mardi 26 février 2013

Vatican II : un nouveau style conciliaire (1ère partie)

Dans son discours lors de l’ouverture du 21ième concile œcuménique, Jean XXIII a eu de très fortes affirmations sur la façon dont cette assemblée doit s’adresser à l’Église et au monde.  Il parle d’abord de ces prophètes de malheur qui dans la situation de la société « ne voient que ruines et calamités.» Et il ajoute : « Il Nous semble nécessaire de dire Notre complet désaccord avec ces prophètes de malheur, qui annoncent toujours des catastrophes, comme si le monde était près de sa fin. »

Il fixe alors un des principaux buts du concile : « Ce qui est très important pour le Concile œcuménique, c'est que le dépôt sacré de la doctrine chrétienne soit conservé et présenté d'une façon plus efficace. » Puis il insiste : « Il faut que cette doctrine certaine et immuable, qui doit être respectée fidèlement, soit approfondie et présentée de la façon qui répond aux exigences de notre époque. En effet, autre est le dépôt lui-même de la foi, c'est-à-dire les vérités contenues dans notre vénérable doctrine, et autre est la forme sous laquelle ces vérités sont énoncées, en leur conservant toutefois le même sens et la même portée. Il faudra attacher beaucoup d'importance à cette forme et travailler patiemment, s'il le faut, à son élaboration; et on devra recourir à une façon de présenter qui correspond mieux à un enseignement de caractère surtout pastoral. »

Reconnaissant les erreurs qui circulent, le pape ajoute : « L'Église n'a jamais cessé de s'opposer à ces erreurs. Elle les a même souvent condamnées, et très sévèrement. Mais aujourd'hui, l'Épouse du Christ préfère recourir au remède de la miséricorde, plutôt que de brandir les armes de la sévérité. Elle estime que, plutôt que de condamner, elle répond mieux aux besoins de notre époque en mettant davantage en valeur les richesses de sa doctrine. » L’Église veut être pour tous « une mère très aimante, bonne, patiente, pleine de bonté et de miséricorde.» Elle veut marcher avec les frères et sœurs humains comme le Bon Pasteur, comme Jésus ressuscité marchant avec les disciples désemparés et échangeant avec eux pour réchauffer leurs cœurs et les libérer de leurs peines.

Ces options fondamentales de Jean XXIII ont appelé un style conciliaire vraiment nouveau.
(31e texte d’une série sur Vatican II) (À suivre)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

mardi 19 février 2013

La démission de Benoît XVI

Cette démission a pris tout le monde par surprise. On sait d’avance qu’un évêque doit remettre sa démission à 75 ans. Mais rien de tel n'est prévu pour l’évêque de Rome, notre pape. Et la tradition semble vouloir que le chef de l’Église catholique soit à ce poste jusqu’à sa mort. Mais Benoît XVI a entendu un autre appel et y a répondu.

Beaucoup reconnaissent son courage, son humilité, son sens du service à rendre selon ses capacités. C’est là un acte de confiance abandonnée entre les mains de Jésus Ressuscité, le Seigneur de l’Église et son grand Pasteur. Benoît XVI fait confiance à l’Esprit qui saura mettre à ce poste celui que le Père veut dans sa sagesse et sa bonté miséricordieuse. Et il va continuer son service du Peuple de Dieu par la prière et l’approfondissement du mystère divin, ce merveilleux plan de salut pour nous.

Son court pontificat a marqué l’Église et le monde de multiples façons, abondamment analysées en ces jours. Je veux pour ma part insister sur le fait que le pape a voulu, avant de donner sa démission, terminer sa trilogie sur Jésus de Nazareth.  Cet écrit, très largement diffusé puisque signé : Joseph Ratzinger- Benoit XVI, a stimulé  sans doute beaucoup à une méditation plus approfondie des évangiles. Il est en effet surprenant de voir un pape signer ainsi ses écrits. Ça stimule la curiosité et ça peut ouvrir à une compréhension neuve des évangiles. Benoît  XVI réussit ainsi à partager son amour de la Parole, ce trésor si précieux de notre Église et de notre monde.

Vatican II a demandé avec insistance de revenir aux Écritures, de les ouvrir, de les méditer attentivement, de les appliquer pour défricher le sens de notre vie et de notre temps. Un récent synode a repris ce message et Benoît XVI a publié alors le magnifique document Verbum  Domini.  Ce document post-synodal est d’une très grande richesse et va sans doute guider l’Église pendant longtemps.

La trilogie de Benoît XVI sur les évangiles est une défense décidée et documentée de la véracité historique des évangiles, et tout particulièrement de celui de saint Jean.  On sait comment ce pape préférait cet évangéliste. C’est d’ailleurs le prologue de cet évangile qui sert de guide pour la rédaction du document Verbum Domini.

Jean décrit au début de sa première lettre son droit et son devoir de témoigner: « Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie; ‑‑  car la Vie s'est manifestée: nous l'avons vue, nous en rendons témoignage et nous vous annonçons cette Vie éternelle, qui était tournée vers le Père et qui nous est apparue ‑‑  ce que nous avons vu et entendu, nous vous l'annonçons, afin que vous aussi soyez en communion avec nous. Quant à notre communion, elle est avec le Père et avec son Fils Jésus Christ. Tout ceci, nous vous l'écrivons pour que notre joie soit complète. »

Un témoin crédible est celui qui a vu, qui a compris le sens des événements ou des personnes sur lesquelles porte son témoignage et qui avec humilité mais vérité et courage témoigne de ce qu’il a vu et entendu afin que d’autres y croient. « Jésus a fait sous les yeux de ses disciples encore beaucoup d'autres signes, qui ne sont pas écrits dans ce livre. Ceux‑là ont été mis par écrit, pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu'en croyant vous ayez la vie en son nom. » (Jean 20, 30-31).

Joseph Ratzinger a été fasciné par le fait qu’historiquement un témoin a vu, a touché, a écouté Jésus, a senti les battements de son cœur et a témoigné dans sa communauté qui nous a transmis ce bouleversant message. Et Benoît XVI, bientôt retraité, va sans doute continuer lui aussi à scruter cet événement si unique de toute l’histoire humaine, Jésus  le Messie, le Fils de Dieu fait homme, afin d’en témoigner. Puisse-t-il trouver des chemins nouveaux pour nous partager son témoignage qui porte sur Celui dont les Paroles sont « vie éternelle ».

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

samedi 16 février 2013

Vatican II : ce que voulait Jean XXIII

Pourquoi le bon pape Jean XXIII a-t-il décidé quelques mois après son élection de convoquer un concile œcuménique. À première vue, il semblait bien que c'était inutile. Depuis que le dogme de l’infaillibilité pontificale avait été proclamé, fallait-il encore des conciles? Et puis, il n’y avait pas de doctrine à condamner, les papes précédents ayant promulgué ces condamnations depuis quelques siècles. L’Église semblait en sécurité, comme dans un château fort d’où elle se défendait de ses ennemis, tant externes qu'internes, multipliant condamnations, exclusions et punitions diverses.

Mais Jean XXIII a jugé qu’il y avait diverses raisons, et urgentes, d’appeler un tel concile œcuménique. Le 25 janvier 1959, devant les quelques cardinaux présents à St-Paul-hors-les-Murs et muets de stupeur, il a annoncé sa ferme décision, laissant même entendre que ça lui venait d'une inspiration divine.

On peut relever 4 buts voulus par Jean XXII pour ce concile : contribuer à la sanctification du peuple chrétien; annoncer la Bonne Nouvelle (l’Évangile, la saine doctrine catholique) au monde d'aujourd'hui de façon à en être compris; ouvrir un chemin vers l'unité des croyants des diverses confessions chrétiennes; œuvrer à l’unité et à la paix du genre humain tout entier.

Telle que formulée devant les cardinaux le 25 janvier 1959, la visée de la sanctification du peuple chrétien a pu sembler banale et n’exigeant pas un concile. Jean  XXIII a dit que le concile devait promouvoir « l’illumination, l’édification et la joie du peuple chrétien tout entier. » Pourtant, cet appel a été entendu et honoré par les Pères conciliaires. Les textes produits par le concile sont souvent inspirés par cet appel à la conversion intérieure, à la sainteté.

Jean XXII donnait aux évêques qui entraient en concile une orientation qui allait devenir tout à fait fondamentale : « Ce qui est très important pour le concile œcuménique, c'est que le dépôt sacré de la doctrine chrétienne soit conservé et présenté d'une façon plus efficace. » C’était demander aux Pères conciliaires d’avoir un nouveau regard sur le monde et une nouvelle façon de lui parler. C’était en somme appeler un tout nouveau style conciliaire, fait non pas de condamnations, mais d’amour, de miséricorde et dialogue, d’amitié.

Jean XXIII, à la surprise générale, avait invité des observateurs orthodoxes, anglicans et protestants à venir au concile, à être présents dans la même salle que les Pères conciliaires. Le 11 octobre 1962, il affirmait que c’était un devoir fondamental de l'Église catholique de faire tous ses efforts pour parvenir à l’unité pour laquelle Jésus a prié juste avant sa passion et sa mort pour le salut de tous les humains. Cette présence des observateurs  a été essentielle pour débloquer l’avenir en dépassant les réactions violentes qui ont suivi la Réforme du 16e siècle.  Peu à peu, malgré de vives oppositions, le concile a compris qu’il ne pouvait pas éviter un texte sur l'œcuménisme.

À l'ouverture du concile, le monde vivait d'énormes tensions menaçant de conduire à une guerre nucléaire. Par ailleurs, ce monde était assoiffé de paix. De plus, le phénomène de mondialisation qui se développait alors très rapidement exigeait que l’Église s’engage de toutes ses forces à préserver la paix entre les peuples et à œuvrer à l’unité du genre humain.

Quel programme! Il est bon de contempler comment l'audace calme de ce pape a provoqué des transformations radicales qui ont marqué et marquent encore l'Église catholique et toute la planète.
(30e texte d’une série sur Vatican II)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

samedi 9 février 2013

Vatican II et une nouvelle Pentecôte

Est-ce que ce concile a provoqué la « nouvelle Pentecôte » tellement demandée par Jean XXIII et par l’Église alors en prière? A-t-il suscité un dynamisme nouveau?  Une sainteté renouvelée dans nos vies et nos communautés?

Le Père Cantalamessa, prédicateur de la maison pontificale, a récemment réfléchi à ce sujet.  « À la question de savoir s’il y a eu une nouvelle Pentecôte, on doit répondre sans hésiter : oui! Quel en est le signe le plus convaincant ? Une nouvelle qualité de la vie chrétienne, là où cette Pentecôte a été accueillie. »

Pour parvenir à cette conclusion, le prédicateur examine quelques richesses du concile, en particulier dans les deux premiers chapitres du document sur l’Église,  qui y est définie comme « sacrement » et comme « peuple de Dieu » marchant sous la conduite de l’Esprit Saint, animée par ses charismes et guidée par la hiérarchie. Il s’agit d’une Église qui est d’abord communion, avant d’être hiérarchie. Puis il se demande où cette image de l’Église est-elle passée des documents à la vie. Où la vie chrétienne est-elle vécue « avec joie et conviction, par attraction et non par obligation? Où la parole de Dieu est-elle traitée avec le plus grand respect ? Où les charismes se manifestent-ils ? Où le désir d’une nouvelle évangélisation et de l’unité de chrétiens se fait-il le plus sentir ? »

Et il répond: dans les mouvements ecclésiaux! Mais il se hâte d’ajouter : « Ces mouvements d’Église comprennent aussi, de par leur substance sinon pour leur forme, ces paroisses, associations de fidèles et nouvelles communautés où règne la même koinonia, où prévaut la même qualité de vie chrétienne. Sous cet angle-là, mouvements et paroisses ne sauraient être vus en opposition ou en concurrence entre eux mais unis dans la réalisation d’un même modèle de vie chrétienne. »

Que nous disent de telles affirmations? Quelle est notre expérience personnelle et communautaire de cette Pentecôte? Quels sont ses signes et ses fruits parmi nous? Voilà des pistes pour continuer la réflexion en vue d’un renouveau de notre vitalité chrétienne en vue de la mission qui nous est confiée.
(29e texte d’une série sur Vatican II)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

dimanche 3 février 2013

Vatican II et les religions non chrétiennes

La déclaration du concile au sujet des relations de l’Église avec les religions non chrétiennes marque une étape fondamentale dans la recherche de la compréhension mutuelle et du dialogue. C'est une ouverture tant envers les religions musulmane et juive qu’envers les religions traditionnelles et les grands courants spirituels et philosophiques qui marquent les diverses cultures.

On y pose le principe de base qui guide toute la réflexion : « Tous les peuples forment une seule communauté; ils ont une seule origine, puisque Dieu a fait habiter tout le genre humain sur toute la face de la terre ; ils ont aussi une seule fin dernière, Dieu, dont la providence, les témoignages de bonté et les desseins de salut s’étendent à tous.» (par. 1)

Le cœur humain est sans cesse agité par les énigmes de sa condition historique. « Quel est le sens et le but de la vie? Qu’est-ce que le bien et qu’est-ce que le péché? Quels sont l’origine et le but de la souffrance? Quelle est la voie pour parvenir au vrai bonheur? Qu’est-ce que la mort, le jugement et la rétribution après la mort ? Qu’est-ce enfin que le mystère dernier et ineffable qui embrasse notre existence, d’où nous tirons notre origine et vers lequel nous tendons ? » (par. 1)

Toutes les religions, par divers chemins, cherchent à éclairer ces énigmes. Et les chrétiens se sentent solidaires de tous ces chercheurs de vérité et de sens. « L’Église catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions. Elle considère avec un respect sincère ces manières d’agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui, quoiqu’elles diffèrent sous bien des rapports de ce qu’elle-même tient et propose, cependant reflètent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes. » (par. 2)

La fraternité humaine ainsi reconnue exclut toute discrimination. « Nous ne pouvons invoquer Dieu, Père de tous les hommes, si nous refusons de nous conduire fraternellement envers certains des hommes créés à l’image de Dieu (par. 5). Ainsi est « sapé le fondement de toute théorie ou de toute pratique qui introduit entre homme et homme, entre peuple et peuple, une discrimination en ce qui concerne la dignité humaine et les droits qui en découlent. »

Quelle est la ligne de conduite demandée aux catholiques? Il s’agit de promouvoir un amour sans frontières, sans syncrétisme ou d'indifférence, et sans  vouloir tout ramener à une uniformité. Au  lieu de développer des oppositions et des dominations, il importe d’en venir, dans un dialogue ouvert et respectueux, à connaître et comprendre les autres religions.

En 1991, le Conseil  pontifical pour le dialogue interreligieux et de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples ont publié un document cherchant à clarifier cette orientation, suite à l'expérience de dialogue de plusieurs années. On l’a intitulé: Dialogue et annonce. Réflexions et orientations concernant le dialogue interreligieux et l’annonce de l’Évangile.  En ces temps où les humains de toutes religions et races se rencontrent dans un vaste mouvement planétaire, nous sommes défiés de trouver les chemins adéquats pour contribuer à la fraternité et à la paix mondiales, dans une profonde fidélité à Jésus et à son message de salut. Le respect et la compréhension mutuelles entre les diverses religions de la terre sont des conditions indispensables pour l’établissement de la paix.
(28e texte d’une série sur Vatican)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau