vendredi 30 décembre 2011

Bonne année 2012

Nous changeons les calendriers mais la vie continue d’une année à l’autre. Durant 2011, nous avons récolté les fruits des semences passées et nous avons jeté dans la terre de nos vies, de nos familles, de nos communautés paroissiales, dans notre milieu social et de travail, d’autres semences de vie, d’espérance, de joie, de paix, d’avenir.

On peut caractériser l’an 2011 par le cri des jeunes, qui fut à la fois un gémissement et un hurlement, et qui a rejoint beaucoup de cœurs et tous les médias de notre planète. Nous sommes en attente et en questionnement devant les suites qui viendront de cet appel à plus de liberté, plus de justice, plus de partage, plus de paix. C’est l’idéal de notre cœur et son aspiration secrète. Nous sommes des assoiffés de fraternité et d’amour.  Comment l’an 2012 y apportera-t-il des commencements de satisfaction?

Dans son message du nouvel an, particulièrement adressé aux jeunes, le pape Benoît XVI identifie ces événements récents qui ont bouleversé notre planète. Dans un texte très stimulant, il écrit : « Les préoccupations exprimées par de nombreux jeunes ces derniers temps, dans différentes régions du monde, manifestent le désir de pouvoir regarder l’avenir avec une espérance fondée. » Et il termine son message par ces mots: « La paix n’est pas un bien déjà acquis, mais un objectif auquel, tous et chacun, nous devons aspirer. Regardons l’avenir avec une plus grande espérance, encourageons-nous les uns les autres dans notre cheminement, travaillons à donner à notre monde un visage plus humain et fraternel, et sentons-nous unis dans la responsabilité envers les jeunes générations présentes et futures, en particulier en les éduquant à être des personnes pacifiques et des artisans de paix. »

Nous sommes souvent sceptiques devant les « résolutions du jour de l’an ». Elles peuvent prendre un sens très stimulant si elles jaillissent de ce qu’il y a de mieux dans notre cœur et si elles se donnent des mains et des pieds. À chacune, à chacun de nous de faire ces choix.

Bonne, heureuse et sainte année 2012. Jésus marche avec nous.
Jésus partage notre soif et s'y engage avec nous. Confiance et courage!

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

(Photo avec des membres de ma famille, lors de la messe de mon 50e de sacerdoce, en 2011, à la cathédrale d'Amos)

samedi 24 décembre 2011

Devant la mangeoire

Dieu n’a pas réclamé un hôtel cinq étoiles pour venir habiter chez nous. Il a choisi une mangeoire. C’est là qu’il s’est senti chez lui : dans une pauvre crèche de bergers dont il est venu partager les rêves, les déceptions, les rejets, les blessures et les espoirs

Cette mangeoire parle à mon cœur : « Tu sais bien à quoi je sers! Le bœuf, l’âne, le mouton, même la poule et ses poussins viennent rassasier leur faim. Toi, as-tu faim? ». Et mon cœur s’est écrié : « Oui, j’ai faim de raisons de vivre. J’ai faim d’un sens et d’un but vraiment valables pour ma vie. J’ai faim d’être aimé malgré mes bêtises. J’ai faim d’être pardonné. J’ai faim que quelqu’un vienne retisser tous ces fils que j’ai cassés par mes indifférences envers les autres, par mes mépris des beautés et richesses de la nature, par mon refus d’écouter Dieu et sa Parole. Oui, j’ai faim! » Et la mangeoire me répond : « Viens manger : Celui qui est là sur la paille y a été déposé pour toi! » Quelle joie j’en ressens!

Mais mon cœur exhale aussi une peine profonde devant l’Enfant : «Tant de mes frères et sœurs de par le monde meurent de faim! Es-tu là aussi pour eux? Et si oui, comment le leur faire savoir? Comment leur offrir du pain, de la dignité, un peu de bonheur et d’amour?» Et j’entends murmurer au fond de moi-même : « J’ai su attirer par des anges de pauvres bergers affamés de pain, de paix et d’amitié. J’ai su séduire et guider par une étoile les savants de la terre, eux aussi affamés de comprendre les merveilles de la création et hantés par les énigmes de leurs cœurs et de leurs peuples. Sois cet ange, sois cette étoile. Brûle, rayonne et attire. Rayonne par ta joie et ta confiance. »

Depuis deux mille ans, nous essayons d’irradier cette joie qui nous vient de l’Enfant dans ses langes. À Noël, nous échangeons des cadeaux, des cartes de vœux et des visites. C’est Jésus qui donne un sens à tous ces gestes du temps des Fêtes tout comme à ceux de notre quotidien. Il est le vrai Cadeau pour Noël et aussi pour tous nos jours et nos saisons. Il est le Don magnifique d’un Dieu qui nous aime follement. Et en accueillant ce Cadeau dans la foi et dans l’amour, nous devenons comme Lui des bien-aimés qui connaissent par expérience l’indéfectible fidélité de Dieu et sa miséricorde sens limites. Nos faims s’apaisent. Des chemins neufs s’ouvrent. Il y a de l’avenir.

En cette Nuit de Noël, une grande Lumière a jailli.
Qu’elle illumine chacune des journées de la prochaine année.
Que l’Enfant de la crèche vous apporte sa Paix!
Joie devant ce merveilleux Cadeau vivant qu’est Jésus dans la mangeoire et sainte année 2012.

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

(Image de la crèche : toile de Soeur Clémence Giguère)

mardi 20 décembre 2011

Le Cadeau de la joie

Je suis à la retraite. Je n’ai plus à m’occuper de toutes sortes de tâches administratives que j’avoue n’avoir jamais préférées. Il ne me reste qu’à approfondir la beauté et la richesse de ma foi évangélique et à en témoigner du mieux que je peux, par les moyens à ma disposition. Pour me remettre plusieurs fois par jour sous les yeux ce désir de mon cœur, que je considère être aussi un appel de Dieu, j’ai installé au-dessus de mon ordinateur une icône de saint Jean le Baptiste, ce prophète que Jésus a comparé à une lampe qui brûle et qui éclaire.

Je me sens un peu comme Jean-Baptiste! Sans oser tout de même prétendre l’approcher dans sa pauvreté, son humilité, son courage, ni dans son rôle unique dans l’histoire des fréquentations de Dieu avec notre humanité. Dans l’Église et où j’en suis, je ressens un semblable appel à révéler Jésus qui est caché au milieu de nos routines et humbles événements quotidiens.

Jean a dansé de joie quand il a été sanctifié par la visite de Jésus présent en Marie, alors que lui aussi était encore dans le sein de sa mère. Il n’a pas camouflé cette lumière mise en lui par l’Esprit : il a vraiment été une lampe qui brûle et qui éclaire. Il a accompli sa mission de préparer la venue de Dieu chez nous. Il a fait entendre l’appel à accueillir ce Cadeau de Dieu. Alors qu’il baptisait au Jourdain, Jésus est venu à lui. Jean a exulté de joie de voir Dieu s’approcher en suivant nos humbles chemins de pécheurs repentants pour nous apporter le bonheur de nous savoir infiniment aimés de Dieu et en paix avec Lui.

C’est aussi mon désir en ce temps de retraite de faire luire Jésus, la Parole vivante de Dieu, par ce bloque entre autres moyens. C’est pour être fidèle à cette mission que je prie si souvent l’Esprit-Saint, le suppliant avec instances et gémissements de venir habiter en moi, de me brûler et à travers moi de répandre la lumière, la paix et la joie qu’est Jésus.

Comme l’a expérimenté Jean le Baptiste, nous aussi sommes mis en présence de Jésus vivant. Il vient à nous dans la nuit de Noël mais aussi dans chaque eucharistie. Il vient dans la mangeoire de nos cœurs et la crèche de nos vies pour nous faire expérimenter comment nous sommes précieux pour le cœur de Dieu. Jésus est le plus merveilleux des cadeaux! Noël est une grande fête de joie.

Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

vendredi 16 décembre 2011

Interpréter les cris de notre monde

L’humanité vit de grandes perturbations. D’année en année on voit les glaces polaires disparaitre dans l’océan. Depuis 1988 c’est la crise financière qui perturbe tout l’Occident. Plus récemment le printemps arabe nous a surpris par sa vigueur mais aussi par son aspect sanglant. Et plus récemment, c’est le cri des « indignés » qui a résonné dans nos parcs. Quoi comprendre dans tout cela? Et selon quels critères analyser de tels phénomènes complexes et disparates, mais liés d’une façon ou d’une autre à une mondialisation pleine de promesses et de menaces.

À travers les cheminements de sa séculaire existence, l’Église catholique développe des critères de discernement sur les événements de l’histoire humaine intégrée inéluctablement à l’histoire de toute la création. Nous trouvons là une richesse de réflexions illuminées de l'intérieur par la Parole de Dieu. Cet enseignement social s’est peu à peu élaboré en réponse aux souffrances et aux défis des diverses époques. C’est en effet une longue tradition que les croyants cherchent à discerner les gémissements et les douleurs d’enfantement de l’humanité dans la méditation de la Parole et dans la prière.

Le Concile Vatican II, en particulier dans sa Constitution pastorale nommée « Gaudium et Spes », nous fournit de précieux enseignements pour relancer cette attention au monde, à ses aspirations et à ses souffrances. L’Église s’y affirme au service des humains dans leurs cheminements historiques : « De nos jours, saisi d’admiration devant ses propres découvertes et son propre pouvoir, le genre humain s’interroge cependant, souvent avec angoisse, sur l’évolution présente du monde, sur la place et le rôle de l’homme dans l’univers, sur le sens de ses efforts individuels et collectifs, enfin sur la destinée ultime des choses et de l’humanité. Aussi le Concile, témoin et guide de la foi de tout le Peuple de Dieu rassemblé par le Christ, ne saurait donner une preuve plus parlante de solidarité, de respect et d’amour à l’ensemble de la famille humaine, à laquelle ce peuple appartient, qu’en dialoguant avec elle sur ces différents problèmes, en les éclairant à la lumière de l’Évangile, et en mettant à la disposition du genre humain la puissance salvatrice que l’Église, conduite par l’Esprit Saint, reçoit de son Fondateur. C’est en effet l’homme qu’il s’agit de sauver, la société humaine qu’il faut renouveler. C’est donc l’homme, l’homme considéré dans son unité et sa totalité, l’homme, corps et âme, cœur et conscience, pensée et volonté, qui constituera l’axe de tout notre exposé. » (Par. 3.1).

Le même texte conciliaire pose un autre jalon essentiel quand il affirme que l'Église veut répondre aux appels de l'Esprit qui se font entendre à travers les événements et les requêtes de notre temps : « Mû par la foi, se sachant conduit par l’Esprit du Seigneur qui remplit l’univers, le Peuple de Dieu s’efforce de discerner dans les événements, les exigences et les requêtes de notre temps, auxquels il participe avec les autres hommes, quels sont les signes véritables de la présence ou du dessein de Dieu. La foi, en effet, éclaire toutes choses d’une lumière nouvelle et nous fait connaître la volonté divine sur la vocation intégrale de l’homme, orientant ainsi l’esprit vers des solutions pleinement humaines.» (Par. 1.1)

Cette réflexion se continue aujourd’hui. Elle se situe dans le contexte doctrinal du présent pontificat sur ces questions. Nous trouvons cet enseignement de Benoît XVI dans sa lettre encyclique « Caritas in veritate » sur « le développement humain intégral dans la charité et dans la vérité ». Benoît XVI y affirme que c’est de l’amour riche de vérité que procédera le vrai développement humain intégral. « L’amour dans la vérité (Caritas in veritate), dont Jésus s’est fait le témoin dans sa vie terrestre et surtout par sa mort et sa résurrection, est la force dynamique essentielle du vrai développement de chaque personne et de l’humanité tout entière. L’amour – « caritas » – est une force extraordinaire qui pousse les personnes à s’engager avec courage et générosité dans le domaine de la justice et de la paix. C’est une force qui a son origine en Dieu, Amour éternel et Vérité absolue. » (par. 1) Le pape rappelle aussi que la dignité inviolable de la personne humaine et la valeur transcendante des normes morales naturelles  (par. 45) sont les piliers de l’éthique humaine.

Ce texte est dense et riche. Il traite des questions fondamentales qui tourmentent notre monde de plus en plus ballotté par les « lois du marchés » qui font couler tant de larmes et de sang sur la planète, et surtout parmi les plus pauvres. Ce texte appelle donc une lecture attentive et sans doute quelques relectures pour en saisir la richesse et le dynamisme. Il mérite aussi d’être accueilli et approfondi dans des petits groupes imbibés d’Évangile et des gémissements de notre monde, de notre Église et de l’Esprit.

Nous y entendons un écho de l’appel évangélique à la conversion si fortement répercuté par notre liturgie de l’Avent et de Noël. Nous sommes conviés à revenir à l’orientation décisive demandée par Jésus et à développer un regard nouveau sur les choses, les événements. C’est un appel à discerner dans les souffrances et cris de notre monde ce que Dieu nous demande; nous comporter entre nous comme des enfants d’un même Dieu et tous frères et sœurs. Nous sommes appelés à cette vigilance alors que nous marchons dans les obscurités de l’histoire, « jusqu'à ce que paraisse le jour et que l'étoile du matin se lève dans vos cœurs. » (2 Pierre 1, 19).

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

dimanche 11 décembre 2011

J’entends des gémissements

Les démonstrations, occupations et discours des « indignés » m’ont frappé le cœur comme un cri, une lamentation. Je me suis demandé s’il n’y aurait pas dans nos Écritures chrétiennes quelque lumière pour soutenir ma réflexion sur ce phénomène qui résonne partout. J’ai cru reconnaitre dans un texte de saint Paul l’attitude d’une personne qui écoute son monde et y entend lui aussi un cri d’immenses douleurs et d’indestructibles espoirs pour une libération et une vie neuve.

Cet Apôtre examine en effet les souffrances qui caractérisent l’histoire de son temps et y discerne que « la création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu: si elle fut assujettie à la vanité, […] c'est avec l'espérance d'être elle aussi libérée de la servitude de la corruption pour entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu. Nous le savons en effet, toute la création jusqu'à ce jour gémit en travail d'enfantement. Et non pas elle seule: nous-mêmes qui possédons les prémices de l'Esprit, nous gémissons nous aussi intérieurement dans l'attente de la rédemption de notre corps. […] Pareillement l'Esprit vient au secours de notre faiblesse; car nous ne savons que demander pour prier comme il faut; mais l'Esprit lui-même intercède pour nous en des gémissements ineffables, et Celui qui sonde les cœurs sait quel est le désir de l'Esprit et que son intercession pour les saints correspond aux vues de Dieu. » (Romains 8,19-27).

Paul dit entendre des gémissements. De tels murmures prolongés, inarticulés et plaintifs se produisent quand des émotions très intenses, très profondes et très violentes, en particulier des souffrances, sont étouffées, réprimées, empêchées de faire entendre leur immense clameur en plein jour et ne trouvent pas comment s’exprimer. C’est bien ce que vivent aujourd’hui tant de personnes et de groupes sur notre planète.

Paul affirme discerner dans l’histoire globale de son temps trois sortes de gémissements. D’abord, il nomme ainsi les aspirations de la création qui se traduisent par des geignements qui évoquent la femme en travail d’enfantement cherchant à exprimer ses douleurs. Le psalmiste nous révèle que l'Esprit de Dieu pénètre tout l’univers : « Tu envoies ton souffle, ils sont créés, tu renouvelles la face de la terre » (Ps 104,30). L’Esprit est actif dans toute la création Il sème dans les cultures et les civilisations des pierres d’attente, des pressentiments de l’avenir que Dieu veut pour sa création. Toute la création, ce qui inclut non seulement la création physique, mais aussi les peuples avec leurs civilisations et histoires, est en tension vers une libération de ses esclavages et une vie nouvelle. Nos saintes Écritures, en particulier les prophètes et aussi Jésus, discernent souvent l’œuvre de Dieu et de son Esprit dans les civilisations et les peuples étrangers au Peuple élu.

Paul dit ensuite discerner nos propres gémissements de chrétiens (voir aussi l’affirmation fondamentale de Paul sur ces souffrances refoulées mais qui tendent à jaillir sous la poussée de l’Esprit : 2 Corinthiens 5, 1-5). Déjà les descendants d’Abraham, esclaves opprimés en Égypte et menacés de génocide, gémissaient et Dieu a entendu leur douleur refoulée (Actes des Apôtres 7,34, référant à Exode 3,7.). De tels gémissements sourdent souvent d’ailleurs dans l’histoire du Peuple choisi. Job 35,9, les Psaumes 42,6 et 43,5, le livre des Lamentations 1,4 et 11 les nomment devant le peuple et devant Dieu. Les prophètes, et surtout Jérémie (31,18 ; 45,3 ; 48,36), mais aussi Ézéchiel (7,16 ; 9,14 ; 21,11) ont su aussi discerner ces gémissements et les clarifier dans le cœur du peuple en proclamant une espérance têtue et devant Dieu par une supplication intense, dramatique souvent. L’évangéliste Marc (7,32-34) affirme que Jésus lui-même a prié le Père et a gémi en guérissant un sourd-bègue qui ne pouvait traduire les angoisses de son isolement et de sa marginalisation qu’en gémissements. Jésus a alors intensément participé à la souffrance refoulée de l’humanité incapable de s’exprimer, qui ne sait pas comment communiquer les frémissements de ses entrailles douloureuses. Jésus nous montre ainsi que les souffrances, surtout celle muettes et refoulées, ne laissent pas Dieu indifférent. Dans cet exclus incapable de communiquer c’est toute l’humanité qui est profanée et en rupture de communion. L’immense amour de compassion de Dieu se met alors en acte et donne la parole à son enfant.  Chez Paul, il s’agit de nos gémissements de croyants insérés dans ce monde violent et qui souvent va jusqu’à ignorer, réprimer et persécuter les disciples de Jésus. Nous y balbutions notre aspiration intense vers la libération du mal et vers la liberté des enfants de Dieu.

Paul affirme enfin l’existence de gémissements de l’Esprit qui imbibe le cœur des chrétiens et y fait jaillir des lamentations inarticulables. « L’Esprit vient au secours de notre faiblesse; car nous ne savons que demander pour prier comme il faut; mais l'Esprit lui‑même intercède pour nous en des gémissements ineffables »

Paul a su discerner dans les souffrances, les échecs, les brutalités et les esclavages de son temps qui provoquent larmes et sang des aspirations vers une libération pour que l’humanité et toute la création se préparent à devenir conformes au grand plan de bonté et de miséricorde de Dieu et à l’accueillir quand Dieu en fera le don. Il a écouté avec ses communautés chrétiennes tous ces gémissements qui sont des aspirations à la libération de l’esclavage des idoles de toutes sortes. Il y a discerné des appels à ses communautés pour qu’elles  s’engagent à œuvrer  dans le dessein bienveillant de Dieu qui veut pour nous un monde de justice, de solidarité et de paix dans le partage.

Dans les gémissements actuels de toute la création soumise à une exploitation qui vise surtout le profit de quelques-uns et à une pollution qui menace même la vie humaine, dans ces soubresauts qui deviennent souvent des râlements de détresse et de mort dans notre humanité, pouvons-nous  reconnaître des interpellations actuelles pour nous, à cause de notre foi en un Dieu bienveillant et actif dans notre histoire? Alors que Noël nous rappelle que Dieu aime tellement ce monde et qu’il s’y compromet à fond, qu’entendons-nous dans ces gémissements de l’humanité en mal de fraternité et de bienveillance mutuelle ? Ces gémissements, discernés dans les consciences puis accueillis comme des énergies d’engagement à la suite de Jésus, sont des puissances de purification de notre monde, de notre Église et de nous-mêmes. Ces cris si souvent inarticulés appellent un autre avenir, dont nous sommes responsables aujourd’hui.

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

lundi 5 décembre 2011

Des penseurs scrutent le mouvement des « indignés »

Bien des penseurs de toutes les disciplines cherchent à distinguer ce qui travaille les entrailles profondes de notre humanité et de notre planète. Ils engagent leur raison et leur cœur dans une analyse de ces appels à plus d'humanité entre nous et à plus de respect de l’environnement naturel si riche, si beau, si diversifié mais si fragile. Ils mettent en lumière, selon leur spécialité ou leur approche intellectuelle du phénomène, des réflexions très riches, qui nous poussent à ne pas négliger ce phénomène comme une bénigne et temporaire poussée de fièvre collective. Beaucoup devinent là une pression vitale au cœur des souffrances qui habitent surtout les jeunes générations mais en fait atteignent des pans complets de l’humanité et blessent toute notre planète.

Certains rappellent que l’économie et la finance réglées seulement par la « loi du marché » et la recherche du profit sont inhumaines, destructrices des sociétés et des environnements. Toute économie viable et saine appelle des normes éthiques : c’est une exigence interne de la nature même de l’économie et de la finance qui sont des activités humaines. Ils appellent les responsables à bâtir un équilibre nouveau entre les politiques et les finances afin d’éviter que les « lois du marché » continuent à faire la pluie et le beau temps sur toute la planète, précipitant des pays entiers dans la faillite et des populations complètes dans la misère et la mort. L’exacerbation de la convoitise et du profit maximal instantané met en péril l’avenir de l’humanité et la qualité de l’environnement dont nous sommes responsables.

Ces réflexions sont stimulantes. Elles nous invitent à nous arrêter, à peser nos choix,  nos actes et leurs conséquences sur notre planète, alors que nous sommes tentés par les frénésies célébrées par la publicité de Noël.

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau