samedi 21 janvier 2012

Avoir un cœur qui écoute

Au début de cette année, j’ai vécu un temps de prière et de retraite avec une trentaine d’évêques canadiens francophones. La rencontre eut lieu à la Maison de la Madone, lieu d’hébergement et de ressourcement du Cap-de-la-Madeleine. Elle était dirigée par le Père Robert Mercier, p.s.s. Il y a traité de l’Évangile selon saint Jean. La méthode employée fut celle de la lectio divina (appellation traditionnelle que nous ne traduisons pas).

Cette méthode implique une lecture priante de la Bible. La première chose à faire n’est surtout pas de procéder comme nous risquons si souvent de le faire : nous demander ce que la Parole dit à notre émotion, ce qu’elle suscite de pensées en nous. Il importe d’abord de vivre une lecture attentive du texte, faite de préférence en le murmurant à mi-voix pour écouter la Parole résonner en nous. Puis on le relit à en cherchant le sens que l’auteur, l’Esprit-Saint, y a mis en tenant compte du contexte global de la Bible. Pour cela, nous approfondissons chaque phrase, souvent chaque mot, avec les parallèles que nous pouvons trouver dans toute la Bible. Car il importe d’entrer dans la culture de la Bible, dans son vocabulaire, dans son environnement culturel. Dieu parle à des humains avec des images, des comparaisons, des histoires bien humaines, mais qui ont toutes sortes de résonnances qu’il importe de sentir en comparant le texte lu avec des parallèles.

Comme la décrit un spécialiste de la question, la lectio divina « c’est la lecture continue de toutes les Écritures, au cours de laquelle chaque livre et chaque section sont lus à la suite, étudiés, médités, compris et savourés dans le contexte de toute la révélation biblique » (Rossi de Gasperis).

En somme, il s’agit de devenir un auditeur attentif de la Parole de Dieu, étant disposé dans son cœur à une obéissance inconditionnelle à Dieu qui parle. Nous en trouvons un exemple dans le récit magnifique de la vocation du jeune Samuel (1 Samuel chapitre 3). Fruit d’une naissance miraculeuse, Samuel vit dans le temple de Silo où était alors gardée l’arche de Dieu. Une nuit, Dieu l’appelle. Mais « Samuel ne connaissait pas encore le Seigneur et la Parole du Seigneur ne lui avait pas encore été révélée ». Alors, Samuel pense que c’est son vieux maitre Éli qui l’appelle. Il court vers Éli et lui dit : « Me voici, tu m’as appelé ». Mais Éli le renvoie se coucher dans le temple. Cela se reproduit deux autres fois. Finalement Éli comprend que c’est Dieu qui parle au jeune homme et il lui apprend comment répondre : « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute ». En fait le Seigneur vient à nouveau se placer près de Samuel et l'appelle encore. Samuel répond : « Parle, ton serviteur écoute ». Et il apprend peu à peu à écouter la Parole de tout son cœur. Ca changera sa vie et celle de son peuple.

Cette lecture très attentive de la Parole est une première étape. Il est bon ensuite de l’apprendre par cœur, de la murmurer longuement au cours de toutes nos occupations. C’est ce que Moïse avait ordonné à son peuple : « Puisses‑tu écouter, Israël, garder et pratiquer ce qui te rendra heureux […] Que ces paroles que je te dicte aujourd'hui restent dans ton coeur! Tu les répéteras à tes fils, tu les leur diras aussi bien assis dans ta maison que marchant sur la route, couché aussi bien que debout; tu les attacheras à ta main comme un signe, sur ton front comme un bandeau; tu les écriras sur les poteaux de ta maison et sur tes portes» (Deutéronome, 63ss). C’est ainsi que nous nous souviendrons de Dieu dans notre quotidien.

Puis il importe d’approfondir les Paroles par une méditation qui nous en livrera la richesse et nous orientera à comprendre ses implications dans notre vie. Nous pourrons avec un élan de tout notre cœur y adhérer avec ferveur et joie.

Voilà un bien pauvre résumé de cette méthode de lecture de la Bible. J’ai compris dans cette retraite que nous ne pouvons y parvenir que par des « exercices » réguliers et suivis. Il faut y embarquer avec décision et souffle. Mais il faut aussi être réaliste, se donner un programme possible selon notre condition de vie et nos obligations. Il faut surtout sans cesse supplier l’Esprit de purifier notre cœur de tant de distractions de toutes sortes, de tant de soucis qui nous accaparent pour le rendre disponible à Dieu qui parle.

Un bel exemple est la Vierge Marie à l’Annonciation : « Je suis la servante du Seigneur; qu'il m'advienne selon ta parole! » (Luc 1,38). Après avoir supplié l’Esprit-Saint au début de chaque exercice, on peut aussi invoquer Marie notre Mère et notre éducatrice.

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau