vendredi 21 octobre 2011

Les chrétiens en Terre Sainte

« Qu’attendez-vous des chrétiens qui vivent en Terre Sainte? ». Voilà la question que m’a récemment posée en me regardant dans les yeux Mgr Elias Chacour, archevêque grec-catholique de la Galilée, dans la partie nord d’Israël.

J’ai été très impressionné par cet homme rayonnant de vitalité et d’Évangile. Il m’est apparu comme un prophète de notre temps.  Son paisible courage et son entêtement à prêcher la tolérance et l’écoute contre vents et marée me rappellent ces personnages bibliques envoyés par Dieu pour révéler son plan de fraternité universelle aux humains sans cesse déchirés par tant de peur, de haine, de répulsion mutuelle. Il est un veilleur pour sans cesse réchauffer l’espérance dans un monde de désespoir.

Il se décrit  lui-même d’abord comme un homme, un être humain parmi tous les autres humains de la terre. Puis il précise qu’il est un arabe palestinien. Les récits de ce qu’il a vécu avec ses parents lors de l’arrivée des soldats israéliens dans son village sont dramatiques : expulsion, expropriation de leurs biens. Ils sont devenus des nomades, des apatrides dans cette terre de leurs ancêtres et de Jésus cet homme de Galilée. Il ajoute qu’il est un chrétien, un  prêtre melkite. Son ministère s’est déroulé  dans un humble village appelé Ibillin, près de Nazareth. Là il a construit une école qui est devenue avec ses 4500 enfants et étudiants un lieu laboratoire de paix et une semence d’avenir où il fait s’assoir côte à côte des enfants musulmans, druzes, juifs et chrétiens. Enfin il se présente comme un citoyen israélien, le premier citoyen israélien à occuper un tel poste.

Il parle de ses diocésains comme de « pierres vivantes ». Il n’a pas à s’occuper des nombreux sanctuaires de toutes sortes, pierres d’autrefois qui racontent la Bible et sont visitées par des pèlerins et des touristes du monde entier. Les Pères Franciscains font très bien ce travail. Son souci va à toutes ces personnes qui vivent dans des conditions difficiles de coexistence et qui veulent, malgré les défis énormes, continuer à y témoigner de leur foi en Jésus notre Sauveur.

Résonne encore en moi sa question troublante : « Qu’attendez-vous des chrétiens qui vivent en Terre Sainte? ». Qu’est-ce que j’attends de ces « pierres vivantes »? Pourquoi est-ce important qu’elles demeurent dans le pays de Jésus au lieu de finalement fuir ce lieu si inhospitalier pour chercher ailleurs un peu de sécurité pour leurs enfants, un peu d’avenir pour leur famille? Mgr Chacour avec son clergé essaie de les convaincre de rester en Terre Sainte. Pourquoi? Et pourquoi est-ce important pour nous?

La réponse, tout comme la situation de ces populations,  est complexe. Leur peuple, et nous tous les humains de la terre, nous avons besoin de leur témoignage évangélique. Dans ce pays tourmenté, déchiré par d’incessants bains de sang mais où tant d’humains aspirent à y vivre leur simple humanité, les chrétiens sont les seuls à pouvoir y témoigner du pardon, de la possibilité d’une effective réconciliation dans une tolérance qui est respect de soi et de l’autre.

Oui, je veux ouvrir mon cœur à leur message si dur à porter puisqu’il déchire leurs chairs et leurs vies, mais si identifié à Jésus. En écoutant ce témoin d’une humanité qui veut vivre et faire vivre dans la réconciliation et dans la paix, j’entends dans mon cœur la parole de Jésus du haut de la Croix : « Père pardonne-leur… ». J’ai aussi vu en lui le Bon Samaritain, cet humain tellement humain qui se penche avec compassion sur tout être humain, avec un souci de réconciliation, d’acceptation mutuelle dans un vrai respect de l’ennemi comme de l’ami.

En somme, ses mots sont si nouveaux pour moi que je ne suis même pas sûr d’avoir été au moins un peu fidèle à son message. J'ai le goût d’aller lire l’un ou l’autre de ses nombreux écrits afin de mieux entendre sa question. Car c’est à mon cœur, personnellement, d’y répondre dans ma vie. Alors, je découvrirai peut-être quoi faire dans mon petit coin de la planète pour aider ces sœurs et frères et participer à bâtir un monde comme Dieu le veut : un monde de frères et de sœurs respectueux de leurs riches diversités dans l’unité de la même famille humaine et tendrement chérie par Dieu.

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau