dimanche 7 octobre 2012

Les fruits de Vatican II

J’entreprends avec ce texte une série de réflexions sur le concile Vatican II. Ces écrits s’échelonneront sur quelques mois sans doute. Et la première question qui me vient à l’esprit est la suivante : ce concile a-t-il donné des fruits, et si oui, quelles sortes de fruits?

J’ai participé avec grand intérêt et profit intellectuel et spirituel au récent symposium qui s’est tenu à l’Université St-Paul d’Ottawa sur « Vatican II : pour la prochaine génération. »  On y a porté un large regard sur cet évènement et les textes qui en sont issus. Puis l’examen des conférencières et conférenciers s’est porté sur sa situation historique, sur ses retombées en ces cinquante dernières années et sur ses promesses non encore remplies.

J’ai entendu souvent dans le passé toutes sortes d’évaluations sur les fruits de ce concile. Certains n’en attendent plus rien. D’autres croient qu’il a donné beaucoup de fruits, mais des fruits qui ont gâché ce qu’il y avait de mieux dans notre Église. D’autres manifestent une grande ignorance sur le sujet et aussi une certaine indifférence. On semble si loin de ce temps de la guerre froide, avec nos ordinateurs et autres médias sociaux! Que de choses se sont passées depuis sur l’ensemble de notre planète, dans toute notre humanité et dans notre Église! Comment des textes vieux de cinquante ans peuvent-ils encore éclairer nos chemins, nous guider dans les discernements et choix à faire aujourd’hui?

Rencontrant dans ce symposium international des centaines de personnes venues de toutes les provinces du Canada pour réfléchir sur ce que peut représenter Vatican II pour les prochaines générations, je me suis senti réconforté dans ma profonde conviction. Ce concile est loin d’avoir donné tous ses fruits. L’histoire nous apprend d’ailleurs qu’il est normal que les décisions conciliaires exigent temps, réflexions et patience pour révéler leurs véritables richesses, leurs capacités d’apporter éclairage et espérance, même dans un monde aussi rapidement changeant que le nôtre.

Je suis persuadé que les grandes prises de position des Pères conciliaires portent encore des promesses qui nous orientent vers notre avenir. Je pense à la magnifique « définition » de l’Église comme mystère, avec ses racines dans le mystère vivant et vivifiant des trois Personnes divines. Ou encore à cette autre « définition » de l’Église comme le Peuple de Dieu, un peuple messianique, porteur de l’espérance du monde, de son unité, de sa paix et de son salut dans notre histoire tellement tourmentée.

Je pense aussi à tous les textes sur une participation active, responsable et engagée des laïcs dans l’Église et dans le monde. L’enseignement affirmant que le baptême et la confirmation sont la source d’un appel à la sainteté pour tous, aussi bien pour les laïcs que pour les religieux et les ministres ordonnés, ouvre tout grand un chemin à la spiritualité et à l’intériorité. Et l’insistance avec laquelle le concile a remis la Bible entre les mains des membres du Peuple de Dieu porte de grandes espérances que la Parole va transformer les cœurs, les communautés. Il faudrait ajouter les textes sur l’apostolat des laïcs, l’engagement dans l’œcuménisme et le dialogue interreligieux, l’attention prioritaire pour les pauvres de toutes catégories.

Je pense encore à la stimulante et parfois déroutante constitution sur « L’Église dans le monde de ce temps ». Nous n’avons pas fini de scruter ses enseignements sur la dignité de l’être humain et sur ses responsabilités pour la vie de l’humanité et l’intégrité de la création entière. Ses enseignements sur les relations internationales, la guerre, la paix continuent à nous éclairer, tout particulièrement en cette ère de mondialisation. Une mondialisation des marchés et des finances ne suffit pas. Le dessein de Dieu appelle une mondialisation de la fraternité, de la liberté, de l’égalité, de la solidarité. Les « signes des temps » sont toujours à bien interpréter à la lumière des Écritures et des besoins vitaux de notre époque.

En somme, je me dis que ce concile fut une grande grâce pour notre temps. Sans lui, que serions-nous aujourd’hui comme Église dans ce monde en profondes et rapides mutations? Le bon pape Jean XXIII priait avec toute l’Église pour que Dieu nous donne une nouvelle Pentecôte. Si nous savons bien regarder ce qui se vit, nous pouvons détecter des signes de l’œuvre de l’Esprit. Mais je suis persuadé, dans une ferme espérance, qu’il n’a pas encore épuisé ses dons et ses merveilles. C’est à nous d’y être attentifs et de nous y engager.
(1er texte d’une série sur Vatican II)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau