dimanche 1 avril 2012

Notre coeur est fait pour la joie

J’ai souvent expérimenté de l’inquiétude et même des moments d’angoisse dans mes pérégrinations pastorales. Je me rappelle ces bancs de brume sur les berges du St-Laurent. Quand j’y pénétrais soudain en auto, je me demandais, en pensant au fleuve tout proche, si je resterais sur le chemin. Et de plus loin encore dans ma mémoire me reviennent ces tempêtes hivernales alors que de forts vents poussaient une dense poudrerie sur le chemin et m’aveuglaient. 

Plus quotidiennement, j’ai connu et connais encore parfois de ces moments de lassitude. Alors jaillissent du fond de mon temps de jeunesse la phrase du poète : « Il pleure dans mon cœur comme il pleut sur la ville; d’où vient cette langueur qui envahit mon cœur? »  Ce mot exprime bien que notre cœur n’est pas fait pour une telle tristesse qui devient lourdeur et même dépression. Notre cœur est fait pour la joie! 

C’est ce qu’a récemment exprimé Benoît XVI dans son message aux jeunes pour le Dimanche des Rameaux 2012 intitulé: « Soyez toujours dans la joie du Seigneur ! ». (2)  «L’aspiration à la joie est imprimée dans le cœur de l’homme. Au-delà des satisfactions immédiates et passagères, notre cœur cherche la joie profonde, parfaite et durable qui puisse donner du "goût" à l’existence ». Et il ajoute que cela est particulièrement vrai pour les jeunes qui vivent « une période de continuelle découverte de la vie, du monde, des autres et de soi-même. C’est un temps d’ouverture vers l’avenir où se manifestent les grands désirs de bonheur, d’amitié, de partage et de vérité et durant lequel on est porté par des idéaux et on conçoit des projets ».

Mais ce besoin de joie vaut à tout âge. Et Dieu a mis sur nos chemins de nombreuses occasions de goûter la joie simple de vivre : face à la beauté de la nature, face au travail bien fait ou au service rendu avec cœur et gratuité.  Pensons encore aux  bons moments de la vie en famille, de l’amitié partagée, de la découverte de potentialités neuves qui s’offrent à nous, des compliments reçus des autres, de la capacité de s’exprimer et de se sentir compris. On pourrait allonger cette liste d’occasions de joies simples mais vitales, comme : l’acquisition de nouvelles connaissances que nous faisons par les études, la découverte de nouvelles dimensions de notre planète et de notre humanité par des voyages et des rencontres, la capacité de faire des projets pour l’avenir, la lecture d’une œuvre littéraire, l’étonnement admiratif devant un chef d’œuvre artistique, l’écoute de la musique ou d'un bon film. Voilà autant de sources potentielles de joies qui apportent paix, élan, énergies dans nos vies en y entretenant la certitude que la vie vaut la peine d’être vécue.

Benoît XVI ajoute toutefois : « Chaque jour, pourtant, nous nous heurtons à tant de difficultés et notre cœur est tellement rempli d’inquiétudes pour l’avenir, qu’il nous arrive de nous demander si la joie pleine et permanente à laquelle nous aspirons n’est pas une illusion et une fuite de la réalité ». Même au cœur de ces questionnements naturels mais qui peuvent toutefois devenir ténèbres en nous, une lumière jaillit, venant de notre foi : Dieu  nous aime avec fidélité, bonté, miséricorde et tendresse. Cette conviction intime et profonde apporte repos et paix.

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau