vendredi 19 août 2011

Le réfugié

Nous entendons des commentaires de toutes sortes au sujet les réfugiés. Aussi j’étais heureux de lire récemment le témoignage d’un réfugié qui a connu les camps d’extermination nazis, y a perdu tout et en particulier sa dignité, puis est devenu un sans patrie (voir : Élie Wiesel, « Tous les fleuves vont à la mer », mémoires 1, Seuil, 381). Son récit est dramatique. Il y décrit les attentes  prolongées, les interrogatoires humiliants, les terreurs de l’apatride perdu dans le monde.

« Devant le guichet, l’apatride que j’étais s’efforçait de faire la conquête de l’employée qui, de mauvaise humeur, ne daignait même par le regarder. Son bon vouloir m’était plus précieux que le consentement de la plus belle femme de Paris. J’étais pathétique, peut-même ridicule, je n’y pouvais rien. Cela fait partie de la condition même du réfugié. Il se sent partout de trop. Son temps se mesure en visas et sa biographie en tampons. Il n’a rien fait d’illégal, mais il est sûr d’être poursuivi. On le reconnaît à ses yeux cernés, sa démarche rapide, ses vêtement usagés. Il sourit pour amadouer, pour susciter le sourire. Il demande pardon à tout le monde; pardon de vous déranger, de vous importuner, de prendre votre place au soleil. »

Ca fait longtemps que je suis préoccupé de la situation des réfugiés et de l’accueil que nous leur réservons. Déjà au début des années 80, le drame des « boat people » vietnamiens, qui a alors tellement ému l’opinion publique et débloqué de remarquables générosités dans le public québécois, m’a beaucoup rejoint. Mais les boat people existent encore, et en abondance sur notre planète. Parfois on a quelques statistiques qui nous disent qu’ils se noient, qu’ils sont là refusé partout. Mais les statistiques nous disent peu sur les humains qui sont pris dans ces drames, la source de ces situations concrètes, les conséquences sur les familles et les pays.

En arrivant dans la région de l’Outaouais, j’étais heureux de découvrir le rôle de l'Accueil Parrainage Outaouais qui œuvre dans le domaine général de l’immigration, mais aussi offre soutien aux personnes qui doivent fuir des situations désastreuses pour leur vie et celle de leurs familles. J’ai noté avec grand intérêt que la ville de Gatineau a aussi des programmes qui touchent ces questions. Et au diocèse de Gatineau, nous avons développé un soutien au parrainage des réfugiés par leurs familles et leurs proches ou diverses institutions pendant de très nombreuses années. Malheureusement ce programme doit être actuellement mis en veilleuse.

Lorsque j’étais président de la commission des évêques du Canada qui traite de ces questions, nous avons publié un message sur le sujet  (Le Canada doit déployer tous les efforts pour accueillir dignement les personnes immigrantes et réfugiées). Il est toujours d’actualité, car je ne trouve pas que la situation des réfugiés s’améliore, ni chez nous ni dans le monde. Et c’est là un grand drame humanitaire alors que la famine, le manque d’eau, la guerre tuent sans arrêt sur notre planète et frappent les plus démunis. Le texte auquel je viens de référer peut nous fournir des points de repère pour des réflexions sur le sujet, qui n’est pas théorique mais tellement humain.

(Photo : monument en mémoire des vietnamiens des boat people et pour marquer l'accueil du peuple malaisien.  Il est situé dans la ville de Bidong en Malaisie.)

† Roger Ébacher
Évêque de Gatineau