Le pape
François s’est vite fait connaître comme une personne engagée envers les
personnes pauvres, rejetées, marginalisées, exploitées, et cela au nom de
sa foi. Dans son texte-programme intitulé La joie de l’Évangile, il explique très longuement cette priorité dans sa
vie et dans celle de l’Église (par. 176-258).
Il pose dès
le début de ces réflexions le phare qui éclaire son chemin : « Le kérygme possède
un contenu inévitablement social : au cœur même de l’Évangile, il y a la
vie communautaire et l’engagement avec les autres. Le contenu de la première
annonce a une répercussion morale immédiate dont le centre est la
charité. »
Confesser un Père qui aime infiniment chaque être humain implique de
découvrir la dignité infinie de cet être. Confesser que Jésus a donné son sang
pour nous nous empêche de maintenir le moindre doute sur l’amour sans limites
qui ennoblit tout être humain. Confesser que l’Esprit Saint agit en tous
implique de reconnaître qu’il cherche à pénétrer dans chaque situation humaine
et dans tous les liens sociaux afin de dénouer les nœuds même les plus
complexes et les plus inextricables.
« À partir du cœur de l’Évangile, nous reconnaissons la connexion
intime entre évangélisation et promotion humaine, qui doit nécessairement
s’exprimer et se développer dans toute l’action évangélisatrice. L’acceptation
de la première annonce, qui invite à se laisser aimer de Dieu et à l’aimer avec
l’amour que lui-même nous communique, provoque dans la vie de la personne et
dans ses actions une réaction première et fondamentale : désirer, chercher
et avoir à cœur le bien des autres. »
Ce lien indissoluble entre l’accueil de l’Évangile et un amour fraternel
effectif, spécialement pour les pauvres, est fréquemment exprimé dans
l’Écriture. Ce que disent ces textes c’est la priorité absolue de
« la sortie de soi vers le frère. » Ce service de la charité est
« une dimension constitutive de la mission de l’Église et il constitue une
expression de son essence-même». Il s’agit de la charité effective pour le
prochain, la compassion qui comprend, assiste et promeut.
«Personne ne peut exiger de nous que nous reléguions la
religion dans la secrète intimité des personnes, sans aucune influence sur la
vie sociale et nationale, sans se préoccuper de la santé des institutions de la
société civile, sans s’exprimer sur les événements qui intéressent les citoyens.
Qui oserait enfermer dans un temple et faire taire le message de saint François
d’Assise et de la bienheureuse Teresa de Calcutta? » Une foi authentique implique toujours un
profond désir de changer le monde, de transmettre des valeurs, de laisser quelque
chose de meilleur après notre passage sur la terre, qui « est notre maison
commune et nous sommes tous frères. » L’Église ne peut ni ne doit rester à
l’écart dans la lutte pour la justice, l’ordre social et le bien commun.
Ai-je déjà réfléchi à ce lien essentiel entre l’Évangile
et l’engagement social? Est-ce que vis
de tels engagements au nom de ma foi?
(36e texte d’une série sur la joie)
† Roger ÉbacherÉvêque émérite de Gatineau