lundi 28 octobre 2013

L’alliance passe à Joseph

Avant de mourir, le vieux Jacob témoigna devant l’arrière-petit-fils d’Abraham que l’alliance alors conclue par Dieu avec leur ancêtre est toujours solide et fiable. Il dit à Joseph : « El Shaddaï m'est apparu à Luz, au pays de Canaan, il m'a béni et m'a dit: “Je te rendrai fécond et je te multiplierai, je te ferai devenir une assemblée de peuples et je donnerai ce pays en possession perpétuelle à tes descendants après toi.” Maintenant, les deux fils qui te sont nés au pays d'Égypte avant que je ne vienne auprès de toi en Égypte, ils seront miens! Éphraïm et Manassé seront à moi au même titre que Ruben et Siméon. » Et Jacob bénit ses deux petits-fils, nés de Joseph en Égypte : « Que le Dieu devant qui ont marché mes pères Abraham et Isaac, que le Dieu qui fut mon pasteur depuis que je vis jusqu'à maintenant, que l'Ange qui m'a sauvé de tout mal bénisse ces enfants, que survivent en eux mon nom et le nom de mes ancêtres, Abraham et Isaac, qu'ils croissent et multiplient sur la terre! »  Et il ajouta à l’endroit de Joseph : « Voici que je vais mourir, mais Dieu sera avec vous et vous ramènera au pays de vos pères. » (Genèse 48, 3-22)
 
Joseph croit avec fermeté aux promesses faites aux patriarches et matriarches. Il accueille la bénédiction.  Puis voyant venir la fin de ses jours, il transmet à sa famille, comme un précieux héritage, cette certitude de la fidélité du Dieu de ses pères, le « Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ».  « Je vais mourir, mais Dieu vous visitera et vous fera remonter de ce pays dans le pays qu'il a promis par serment à Abraham, Isaac et Jacob. » (54,25-26)
 
Ainsi s‘affirme dans la Bible la façon dont Dieu met en œuvre son grand dessein de miséricorde pour les humains et pour leur bonheur. Dieu passe par des alliances. Dieu ainsi se révèle, fait connaître ses chemins, guide celles et ceux qui acceptent d'entrer dans son alliance. Il les bénit, les fait fructifier et réussir, les protège et leur donne la mission de porter le témoignage de sa volonté de proximité et de salut à tous les humains. Ainsi,  nous voyons l’alliance passer, par cette famille d’Abraham, élargie par adoptions, au cœur du peuple païen des Égyptiens. Elle portera là son témoignage pour ce Dieu fidèle.
 
Il est important que nous cultivions en Église la mémoire de l’alliance divine qui est à la base de notre vie de foi et d’espérance. Ainsi nous pourrons dans l’amour développer des relations sans cesse nouvelles avec Dieu, entre nous et avec tous les humains appelés par Dieu à partager cette alliance.
 
Et en ces temps que nous vivons, il semble particulièrement important de développer une conscience très vive de l’importance des générations pour que se perpétue cette alliance. Pensons au rôle des grands-parents envers leurs petits-enfants. Les catéchètes savent bien cette réalité. Il faut la valoriser et ainsi faire de plus en plus de nos familles un lieu de transmission de cette alliance dans la foi. Dieu est fidèle. Mais il demande notre consentement actif pour que sa bonté rejoigne les plus jeunes générations parmi nous. N’est-ce pas un des chemins pour la nouvelle évangélisation?
(9e texte d’une série sur l’Alliance)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

dimanche 20 octobre 2013

L’alliance avec Jacob

L’alliance abrahamique, valide pour Isaac le fruit de la promesse, le fut aussi pour Jacob le petit-fils  d’Abraham.  Le récit biblique y insiste fortement.
 
Jacob vient d’arracher par ruse le droit d’ainesse d’Ésaü et la bénédiction paternelle. Devant la colère meurtrière de son frère, il s’enfuit. Un soir, le fuyard se coucha avec une pierre sous sa tête et s'endormit. « Il eut un songe: Voilà qu'une échelle était dressée sur la terre et que son sommet atteignait le ciel, et des anges de Dieu y montaient et descendaient! Voilà que Yahvé se tenait devant lui et dit: “Je suis Yahvé, le Dieu d'Abraham ton ancêtre et le Dieu d'Isaac. La terre sur laquelle tu es couché, je la donne à toi et à ta descendance. Ta descendance deviendra nombreuse comme la poussière du sol, tu déborderas à l'occident et à l'orient, au septentrion et au midi, et tous les clans de la terre se béniront par toi et par ta descendance. Je suis avec toi, je te garderai partout où tu iras et te ramènerai en ce pays, car je ne t'abandonnerai pas tant que je n'aie accompli ce que je t'ai promis.” » Jacob prit « la pierre qui lui avait servi de chevet, il la dressa comme une stèle et répandit de l'huile sur son sommet. » Et il fait le vœu que, si le Dieu d’Abraham et d’Isaac le protège à l’allée et au retour de son voyage, il sera son Dieu et que la pierre dressée comme une stèle sera le mémorial de cette alliance (Genèse 28, 10-22).
 
Après de nombreuses années et s’étant enrichi, Jacob, revenant au pays de ses ancêtres, repasse au lieu de son songe. « Dieu apparut encore à Jacob, à son retour de Paddân‑Aram, et il le bénit. Dieu lui dit: “Ton nom est Jacob, mais on ne t'appellera plus Jacob, ton nom sera Israël.” Aussi l'appela‑t‑on Israël. Dieu lui dit: “Je suis El Shaddaï. Sois fécond et multiplie. Une nation, une assemblée de nations naîtra de toi et des rois sortiront de tes reins. Le pays que j'ai donné à Abraham et à Isaac, je te le donne, et à ta postérité après toi je donnerai ce pays.” » (Genèse 35, 9-12. Voir aussi 48, 3-4)
 
L’alliance est encore là, marquée par une dimension universelle. Dieu, dans son dessein de salut et de bonheur pour tous les humains, passe ainsi par des personnes ou des groupes appelés à une mission pour tous. Voilà qui éclaire ce que nous sommes et devons être en Église : des agents de communion, de solidarité, de paix.
(8e texte d’une série sur l’Alliance)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

lundi 14 octobre 2013

L’alliance avec Isaac

L’alliance que Dieu fit avec Abraham a été établie avec sa descendance physique, dont Isaac est le premier maillon : « Ce jour‑là Yahvé conclut une alliance avec Abram en ces termes : “A ta postérité je donne ce pays”. » (Genèse 15,18) Cette promesse est répétée avec insistance : « Ce jour‑là Yahvé conclut une alliance avec Abram en ces termes : “A ta postérité je donne ce pays”. » (17,7) Et Dieu est très explicite au sujet d’Isaac : « ta femme Sara te donnera un fils, tu l'appelleras Isaac, j'établirai mon alliance avec lui, comme une alliance perpétuelle, pour être son Dieu et celui de sa race après lui. […] Mon alliance, je l'établirai avec Isaac, que va t'enfanter Sara, l'an prochain à cette saison. » (17,19-21)
 
La Bible montre bien la réalité de cette alliance dans l’histoire d’Isaac, en particulier lors d’une grande sécheresse qui menaçait sa famille. « Il y eut une famine dans le pays -- en plus de la première famine qui eut lieu du temps d'Abraham -- et Isaac se rendit à Gérar chez Abimélek, roi des Philistins. Yahvé lui apparut et dit : “Ne descends pas en Égypte; demeure au pays que je te dirai. Séjourne dans ce pays‑ci, je serai avec toi et te bénirai. Car c'est à toi et à ta race que je donnerai tous ces pays‑ci et je tiendrai le serment que j'ai fait à ton père Abraham. Je rendrai ta postérité nombreuse comme les étoiles du ciel, je lui donnerai tous ces pays et par ta postérité se béniront toutes les nations de la terre, en retour de l'obéissance d'Abraham, qui a gardé mes observances, mes commandements, mes règles et mes lois.” Ainsi Isaac demeura à Gérar . » (26, 1-6)
 
Isaac expérimente donc, comme son père Abraham, des relations solides avec le Dieu vivant et unique. Comme Abraham, il a expérimenté la protection divine dans tous ses dangers. Dieu, dans une mystérieuse initiative, s’est lié à Isaac et lui a fait don de son amitié. Il l’a guidé dans sa vie de nomade sur cette terre promise à Abraham et à sa descendance. Car Dieu est toujours fidèle à sa promesse et à son alliance.
 
La Bible souligne souvent cette transmission de la bénédiction et de l‘alliance au fils de la promesse. Ainsi nous lisons dans Ben  Sirac 44, 19-22 : « Abraham, ancêtre célèbre d'une multitude de nations, nul ne lui fut égal en gloire. Il observa la loi du Très-Haut et fit une alliance avec lui. Dans sa chair il établit cette alliance et au jour de l'épreuve il fut trouvé fidèle. C'est pourquoi Dieu lui promit par serment de bénir toutes les nations en sa descendance, de la multiplier comme la poussière de la terre et d'exalter sa postérité comme les étoiles, de leur donner le pays en héritage, d'une mer à l'autre, depuis le Fleuve jusqu'aux extrémités de la terre. À Isaac, à cause d'Abraham son père, il renouvela la bénédiction de tous les hommes. »
 
Cette histoire de la vie d’Isaac nous invite à une même confiance abandonnée à Dieu afin que porter l’alliance de paix et de réconciliation aux humains de notre temps. Car notre humanité appelle vraiment un lieu où l’alliance divine se révèle et agit. C’est bien ce qu’est l’Église et dans cette communauté c’est là notre mission.
(7e texte d’une série sur l’Alliance)
 
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

dimanche 6 octobre 2013

L’alliance avec Abraham (2ière partie)

Dans Genèse 17, 1-14 nous est donné un second récit d’alliance avec Abraham. Abram a atteint quatre-vingt-dix-neuf ans. Dieu lui apparait et lui dit : « Je suis El Shaddaï, marche en ma présence et sois parfait. » Dieu se présente comme le Dieu-Puissant et le Très-Haut. L’homme doit humblement marcher en sa présence dans l’abandon confiant et, ainsi accompagné par Dieu dans sa vie nomade, devenir parfait.
 
Dieu continue en formulant une promesse : « J'institue mon alliance entre moi et toi, et je t'accroîtrai extrêmement. » Et il précise : « Moi, voici mon alliance avec toi : tu deviendras père d'une multitude de nations. Et l'on ne t'appellera plus Abram, mais ton nom sera Abraham, car je te fais père d'une multitude de nations. Je te rendrai extrêmement fécond, de toi je ferai des nations, et des rois sortiront de toi. J'établirai mon alliance entre moi et toi, et ta race après toi, de génération en génération, une alliance perpétuelle, pour être ton Dieu et celui de ta race après toi. » Dieu dans cette alliance prend possession de toute la personne d’Abraham en changeant son nom. Et c’est une alliance perpétuelle qui engage aussi toute sa postérité. « Je serai votre Dieu ».
 
De cette alliance divine résulte une grave obligation pour Abraham. Dieu la précise : « Et toi, tu observeras mon alliance, toi et ta race après toi, de génération en génération. Et voici mon alliance qui sera observée entre moi et vous, c'est‑à‑dire ta race après toi : que tous vos mâles soient circoncis. Vous ferez circoncire la chair de votre prépuce, et ce sera le signe de l'alliance entre moi et vous. » En signe d’accueil inconditionnel, Abraham tombe la face contre terre en une profonde prostration devant Dieu. Abraham se montre ainsi consentant à être fidèle et loyal envers ce partenaire divin. Et il y engage sa postérité.
 
Le signe de cette alliance est donc la circoncision, imposée à tous les mâles de la famille d’Abraham, qu’ils soient ses fils ou ses esclaves et ses serviteurs étrangers. C’est ainsi qu’il sera source de bénédiction pour des peuples innombrables, et même des rois. En somme, il s’agit encore ici, comme avec Noé, d’une alliance universelle. Et cette alliance universelle commence déjà avec les esclaves étrangers qui, une fois circoncis, participent aux bienfaits promis à Abraham. Cette alliance ne se limite pas à ceux qui sont liés par le sang avec Abraham. Tous ceux qui sont avec Abraham, de sa famille, entrent dans cette communion donnée par Dieu à son ami Abraham. Le Dieu d’Abraham est leur allié, leur protecteur, leur guide. Et ils ont à lui être fidèles dans la confiance totale, marchant en sa présence en étant sûrs de sa fidélité.
 
Saint Paul (en Galates 3, 5-8, et Romains 11, 25-36) expliquera comment par la foi en Jésus nous recevons une circoncision non pas charnelle, mais spirituelle, œuvre de l’Esprit, par laquelle nous devenons de la descendance d’Abraham. Ainsi, nous participons à son alliance avec Dieu. Et nous portons ses obligations, sa mission de révéler au monde ce Dieu qui est source de salut et de bonheur. Ce que Dieu a dit à Abraham lors de son premier appel : « Quitte pour ton bonheur… », nous avons à le vivre en Église et à le dire par la qualité de notre vie, pour que beaucoup se reconnaissent comme enfants d’Abraham par la même foi confiante et abandonnée et donc sous la bénédiction divine, source de tout bonheur véritable. En somme, par cette alliance, un dynamisme est lancé dans l’histoire de toute l’humanité pour provoquer un renouveau de la communion avec Dieu et des relations entre tous les humains de la terre. Voilà qui éclaire notre existence en Église et notre mission.
(6e texte d’une série sur l’Alliance)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

vendredi 4 octobre 2013

L’alliance avec Abraham (1ière partie)

Les descendants de Noé, en commençant par son fils Cham, ont brisé l’alliance divine que Dieu avait conclue avec tous les humains et la nature entière lors de la création. C’est ce que nous raconte la fin du chapitre 9 et les chapitres 10 et 11 de la Genèse. On y lit que Dieu voulait un ordre cosmique, social et religieux marqué par la pluralité des nations dans le respect mutuel et la paix. Mais, dans son orgueil, l’humanité a voulu faire elle-même cette unité selon son propre modèle : l'uniformité. Alors, Dieu décide de faire cesser la construction d’une telle civilisation, cette « tour de Babel », et disperse les humains sur la terre. Puis, pour rassembler cette humanité dispersée, Dieu choisit Abraham avec qui il fera deux alliances (Genèse 12ss).  Ainsi en lui seront bénies toutes les nations de la terre.
 
Le premier récit se trouve dans Genèse 15. Toute l’initiative de cette alliance vient de Dieu et de sa bienveillance. Et elle vise une vie de communion, d’amitié entre les deux partenaires : Abraham sera nommé « l’ami de Dieu ». Mais ce nomade venu de Mésopotamie s’appelle alors Abram et il vit encore des idées païennes de ses ancêtres. Dieu se fait connaître à lui comme le vrai Dieu, le vivant présent dans toutes les circonstances de sa vie. Abram peut toujours compter sur lui avec confiance. Car Dieu sera son fidèle allié et ami. Il lui promet une descendance et une terre. Abram ose croire à la promesse incroyable de Dieu : son couple est stérile et la terre est déjà possédée par les Cananéens. Abram ouvre son coeur à Dieu et lui soumet ses questions, auxquelles Dieu répond par une alliance.
 
Abram apporta les animaux demandés par Dieu. Il « les partagea par le milieu et plaça chaque moitié vis-à-vis de l'autre; cependant il ne partagea pas les oiseaux. Les rapaces s'abattirent sur les cadavres, mais Abram les chassa. Comme le soleil allait se coucher, une torpeur tomba sur Abram et voici qu'un grand effroi le saisit. Yahvé dit à Abram : “Sache bien que tes descendants seront des étrangers dans un pays qui ne sera pas le leur. Ils y seront esclaves, on les opprimera pendant 400 ans. Mais je jugerai aussi la nation à laquelle ils auront été asservis et ils sortiront ensuite avec de grands biens. Pour toi, tu t'en iras en paix avec tes pères, tu seras enseveli dans une vieillesse heureuse.” […] Quand le soleil fut couché et que les ténèbres s'étendirent, voici qu'un four fumant et un brandon de feu passèrent entre les animaux partagés. Ce jour‑là Yahvé conclut une alliance avec Abram en ces termes : “À ta postérité je donne ce pays, du Fleuve d'Égypte jusqu'au Grand Fleuve, le fleuve d'Euphrate.” »
 
Par cette alliance, Abram reçoit la garantie que Dieu l’accompagnera dans ses cheminements et n’abandonnera pas ses descendants. Les rapaces représentent les dangers dans sa vie et dans celle de sa large famille. Mais ils seront chassés. Malgré les échecs et dangers qui s’accumuleront sur le chemin d’Abram et de ses descendants, la parole de Dieu est irrévocable et en Abram seront bénies toutes les nations de la terre.
 
Il faut noter que Dieu seul passe entre les quartiers des animaux immolés. Par là, Dieu jure par serment sur lui-même que sa promesse est solide. L’alliance de Dieu est un don qui ne vient que de la miséricordieuse fidélité divine. Dieu donnera un fils, une descendance innombrable comme les étoiles du ciel et le sable de la mer, une terre où ruissèleront le lait et le miel, tel que promis.
 
Abram, lui, est appelé à la confiance absolue et à marcher selon les indications de la parole divine. Au cœur des contradictions et des multiples épreuves, il doit vivre dans une foi attentive, accueillante, audacieuse et tenace, en restant toujours disponible au projet divin sur lui et sur l’humanité dont il porte la bénédiction pour des générations et des générations.
 
Cette figure d’Abraham le croyant doit être notre guide pour que, Église, nous soyons ensemble un phare dans ce monde obscur. Notre culture actuelle a bien besoin d’un peu de lumière pour trouver des chemins de paix, de réconciliation et de construction d’un monde fraternel. N’est-ce pas là un appel pour toutes les personnes, dont nous sommes, qui se reconnaissent enfants d’Abraham?
(5e texte d’une série sur l’Alliance)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau