mardi 7 mai 2013

25 ans en Outaouais (suite)

Les kilométrages se sont accumulés : Charlevoix, Québec, Montréal. Comme j’en avais pris l’habitude durant mes très longs voyages, seul en automobile sur la Côte, j’ai beaucoup prié. Tout devant moi était inconnu : les personnes, les routes, les villages et villes, la nature. Ces heures de méditations ont permis une ventilation de mes sentiments, passant de la reconnaissance envers le passé à l’interrogation et même la peur devant l’avenir. Que de fois, j'ai deviné Quelqu’un au fond de mon cœur me répétant : « Ne crains pas, je suis avec toi! »

L’approche de l’Outaouais fut troublante, pleine de signes indéchiffrables. Le soir approchait. Je roulais vers l’Ouest. Un peu avant Lachute, le ciel s’est obscurci, de gros nuages se sont accumulés. Peu à peu, je suis entré dans une tempête : bourrasques, fortes pluies, même de la grêle. J’en fus effrayé! Mais il fallait continuer mon chemin.

Et voilà qu’à l’approche des limites du diocèse, le vent chasse les nuages, le ciel peu à peu se dégage, trois « volliers » d’outardes indiquent le chemin vers ces terres déjà ensemencées. L’horizon s'est coloré d’un rouge feu du soleil couchant. Je me suis souvenu : « Une Église, c’est toujours au printemps! » J’ai souri!

En entrant dans le territoire diocésain, j’ai cherché un premier contact. Car je ne connaissais pas la route pour me rendre à la résidence de l’évêque! J’arrête à Fassett, à ce qui me semble un presbytère. On me dit : « Pas de curé résidant ici! Allez au prochain village, Montebello. » J’ai eu un accueil chaleureux et reçu la route à suivre pour trouver mon gîte ce soir-là!

Il me restait quelques jours avant la prise en charge de mon ministère, fixée au 6 mai, fête liturgique du Bienheureux François de Laval, premier évêque de Québec. J’ai commencé mon apprivoisement. J’ai découvert une source près d’un bois, un monastère silencieux, des gens qui cherchent le bonheur et l’amour dans le dur combat de la vie.

J’ai retrouvé le goût de vivre ce que j’ai si souvent proclamé dans le passé : « Dis ta foi! Elle fleurira! » Mais était toujours dans mon cœur la question qui y a jailli avec force après l’appel téléphonique de la fin de mars 2008 : « Comment cela se fera-t-il? »

Le 6 mai, lors de la célébration ouvrant mon ministère épiscopal ici, l’Évangile était un extrait de Jean « Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, c'est moi qui vous ai choisis et établis afin que vous partiez, que vous donniez du fruit, et que votre fruit demeure. Alors, tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous l'accordera. Ce que je vous commande, c'est de vous aimer les uns les autres. » Le carnet de charge était clair.

J’ai œuvré de tout cœur durant ces années. Surtout, le Seigneur Jésus Ressuscité par son Esprit a été fidèle à ses promesses. Il a su traduire dans les faits certaines paroles que j’avais gravées dans mon cœur: « Tu te fatigueras, mais ne tomberas pas »; « Tu feras des faux-pas, mais sans chuter ». Oui, il est fidèle, lui qui dit : « Je te sauverai et tu seras bénédiction. » Qu’ajouter au sujet de ces années?   Rien d’autre que : « Le Seigneur est bon. Éternel est son amour ».

J’ai servi ce Peuple jusqu’au 30 novembre 2011. Depuis, je suis à la retraite et j’y suis heureux. Je continue un service plus discret, mais qui répond à mes aspirations pour semer à tous les vents la Parole de Dieu.

†Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau