dimanche 25 janvier 2015

Creuser le mystère

Que perçoit donc la personne qui se tient là en silence devant le tabernacle?
 
François l’évêque de Rome posait récemment la question suivante : « Quel est le signe que je suis un chrétien avec Jésus? ». Et il répondait : « C'est celui de l'aveugle-né qui s'agenouille devant Jésus pour l'adorer. » (Voir Jean 9, 38)
 
C’est le signe que posent ces femmes et ces hommes de tous âges, ethnies, langues et conditions qui, pendant quelques minutes, une heure, toute une nuit ou même toute leur vie, se tiennent devant le tabernacle « comme s’ils voyaient l’invisible ». Ils adorent le Dieu caché qui s’est fait l’un des leurs dans la crèche, est mort pour eux sur la croix et qu’ils reconnaissent particulièrement présent dans chaque célébration eucharistique. Ils l’ont reçu dans la communion eucharistique ou bien ont désiré le recevoir. Ils se tiennent maintenant devant le tabernacle avec Lui, mangeant ses Paroles afin qu’elles deviennent leur chair et leur sang, afin qu’ils deviennent les consanguins de Jésus ressuscité jusqu’en vie éternelle.
 
Il a dit : « Je suis le pain de vie. Qui vient à moi n'aura jamais faim; qui croit en moi n'aura jamais soif. » (Jean 6, 35) Ils viennent assouvir leur faim et leur soif, qui sans cesse les ramène à la Source des eaux vives qui ne se tarissent jamais. Car plus ils mangent de ce pain plus ils ont faim jusqu’en vie éternelle.
 
Il a dit : « Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et je le ressusciterai au dernier jour. » (Jean 6,54) Ils viennent fortifier leur espérance au cœur de leurs souffrances et de celles de ce monde en proie à la guerre, à la faim, à la mort.
 
Il a dit : « Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui. » (Jean 6,56) Ils se rendent disponibles pour que l’Esprit du Ressuscité réalise en eux cette bouleversante promesse. Brûlés du désir de ce cœur à cœur intime, ils persévèrent dans la fréquentation, même la visite quotidienne de ce Bien-Aimé capable à la fois d'incendier et de rafraichir les cœurs.
 
Il a dit : « De même que le Père, qui est vivant, m'a envoyé et que je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi. » (Jean 6,57) Ils aspirent à cette vie qui a sa source éternelle dans le Père, entre dans notre histoire par le Fils rendu visible et qui est offerte à qui ose croire, donner sa confiance abandonnée à Celui qui est le Vivant.
 
Là, dans l’intimité, souvent aussi dans la sècheresse du cœur qui doivent longtemps aspirer pour pouvoir accueillir le grand don. Dans les déserts ou dans les chants de joie, là se fait la rencontre de « l’alliance nouvelle et éternelle ». Là, la foi voit l’Invisible, l’espérance tient bon, la charité devient active.
 
Là se vivent des rencontres qui changent des vies. Tant de saintes et de saints en sont témoins depuis près de deux millénaires. Ce qu’ils expérimentent dans une soudaine illumination ou dans un long désir est en fait l’expérience, si humble et quotidienne, de celles et de ceux qui se tiennent devant le tabernacle afin d’accueillir « l’Invisible dans la matière ».
(10e et dernier texte d’une série sur les tabernacles)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau