Ces
jours-ci, j’ai vu des tulipes toutes épanouies. L’air s’imprègne de multiples
parfums et les parterres de bigarrées beautés. Le ciel est strié par les
outardes, les canards et tant d’autres oiseaux qui travaillent en chantant à faire
leurs nids et ainsi bâtissent l’avenir. Les glaces sont parties. La nature se
pare de beautés et de multiples splendeurs. Une vitalité émouvante éclate sous
nos yeux et sur nos chemins.
Le grand
mystique et poète Jean de la Croix a perçu dans ces splendeurs des traces du
passage rapide de Dieu. Et il décrit avec un art émouvant ce qu’il en perçoit.
« C’est
en répandant mille grâces qu’il est passé à la hâte par ces bocages. En les
regardant et de sa figure seule Il les a laissés revêtus de beauté. Les
créatures sont comme un vestige du passage de Dieu où l’on entrevoit sa
grandeur, sa puissance, sa sagesse et autres vertus divines. Il est passé à la
hâte, car les créatures sont les œuvres inférieures de Dieu; il les a créées
comme en passant : car les grandes œuvres de sa main, celles où il se
montre davantage et où il a apporté plus d’attention, sont l’Incarnation du
Verbe et les mystères de la foi chrétienne; si on les compare, toutes les
autres œuvres ont été créées comme en passant et en hâte ».
Dans ce magnifique
poème, le grand mystique se tourne vers des créatures pour « s'acheminer
par là à la connaissance de son Ami qui est leur créateur". Car, comme le dit saint Paul, "ce que Dieu a
d'invisible se laisse connaitre à travers ses œuvres ».
Ce qui
touche son âme, c'est que cet univers si riche et si divers sorte tout droit de
Dieu. Jean de la Croix est très sensible à ce rapport immédiat entre Dieu et sa
création qu'il exprime souvent avec la métaphore de la source : Je sais
bien la source qui jaillit et fuit bien que de nuit. Je sais qu'il n'est nulle
chose si belle et que cieux et terre s'abreuvent d'elle bien que de nuit.
C'est d'une
multitude de belles créatures que Dieu a rempli le monde. Mais on peut dire
qu'elles sont les moindres de ses œuvres si l'on se tourne vers le sommet de sa
création : l'homme en qui son Fils s'est incarné. Oui, comme s’exclame un
chant à la gloire du créateur: « Que tes œuvres sont belles, que tes
œuvres sont grandes… »
† Roger
Ébacher
Évêque
émérite de Gatineau