile, ni le Christ Jésus, ni même Dieu?

Le Concile Vatican II a éclairé cette question dans son document sur « L’Église dans le monde de ce temps ». On y lit que la promesse de la résurrection et de la vie éternelle « ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ, mais bien pour tous les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal. » (par. 22,5)

Je lis le même enseignement dans le texte conciliaire sur « L’Église ». Le dessein de salut de Dieu s’applique aussi au peuple juif, qui est « très aimé ». « Mais le dessein de salut enveloppe également ceux qui reconnaissent le Créateur, en tout premier lieu les musulmans qui, professant avoir la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique, miséricordieux, futur juge des hommes au dernier jour. Et même des autres, qui cherchent encore dans les ombres et sous des images un Dieu qu’ils ignorent, de ceux-là mêmes Dieu n’est pas loin. […] Ceux qui, sans qu’il y ait de leur faute, ignorent l’Évangile du Christ et son Église, mais cherchent pourtant Dieu d’un cœur sincère et s’efforcent, sous l’influence de sa grâce, d’agir de façon à accomplir sa volonté telle que leur conscience la leur révèle et la leur dicte, eux aussi peuvent arriver au salut éternel. À ceux-là mêmes qui, sans faute de leur part, ne sont pas encore parvenus à une connaissance expresse de Dieu, mais travaillent, non sans la grâce divine, à avoir une vie droite, la divine Providence ne refuse pas les secours nécessaires à leur salut. En effet, tout ce qui, chez eux, peut se trouver de bon et de vrai, l’Église le considère comme une préparation évangélique et comme un don de Celui qui illumine tout homme pour que, finalement, il ait la vie. » (par.16)

Paul VI a repris cet enseignement dans son magistral texte sur « L’Évangélisation dans le monde moderne ». Il y affirme que le salut, « Dieu peut l’accomplir en qui Il veut par des voies extraordinaires que lui seul connaît. » (par. 80)

Je trouve ces affirmations libératrices et capables d’illuminer nos chemins vers nos frères et sœurs les humains, quelles que soient leurs convictions sur l’au-delà, la mort et les grandes questions éternelles. C’est une invitation au respect dans un dialogue ouvert et sincère.
(6e texte d’une série sur Vatican II)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

jeudi 25 octobre 2012

Vatican II et la communauté humaine

« Le caractère social de l’homme fait apparaître qu’il y a interdépendance entre l’essor de la personne et le développement de la société elle-même. En effet, la personne humaine qui, de par sa nature même a absolument besoin d’une vie sociale, est et doit être le principe, le sujet et la fin de toutes les institutions. » (« L’Église dans le monde de ce temps. » par. 25.1)  Aussi, la vie en société n’est pas pour les humains quelque chose de surajouté, d’artificiel, ou même de facultatif. C’est par le dialogue avec les autres qu’une personne grandit selon toutes ses capacités et s'épanouit dans les diverses dimensions de son être.

Notre foi chrétienne nous affirme que c’est là le plan de Dieu sur nous. Nous créant à son image et selon sa ressemblance, Dieu a voulu que nous formions une même famille humaine, et donc que nous nous traitions comme des frères et sœur dans cette même humanité, sans nous laisser déchirer par des barrières de races, de continents, de langues, de cultures, de religions. L’actuelle mondialisation galopante peut nous rappeler ces vérités fondamentales de notre identité et en quelque sorte nous pousser à vivre ensemble en cherchant la paix, la solidarité et l’amour mutuel.

« Parce que les liens humains s’intensifient et s’étendent peu à peu à l’univers entier, le bien commun, c’est-à-dire cet ensemble de conditions sociales qui permettent, tant aux groupes qu’à chacun de leurs membres, d’atteindre leur perfection d’une façon plus totale et plus aisée, prend aujourd’hui une extension de plus en plus universelle, et par suite recouvre des droits et des devoirs qui concernent tout le genre humain. Tout groupe doit tenir compte des besoins et des légitimes aspirations des autres groupes, et plus encore du bien commun de l’ensemble de la famille humaine. » (par. 26.1)

En même temps grandit dans notre humanité une conscience plus aigüe de la dignité de la personne humaine, « supérieure à toutes choses et dont les droits et les devoirs sont universels et inviolables ». Cette dignité exige que toute personne ait ce dont elle a besoin pour mener une vie vraiment humaine, « par exemple : nourriture, vêtement, habitat, droit de choisir librement son état de vie et de fonder une famille, droit à l’éducation, au travail, à la réputation, au respect, à une information convenable, droit d’agir selon la droite règle de sa conscience, droit à la sauvegarde de la vie privée et à une juste liberté, y compris en matière religieuse ». Voilà un énorme chantier dont il ne faut pas perdre de vue l’urgence vitale si nous voulons tendre vers une fraternité plus authentique et plus largement mondiale.

En somme, notre commune humanité exige la reconnaissance de la dignité de toute personne humaine et le respect de ses droits dans un cheminement sans cesse à orienter vers une justice sociale respectueuse de tous et toutes, surtout des plus petits et des marginalisés par la vie et par nos choix sociaux.

Voilà un immense chantier. On peut dire que c’est un idéal. Mais est-ce en vain qu’on proclame la fraternité mondiale? Il faut sans cesse viser à poser des jalons et à faire des pas pour y parvenir de mieux en mieux. Il ne faut pas se contenter d’y voir une utopie et ne pas prendre au sérieux cet appel, car cette mondialisation de la fraternité est une condition de la survie de notre espèce et de notre environnement.
(5e texte d’une série sur Vatican II)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

dimanche 21 octobre 2012

La dignité de la personne humaine

Le Concile Vatican II a donné un enseignement substantiel sur cette question. Dans le document sur « L’Église dans le monde de ce temps », on y consacre plusieurs paragraphes (11-22). J’essaie d’en faire un résumé, qui ne remplace pas une lecture du texte même.

Cette dignité de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, son état physique ou mental, s’enracine dans le fait que, selon nos Saintes Écritures, l’homme a été créé à l’image de Dieu. Dès le début, Dieu les créa homme et femme.  « Car l’homme, de par sa nature profonde, est un être social, et, sans relations avec autrui, il ne peut vivre ni épanouir ses qualités. » (par. 12.4) Marqué par le péché et divisé en lui-même, « chacun se sent comme chargé de chaînes. »  L’être humain a besoin de rédemption, de libération. Telle est l’œuvre de Jésus le Fils de Dieu fait homme pour nous.

L’être humain est « dans sa condition corporelle même, un résumé de l’univers des choses qui trouvent ainsi, en lui, leur sommet ».  Par son intelligence il dépasse l'univers des choses. Capable de développer sciences et techniques, l’être humain a une soif plus profonde encore de vérité et de sagesse pour contempler le sens de l’univers et de sa propre destinée. Il en a besoin pour humaniser ses magnifiques performances technologies et scientifiques et les mettre au service du bien commun de tous.

Le concile a affirmé la dignité inaliénable de la conscience morale.  « Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir. » (par. 16.1). Il a aussi enseigné la grandeur de la liberté. « C’est toujours librement que l’homme se tourne vers le bien. Cette liberté, nos contemporains l’estiment grandement et ils la poursuivent avec ardeur. Et ils ont raison. » (par. 17)

Fait partie aussi de notre dignité humaine la reconnaissance de notre finitude. Le mystère de la mort en est l’expression extrême. « L’homme n’est pas seulement tourmenté par la souffrance et la déchéance progressive de son corps, mais plus encore, par la peur d’une destruction définitive. Et c’est par une inspiration juste de son cœur qu’il rejette et refuse cette ruine totale et ce définitif échec de sa personne. Le germe d’éternité qu’il porte en lui, irréductible à la seule matière, s’insurge contre la mort. Toutes les tentatives de la technique, si utiles qu’elles soient, sont impuissantes à calmer son anxiété. » (par. 18.1) Mais la victoire du Christ Jésus sur la mort éclaire cette énigme et soutient l’espérance.

Voilà quelques pensées qui explicitent un peu la dignité de toute personne humaine. Elles méritent une grande attention. Tellement de personnes dans nos pays de surabondance et dans les pays de la famine et de la guerre sont bafouées et humiliées dans leur dignité fondamentale d’être humain.
(4e texte d’une série sur Vatican II)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

mercredi 17 octobre 2012

Vatican II et la solidarité humaine

Dès le début du texte intitulé « L’Église dans le monde de ce temps », le concile déclare : « La communauté des chrétiens se reconnaît réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire. »  Et il ajoute : « C’est en effet l’homme qu’il s’agit de sauver, la société humaine qu’il faut renouveler. » Le texte précise encore qu’il s’agit de l’homme considéré dans son unité et sa totalité, l’homme, corps et âme, cœur et conscience, pensée et volonté.

Tel fut le vaste programme alors dessiné en vue d’un renouveau profond de l’Église servante et pauvre dans ce monde. L’Église peuple de Dieu inséré dans l’histoire se reconnaissait comme membre à part entière de la famille humaine et responsable de son devenir selon le dessin créateur et rédempteur de Dieu qui aime ce monde. (par. 3.1)

Les membres du concile ont porté un regard pénétrant sur la condition humaine en leur temps. « Le genre humain vit aujourd’hui un âge nouveau de son histoire, caractérisé par des changements profonds et rapides qui s’étendent peu à peu à l’ensemble du globe. Provoqués par l’homme, par son intelligence et son activité créatrice, ils rejaillissent sur l’homme lui-même, sur ses jugements, sur ses désirs, individuels et collectifs, sur ses manières de penser et d’agir, tant à l’égard des choses qu’à l’égard de ses semblables. À tel point que l’on peut déjà parler d’une véritable métamorphose sociale et culturelle dont les effets se répercutent jusque sur la vie religieuse. » (par. 4.2)

Jean XXIII avait remis en circulation l’attention aux « signes des temps ». Discutant avec des adversaires, Jésus affirmait : « Le visage du ciel vous savez l'interpréter, et pour les signes des temps vous n'en êtes pas capables! »  Les Pères conciliaires ont heureusement repris cette grille d’interprétation de notre réalité historique avec ses espoirs et ses angoisses, pour y discerner à la lumière des Évangiles ce que Dieu nous dit par ces situations et quels sont ses appels à nous y engager. Cette façon de discerner nos réalités est toujours d’une grande actualité et un trésor que le Concile a remis en circulation dans notre vie en Église.

Telle est l’attitude d’ouverture au monde, de dialogue et de discernement que le concile nous a demandé de vivre. Cette orientation reste toujours une grande force qui nous pousse à accueillir, écouter, partager les joies et les peines de notre monde, nous y engager avec la ferveur de Jésus se faisant proche de tout être humain, surtout du petit et du blessé par la vie ou par d’autres humains.
(3e texte d’une série sur Vatican II)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

dimanche 14 octobre 2012

Confesser ses péchés et recevoir l’absolution

J’ai commencé ma retraite le 1er décembre 2011.  Et les mois de décembre, janvier et une partie de février furent occupés à la rédaction d’un texte commandé par Médiaspaul.  Le thème traité dans ce livre est « Pardon et aveu ».

Le résultat qui vient d’être publié est un petit livre écrit par deux auteurs. C’est là le format de cette collection récente intitulée « Dialogues ». Comme l’explique l’Éditeur, les livres de cette collection « traitent de positions de l’Église qui alimentent actuellement la controverse, en son sein comme dans la société en général. » On veut favoriser des dialogues pondérés sur ces sujets chauds, mais aussi découvrir la richesse de la pensée de l’Église.

J’avais donc à y défendre la position du magistère ecclésial sur l’absolution collective et expliquer pourquoi tenir à la rencontre personnelle avec un prêtre pour confesser ses péchés graves et même ses péchés véniels.  Un ami m’a demandé si ce que j’y écrivais était ma propre position. Je lui ai répondu en toute vérité que oui : la position de l’Église, bien comprise, est aussi ma position. Car elle est belle, dynamique, profondément humaine tout en étant la révélation de ce Dieu qui n’est que miséricordes et bontés.

Voici comment l’Éditeur présente ma part de ce livre dans le communiqué de presse annonçant la parution du document.  « Avouer, c’est refuser le fatalisme comme guide pour interpréter ma vie. C’est poser : je suis un être responsable. Assumer ainsi ce que j’ai fait de mal est une affirmation essentielle de ma liberté humaine. Et c’est alors un acte de loyauté et de courage, qui libère encore plus profondément ma liberté. En tenant à l’aveu personnel, l’Église fait une œuvre d’humanité. »

Je vous invite bien sûr à lire cette toute récente publication. J’espère que vous y trouverez un surcroit d’espérance et de paix du cœur dans la joie d’être fidèlement chéris par ce Dieu qui s’est révélé en Jésus comme notre réconciliation en retissant nos relations avec Dieu, avec nos sœurs et frères humains, avec nous-mêmes et avec la nature.

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

mercredi 10 octobre 2012

Vatican II, phare pour notre monde

Le Concile Vatican II a commencé ses travaux le 11 octobre 1962, donc il y aura 50 ans demain. Ce fut un évènement unique dans l’histoire de l’humanité par le nombre des participants et intervenants, par sa durée, par la diversité considérable des matières qu’il a abordées, par la masse de documents produits et par son impact à court, moyen et long terme sur l’histoire de l’Église en elle-même et dans ses relations avec le monde.

Je veux ici m’attacher à réfléchir sur un document en particulier. Il traite de « l’Église dans le monde de ce temps. »  Selon le Cardinal Etchegaray, Jean XXIII, en convoquant le concile, affirmait : « Je veux ouvrir la fenêtre de l'Église, afin que nous puissions voir ce qui se passe dehors, et que le monde puisse voir ce qui se passe chez nous. »  Jean XXIII voulait que nous présentions au monde d’aujourd'hui l'Évangile dans sa fraicheur authentique, après avoir écouté ce monde et y avoir discerné les signes des temps. Ainsi, l’Évangile pourra redevenir une « Bonne Nouvelle », apte à renouveler les cœurs, les familles et les sociétés, dans la joie de l’Esprit-Saint.

Le document sur lequel je réfléchis ici est particulièrement clair sur cette décision assumée par l’assemblée conciliaire d’écouter le monde d’aujourd’hui : « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. »  Je constate que cette affirmation percutante, la première de ce document, reste après 50 ans un phare pour beaucoup de groupes, tant des communautés missionnaires que tous ces groupes au Québec qui œuvrent dans les diocèses à la pastorale sociale, et pour bien d’autres personnes.

Ce document est toujours pertinent dans notre monde qui est en face de défis immenses en ce qui concerne la personne humaine et de sa dignité inaliénable, la famille, la société civile et politique, la société internationale et la paix. Le monde a profondément changé durant ces cinquante ans qui nous séparent du concile Vatican II. Mais la Parole de Dieu donnée dans les Écritures et les éclairages fournis par le document conciliaire sont toujours une grande richesse, capable d’offrir lumière, sagesse et élan de renouveau à notre planète si souvent déchirée par le feu, le sang, les larmes, la faim et la mort. L’espérance apportée par Jésus Ressuscité et proclamée par le concile est toujours apte à semer une audace nouvelle et des engagements féconds dans ce monde menacé jusque dans son existence par le déploiement nucléaire et par les atteintes graves à l'intégrité de la création et de son environnement.
(2e texte d’une série sur Vatican II)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

dimanche 7 octobre 2012

Les fruits de Vatican II

J’entreprends avec ce texte une série de réflexions sur le concile Vatican II. Ces écrits s’échelonneront sur quelques mois sans doute. Et la première question qui me vient à l’esprit est la suivante : ce concile a-t-il donné des fruits, et si oui, quelles sortes de fruits?

J’ai participé avec grand intérêt et profit intellectuel et spirituel au récent symposium qui s’est tenu à l’Université St-Paul d’Ottawa sur « Vatican II : pour la prochaine génération. »  On y a porté un large regard sur cet évènement et les textes qui en sont issus. Puis l’examen des conférencières et conférenciers s’est porté sur sa situation historique, sur ses retombées en ces cinquante dernières années et sur ses promesses non encore remplies.

J’ai entendu souvent dans le passé toutes sortes d’évaluations sur les fruits de ce concile. Certains n’en attendent plus rien. D’autres croient qu’il a donné beaucoup de fruits, mais des fruits qui ont gâché ce qu’il y avait de mieux dans notre Église. D’autres manifestent une grande ignorance sur le sujet et aussi une certaine indifférence. On semble si loin de ce temps de la guerre froide, avec nos ordinateurs et autres médias sociaux! Que de choses se sont passées depuis sur l’ensemble de notre planète, dans toute notre humanité et dans notre Église! Comment des textes vieux de cinquante ans peuvent-ils encore éclairer nos chemins, nous guider dans les discernements et choix à faire aujourd’hui?

Rencontrant dans ce symposium international des centaines de personnes venues de toutes les provinces du Canada pour réfléchir sur ce que peut représenter Vatican II pour les prochaines générations, je me suis senti réconforté dans ma profonde conviction. Ce concile est loin d’avoir donné tous ses fruits. L’histoire nous apprend d’ailleurs qu’il est normal que les décisions conciliaires exigent temps, réflexions et patience pour révéler leurs véritables richesses, leurs capacités d’apporter éclairage et espérance, même dans un monde aussi rapidement changeant que le nôtre.

Je suis persuadé que les grandes prises de position des Pères conciliaires portent encore des promesses qui nous orientent vers notre avenir. Je pense à la magnifique « définition » de l’Église comme mystère, avec ses racines dans le mystère vivant et vivifiant des trois Personnes divines. Ou encore à cette autre « définition » de l’Église comme le Peuple de Dieu, un peuple messianique, porteur de l’espérance du monde, de son unité, de sa paix et de son salut dans notre histoire tellement tourmentée.

Je pense aussi à tous les textes sur une participation active, responsable et engagée des laïcs dans l’Église et dans le monde. L’enseignement affirmant que le baptême et la confirmation sont la source d’un appel à la sainteté pour tous, aussi bien pour les laïcs que pour les religieux et les ministres ordonnés, ouvre tout grand un chemin à la spiritualité et à l’intériorité. Et l’insistance avec laquelle le concile a remis la Bible entre les mains des membres du Peuple de Dieu porte de grandes espérances que la Parole va transformer les cœurs, les communautés. Il faudrait ajouter les textes sur l’apostolat des laïcs, l’engagement dans l’œcuménisme et le dialogue interreligieux, l’attention prioritaire pour les pauvres de toutes catégories.

Je pense encore à la stimulante et parfois déroutante constitution sur « L’Église dans le monde de ce temps ». Nous n’avons pas fini de scruter ses enseignements sur la dignité de l’être humain et sur ses responsabilités pour la vie de l’humanité et l’intégrité de la création entière. Ses enseignements sur les relations internationales, la guerre, la paix continuent à nous éclairer, tout particulièrement en cette ère de mondialisation. Une mondialisation des marchés et des finances ne suffit pas. Le dessein de Dieu appelle une mondialisation de la fraternité, de la liberté, de l’égalité, de la solidarité. Les « signes des temps » sont toujours à bien interpréter à la lumière des Écritures et des besoins vitaux de notre époque.

En somme, je me dis que ce concile fut une grande grâce pour notre temps. Sans lui, que serions-nous aujourd’hui comme Église dans ce monde en profondes et rapides mutations? Le bon pape Jean XXIII priait avec toute l’Église pour que Dieu nous donne une nouvelle Pentecôte. Si nous savons bien regarder ce qui se vit, nous pouvons détecter des signes de l’œuvre de l’Esprit. Mais je suis persuadé, dans une ferme espérance, qu’il n’a pas encore épuisé ses dons et ses merveilles. C’est à nous d’y être attentifs et de nous y engager.
(1er texte d’une série sur Vatican II)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

mercredi 3 octobre 2012

Kateri Tekakwitha

Le pape Benoît XVI proclamera officiellement la sainteté de cette jeune amérindienne le 21 octobre prochain. J’ai lu au sujet de cette Amérindienne un article intéressant dans le bulletin du diocèse de Baie-Comeau. Il est signé par un missionnaire Oblat de Marie-Immaculée, Gérard Boudreault. Il présente le cheminement de cette femme qui a passé par beaucoup de souffrances à cause de sa foi en Jésus. Elle peut être vraiment une inspiration en cette année de la foi. Je résume cet écrit.

Son éveil de la foi
Kateri est née à Ossernenon en 1656. C’est là que quelques années auparavant furent martyrisés René Goupil, Isaac Jogue et Jean de Lalande. C’était dans le territoire de la tribu des Agniers. Très jeune, elle devient orpheline. Sa famille est décimée par la petite vérole. Elle-même s’en tire, mais avec des suites graves, en particulier elle reste presque aveugle tout en demeurant fragile de santé. Serviable et aimable, on veut la marier : elle refuse. Quand passent les missionnaires jésuites, Kateri aime les entendre parler de Jésus. Mais son oncle, qui en a la garde, s’y oppose violemment.

Sa démarche catéchuménale
À l'âge de 19 ans, elle assiste aux enseignements des missionnaires et s’adonne à la prière et à la charité. Elle est victime de railleries et de persécutions. Elle s’attache à Marie et la choisit pour mère. Elle est baptisée à Pâques 1676, ce qui fait augmenter vexations de toutes sortes contre elle. À l’automne 1677, elle fuit le village de Gandaouague où avait déménagé sa tribu et elle se rend de peines et de misères à Kahnawake.

Son cheminement dans la vie chrétienne
Là, elle peut donner libre cours à sa ferveur chrétienne. Rapidement préparée, elle fait sa première communion à 21 ans. Puis elle refuse de se marier et consacre sa virginité à Dieu le 25 mai 1679. Se développent en son cœur une dévotion intense à la passion de Jésus et un ardent amour de l’Eucharistie.

Elle meurt le mercredi saint, 17 avril 1680. On raconte que « vingt minutes après sa mort, le visage de Kateri jadis déformé par la petite vérole apparait avec un teint et des traits d’une beauté ravissante ». Son visage reflète la beauté qu’elle contemple en Dieu.

Kateri peut inspirer les jeunes par la vigueur et le courage de sa foi. Elle peut aussi soutenir les malades par sa ténacité dans l’épreuve de sa cécité. Et son engament dans la virginité aidera les personnes qui le prieront à suivre un chemin de don de soi et de plein épanouissement de leur être dans la pureté de cœur et de corps. Sa canonisation sera aussi une joie pour beaucoup des peuples autochtones, mais aussi pour toutes ces personnes qui depuis des années croient en sa sainteté et se laissent influencer par la qualité de sa vie humaine et spirituelle.

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau