vendredi 7 septembre 2018

La loi morale ne suffit pas pour guider la vie

Le pape François demande avec insistance et courage aux catholiques de ne pas juger sans miséricorde les actes des personnes divorcées et remariées. « Il est mesquin de se limiter seulement à considérer si l’agir d’une personne répond ou non à une loi ou à une norme générale, car cela ne suffit pas pour discerner et assurer une pleine fidélité à Dieu dans l’existence concrète d’un être humain. » (La joie de l’amour, par. 302)
 
Bien que nécessaires, les principes généraux ne suffisent pas. Plus on aborde les choses particulières, plus on rencontre de défaillances. Plus on entre dans les détails, plus les exceptions se multiplient. Alors, conclut le pape, « les normes générales présentent un bien qu’on ne doit jamais ignorer ni négliger, mais dans leur formulation, elles ne peuvent pas embrasser dans l’absolu toutes les situations particulières. »
 
S’adressant surtout à ceux et à celles qui accompagnent des personnes qui vivent des situations « irrégulières » (mais ça vaut pour tous), le pape ajoute qu’on ne peut pas se satisfaire d’appliquer des lois morales et des règles. « À cause des conditionnements ou des facteurs atténuants, il est possible que, dans une situation objective de péché – qui n’est pas subjectivement imputable ou qui ne l’est pas pleinement – l’on puisse vivre dans la grâce de Dieu, qu’on puisse aimer, et qu’on puisse également grandir dans la vie de la grâce et dans la charité, en recevant à cet effet l’aide de l’Église. Le discernement doit aider à trouver les chemins possibles de réponse à Dieu et de croissance au milieu des limitations. En croyant que tout est blanc ou noir, nous fermons parfois le chemin de la grâce et de la croissance, et nous décourageons des cheminements de sanctifications qui rendent gloire à Dieu. »
 
Sans diminuer la valeur de l’idéal évangélique, il faut accompagner avec miséricorde et patience les étapes possibles de croissance des personnes qui se construisent jour après jour, faisant confiance à la miséricorde du Seigneur qui nous stimule à faire le bien qui est possible.
 
Mais que dire aux personnes qui préfèrent une attitude plus rigide et insistent sur la norme morale? Il faut les aider « à assumer la logique de la compassion avec les personnes fragiles et à éviter les persécutions ou les jugements trop durs ou impatients. L’Évangile lui-même nous demande de ne pas juger et de ne pas condamner (cf. Mt 7, 1; Lc 6,37). » (par. 308) Jésus « attend que nous renoncions à chercher ces abris personnels ou communautaires qui nous permettent de nous garder distants du cœur des drames humains, afin d’accepter vraiment d’entrer en contact avec l’existence concrète des autres et de connaître la force de la tendresse. Quand nous le faisons, notre vie devient toujours merveilleuse ».
 
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau
(57e texte d’une série sur La joie de l’amour)

vendredi 31 août 2018

Tenir compte des circonstances atténuantes

Dans une recherche sincère de la volonté de Dieu, il faut tenir compte des circonstances atténuantes. « L’Église a une solide réflexion sur les conditionnements et les circonstances atténuantes. Par conséquent, il n’est plus possible de dire que tous ceux qui se trouvent dans une certaine situation dite “irrégulière” vivent dans une situation de péché mortel, privés de la grâce sanctifiante. » (Pape François dans La joie de l’amour par. 301)
 
Le pape cite le Catéchisme de l’Église catholique : « L’imputabilité et la responsabilité d’une action peuvent être diminuées voire supprimées par l’ignorance, l’inadvertance, la violence, la crainte, les habitudes, les affections immodérées et d’autres facteurs psychiques ou sociaux. » (par. 1736) Dans un autre paragraphe (2352) du même Catéchisme, on lit ceci : « Pour former un jugement équitable sur la responsabilité morale des sujets et pour orienter l’action pastorale, on tiendra compte de l’immaturité affective, de la force des habitudes contractées, de l’état d’angoisse ou des autres facteurs psychiques ou sociaux qui amoindrissement voire exténuent la culpabilité morale ».
 
Le pape Francois en tire une affirmation qu’il nous faut méditer et approfondir : « Un jugement négatif sur une situation objective n’implique pas un jugement sur l’imputabilité ou la culpabilité de la personne impliquée. » (La joie de l’amour, par. 302)
 
Et le pape tient à y joindre une réflexion sur la conscience à respecter : « À partir de la reconnaissance du poids des conditionnements concrets, nous pouvons ajouter que la conscience des personnes doit être mieux prise en compte par la praxis de l’Église dans certaines situations qui ne réalisent pas objectivement notre conception du mariage. Évidemment, il faut encourager la maturation d’une conscience éclairée, formée et accompagnée par le discernement responsable et sérieux du Pasteur, et proposer une confiance toujours plus grande dans la grâce. Mais cette conscience peut reconnaître non seulement qu’une situation ne répond pas objectivement aux exigences générales de l’Évangile. De même, elle peut reconnaître sincèrement et honnêtement que c’est, pour le moment, la réponse généreuse qu’on peut donner à Dieu, et découvrir avec une certaine assurance morale que cette réponse est le don de soi que Dieu lui-même demande au milieu de la complexité concrète des limitations, même si elle n’atteint pas encore pleinement l’idéal objectif. » (par. 303) (voir aussi : Péché grave et péché véniel)
 
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau
(56e texte d’une série sur La joie de l’amour)

vendredi 24 août 2018

Communion pour les catholiques divorcés et remariés?

Faut-il, oui ou non, accueillir à la communion les personnes catholiques divorcées remariées dont la nullité du premier mariage n’a pas été prononcée par un tribunal compétent de l’Église? C’est là une des questions très sensibles qui furent discutées lors des deux sessions du Synode sur la famille et que le pape François a développé dans son Exhortation apostolique La joie de l’amour.
 
Dans plusieurs paragraphes  (par. 296ss), il traite de diverses situations dites « irrégulières ». Il s’agit de situations de fragilité ou d’imperfection. Le pape demande à tous de comprendre que « la route de l’Église est toujours celle de Jésus : celle de la miséricorde et de l’intégration. La route de l’Église est celle de ne condamner personne éternellement; de répandre la miséricorde de Dieu sur toutes les personnes qui la demandent d’un cœur sincère. » Il faut donc éviter les jugements qui ne tiendraient pas compte de la complexité des diverses situations. Il faut également être attentif à la façon dont les personnes vivent et souffrent à cause de leur condition.
 
Et le pape cite les conclusions du synode : « Dans l’optique d’une approche pastorale envers les personnes qui ont contracté un mariage civil, qui sont divorcées et remariées, ou qui vivent simplement en concubinage, il revient à l’Église de leur révéler la divine pédagogie de la grâce dans leurs vies et de les aider à parvenir à la plénitude du plan de Dieu sur eux. » Cela est toujours possible avec la force de l’Esprit Saint.
 
Il ne s’agit pas de changer la législation actuellement en vigueur. « Il faut seulement un nouvel encouragement au discernement responsable personnel et pastoral des cas particuliers, qui devrait reconnaître que, étant donné que le degré de responsabilité n’est pas le même dans tous les cas, les conséquences ou les effets d’une norme ne doivent pas nécessairement être toujours les mêmes. » Les prêtres doivent donc accompagner les personnes concernées sur la voie du discernement « selon l’enseignement de l’Église et les orientations de l’évêque. » (par. 300)
 
On connait l’insistance du pape actuel sur la question du discernement et du respect de la conscience. Il y revient très souvent dans ses divers discours. Il continue dans La joie de l’amour : « Le colloque avec le prêtre, dans le for interne, concourt à la formation d’un jugement correct sur ce qui entrave la possibilité d’une participation plus entière à la vie de l’Église et sur les étapes à accomplir pour la favoriser et la faire grandir. […] Lorsqu’on rencontre une personne responsable et discrète, qui ne prétend pas placer ses désirs au-dessus du bien commun de l’Église, et un Pasteur qui sait reconnaître la gravité de la question entre ses mains, on évite le risque qu’un discernement donné conduise à penser que l’Église entretient une double morale. »
 
Il faut prier beaucoup l’Esprit de Jésus ressuscité et don du Père pour que nous comprenions ce que le pape actuel nous indique comme chemin où il faut s’engager résolument. C’est celui du discernement, du respect des consciences et de la miséricorde.
 
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau
(55e texte d’une série sur La joie de l’amour)

vendredi 17 août 2018

Une spiritualité familiale

« La spiritualité de l’amour familial est faite de milliers de gestes réels et concrets. Dans cette variété de dons et de rencontres qui font mûrir la communion, Dieu établit sa demeure. […] En définitive, la spiritualité matrimoniale est la spiritualité du lien habité par l’amour divin. » (par. 315)
 
Dieu aime d’un amour débordant et créateur. Il fait le monde magnifique, si diversifié, si grand que nous habitons : les milliards d’étoiles, notre soleil, notre terre, dont il nous a confié la responsabilité. « Mais le plus beau que Dieu ait fait – a dit la Bible – a été la famille. Il a créé l’homme et la femme. Et il leur a tout confié. Il leur a confié le monde : “‘Croissez et multipliez-vous, cultivez la terre, faites-la fructifier, faites-la croître”’. Tout l’amour qu’il a mis dans cette Création merveilleuse, il l’a confié à une famille. » (Pape François)
 
Mais il a voulu aller encore plus dans son amour pour les humains. Il leur a donné son Fils. Et pour l’envoyer sur terre, il est passé par une famille. Il a ainsi sanctifié à sa base le mystère de la famille, lieu où veut demeurer le Dieu Amour et Trinité.
 
La pierre angulaire de cette construction qu’est la famille, c’est le Christ Jésus lui-même. Et l’on peut dire de la famille chrétienne ce que Paul disait de la petite communauté d’Éphèse : « En lui, vous êtes, vous aussi, les éléments d’une même construction pour devenir une demeure de Dieu par l’Esprit Saint. »  L’Esprit éclaire alors joie et peines dans la famille par la croix et la résurrection du Seigneur Jésus.
 
La prière en famille est un moyen privilégié pour fortifier la foi, l’espérance et l’amour dans la maisonnée. Il en est de même de la participation ensemble à la messe dominicale. Nourriture qui fortifie et encourage la vie familiale quotidienne ensemble, dans le soutien mutuel et la tendresse de la fidélité et du pardon.
 
Car la spiritualité familiale en est une de l’attention, de la consolation et de l’encouragement. Le pape François stimule les familles à aller dans ce sens : « Prenons soin les uns des autres, soutenons-nous et encourageons-nous les uns les autres, et vivons tout cela comme faisant partie de notre spiritualité familiale. » (par. 321)
 
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau
(54e texte d’une série sur La joie de l’amour)

samedi 11 août 2018

Lorsque la mort frappe une famille

La mort frappe toutes les familles. Pourtant, nous ne parvenons pas à voir le départ de nos proches comme naturel. La perte du conjoint ou d’un enfant est toujours un drame dans une famille et dans son entourage immédiat.
 
Lorsqu’un de mes frères est décédé, ma mère m’a dit en pleurant que ce n’était pas normal que les enfants partent avant les parents! Le pape François développe cette même conviction : « Pour les parents, survivre à ses propres enfants est quelque chose de particulièrement déchirant, qui contredit la nature élémentaire des relations qui donnent un sens à la famille elle-même. La perte d’un fils ou d’une fille est comme si le temps s’arrêtait : un précipice s’ouvre, qui engloutit le passé et aussi l’avenir. La mort, qui emporte l’enfant petit ou jeune, est une gifle aux promesses, aux dons et aux sacrifices d’amour joyeusement faits pour la vie que nous avons fait naître. » (Voir aussi par. 253-258)
 
Regardons Jésus devant une telle situation. Il va vers Naïn. « Il arriva près de la porte de la ville au moment où l’on emportait un mort pour l’enterrer; c’était un fils unique, et sa mère était veuve. […] Voyant celle-ci, le Seigneur fut saisi de compassion pour elle et lui dit : “Ne pleure pas.” Il s’approcha et toucha le cercueil; les porteurs s’arrêtèrent, et Jésus dit : “Jeune homme, je te l’ordonne, lève-toi.” Alors le mort se redressa et se mit à parler. Et Jésus le rendit à sa mère. » Quelle attention à cette souffrance! Quelle tendresse! Quel souci pour cette pauvre veuve!
 
Notre foi nous assure que la vie ne finit pas avec la mort. Les défunts ne sont pas détruits complètement. Ils sont dans la main puissante de Dieu qui aime ses créatures. Ils prient pour nous. Nous pouvons leur parler. Ils sont puissants auprès du cœur de notre Père et veillent sur nous. La petite Thérèse de Lisieux affirmait peu avant sa mort qu’elle passerait son ciel à faire du bien sur la terre.
 
Expérimenter ce lien d’amour qui nous unit à nos proches défunts est une grande source de courage et d’élan pour vivre avec tendresse et générosité en faveur des vivants.
 
Et il existe aussi diverses aides disponibles.
 
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau
(53e texte d’une série sur La joie de l’amour)

samedi 4 août 2018

Crises dans le couple et la famille

L’histoire d’un couple, d’une famille, est jalonnée de défis considérables, de difficultés sérieuses, même de crises angoissantes. Faut-il se résigner à une détérioration irréparable ou encore à une médiocrité simplement supportable? Non! « Chaque crise cache une bonne nouvelle qu’il faut savoir écouter en affinant l’ouïe du cœur. […]  En ces moments, il est nécessaire de créer des espaces pour communiquer cœur à cœur. » (par. 232 et 234)
 
Toute crise dérange. On peut être tenté de la nier, de se révolter, de chercher à l’ignorer. On peut aussi seulement compter sur le temps qui passe et qui, on pense naïvement, règlera le problème. Les liens alors se détériorent progressivement et l’isolement se consolide, portant préjudice à l’intimité. Une crise non assumée affecte et même parfois ruine la communication. L’autre n’est plus la personne aimée, mais seulement une personne qui est là, même qui est seulement le père, la mère des enfants. Finalement, l’autre devient un étranger.
 
Ces couples ont besoin d’un accompagnement pour s’en sortir plus vigoureux, plus vivants, plus amoureux. D’autres couples, expérimentés et lucides, peuvent rendre un tel service, si précieux et qui peut ouvrir un avenir neuf.
 
Les proches, les personnes amies peuvent aussi aider, s’ils savent y mettre sagesse, respect, écoute, consolation, encouragements.
 
Nous devons ne pas abandonner les personnes qui sont chères dans les moments difficiles de leur vie de couple et de famille. C’est le temps de leur manifester encore plus notre présence, notre tendresse, notre fidélité.
 
Nous pouvons aussi prier pour eux. Car Dieu est amour et veut l’épanouissement de l‘amour humain. Dieu nous a créés avec tendresse et nous veut heureux. Nous sommes responsables les uns les autres de ce bonheur auquel aspirer avec grande espérance.

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau
(52e texte d’une série sur La joie de l’amour)
(Dans ce document sur la joie de l’amour dans la vie du couple et de la famille, le pape offre beaucoup de conseils pertinents sur le sujet : voir les par. 232-252.)

dimanche 29 juillet 2018

Prendre un enfant par le cœur

On connait la magnifique chanson populaire d’Yves Duteil : « Prendre un enfant par la main pour l'emmener vers demain pour lui donner la confiance en son pas […]Prendre un enfant par le cœur pour soulager ses malheurs tout doucement sans parler, sans pudeur […] En regardant tout au bout du chemin prendre un enfant pour le sien. » (paroles)
 
Cette évocation poétique et musicale évoque bien l’importance primordiale des parents dans l’éducation des enfants. Cela vaut pour tous les aspects de la personnalité enfantine. Mais c’est particulièrement vrai de la dimension morale. « Les parents influent toujours sur le développement moral de leurs enfants, en bien ou en mal. Par conséquent, ce qui convient, c’est qu’ils acceptent cette responsabilité incontournable et l’accomplissent d’une manière consciente, enthousiaste, raisonnable et appropriée. » (par 259) Les longs développements que le pape consacre à cette question (par. 259-290) montrent bien l’importance qu’il leur accorde.
 
Le pape François commente : « La famille ne peut renoncer à être un lieu de protection, d’accompagnement, d’orientation, même si elle doit réinventer ses méthodes et trouver de nouvelles ressources. Elle a besoin de se demander à quoi elle veut exposer ses enfants. Voilà pourquoi, elle ne doit pas éviter de s’interroger sur ceux qui sont chargés de leur divertissement et de leurs loisirs, sur ceux qui rentrent dans leurs chambres à travers les écrans, sur ceux à qui ils les confient pour qu’ils les guident dans leur temps libre. Seuls les moments que nous passons avec eux, parlant avec simplicité et affection des choses importantes, et les possibilités saines que nous créons pour qu’ils occupent leur temps, permettront d’éviter une invasion nuisible. Il faut toujours rester vigilant. L’abandon n’est jamais sain. Les parents doivent orienter et prévenir les enfants ainsi que les adolescents afin qu’ils sachent affronter les situations où il peut y avoir des risques d’agression, d’abus ou de toxicomanie, par exemple. »
 
Et il ajoute : « Ce qui importe surtout, c’est de créer chez l’enfant, par beaucoup d’amour, des processus de maturation de sa liberté, de formation, de croissance intégrale, de culture d’une authentique autonomie. C’est seulement ainsi que cet enfant aura en lui-même les éléments nécessaires pour savoir se défendre ainsi que pour agir intelligemment et avec lucidité dans les circonstances difficiles. »
 
Les parents sont la première école où l’enfant et l’adolescent apprennent quelles sont les valeurs qui le soutiendront dans sa vie et lui ouvriront des chemins d’amour, de service, de sens de l’autre et de l’environnement humain et écologique.
 
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau
(51e texte d’une série sur La joie de l’amour)