mardi 29 janvier 2013

Vatican II et les médias

Il fut rapidement admis que le décret du concile sur les moyens de communication sociale ne fut pas une très grande source d’inspiration. Les évêques en étaient eux-mêmes conscients puisqu’ils ont donné un mandat spécial du concile à la commission qu’il venait de créer pour qu’elle publie une instruction pastorale avec l’aide d’experts de différents pays (par. 23). Il faudra attendre jusqu’en 1971 pour avoir ce texte intitulé : Communion et Progrès. Cette fois, le menu fut substantiel!

On y affirme d’abord que les buts essentiels de tous ces moyens de communication sont la communion et le progrès de la société. « L'Église considère ces moyens de communication comme des “dons de Dieu”. Selon l'intention de la Providence, ils doivent engendrer entre les hommes des rapports fraternels, susceptibles de favoriser son dessein de salut. » (par. 2)

Jésus y est présenté comme le parfait « communicateur ». « Devenu, par l'Incarnation, semblable à ceux qui devaient recevoir son message, il a proclamé celui-ci avec puissance et sans compromission, par ses paroles et par toute sa conduite, vivant au milieu de son peuple, adoptant la façon de s'exprimer et de penser conforme à son pays et à sa condition » (par. 11).

Y est exprimée une vision très positive de ces réalités. « Une nouvelle langue se trouve peu à peu élaborée, qui permet aux hommes de mieux se connaître et de se rencontrer plus facilement. Compréhension plus rapide, bonne volonté réciproque plus spontanée conduisent à leur tour vers la justice et la paix, la bienveillance et la bienfaisance, l'aide mutuelle, l'amour et finalement à la communion. Ainsi les médias figurent à bon droit parmi les ressources et les possibilités les plus efficaces dont l'homme peut user pour affermir la charité, elle-même source de communion. » (par. 12)

Les médias sociaux sont vus comme des facteurs de progrès humain. « Les moyens de communication sociale progressent avec une telle rapidité qu'ils font sauter les barrières dressées entre les hommes au gré des temps et des lieux. Ils se présentent comme facteurs d'un rapprochement plus étroit et plus stable. Grâce à eux, l'information fait sur-le-champ le tour du globe et permet de participer plus activement à la vie du monde d'aujourd'hui. » (par. 20) On les reconnait donc comme des instruments de choix dans l'œuvre du progrès humain et de l’unité planétaire.

Toutefois, « les moyens de communication reçoivent finalement leur valeur de l'usage qu'en fait la liberté humaine. » (par. 13) « Puisque c'est l'homme lui-même qui décide de la manière d'utiliser les inventions, les principes moraux qui les régissent reposent sur la juste considération de la dignité de l'être humain, appelé à participer à la société des fils adoptifs de Dieu » (par. 14). S’ouvre ici tout le champ très actuel et sans cesse débattu du rôle de l’éthique pour régler ces activités humaines.

On y aborde aussi des sujets toujours chauds, tels que l’opinion publique, le droit à l’information, le rôle de ces médias dans l’éducation, la culture et les loisirs, les genres artistiques, la publicité, la formation  des responsables en ce domaine,  qu'il s’agisse des producteurs ou des usagers.

On y traite aussi du rôle possible de ces instruments pour le développement des populations et des pays démunis, où ils peuvent devenir une source importante de progrès et d'unité. « Dans les pays en voie de développement et, en particulier, dans ceux où l'analphabétisme met un obstacle au progrès intégral, les moyens audio-visuels peuvent communiquer avec grande efficacité les connaissances qui tendent à améliorer l'agriculture, l'industrie et le commerce, à promouvoir l'hygiène. Ils peuvent également aider à développer la personne, à fortifier la vie familiale, les relations sociales et le sens civique. » (par. 95)

Cette instruction pastorale reste humble dans ses suggestions concrètes, prévoyant des évolutions énormes dans ce domaine ainsi que des possibilités alors encore inconnues, et qui en fait se révèlent de plus en plus à nous. Toutefois, ce texte reste une source de réflexion sur les valeurs essentielles qui y sont en jeu.
(27e texte d’une série sur Vatican II)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

dimanche 27 janvier 2013

Vatican II et la Bible

Le document sur la révélation divine et sa transmission est sans doute un des textes les plus importants de ce concile. Il a renoué avec l’ancienne tradition d’ouvrir la Bible au milieu le Peuple de Dieu pour qu’il s’y abreuve de la Parole de vie éternelle.

« Il a plu à Dieu dans sa bonté et sa sagesse de se révéler en personne et de faire connaître le mystère de sa volonté (cf. Ep 1, 9) grâce auquel les hommes, par le Christ, le Verbe fait chair, accèdent dans l’Esprit Saint, auprès du Père et sont rendus participants de la nature divine (cf. Ep 2, 18 ; 2 P 1, 4). Par cette révélation, le Dieu invisible (cf. Col 1, 15 ; 1 Tm 1, 17) s’adresse aux hommes en son surabondant amour comme à des amis (cf. Ex 33, 11;  Jn 15, 14-15), il s’entretient avec eux (cf. Ba 3, 28) pour les inviter et les admettre à partager sa propre vie. » (par. 2) Voilà la source éternelle de ce don de la révélation : le plan bienveillant de Dieu pour nous traduit dans notre histoire du salut.

Jésus Christ est la plénitude personnelle de cette révélation. « C’est donc lui – le voir, c’est voir le Père (cf. Jn 14, 9) – qui, par toute sa présence et par la manifestation qu’il fait de lui-même par ses paroles et ses œuvres, par ses signes et ses miracles, et plus particulièrement par sa mort et sa résurrection glorieuse d’entre les morts, par l’envoi enfin de l’Esprit de vérité, achève en l’accomplissant la révélation, et la confirme encore en attestant divinement que Dieu lui-même est avec nous pour nous arracher aux ténèbres du péché et de la mort et nous ressusciter pour la vie éternelle. »(par. 4)

Dieu a pris les moyens pour que cette révélation soit transmise à toutes les générations et qu’elle y soit accueillie par la foi. Jésus, « ayant accompli lui-même et proclamé de sa propre bouche l’Évangile d’abord promis par les prophètes, ordonna à ses Apôtres de le prêcher à tous. » (par. 7) Ce qu’ils firent ainsi que leurs successeurs, avec l’assistance de l’Esprit-Saint.  Notre trésor, c’est la Tradition vivante de l’Église et la Bible.

Le concile a remis en honneur la Bible en montrant son importance pour l’Église (ch. VI). « L’Église a toujours vénéré les divines Écritures, comme elle le fait aussi pour le Corps même du Seigneur, elle qui ne cesse pas, surtout dans la sainte liturgie, de prendre le pain de vie sur la table de la Parole de Dieu et sur celle du Corps du Christ, pour l’offrir aux fidèles. » Le Peuple de Dieu doit ouvrir le Livre. Car Dieu le Père  par ces Écritures entre en conversation avec ses enfants. Et « la force et la puissance que recèle la Parole de Dieu sont si grandes qu’elles constituent, pour l’Église, son point d’appui et sa vigueur et, pour les enfants de l’Église, la solidité de leur foi, la nourriture de leur âme, la source pure et permanente de leur vie spirituelle. »

Déjà très riche par lui-même, ce document a été repris et approfondi dans un récent synode des évêques. Il en a résulté un document post-synodal d’une très grande richesse. Il faut méditer cette instruction qui nous offre divers chemins pour que la Parole de Dieu devienne la nourriture quotidienne de nos vies. Les 29 premiers paragraphes sont particulièrement beaux et inspirants.

L’approche de la Bible en Église, tant par les théologiens, les homélistes que les laïcs, a déjà beaucoup progressée depuis Vatican II. Mais il reste encore tellement de chemin à parcourir pour que  nos saintes Écritures deviennent une source inépuisable où sans cesse retourner pour apaiser notre soif de transcendance, de sens, de lumière et de paix dans notre marche vers le bonheur.

Je note avec joie en terminant tous ces petits groupes bibliques qui, avec diverses méthodes, s’attablent dans les maisons ou ailleurs pour ouvrir le Livre, le lire, le méditer , partager sur son contenu et prier en réponse aux Paroles accueillies.
(26e texte d’une série sur Vatican II)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

dimanche 20 janvier 2013

Vatican II et la liturgie

La constitution conciliaire sur la liturgie base sa réflexion sur les buts fixés par Jean XXIII pour ce concile : « Puisque le saint Concile se propose de faire progresser la vie chrétienne de jour en jour chez les fidèles; de mieux adapter aux nécessités de notre époque celles des institutions qui sont sujettes à des changements; de favoriser tout ce qui peut contribuer à l’union de tous ceux qui croient au Christ, et de fortifier tout ce qui concourt à appeler tous les hommes dans le sein de l’Église, il estime qu’il lui revient à un titre particulier de veiller aussi à la restauration et au progrès de la liturgie. » (par.1)

Ce fut le premier document ratifié par le pape et les évêques. Car on y avait profité des remarquables travaux du mouvement liturgique vécu depuis plusieurs décennies.  Nous avons eu ainsi un texte d’une riche beauté qui doit guider notre compréhension de la liturgie et notre prière. Je me limite ici à citer le cœur de la dynamique essentielle de toute liturgie.

« Le Christ est toujours là auprès de son Église, surtout dans les actions liturgiques. Il est là présent dans le sacrifice de la messe, et dans la personne du ministre, “le même offrant maintenant par le ministère des prêtres, qui s’offrit alors lui-même sur la croix” et, au plus haut degré, sous les espèces eucharistiques. Il est présent, par sa puissance, dans les sacrements au point que lorsque quelqu’un baptise, c’est le Christ lui-même qui baptise. Il est là présent dans sa parole, car c’est lui qui parle tandis qu’on lit dans l’Église les Saintes Écritures. Enfin il est là présent lorsque l’Église prie et chante les psaumes, lui qui a promis : “Là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis là, au milieu d’eux” (Mt 18, 20). Effectivement, pour l’accomplissement de cette grande œuvre par laquelle Dieu est parfaitement glorifié et les hommes sanctifiés, le Christ s’associe toujours l’Église, son Épouse bien-aimée, qui l’invoque comme son Seigneur et qui, par la médiation de celui-ci, rend son culte au Père éternel. » (par. 7)

En résumé, « dans la liturgie, Dieu parle à son peuple; le Christ annonce encore l’Évangile. Et le peuple répond à Dieu par les chants et la prière. […] Par conséquent, toute célébration liturgique, en tant qu’œuvre du Christ prêtre et de son Corps qui est l’Église, est l’action sacrée par excellence dont nulle autre action de l’Église ne peut atteindre l’efficacité au même titre et au même degré. » (par. 33)

Précédée dans le cœur des fidèles par la foi et la conversion, la sainte liturgie devient alors la source d’une vie chrétienne de qualité, vivante et engagée dans la mission.  C’est pourquoi le concile ajoutait : « La liturgie est le sommet vers lequel tend l’action de l’Église, et en même temps la source d’où découle toute sa vertu. Car les labeurs apostoliques visent à ce que tous, devenus enfants de Dieu par la foi et le baptême, se rassemblent, louent Dieu au milieu de l’Église, participent au sacrifice et mangent la Cène du Seigneur. (par. 10)

Ce principe fondamental donne le sens profond de tout le document et de ses applications dans la réforme liturgie qui a suivi Vatican II.  Il est vrai que les discussions et même les dissensions n’ont pas cessé depuis 1965 autour du texte conciliaire et de ses suites. Toutefois, cette réforme a permis de nouveau au Peuple de Dieu de participer activement à l’action liturgique, de comprendre mieux ce qui s’y vit et de se ressourcer dans cette fontaine inépuisable de vie chrétienne, apostolique, missionnaire et mystique. La liturgie est la grande école de la foi et de la spiritualité chrétiennes.
(25e texte d’une série sur Vatican II)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

vendredi 18 janvier 2013

Vatican II et la sainteté

Le bon pape Jean XXIII a voulu que le Concile travaille surtout à provoquer et développer un renouveau fondamental de la vie chrétienne en Église. Dans sa bulle de convocation du concile, il écrivait : « Le prochain Concile œcuménique aura donc lieu à un moment où l'Église ressent plus vivement le désir de donner une nouvelle vigueur à sa foi ». Et il ajoutait qu’il y a urgence à promouvoir la sanctification de ses membres. Ainsi seront mises « en évidence la vie et la perpétuelle jeunesse de notre mère l'Église. »

Ainsi orienté, le concile a développé dans tous ses documents cette préoccupation pour la sainteté de ses membres. Toutefois, c’est dans la Constitution sur l’Église qu’on trouve une élaboration très riche de ce thème. Intitulé « La vocation universelle à la sainteté dans l’Église », le chapitre V affirme d’emblée : « Dans l’Église, tous, qu’ils appartiennent à la hiérarchie ou qu’ils soient régis par elle, sont appelés à la sainteté. » (par. 39)

On y rappelle que «Maître divin et modèle de toute perfection, le Seigneur Jésus a prêché à tous et chacun de ses disciples, quelle que soit leur condition, cette sainteté de vie dont il est à la fois l’initiateur et le consommateur. » C’est bien ce que montre la parole évangélique : «Vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » (Matthieu 5, 48) Pour que cette sainteté s’implante et croisse dans les cœurs, Jésus Ressuscité a envoyé son Esprit à tous les baptisés « pour les mouvoir de l’intérieur à aimer Dieu de tout leur cœur, de toute leur âme, de toute leur intelligence et de toutes leurs forces, et aussi à s’aimer mutuellement comme le Christ les a aimés. »

«Les disciples du Christ sont véritablement devenus par le baptême de la foi, fils de Dieu, participants de la nature divine et, par là même, réellement saints. Cette sanctification qu’ils ont reçue, il leur faut donc, avec la grâce de Dieu, la conserver et l’achever par leur vie. » (par. 40) Et le concile se fait insistant, même redondant : « Il est donc bien évident pour tous que l’appel à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité s’adresse à tous ceux qui croient au Christ, quel que soit leur état ou leur forme de vie ; dans la société terrestre elle-même, cette sainteté contribue à promouvoir plus d’humanité dans les conditions d’existence. Les fidèles doivent s’appliquer de toutes leurs forces, dans la mesure du don du Christ, à obtenir cette perfection, afin que, marchant sur ses traces et se conformant à son image, accomplissant en tout la volonté du Père, ils soient avec toute leur âme voués à la gloire de Dieu et au service du prochain. Ainsi la sainteté du Peuple de Dieu s’épanouira en fruits abondants, comme en témoigne avec éclat à travers la vie de tant de saints l’histoire de l’Église. » (par.40)

Puis le concile énumère les formes multiples d’exercice de cette unique sainteté. Il applique ses réflexions à tous les états de vie dans l’Église. Car « il n’y a qu’une seule sainteté cultivée par tous ceux que conduit l’Esprit de Dieu et qui, obéissant à la voix du Père et adorant Dieu le Père en esprit et en vérité, marchent à la suite du Christ pauvre, humble et chargé de sa croix, pour mériter de devenir participants de sa gloire. Chacun doit inlassablement avancer, selon ses propres dons et fonctions, par la voie d’une foi vivante, génératrice d’espérance et ouvrière de charité. » (par. 41)

Viennent enfin quelques moyens pour soutenir la croissance de cette sainteté : la charité et tout ce qu’il faut pour qu’elle garde son énergie. Il s’agit alors de la Parole de Dieu, des sacrements, de la prière. Notre chemin est l’imitation de la charité et de l’humilité du Christ Jésus.

Ces pages sont très riches, mais semblent être une mine enfouie profondément et non encore découverte. C’est un appel intense à ressourcer notre vie chrétienne, comme le bon pape Jean le souhaitait si intensément. Car cette sainteté est la condition du rayonnement de l’Évangile pour que s’instaure peu à peu dans les cœurs et les sociétés plus d’amour, de justice et de paix.
(24e texte d’une série sur Vatican II)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

dimanche 13 janvier 2013

Vatican II et les différents états de vie en Église

La grande nouveauté apportée par le concile dans son texte « L’Église », c’est d’avoir traité du Peuple de Dieu avant d’analyser les différents états de vie et de service qu’on y trouve. C’est affirmer que tous les membres de l’Église, aussi bien le pape que l’enfant qui vient d'être baptisé, font partie de ce même Peuple. Mais les membres de cette communauté ont différents appels et missions en vue du salut des humains selon le plan d’amour de Dieu.

Vatican II, puis à sa suite différents synodes des évêques, ont traité des évêques, des prêtres, des laïcs, des religieux et religieuses.  Je ne fais ici que signaler quelques points.

Au sujet des évêques, la déclaration la plus fondamentale faite par ce concile fut d’affirmer que l’épiscopat est un sacrement. « Le saint Concile enseigne que, par la consécration épiscopale, est conférée la plénitude du sacrement de l’Ordre. » (L'Église par.  21) La Tradition « montre à l’évidence que par l’imposition des mains et les paroles de la consécration, la grâce de l’Esprit Saint est donnée et le caractère sacré imprimé, de telle sorte que les évêques, d’une façon éminente et patente, tiennent la place du Christ lui-même, Maître, Pasteur et Pontife et agissent en sa personne. » J’ai souvent entendu dire que l’Évêque est le représentant du pape. Le concile dit bien qu’il est le représentant du Christ Jésus ressuscité. Quant aux prêtres, coopérateurs des évêques, « ils sont consacrés pour prêcher l’Évangile et pour être les pasteurs des fidèles et célébrer le culte divin en vrais prêtres du Nouveau Testament. »  (par. 28)

En ce qui concerne les laïcs, les évêques en concile « savent bien l’importance de la contribution des laïcs au bien de l’Église entière. Ils savent qu’ils n’ont pas été eux-mêmes institués par le Christ pour assumer à eux seuls tout l’ensemble de la mission » de l’Église. Ils y reconnaissent « les services et les charismes propres à ceux-ci, de telle sorte que tout le monde à sa façon et dans l’unité apporte son concours à l’œuvre commune. » (par. 30).  Par leur baptême, les laïcs participent à la dignité commune de tous les membres du Peuple de Dieu et participent au même appel à la sainteté et au service de la mission, mais selon diverses grâces, charismes et ministères. Par le rayonnement de leur vie quotidienne et par leurs divers apostolats, ils participent au plan de Dieu pour le salut du monde.

Les religieuses et religieux, (par. 43ss) par leur consécration, qui est une floraison de la consécration baptismale, ils s’engagent à suivre Jésus par le chemin des conseils évangéliques de pauvreté, d’obéissance et de chasteté, et à les vivre en communauté. Ces personnes sont aussi très souvent engagées dans diverses œuvres apostoliques et pastorales. Elles témoignent ainsi de la bonté miséricordieuse de Jésus pour les peines et misères de notre humanité et œuvrent à la justice et à la paix. Et, en même temps, elles nous redisent sans cesse que le but de notre vie est le royaume de Dieu qui nous sera donné quand viendra le Seigneur Jésus dans sa gloire.

Que de richesses humaines, spirituelles et apostoliques dans l’Église! Il est beau et stimulant de découvrir cette réalité qui est la vie quotidienne de nos diverses communautés paroissiales ou autres. Il ne faut pas nous laisser aveugler par tant de petits côtés de nos vies ecclésiales, mais bien pénétrer la richesse de tous ces engagements variés pour que notre monde ait la vie en abondance.
(23e texte d’une série sur Vatican II)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

jeudi 10 janvier 2013

Vatican II renouvèle la vision de l’Église

Peu à peu, durant le Moyen-âge et l’époque moderne on en était venu à comprendre l’Église en partant de ce qui est visible en elle. Bien sûr, on reconnaissait que le Christ Jésus en était le fondateur.  Mais on ne présentait pas Jésus Ressuscité comme celui qui continue à agir dans l’Église et par l’Église pour le salut du monde.

L’accent était mis sur les aspects structurels et juridiques. L’Église était vue comme une société parfaite en face d’une autre société parfaite. De plus en plus, l’Église était centrée essentiellement sur le pape. On allait parfois jusqu’à réduire les évêques à de simples exécutants. En caricaturant un peu, on peut évoquer l’image d’une immense multinationale mondiale avec ses succursales. Le pape, vicaire de Jésus-Christ, en était le président-directeur général et les évêques étaient ses directeurs de succursales!

Le concile Vatican II a changé de valeurs dominantes dans sa façon de voir l’Église. Sans nier les autres valeurs mises de l’avant ces derniers siècles dans la théologie et la piété populaire (extériorité, structure pyramidale, société parfaite, toute centrée sur le pape), il s’est ressourcé dans l’antique tradition ecclésiale. Il a ainsi situé ces valeurs dans une autre perspective, plus large et profonde. Nous y sommes passés de la domination d’une vision juridique à une insistance neuve sur ce qui est le mystère intime de l’Église : sa source dans la Sainte Trinité, son cœur de grâce, ses charismes, sa sainteté.

Le Christ Jésus ressuscité est alors explicitement reconnu, non seulement comme le fondateur de l‘Église, mais comme son fondement toujours actuel et actif. Il est présent et agissant par l’Esprit.  Et l’Église est perçue comme une communion : la fraternité des filles et des fils de Dieu. Cette communion est le Peuple de Dieu, se réalisant comme Corps du Christ et Temple de l’Esprit.

Cette perception de l’Église comme communion, communauté, fraternité appelle un nouveau langage. On passe des paroles venant d’en haut d’une façon autoritaire à un langage qui se moule dans les paroles du dialogue, de l’amour, de la fraternité, de la mission, du service. Il s’agit d’être ensemble dans le dialogue et aussi d’être en relation avec les membres des autres religions et avec l’humanité dans une relation non plus de pouvoir, mais de proximité, d’écoute dans un cheminement commun. Paul VI a écrit dans sa première encyclique (6 août 1964) : « L'Église doit entrer en dialogue avec le monde dans lequel elle vit. L'Église se fait parole; l'Église se fait message; l'Église se fait conversation. » (par. 67)

Alors, la distinction de l’Église avec le monde ne signifie par une séparation, un retrait du monde. Au contraire, l’Église s’y voit comme le levain dans la pâte, le sel de la terre, selon les formules évangéliques. Elle donne au monde, mais aussi reçoit du monde. C’est un échange, un dialogue. Et l'on parvient ainsi à la notion très dynamique que l’Église existe pour les humains et leur salut, et à travers eux, pour le succès réel de toute la création. L’Église vit une spiritualité lunaire : elle est lumière du monde en tant que reflet de la lumière du Christ pour éclairer les chemins si souvent tortueux de l’humanité. Nous sommes une Église en marche dans l’itinéraire des hommes et des femmes de ce temps pour leur communiquer Jésus-Christ.

Nous avons encore beaucoup à réfléchir, à échanger et à prier pour assimiler ce trésor que le concile Vatican II nous a confié il y a déjà cinquante ans. Puisse l’Esprit nous ouvrir à ces perspectives, nous aider à en saisir les conséquences concrètes et à les vivre!
(22e texte d’une série sur Vatican II)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

dimanche 6 janvier 2013

Retisser nos liens sociaux

Noël est chaque année un appel à la bonté, à l’ouverture de cœur et à la destruction des murs de préjugés qui nous divisent. Le tournant du nouvel an est  une invitation à réfléchir à la confiance qui nous unit ou à la méfiance qui nous divise. Pour redonner confiance en nos institutions, il nous faut d’abord retrouver la confiance en nous-mêmes, dans les autres,  dans la collectivité et surtout en Dieu qui nous aime.

La générosité qui se manifeste à travers les guignolées et les autres dons envers les démunis change-t-elle nos esprits? Garderons-nous cette disponibilité de cœur durant  l’année qui vient, en particulier envers les enfants, les familles démunies, les personnes âgées si souvent seules? Changerons-nous les structures ou pratiques sociales et légales qui créent ces misères?

D’autres préjugés peuvent aussi être questionnés en ce temps de cordialité. Des murs s’élèvent entre les politiciens et les citoyennes et citoyens. Il y a certes des raisons d’être vigilants. Mais ne nous laissons-nous pas trop marqués par certains cas flagrants mis récemment en lumière? Nos politiciens sont là pour le bien commun. C’est un service nécessaire qu’il faut reconnaître et soutenir.

Et que penser du déferlement de dénonciations au sujet des entrepreneurs de toutes sortes? Il faut faire ces dénonciations et rappeler la raison d’être de ces activités humaines et des lois éthiques qui s’y appliquent! Mais il n’est pas opportun de généraliser. Nous avons besoin de leurs talents au service de notre bien-être collectif.

Je souhaite que l’an 2013 permettre d’assainir notre société et notre vie ensemble. Ainsi pourront grandir la solidarité et un partage plus équitable, dans le respect mutuel.

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

vendredi 4 janvier 2013

Vatican II et l’Église Peuple de Dieu

Certaines personnes, quand elles parlent de l’Église, réfèrent en fait au pape, aux évêques. D’autres n’y voient qu’une communauté de foi sans structures permanentes. Telle ne fut pas la vision des évêques exprimée dans le texte conciliaire : « L’Église » (par 8). L’Église y est vue inséparablement comme une réalité visible et invisible, comme une communauté spirituelle et comme une société structurée visiblement. En somme, l’Église, c’est le Peuple de Dieu structuré hiérarchiquement.

En décidant de traiter du Peuple de Dieu avant de considérer les évêques, les prêtres, les laïcs, les religieux et religieuses, les évêques en concile ont transformé une façon de percevoir l’Église qui avait duré des siècles en retrouvant sa densité et son enracinement bibliques. On y montre un aspect très dynamique de l’Église qui est présentée comme un peuple en marche. L'Église est d’abord une communauté et c’est dans cette communauté et non au-dessus que se trouve une structure hiérarchique organisée socialement au service de l’unité et du gouvernement de la communauté. C’est un Peuple ainsi structuré qui porte la mission pour que vienne le Règne de Dieu.

Dieu ne veut pas pêcher à la ligne mais au filet! Il nous veut en communauté. « Le bon vouloir de Dieu a été que les hommes ne reçoivent pas la sanctification et le salut séparément, hors de tout lien mutuel; il a voulu en faire un peuple qui le connaîtrait selon la vérité et le servirait dans la sainteté. » (par. 9) Cette notion de Peuple de Dieu affirme que tous les membres de l’Église sont égaux dans la même dignité et la même responsabilité. Tous sont appelés à être actifs et participants, selon une grande diversité d’appels de grâce, de vocation et de dons divers.

Ce peuple messianique a pour chef le Christ. Le statut de ce peuple, c’est la dignité et la liberté des fils de Dieu. Sa loi, c’est le commandement nouveau d’aimer comme le Christ lui-même nous a aimés (cf. Jn 13, 34). Sa destinée enfin, c’est le Royaume de Dieu. « C’est pourquoi ce peuple messianique, bien qu’il ne comprenne pas encore effectivement l’universalité des hommes et qu’il garde souvent les apparences d’un petit troupeau, constitue cependant pour tout l’ensemble du genre humain le germe le plus sûr d’unité, d’espérance et de salut. »

Notons l’entrée des charismes dans la conscience de l’Église contemporaine. L’Esprit Saint « ne se borne pas à sanctifier le Peuple de Dieu par les sacrements et les ministères, à le conduire et à lui donner l’ornement des vertus, il distribue aussi parmi les fidèles de tous ordres, “répartissant ses dons à son gré en chacun” (1 Co 12, 11), les grâces spéciales qui rendent apte et disponible pour assumer les diverses charges et offices utiles au renouvellement et au développement de l’Église, suivant ce qu’il est dit : “C’est toujours pour le bien commun que le don de l’Esprit se manifeste dans un homme” (1 Co 12, 7). Ces grâces, des plus éclatantes aux plus simples et aux plus largement diffusées, doivent être reçues avec action de grâce et apporter consolation, étant avant tout ajustées aux nécessités de l’Église et destinées à y répondre. » (p. 12)

Depuis cinquante ans, que de découvertes très riches dans ce filon qui était enfoui dans la conscience profonde du Peuple de Dieu et qui a refait surface, parfois même avec exubérance!
(21e texte d’une série sur Vatican II)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

mardi 1 janvier 2013

Message de paix pour 2013

Pour son message pour la journée mondiale de la paix, le pape Benoît XVI a pris comme thème cette année : « Heureux les artisans de paix ».  Cette promesse de bonheur vient de Jésus que nous reconnaissons comme le Prince de la Paix et qui nous invite à nous engager avec lui sur ce chemin.  Bâtisseurs de paix dans notre quotidien,  nous serons de vrais enfants de Dieu notre Père et nous marcherons vers notre bonheur.

Nous vivons dans une étape de mondialisation intensive.  Ce processus est ambigu.  Il fait de terribles dégâts dans bien des sociétés en appauvrissant souvent les plus pauvres.  Il provoque la convoitise de tant de pouvoirs économiques qui conduisent à des conflits sanglants. Mais il peut aussi offrir beaucoup de positif à notre humanité.  Car ce mouvement vers la mondialisation nous invite à œuvrer à une universalisation de la solidarité et de la fraternité.  Une telle situation appelle « un engagement renouvelé et collectif pour la recherche du bien commun, du développement de tous les hommes.» (Benoît XVI)

Travailler à la justice et rendre notre monde plus équitable envers tous les humains, c’est œuvrer efficacement pour la paix.  Il faut commencer cette œuvre de justice chez nous par un partage plus équitable entre les bien nantis et les appauvris, devenus même souvent des misérables.  Puis il faut savoir élargir notre champ d’engagement comme le font des millions de personnes à travers le monde dans diverses organisations qui œuvrent pour qu’advienne la paix à travers une justice qui humanise nos sociétés et notre ensemble planétaire.

L’horizon est à perte de vue! Il faut au moins faire un pas avec d’autres pour s’en approcher. Rêver à la justice pour qu’advienne la paix et la fraternité mondiales est un beau rêve qui mérite qu’on lui donne une consistance concrète dans nos vies et dans nos sociétés.

Puisse cette année 2013 faire faire à notre humanité un pas de plus vers la justice et la paix!

† Roger Ébacher
Évêque émérite  de Gatineau