Est-ce
que la mission de l’homme est de dominer la terre, de l’exploiter? On pourrait
tirer cette conclusion d’un texte de la Genèse. Après avoir créé l’homme et la
femme à son image, Dieu les bénit et leur dit : « Soyez féconds et
multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. Soyez les maîtres des
poissons de la mer, des oiseaux du ciel, et de tous les animaux qui vont et
viennent sur la terre. »
Une
lecture théologique et éthique de la responsabilité de l’être humain sur toute
la nature vue comme une domination absolue a souvent été celle de la tradition
judéo-chrétienne. Le résultat en fut un manque de respect et de soin pour notre
planète et pour les créatures non-humaines, en somme pour l’environnement en général.
Saint François fait figure d’exception avec son attitude de révérence entre
toute créature, les nommant « frères » ou « sœurs ».
Rejoignant
celui qui l’a conduit à prendre ce nom, le pape François (67) rejette à son
tour avec vigueur et même passion cette éthique de la domination brutale qui conduit
à une exploitation sauvage de l’homme sur tout. Il nous appelle plutôt à
exercer sur la terre une intendance marquée par le respect et la sollicitude.
« Nous
ne sommes pas Dieu. La terre nous précède et nous a été donnée. » Donc, « nous
devons rejeter aujourd’hui avec force que, du fait d’avoir été créés à l’image
de Dieu et de la mission de dominer la terre, découle pour nous une domination
absolue sur les autres créatures. » En fait, Dieu nous demande de cultiver
et de garder le jardin du monde (cf. Gn 2, 15). « Alors que “cultiver”
signifie labourer, défricher ou travailler, “garder” signifie protéger,
sauvegarder, préserver, soigner, surveiller. Cela implique une relation de
réciprocité responsable entre l’être humain et la nature. Chaque communauté
peut prélever de la bonté de la terre ce qui lui est nécessaire pour survivre,
mais elle a aussi le devoir de la sauvegarder et de garantir la continuité de
sa fertilité pour les générations futures. » On comprend alors pourquoi Dieu
rejette toute prétention humaine à une propriété absolue : « La terre
ne sera pas vendue avec perte de tout droit, car la terre m’appartient, et vous
n’êtes pour moi que des étrangers et des hôtes » (Lv 25, 23).
Le
pape fait donc entendre à tous les humains l’appel à une attention respectueuse
envers notre planète. Nous devons y exercer une intendance responsable et
aimante. Et le pape nous en fournit la raison profonde. Notre planète et les
diverses créatures sont l’œuvre du Dieu Créateur qui est en fait le Dieu
d’amour. Et ce Créateur nous a confié ce trésor pour que nous en ayons soin :
intendants responsables et non pas exploiteurs avides et cruels.
Cette
lecture du texte biblique faite par le pape François est à la fois très neuve, très audacieuse et
libératrice. Elle offre un chemin de guérison à notre
tentation de tout réduire à des choses à exploiter puis rejeter.
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau