samedi 10 février 2018

Qui est le lépreux?

L’histoire du lépreux qui rencontre Jésus est une image forte de la grande compassion du Christ envers les personnes blessées et marginalisées, spécialement en cette Journée mondiale du malade. Alors que la société mettait à l’écart le lépreux, Jésus se fait accueillant, lui touche et le purifie. L’Église doit être comme un hôpital de campagne répète souvent le pape François.  
 
Aujourd’hui, qui est le lépreux de notre époque? Ne serait-il pas dans l’itinérant rencontré dans une station de métro ou sur la rue? Ne serait-il pas dans cette personne âgée malade et seule, ou encore dans ce jeune dont la vie est sans espoir? Ne serait-il pas dans ce réfugié qui tente de fuir la guerre à la recherche d’un monde meilleur pour lui et les siens? Sous le regard du lépreux d’hier et d’aujourd’hui se cache le regard d’un enfant aimé de Dieu qui est unique. Sa dignité est plus forte que la maladie ou son état de vie.
 
Si Jésus nous invite à dépasser nos peurs et nos préjugés, son message est également une invitation à la compassion pour les personnes fragilisées de notre monde, pas uniquement de notre communauté locale, mais du grand village planétaire. L’accueil du lépreux d’aujourd’hui est un témoignage réel de l’action de l’amour du Christ pour notre humanité. 
 
René Laprise
Diacre permanent

(Ce texte a été publié dans la chronique Échos de la Parole de l'Office de catéchèse du Québec)

samedi 3 février 2018

Un dialogue qui valorise et construit

« Le dialogue est une manière privilégiée et indispensable de vivre, d’exprimer et de faire mûrir l’amour, dans la vie matrimoniale et familiale. » C’est par cette affirmation que le pape François  (La joie de l’amour) commence un long développement sur le dialogue, sa signification, son importance, sa capacité d’humaniser les relations humaines, de dépasser les incompréhensions, de guérir les blessures, de réchauffer l’amour, de retisser une communion qui s’effrite.
 
Le dialogue crée des ponts, abat des murs, brise l’isolement, ouvre au monde de l’autre, transforme et purifie le cœur.
 
Le dialogue implique une écoute mutuelle qui permet à chacun de s’exprimer, de s’expliquer dans un climat de douceur, d’écoute, de confiance.
 
Une condition fondamentale du dialogue est de ne pas entretenir la volonté d’imposer à tout prix son point de vue. Cette ouverture permet une réelle écoute de l’autre, sans l’interrompre. Il faut permettre à l’autre de finir ce qu’il a à dire. Agir autrement est non seulement un manque de respect, mais une agression. Le dialogue exige qu’on accorde une réelle importance à l’autre.
 
Le dialogue exige que chacun apprenne à s’exprimer sans blesser. Il faut surveiller quel langage on emploie et comment, avec quels accents ou gestes on s’exprime. Il est essentiel d’éviter un langage qui agresse, ironise, culpabilise, humilie.
 
« N’oubliez pas : dialoguer signifie écouter ce que me dit l’autre et dire avec douceur ce que je pense. Si les choses se déroulent ainsi, la famille, le quartier, le lieu de travail seront meilleurs. Mais si je ne laisse pas l’autre dire tout ce qu’il a sur le cœur et que je commence à hurler — aujourd’hui on hurle beaucoup — cette relation entre nous ne se terminera pas bien; la relation entre mari et femme, entre parents et enfants ne se terminera pas bien. Écouter, expliquer, avec douceur, ne pas crier contre l’autre, ne pas hurler, mais avoir un cœur ouvert. »  (Pape François, Audience jubilaire)
 
L’amour libère de la peur de l’autre et surpasse les pires barrières. Il ouvre le cœur par l’humilité. Il guérit les blessures par la douceur. Il ouvre les oreilles et rend disponible pour accueillir l’autre, pour comprendre ses sentiments. Il purifie la bouche pour se dire avec confiance et paix dans le cœur. Il change le regard et fait voir les beautés invisibles au-dessous des apparences choquantes ou changeantes. Il fait toujours espérer et croire que l’autre peut changer, mais aussi que moi-même je peux m’améliorer. En somme, l’amour assure qu’il y a un avenir, quoi qu’il arrive.
 
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau
(28e texte d’une série sur La joie de l’amour)

dimanche 28 janvier 2018

Trois clés qui ouvrent les cœurs

Il s’agit de trois paroles indispensables dans la vie quotidienne, qui mettent du baume dans les relations entre époux et dans la famille. Elles disent et mettent en acte la tendresse et l’affection de l’amour dans ses diverses dimensions.
 
Première clé : « S’il te plaît », ou encore : « Est-ce que ça te plaît que je fasse cela? » Il s’agit de demander la permission avec simplicité et vérité. Ainsi, on refuse d’être envahissant, d’imposer, sans aucune consultation ou écoute, ses propres choix, préférences, projets. C’est une question de courtoisie, de respect, de politesse. Sans ce baume, le miel de l’amour risque de tourner au vinaigre.
 
Deuxième clé : « Merci ». Employer ce langage, c’est reconnaître l’amour de l’autre, son accueil, sa bienveillance. C’est une parole de gratitude pour sa bonté, sa patience, sa fidèle présence, sa compréhension, et encore pour tout ce que l’autre apporte au couple et à la famille. Sans cette délicatesse, l’amour devient hautain, hargneux même.
 
Troisième clé : « Excuse-moi ». Il faut savoir se pardonner dans le couple ou en famille. Car nous avons des défauts. Et nous faisons des choses qui ne sont pas bonnes, qui font mal aux autres. Il arrive même qu’on se dise des paroles violentes, agressives, désagréables et qui blessent. « Êtes-vous en colère? Ne péchez pas; que le soleil ne se couche pas sur votre ressentiment. » (Éph 4, 26) La science donne raison à s. Paul! Il est donc très important de ne pas finir la journée sans faire la paix. Ce n’est pas nécessairement une parole. Ça peut être un geste qui parle au cœur de l’autre. C’est là dans le couple et la famille une source importante de joie.
 
Certains silences, entre mari et femme, entre parents et enfants, entre frères et sœurs peuvent devenir très pénibles et même destructeurs. Au contraire, ces trois clés, pratiquées régulièrement, protègent et alimentent l’amour.
 
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau
(27e texte d’une série sur La joie de l’amour)

dimanche 21 janvier 2018

Pourquoi se marier?

Se marier, c’est donner à son amour une expression visible, sociale. L’engagement dans le sacrement de mariage peut à première vue sembler être une simple et en somme négligeable façon d’institutionnaliser un fait. Et ne serait-ce pas là risquer de compromettre l’amour conjugal qui existe déjà?
 
L’amour conjugal porte pourtant en lui un désir, j’oserais dire un instinct, de durer par-delà, les difficultés et souffrances qu’il peut impliquer. C’est là un grand défi. Et alors, le couple qui s’est uni en public, devant les proches et devant la société, trouvera « dans cette institution la manière d’orienter sa stabilité et sa croissance réelle et concrète. » L’amour ne se réduit pas à un consentement externe, ou à un contrat matrimonial. Mais cet engagement visible devant la famille et la société a son importance. Il montre le sérieux de l’attachement à l’autre et exprime la ferme décision de s’appartenir l’un à l’autre.
 
« Le mariage, en tant qu’institution sociale, est une protection et le fondement de l’engagement mutuel, de la maturation de l’amour, afin que l’option pour l’autre grandisse en solidité, dans le concret et en profondeur, et pour qu’il puisse, en retour, accomplir sa mission dans la société. C’est pourquoi le mariage va au-delà de toutes les modes passagères et perdure. Son essence est enracinée dans la nature même de la personne humaine et de son caractère social. Il implique une série d’obligations, mais qui jaillissent de l’amour même, un amour si déterminé et si généreux qu’il est capable de risquer l’avenir. »
 
S’engager l’un envers l’autre en public, sans réserve et sans restriction, assure aussi l’autre conjoint « qu’il pourra toujours avoir confiance, qu’il ne sera pas abandonné quand il perdra son attrait, quand il aura des difficultés. »
 
J’ai souvent l’occasion de participer à des célébrations de 50e, de 60e, même parfois de 70e anniversaire de mariage. Le témoignage de ces couples chante dans ces fêtes amicales et familiales le désir profond du cœur humain : vieillir avec toi.
 
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau
(26e texte d’une série sur La joie de l’amour)

lundi 15 janvier 2018

La joie de l’amour dans le mariage

Il ne faut pas confondre la recherche obsessionnelle du plaisir et la joie véritable dans le mariage. Cette dernière « élargit la capacité de jouir et nous permet de trouver du plaisir dans des réalités variées, même aux étapes de la vie où le plaisir s’éteint. » Cette joie peut être vécue même dans la douleur. Elle implique « d’accepter que le mariage soit un mélange nécessaire de satisfactions et d’efforts, de tensions et de repos, de souffrances et de libérations, de satisfactions et de recherches, d’ennuis et de plaisirs. » Ce qui importe alors est de toujours tendre à développer cette amitié qui fait qu’on prend alors soin l’un de l’autre. Les époux qui vivent avec cœur leur amour s’entraident dans les joies et les peines de la vie quotidienne.
 
Pour parvenir à se soutenir ainsi mutuellement, ils doivent être attentifs à la beauté, à la valeur unique de l’autre. L’amour conjugal fait qu’on ne se concentre pas seulement sur les attraits physiques ou psychologiques du conjoint ou de la conjointe. Les époux savent rejeter la tentation cachée dans la société de consommation qui est la nôtre, qui nous pousse à posséder l’autre. C’est là une attitude contraire à la tendresse. Car cette dernière « conduit à vibrer face à une personne avec un immense respect et avec une certaine peur de lui faire du tort ou de la priver de sa liberté. L’amour de l’autre implique ce goût de contempler et de valoriser le beau et la sacralité de son être personnel, qui existe au-delà de mes nécessités. » Ce qui compte alors, c’est de chercher le bien de l’autre, quelle que soit sa situation physique ou psychologique. 
 
L‘amour ouvre les yeux et fait voir la beauté secrète de l’autre. L’amour conjugal est alors joie, même au cœur des épreuves et de la souffrance. L’amour est alors même plus fort que la mort!
 
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau
(25e texte d’une série sur La joie de l’amour)

lundi 8 janvier 2018

L’amour conjugal

Le pape François décrit ainsi l’amour conjugal : « C’est l’amour qui unit les époux, sanctifié, enrichi et éclairé par la grâce du sacrement de mariage. C’est une “union affective”, spirituelle et oblative, mais qui inclut la tendresse de l’amitié et la passion érotique, bien qu’elle soit capable de subsister même lorsque les sentiments et la passion s’affaiblissent. »
 
C’est un amour répandu dans le cœur des époux par l’Esprit-Saint. C’est un grand don de Dieu qui rend les époux capables ensemble de sans cesse grandir, se développer, s’épanouir dans le couple uni par le sacrement du mariage. Il s’agit d’un processus dynamique, qui a l’énergie pour sans cesse aller en avant, au cœur des défis, des recherches, des déceptions, des joies et des appels renouvelés du cœur.
 
« C’est une union qui a toutes les caractéristiques d’une bonne amitié : la recherche du bien de l’autre, l’intimité, la tendresse, la stabilité, et une ressemblance entre les amis qui se construit avec la vie partagée. » Une amitié toutefois peut être temporaire, selon les circonstances de la vie. Telle n’est pas l’amitié conjugale. Elle est indissoluble. Elle porte le projet de partager et bâtir ensemble toute l’existence. L’amour conjugal porte en soi une ouverture au définitif. Il ne s’agit pas d’une simple formalité sociale ou une tradition. Cette amitié et cette union définitive s’enracinent dans les inclinations spontanées de la personne humaine. La nature profonde de l’amour humain dit bien son aspiration : « Vieillir Avec Toi ».  
 
Cette amitié conjugale inclut les notes propres à la passion et de l’érotisme. Mais elle les oriente vers une union toujours plus solide et intense. Ainsi, l’amour conjugal peut s’exprimer, progresser et s’épanouir. L’amour conjugal est une amitié exclusive, fidèle et ouverte à la procréation. En « associant l’humain et le divin, un tel amour conduit les époux à un don libre et mutuel d’eux-mêmes, qui se manifeste par des sentiments et des gestes de tendresse et il imprègne toute leur vie ».
 
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau
(24e texte d’une série sur La joie de l’amour)

mercredi 3 janvier 2018

L’amour endure tout avec constance

La personne qui aime tient bon sans se décourager, le cœur en paix et avec une patience inlassable. Aimer, c’est « supporter, dans un esprit positif, toutes les contrariétés. C’est se maintenir ferme au milieu d’un environnement hostile. Cela ne consiste pas seulement à tolérer certaines choses contrariantes, mais c’est quelque chose de plus large : une résistance dynamique et constante, capable de surmonter tout défi. C’est l’amour en dépit de tout, même quand tout le contexte invite à autre chose. Il manifeste une part d’héroïsme tenace, de puissance contre tout courant négatif, une option pour le bien que rien ne peut abattre. » (Pape François, La joie de l’amour, par.118) Et le pape cite  Martin Luther King refaisant le choix de l’amour fraternel même au milieu des pires persécutions et humiliations :
 
« Celui qui te hait le plus a quelque chose de bon en lui ; même la nation qui te hait le plus a quelque chose de bon en elle ; même la race qui te hait le plus a quelque chose de bon en elle. Et lorsque tu arrives au stade où tu peux regarder le visage de chaque homme et y voir ce que la religion appelle ‘‘l’image de Dieu’’, tu commences à l’aimer en dépit de [tout]. Peu importe ce qu’il fait, tu vois en lui l’image de Dieu. Il y a un aspect de la bonté dont tu ne peux jamais te défaire […]. Haine contre haine ne fait qu’intensifier l’existence de la haine et du mal dans l’univers. Si je te frappe et tu me frappes et je te frappe en retour et tu me frappes encore et ainsi de suite, tu vois, cela se poursuit à l’infini. Évidemment, ça ne finit jamais. Quelque part, quelqu’un doit avoir un peu de bon sens, et c’est celui-là qui est fort. Le fort, c’est celui qui peut rompre l’engrenage de la haine, l’engrenage du mal […]. Quelqu’un doit être assez religieux et assez sage pour le rompre et injecter dans la structure même de l’univers cet élément fort et puissant qu’est l’amour. »
 
Il faut appliquer cet enseignement si évangélique à l’amour conjugal et familial : «  Dans la vie de famille, il faut cultiver cette force de l’amour qui permet de lutter contre le mal qui la menace. L’amour ne se laisse pas dominer par la rancœur, le mépris envers les personnes, le désir de faire du mal ou de se venger. L’idéal chrétien, et particulièrement dans la famille, est un amour en dépit de tout. J’admire parfois, par exemple, l’attitude de personnes qui ont dû se séparer de leur conjoint pour se préserver de la violence physique, et qui cependant, par charité conjugale qui sait aller au-delà des sentiments, ont été capables de leur faire du bien – même si c’est à travers d’autres personnes – en des moments de maladie, de souffrance ou de difficulté. Cela aussi est un amour en dépit de tout. (Pape François, La joie de l’amour, par. 118)
 
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau
(23e texte d’une série sur La joie de l’amour)