lundi 27 avril 2020

Moyens nécessaires pour en venir à un bon discernement


Selon le pape François (par 166ss), le discernement spirituel n’exclut pas les apports de la sagesse humaine. Mais il les transcende parce qu’il ne s’agit pas de mettre seulement en jeu « un bien-être temporel ni la satisfaction de faire quelque chose d’utile, ni le désir d’avoir la conscience tranquille. » Il s’agit « d’entrevoir le mystère du projet unique et inimitable que Dieu a pour chacun, et qui se réalise dans des contextes et des limites les plus variés ».
 
Le discernement est une grâce. « Ce qui est en jeu, c’est le sens de ma vie devant le Père qui me connaît et qui m’aime, le vrai sens de mon existence que personne ne connaît mieux que lui. » Mais il nous faut désirer cette grâce, l’attente, l’appeler.
 
Le discernement « ne requiert pas seulement une bonne capacité à raisonner ou le sens commun. C’est aussi un don qu’il faut demander. Si nous le demandons avec confiance au Saint Esprit, et que nous nous efforçons en même temps de le développer par la prière, la réflexion, la lecture et le bon conseil, nous pourrons sûrement grandir dans cette capacité spirituelle. »
 
Le pape insiste sur la prière : « Même si le Seigneur nous parle de manières variées, dans notre travail, à travers les autres et à tout moment, il n’est pas possible de se passer du silence de la prière attentive pour mieux percevoir ce langage, pour interpréter la signification réelle des inspirations que nous croyons recevoir, pour apaiser les angoisses et recomposer l’ensemble de l’existence personnelle à la lumière de Dieu. » 
 
Il faut ajouter : la réflexion, la lecture (lectio divina et autres lectures utiles pour notre croissance), l’examen de conscience, de bons conseils, l’obéissance à l’Évangile et au magistère.
Et il faut nous souvenir que le discernement « est un instrument de lutte pour mieux suivre le Seigneur. » « Si quelqu’un entre dans cette dynamique, alors il ne laisse pas sa conscience s’anesthésier. »
 
Je vous invite à lire et méditer le texte même du pape.
 
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau
(55e texte d’une série sur l’appel à la sainteté)

samedi 18 avril 2020

Renaître malgré les épreuves

« Il nous a fait renaître pour une vivante espérance » 
(Première lettre de saint Pierre apôtre 1, 3-9)
 
Depuis six semaines, notre vie personnelle, familiale, professionnelle et communautaire a été transformée. Si pour certains, ce fut un temps de repos en famille, pour d’autres, spécialement les personnes qui doivent assurer les services essentiels, la crise sanitaire a apporté son lot de fatigue, d’anxiété, de stress et d’inquiétude. À travers ce désert de notre vie collective, y-a-t-il des signes d’espérance? Le slogan « Ça va bien aller » trouve-t-il écho dans notre cœur et dans nos foyers?
Alors que nous venons de célébrer Pâques, seule ou en famille, en communion virtuelle avec la grande famille chrétienne, la première lettre de saint Pierre apôtre nous parle de renaissance, d’une espérance qui fait vivre.
 
« Aussi vous exultez de joie, même s’il faut que vous soyez affligés, pour un peu de temps encore, par toutes sortes d’épreuves… »
 
Au moment de son écriture, cette lettre s’adressait à des communautés chrétiennes dispersées en Asie Mineure et qui se sentaient menacées dans leur existence. Le message se voulait rassurant.  
En ce dimanche de la miséricorde, Dieu nous invite à ne pas limiter notre espérance à notre confinement, mais à voir qu’à travers les signes du printemps s’installe l’espérance du ressuscité.
 
« Dans sa grande miséricorde, il nous a fait renaître pour une vivante espérance grâce à la résurrection de Jésus Christ d’entre les morts. »
 
À nous aussi, il nous dit peut-être aujourd’hui un message rassurant : n’ayez crainte, « ça va bien aller ».
 
René Laprise
Diacre permanent
 
(Ce texte a été publié dans la chronique Échos de la Parole de l'Office de catéchèse du Québec)

mardi 7 avril 2020

Par-delà le mur?

(En ce temps de la crise sanitaire qui touche toute la planète, ici comme ailleurs, où notre humanité est devant la mort de dizaines de milliers de personnes, je reprends un texte publié en 2015.)
 
Nous marchons tous, à petits pas ou à grande vitesse selon chacun, vers un mur inévitable : la mort! Sans doute à cause d’habitudes mentales ou bien par légèreté, nous ne pesons pas la gravité, le sérieux de cet obstacle devant nous. Comment se fait-il qu’on ne se demande pas plus sérieusement : y a-t-il quelque chose ou rien derrière ce mur?
 
Comment savoir? « Est-ce que les morts sont morts? » Ou encore : « Où serais-je quand je ne serai plus? » Je pense aux affirmations de Miguel de Unamuno voulant que je ne puisse être certain ni que mon anéantissement sera définitif et irrévocable, ni que je me prolongerai dans telles ou telles conditions! Dans quelque recoin de notre cœur, il reste toujours « une ombre, une ombre vague, l’ombre d’une ombre d’incertitude ». Il y a une mouche qui bourdonne à l’oreille de notre cœur : « Non, rien! » Puis elle se reprend : « Mais il doit bien y avoir quelque chose! »
 
Vivre toujours, même devenir des dieux : voilà la soif insatiable de notre être! Un homme, fils de Dieu, qui a vécu dans notre chair et notre histoire, nous a parlé de cette soif : Jésus. « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela? » (Évangile de Jean 11, 25-26) Il est passé par la mort affreuse sur la croix, le rejet, le mépris. Mais il a vaincu la mort, est ressuscité et continue à montrer aux yeux de notre cœur ses plaies victorieuses et glorieuses. 
Je ne le sais pas, je crois à la vie éternelle par-delà le mur de la mort. Je crois pour un jour savoir par expérience les nouveautés de cette vie éternelle déjà en germe en moi par le baptême.
 
Joyeuse fête de Pâques!
 
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

samedi 28 mars 2020

Quand le discernement est-il nécessaire?

Est-il toujours nécessaire de discerner ce qui se passe en nous et autour de nous afin de trouver la volonté de Dieu maintenant? Voici ce que le pape François (par. 169-169) enseigne à ce sujet.
 
Le discernement est nécessaire pour les moments extraordinaires, quand il faut résoudre de graves problèmes, quand il faut prendre une décision cruciale. Mais, en fait, nous en avons toujours besoin pour être disposés à reconnaître les temps de Dieu et de sa grâce, pour ne pas gaspiller les inspirations du Seigneur.
 
Toutefois, le discernement « devient particulièrement important quand apparaît une nouveauté dans notre vie et qu’il faudrait alors discerner pour savoir s’il s’agit du vin nouveau de Dieu ou bien d’une nouveauté trompeuse de l’esprit du monde ou de l’esprit du diable. »
 
Mais le discernement s’impose aussi dans la situation inverse : quand « les forces du mal nous induisent à ne pas changer, à laisser les choses comme elles sont, à choisir l’immobilisme et la rigidité. Nous empêchons donc le souffle de l’Esprit d’agir. Nous sommes libres, de la liberté de Jésus-Christ, mais il nous appelle à examiner ce qu’il y a en nous – désirs, angoisses, craintes, aspirations – et ce qui se passe en dehors de nous – “les signes des temps” – pour reconnaître les chemins de la pleine liberté. »
 
Il est essentiel de nous souvenir toujours de cette recommandation de saint Paul aux jeunes chrétiens et chrétiennes de Thessalonique : « N’éteignez pas l’Esprit, ne méprisez pas les prophéties, mais discernez la valeur de toute chose : ce qui est bien, gardez-le; éloignez-vous de toute espèce de mal. Vérifiez tout. Ce qui est bon retenez-le » (1Th 5, 19-22).
 
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau
(54e texte d’une série sur l’appel à la sainteté)

samedi 14 mars 2020

Pourquoi le discernement s’impose à nous aujourd’hui?

Le pape François (par. 167), non seulement affirme que le discernement s’impose impérieusement aujourd’hui, mais donne un exemple qui en montre la nécessité. « Aujourd’hui, l’aptitude au discernement est redevenue particulièrement nécessaire. En effet, la vie actuelle offre d’énormes possibilités d’actions et de distractions et le monde les présente comme si elles étaient toutes valables et bonnes. Tout le monde, mais spécialement les jeunes, est exposé à un zapping constant. Il est possible de naviguer sur deux ou trois écrans simultanément et d’interagir en même temps sur différents lieux virtuels. Sans la sagesse du discernement, nous pouvons devenir facilement des marionnettes à la merci des tendances du moment. »
 
Le pape actuel, formé par les Jésuites, réfère très souvent à ce discernement, qu’il s’agisse de questions de vie personnelle, de pastorale, de vocation. Dans Evangelii Gaudium (par. 51), il écrit: « Il est opportun de clarifier ce qui peut être un fruit du Royaume et aussi ce qui nuit au projet de Dieu. Cela implique non seulement de reconnaître et d’interpréter les motions de l’esprit bon et de l’esprit mauvais, mais – et là se situe la chose décisive – de choisir celles de l’esprit bon et de repousser celles de l’esprit mauvais. » Il faut reconnaître notre réalité, l’interpréter et choisir.
 
Tout le chapitre 8 d’Amoris Laetitia (par 291ss) développe la nécessité d’user de discernement dans les questions matrimoniales. Il s’intitule « Accompagner, discerner et intégrer la fragilité ».
 
Le pape est aussi revenu sur cette nécessité du discernement dans plusieurs de ses discours sur divers sujets de la vie chrétienne. Voilà qui doit nous inviter à prendre au sérieux l’importance du discernement dans notre cheminement chrétien.
 
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau
(53e texte d’une série sur l’appel à la sainteté)

samedi 29 février 2020

Nécessité du discernement

Le pape François est très explicite sur la nécessité du discernement dans la marche des disciples de Jésus sur le chemin de la sanctification. Dans son texte sur la sainteté (par. 166), il écrit : « Comment savoir si une chose vient de l’Esprit Saint ou si elle a son origine dans l’esprit du monde ou dans l’esprit du diable ? Le seul moyen, c’est le discernement. »
 
Mgr Marcello Semeraro a présenté un long commentaire sur cette affirmation du pape. C’est de lui que je m’inspire dans les lignes qui suivent.
 
Tous les commandements de Dieu ont pour but de nous conduire à la sainteté. Mais comment puis-je savoir comment répondre, maintenant et ici, à cette volonté de Dieu? C’est en cela que consiste le discernement.
 
C’est cette connaissance de l’ici et du maintenant qui distingue le discernement du commandement. Le commandement indique la volonté de Dieu pour tous, toujours et partout. Il ne me dit cependant pas comment je peux arriver à cette rencontre avec Dieu dans ma situation actuelle. Le discernement est alors une sorte de « géoradar » qui m’indique où je peux mettre mes pieds, pour marcher concrètement et vraiment vers Dieu.
 
Comme l’enseignaient les Pères du désert, le discernement, c’est cet « œil intérieur » qui, petit à petit, me permet d’observer la réalité et de l’évaluer du point de vue de l’Esprit. Il est le gouvernail de la vie, « comme la mère, la gardienne et la modératrice de toutes les vertus. »
 
Ces quelques remarques peuvent suffire à nous convaincre de la nécessité du discernement dans nos vies chrétiennes. Il faudra dans les prochains textes réfléchir sur les moyens pour mettre en œuvre un tel gouvernail dans le chemin quotidien de la sanctification.
 
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau
(52e texte d’une série sur l’appel à la sainteté)

vendredi 21 février 2020

Ne pas s’endormir sur le chemin de la sainteté


Jésus nous interpelle en Lc 12, 35-37 : « Restez en tenue de service, votre ceinture autour des reins, et vos lampes allumées. Soyez comme des gens qui attendent leur maître à son retour des noces, pour lui ouvrir dès qu’il arrivera et frappera à la porte. Heureux ces serviteurs-là… » Et saint Paul (1Th 5, 5-6) y va de ce rappel : « Vous êtes tous des fils de la lumière, des fils du jour; nous n’appartenons pas à la nuit et aux ténèbres. Alors, ne restons pas endormis comme les autres, mais soyons vigilants et restons sobres. Ne nous endormons pas ».
 
Le pape, dans son texte sur la sainteté (par. 164-165), applique à nos vies ces appels évangéliques et apostoliques. « Ceux qui ont le sentiment qu’ils ne commettent pas de fautes graves contre la Loi de Dieu peuvent tomber dans une sorte d’étourdissement ou de torpeur. Comme ils ne trouvent rien de grave à se reprocher, ils ne perçoivent pas cette tiédeur qui peu à peu s’empare de leur vie spirituelle et ils finissent par se débiliter et se corrompre. »
 
Il définit la corruption spirituelle : « Un aveuglement confortable et autosuffisant où tout finit par sembler licite : la tromperie, la calomnie, l’égoïsme et d’autres formes subtiles d’autoréférentialité. »
 
Jésus (Lc 11,24-26) nous met en garde contre une telle glissade vers la corruption : « Quand l’esprit impur est sorti de l’homme, il parcourt des lieux arides en cherchant où se reposer. Et il ne trouve pas. Alors il se dit : “Je vais retourner dans ma maison, d’où je suis sorti.” En arrivant, il la trouve balayée et bien rangée. Alors il s’en va, et il prend d’autres esprits encore plus mauvais que lui, au nombre de sept; ils entrent et s’y installent. Ainsi, l’état de cet homme-là est pire à la fin qu’au début. »
 
Suis-je sur cette glissade vers l’engourdissement et la corruption spirituelle, suite de mes négligences de toutes sortes?
 
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau
(51e texte d’une série sur l’appel à la sainteté)