samedi 12 novembre 2016

Autres défis pour le disciple qui évangélise

Le pape François en énumère plusieurs dans son texte-programme intitulé La joie de l’Évangile. Je les reprends rapidement, pour me les mettre en mémoire et pour que ces avis me servent de guide dans le discernement de la qualité réelle de ma vie spirituelle et missionnaire.
 
Voici d’abord un titre curieux : « Non à l’acédie égoïste. » L’acédie est « un manque de soin pour sa vie spirituelle. La conséquence de cette négligence est un mal de l’âme qui s’exprime par l’ennui, ainsi que le dégoût pour la prière, la pénitence et la lecture spirituelle. Quand l'acédie devient un état de l’âme qui entraîne une torpeur spirituelle et un repli sur soi, elle est alors une maladie spirituelle. »
 
Le pape développe : « Quand nous avons davantage besoin d’un dynamisme missionnaire qui apporte sel et lumière au monde, beaucoup de laïcs craignent que quelqu’un les invite à réaliser une tâche apostolique, et cherchent à fuir tout engagement qui pourrait leur ôter leur temps libre. […] Mais quelque chose de semblable arrive avec les prêtres, qui se préoccupent avec obsession de leur temps personnel. Fréquemment, cela est dû au fait que les personnes éprouvent le besoin impérieux de préserver leurs espaces d’autonomie, comme si un engagement d’évangélisation était un venin dangereux au lieu d’être une réponse joyeuse à l’amour de Dieu qui nous convoque à la mission et nous rend complets et féconds. Certaines personnes font de la résistance pour éprouver jusqu’au bout le goût de la mission et restent enveloppées dans une acédie paralysante. » (EG 81)
 
Le problème n’est pas toujours l’excès d’activité. C’est souvent les activités mal vécues, sans les motivations appropriées, sans une spiritualité qui imprègne l’action et la rende désirable. « L’impatience d’aujourd’hui d’arriver à des résultats immédiats fait que les agents pastoraux n’acceptent pas facilement le sens de certaines contradictions, un échec apparent, une critique, une croix. » La foi s’affaiblit et dégénère dans la mesquinerie. « La psychologie de la tombe, qui transforme peu à peu les chrétiens en momies de musée, se développe. […] Appelés à éclairer et à communiquer la vie, ils se laissent finalement séduire par des choses qui engendrent seulement obscurité et lassitude intérieure, et qui affaiblissent le dynamisme apostolique. Pour tout cela je me permets d’insister : ne nous laissons pas voler la joie de l’évangélisation ! » (EG 83)
 
Un autre mot d’ordre du pape se formule ainsi : « Non au pessimisme stérile. » « La joie de l’Évangile est celle que rien et personne ne pourra jamais enlever (cf. Jn 16, 22). Les maux de notre monde – et ceux de l’Église – ne devraient pas être des excuses pour réduire notre engagement et notre ferveur. Prenons-les comme des défis pour croître. En outre, le regard de foi est capable de reconnaître la lumière que l’Esprit Saint répand toujours dans l’obscurité, sans oublier que « là où le péché s’est multiplié, la grâce a surabondé » (Rm 5, 20). Notre foi est appelée à voir que l’eau peut être transformée en vin, et à découvrir le grain qui grandit au milieu de l’ivraie. » (EG 84)
 
Ce qui peut étouffer la ferveur et l’audace en moi, c’est la prise de conscience de mes limites, de mes défauts et de mes péchés. Il importe alors de me rappeler ce qu’a dit le Seigneur à saint Paul : « Ma grâce te suffit : car la puissance se déploie dans la faiblesse » (2 Co 12, 9).
 
La vie de notre peuple et de notre Église peut sembler souvent un désert spirituel. « En pareilles circonstances, nous sommes appelés à être des personnes-amphores pour donner à boire aux autres. Parfois, l’amphore se transforme en une lourde croix, mais c’est justement sur la Croix que le Seigneur, transpercé, s’est donné à nous comme source d’eau vive. Ne nous laissons pas voler l’espérance ! » (EG 86)

(14e texte d’une série sur La joie de l’Évangile)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau