Aimer, c’est ne pas être rancunier. Ce qui exige un cœur
simple qui refuse l’aigreur et pousse à toujours reprendre des relations
confiantes avec les autres, quoi qu’il arrive. Au contraire, les mauvais sentiments
entretenus finissent par pénétrer les entrailles et gâcher la vie de relations
avec les autres. On prend note du mal qui nous est fait, on le comptabilise, on
le rumine.
« Généralement la tendance, c’est de chercher toujours
plus de fautes, d’imaginer toujours plus de méchanceté, de supposer toutes
sortes de mauvaises intentions, de sorte que la rancœur s’accroît
progressivement et s’enracine. De cette manière, toute erreur ou chute du
conjoint peut porter atteinte au lien amoureux et à la stabilité de la famille.
Le problème est que parfois on donne la même gravité à tout, avec le risque de
devenir impitoyable devant toute erreur de l’autre. La juste revendication de
ses propres droits devient une soif de vengeance persistante et constante plus
qu’une saine défense de la dignité personnelle. » (Pape François, La joie de l’amour, par. 105)
Le contraire de la rancune, c’est le pardon, qui conduit à
ne pas enregistrer le mal qu’on nous fait. L’amour oublie au fur et à mesure ce
qui blesse. Le cœur est alors libéré des tentations de concevoir toutes sortes
de machinations, de complot pour se venger. Voilà le cœur libre pour aimer vraiment!
Pardonner, c’est essayer de comprendre la faiblesse d’autrui et chercher à
trouver des excuses à l’autre personne. Le modèle est Jésus en croix : « Père,
pardonne-leur : ils ne savent ce qu'ils font. » (Luc 23, 34)
Pour y suivre Jésus sont exigées une ouverture du cœur, de
la tolérance, une recherche incessante de réconciliation. « Aucune famille
n'ignore combien l'égoïsme, les dissensions, les tensions, les conflits font
violence à la communion familiale et peuvent même parfois l'anéantir :
c'est là que trouvent leur origine les multiples et diverses formes de division
dans la vie familiale. » (Pape François)
Pour parvenir à pardonner dans le couple ou la famille, il
faut d’abord en venir à nous pardonner nous-mêmes. « Il faut prier avec sa
propre histoire, s’accepter soi-même, savoir cohabiter avec ses propres
limites, y compris se pardonner, pour pouvoir avoir cette même attitude envers
les autres. »
Cela suppose aussi l’expérience d’être pardonné par Dieu, qui
donne toujours une nouvelle chance, promeut et stimule. « Si nous
acceptons que l’amour de Dieu est inconditionnel, que la tendresse du Père
n’est ni à acheter ni à payer, alors nous pourrons aimer par-dessus tout,
pardonner aux autres, même quand ils ont été injustes contre nous. Autrement,
notre vie en famille cessera d’être un lieu de compréhension, d’accompagnement
et de stimulation; et elle sera un espace de tension
permanente et de châtiment mutuel. »
Évêque émérite de Gatineau
(18e texte d’une série sur La joie de l’amour)