dimanche 7 août 2016

À quoi s’occupe un évêque à la retraite?

C’est une question que plusieurs personnes m’ont posée depuis quatre ans. Je ne peux oser une réponse qu’en partant de mon cas personnel!
 
J’ai vite pris une distance de tous ces dossiers qui inondaient mon bureau régulièrement! Je me suis donné plus de temps pour dormir, pour prier, pour savourer des livres que je désirais parcourir depuis longtemps.
 
J’ai eu le goût de répondre positivement aux nombreuses demandes de divers groupes pour l’animation spirituelle de leurs temps de retraite. Ces heures passées à relire et présenter l’Évangile de saint Jean furent un grand enrichissement pour moi. Il en a aussi résulté la publication d’un livre intitulé : Devenir enfant de Dieu. La croissance spirituelle dans l’Évangile de Jean, Médiaspaul 2015.
 
Mon successeur, Mgr Paul-André Durocher, me demande parfois de célébrer le sacrement de la confirmation. Cela me plaît. J’aime rencontrer ces jeunes adultes qui se sont préparés à vivre ce moment important de leur vie humaine et chrétienne. J’aime aussi parfois participer à des fêtes paroissiales où se célèbrent divers anniversaires.
 
Je garde le souci de rappeler la nécessité évangélique de l’engagement social au nom de notre foi. Je soutiens divers organismes pour les sans-abris, les itinérants, les pauvres en manque de logement. J’ai souvent des textes sur ces sujets dans mon blogue. J’écris régulièrement des billets pour le Prions en Église dominical sur la question de l’enseignement social de l’Église.
 
Je célèbre chaque jour la messe dans la résidence où je vis. Et je reçois presque chaque semaine des demandes pour aller en paroisse célébrer la messe du dimanche, célébrer des funérailles ou vivre d’autres activités spirituelles et pastorales. C’est intéressant de retrouver ainsi beaucoup de personnes que j’ai bien connues, dans les divers coins de l’Outaouais.
 
En somme, je ne m’ennuie pas à la retraite!
 
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

mardi 2 août 2016

Le laïc engagé dans le monde


Dans une récente lettre, le pape cherche à nous ouvrir les yeux et le cœur sur le rôle irremplaçable des laïcs engagés au nom de leur foi dans notre monde si complexe, mais aussi si riche de possibilités.
 
Il dénonce d’abord une grave erreur de perspective : « Bien souvent, nous sommes tombés dans la tentation de penser que le laïc engagé est celui qui travaille dans les œuvres de l’Église et/ou dans les affaires de la paroisse ou du diocèse. » Cette erreur conduit à « peu réfléchir sur la façon d’accompagner un baptisé dans sa vie publique et quotidienne; sur la façon dont, dans son activité quotidienne, avec les responsabilités qui lui incombent, il s’engage en tant que chrétien dans la vie publique. »
 
La conséquence d’une telle attitude mentale et pratique a de sérieuses conséquences. Le pape relève que, sans nous en rendre compte, « nous avons généré une élite laïque en croyant que ne sont laïcs engagés que ceux qui travaillent dans les affaires “des prêtres”, et nous avons oublié, en le négligeant, le croyant qui bien souvent brûle son espérance dans la lutte quotidienne pour vivre sa foi. »
 
Et le pape fait appel à une urgente conversion dans nos façons de faire Église. Il est essentiel de « reconnaître que le laïc, par sa réalité, par son identité, parce qu’il est immergé dans le cœur de la vie sociale, publique et politique, parce qu’il appartient à des formes culturelles qui se génèrent constamment, a besoin de nouvelles formes d’organisation et de célébration de la foi. Les rythmes actuels sont si différents (je ne dis pas meilleurs ou pires) de ceux que l’on vivait il y a trente ans! Cela demande d’imaginer des espaces de prière et de communion avec des caractéristiques innovantes, plus attirantes et significatives pour les populations urbaines » (Evangelii gaudium, n. 73).
 
François dénonce l’illogisme qui consiste à penser que les responsables des communautés doivent avoir le monopole des solutions pour les défis multiples que la vie contemporaine nous présente. « Au contraire, nous devons être du côté de notre peuple, en l’accompagnant dans ses recherches et en stimulant cette imagination capable de répondre à la problématique actuelle. Et ce, en discernant avec notre peuple et jamais pour notre peuple ou sans notre peuple. » Il s’agit de « stimuler, en encourageant les gens à vivre leur foi là où ils sont et avec qui ils se trouvent. »
 
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

samedi 30 juillet 2016

Les laïcs engagés dans la vie publique

Dans une lettre que je considère comme très importante, le pape François pose la question suivante : « Que signifie le fait que les laïcs travaillent dans la vie publique? » C’est une question portée par les pasteurs du peuple de Dieu. Le pape élabore les éléments d’une réponse qui ouvrent des voies à la réflexion et à la révision dans nos engagements.

« De nos jours, beaucoup de nos villes sont devenues de vrais lieux de survie. Des lieux où la culture du rebut semble s’être installée, laissant peu de place à l’espérance. Nous y trouvons nos frères, immergés dans ces luttes, avec leurs familles, qui essayent non seulement de survivre, mais qui, entre contradictions et injustices, cherchent le Seigneur et désirent lui rendre témoignage. »

Le pape pose la question : Que signifie pour nous pasteurs le fait que les laïcs travaillent dans la vie publique? « Cela signifie chercher le moyen de pouvoir encourager, accompagner et stimuler toutes les tentatives et les efforts qui sont déjà faits aujourd’hui pour maintenir vivantes l’espérance et la foi dans un monde plein de contradictions, spécialement pour les plus pauvres, spécialement avec les plus pauvres. Cela signifie, en tant que pasteurs, nous engager au milieu de notre peuple et, avec notre peuple, soutenir la foi et son espérance. En ouvrant les portes, en travaillant avec lui, en rêvant avec lui, en réfléchissant et surtout en priant avec lui. »

Exprimant un regard de foi contemplative, le pape ajoute qu’il faut découvrir « ce Dieu qui habite dans ses maisons, dans ses rues, sur ses places... Il vit parmi les citadins qui promeuvent la solidarité, la fraternité, le désir du bien, de vérité, de justice. Cette présence ne doit pas être fabriquée, mais découverte, dévoilée. Dieu ne se cache pas à ceux qui le cherchent d’un cœur sincère. »

Et le pape affirme hautement : « Ce n’est jamais au pasteur de dire au laïc ce qu’il doit faire ou dire, il le sait bien mieux que nous. Ce n’est pas au pasteur de devoir établir ce que les fidèles doivent dire dans les différents milieux. En tant que pasteurs, unis à notre peuple, il est bon de nous demander comment nous encourageons et promouvons la charité et la fraternité, le désir du bien, de la vérité et de la justice. Comment nous faisons en sorte que la corruption ne se niche pas dans nos cœurs. » Le pasteur n’a pas à parler à la place des laïcs, mais à les soutenir, les nourrir de l’Évangile et dans la prière.

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

vendredi 22 juillet 2016

Le cléricalisme

Le pape a récemment dénoncé le cléricalisme en Église. C’est un thème qui revient souvent dans son enseignement depuis les débuts de son pontificat.

Par exemple, il a invité les évêques italiens à laisser toute leur place aux « laïcs disposés à assumer les responsabilités qui leur incombent ». Lorsqu’ils ont « une formation chrétienne authentique », ces laïcs ont besoin non d’un « Monseigneur-pilote », mais « de l’évêque-pasteur ! » Cette double image provoque l’imagination et la réflexion!

Marquant le 50e anniversaire des constitutions sur l’Église et sur l’Église dans le monde de ce temps, ainsi que du décret conciliaire sur l’apostolat des laïcs, le pape a souligné que « ces documents fondamentaux du Concile situent les laïcs dans une vision d’ensemble du peuple de Dieu, auquel ils appartiennent autant que les religieux, et au sein duquel ils participent, à leur manière, à la fonction sacerdotale, prophétique et royale du Christ lui-même ».

Les laïcs ne sont donc pas « des membres de second ordre au service de la hiérarchie » de l’Église, ni de « simples exécuteurs d’ordres venus d’en haut », a martelé François. Au contraire, « en vertu de leur baptême et de leur présence “dans le monde”, ils sont appelés à animer de l’esprit de l’Évangile tout type d’environnement, chaque activité et chaque relation humaine. »

Il affirme que le cléricalisme est le fruit d’une façon erronée de vivre l’ecclésiologie proposée par Vatican II. Il l’identifie même de « l’une des déformations les plus grandes que l’Amérique latine doit affronter. » Voilà une parole qui doit nous inciter à vérifier où nous en sommes en Église ici. N’oublions pas le tort immense causé par le cléricalisme à notre Église dans le passé!

Le pape ajoute : « Cette attitude annule non seulement la personnalité des chrétiens, mais tend également à diminuer et à sous-évaluer la grâce baptismale que l’Esprit Saint a placée dans le cœur de notre peuple. Le cléricalisme […] limite les différentes initiatives et efforts et, si j’ose dire, les audaces nécessaires pour pouvoir apporter la Bonne Nouvelle de l’Évangile dans tous les domaines de l’activité sociale et surtout politique. Le cléricalisme, loin de donner une impulsion aux différentes contributions et propositions, éteint peu à peu le feu prophétique dont l’Église tout entière est appelée à rendre témoignage dans le cœur de ses peuples. Le cléricalisme oublie que la visibilité et la sacramentalité de l’Église appartiennent à tout le peuple de Dieu (cf.  Lumen Gentium, nn. 9-14), et pas seulement à quelques élus et personnes éclairées. »

C’est un appel urgent à un examen de conscience ecclésial et au besoin à une conversion.
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

samedi 16 juillet 2016

Pasteur et brebis

Le pape nous a récemment invités à réfléchir aux relations entre les autorités ecclésiales et l’ensemble du peuple de Dieu. Il se sert de l’image des relations entre parents et enfants dans une famille.

« Évoquer le saint peuple fidèle de Dieu revient à évoquer l’horizon vers lequel nous sommes invités à regarder et à partir duquel réfléchir. C’est le saint peuple de Dieu que, en tant que pasteurs, nous sommes appelés à regarder, protéger, accompagner, soutenir et servir. Un père ne se conçoit pas lui-même sans ses enfants. Il peut être un excellent travailleur, professionnel, mari, ami, mais ce qui fait de lui le père a un visage : ce sont ses enfants. Il en est de même pour nous, nous sommes pasteurs. Un pasteur ne se conçoit pas sans un troupeau, qu’il est appelé à servir [Marc10, 32-45]. Le pasteur est pasteur d’un peuple, et c’est de l’intérieur que l’on sert le peuple. Bien souvent, l’on avance en ouvrant la route, d’autres fois, l’on revient sur nos pas afin que personne ne demeure en arrière, et souvent l’on se trouve au milieu pour bien sentir le pouls des gens. »

« Regarder le saint peuple fidèle de Dieu et sentir que nous en faisons partie intégrante nous positionne dans la vie, » ajoute le pape. Cela nous aide à ne pas sombrer dans des réflexions qui peuvent, en soi, être très bonnes, mais qui finissent par n’être que des spéculations qui tuent l’action. Regarder continuellement le peuple de Dieu nous sauve des slogans qui sont de jolies phrases, mais qui ne parviennent pas à soutenir la vie de nos communautés. Le pape fait appel avec humour à son expérience : « Je me rappelle par exemple de la phrase célèbre : “c’est l’heure des laïcs”, mais il semble que l’horloge se soit arrêtée. »

Paroles très pertinentes face à la continuelle tentation de ne pas passer des paroles aux actes!
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

vendredi 8 juillet 2016

Pas de miséricorde sans les œuvres

Récemment, le pape François affirmait qu’il ne pouvait pas y avoir de miséricorde sans les œuvres, c’est-à-dire sans un geste concret, sans un réel engagement à venir en aide à son prochain. La question qu’il nous adresse est la suivante : est-ce que nous sommes capables de passer de la parole aux actes. Dans un langage très imagé, est-ce que les bottines suivent les « babines »? 
 
L’Évangile de Luc, reconnu pour être l’Évangile de la miséricorde nous parle au chapitre 10 de la Mission des soixante-douze. Les versets de l’Évangile de ce dimanche (Luc 10, 25-37) traitent du grand commandement et de la parabole du bon Samaritain. Le grand commandement, c’est d’aimer ton prochain comme toi-même et le prochain n’est pas uniquement ton entourage, ta famille, tes amis, tes voisins ou encore tes collègues de travail. Dans l’Évangile, c’est un inconnu. Ceux qui connaissent la loi évitent de s’arrêter et passent à côté de l’inconnu dans le besoin. La loi les invite à aimer leur prochain, mais ils ne posent aucun geste pour le démontrer. Pas de miséricorde sans les œuvres.
 
La Mission des croyantes et croyantes passe par les œuvres de miséricorde. Les œuvres sont nombreuses et abondantes pour ceux et celles qui acceptent de se laisser déranger pour accueillir son prochain. Accueillir, c’est accepter d’aller aux périphéries, traverser la route, suivre l’exemple du bon Samaritain. Accueillir, c’est accepter de dépasser l’esprit de la loi et être une Église comme un hôpital de campagne disait le pape François. Accueillir, c’est communiquer l’amour inconditionnel de Dieu par nos gestes et paroles.
 
En cette année de la miséricorde, nous sommes invités à devenir de bons samaritains, à donner au suivant, à se faire proche de celui ou celle que mon regard a dans un premier temps repoussé, à savoir reconnaître en mon prochain le visage du Christ. Lorsque Jésus est interrogé par le docteur de la loi, il lui répond : « Tu as répondu correctement. Fais ainsi et tu vivras. » La miséricorde fait vivre. Aimer son prochain comme soi-même donne la vie.
 
René Laprise, diacre permanent
Gatineau

dimanche 3 juillet 2016

Le saint peuple de Dieu

Le pape François a écrit en mars une lettre au Cardinal Ouellet qui est très inspirante, qui est aussi capable de nous juger et de nous conduire à la conversion. Il y traite de l’Église comme peuple de Dieu, image biblique reprise par Vatican II. Le pape développe en particulier la liberté et la responsabilité des laïcs face au monde dans ses diverses composantes. Il insiste aussi pour que les prêtres, les évêques, les agents de pastorale respectent et promeuvent cette place des laïcs ainsi que leur responsabilité missionnaire. Je vais présenter cette lettre par petites tranches. Aujourd’hui, je cite le paragraphe qui nous demande de méditer sur le baptême, sa place première et irremplaçable dans la communauté chrétienne, sur ses effets.
 
« Regarder le peuple de Dieu signifie rappeler que nous faisons tous notre entrée dans l’Église en tant que laïcs. Le premier sacrement, celui qui scelle pour toujours notre identité et dont nous devrions toujours être fiers, est le baptême. À travers lui et avec l’onction de l’Esprit Saint (les fidèles) “sont consacrés pour être une demeure spirituelle et un sacerdoce saint” (Lumen Gentium, n. 10). Notre consécration première et fondamentale est le fruit spirituel et pastoral de notre baptême. »
 
S’adressant particulièrement aux personnes ordonnées, le pape ajoute avec fermeté et peut-être un peu d’humour : « Personne n’a été baptisé prêtre ni évêque. Ils nous ont baptisés laïcs et c’est le signe indélébile que personne ne pourra jamais effacer. Cela nous fait du bien de nous rappeler que l’Église n’est pas une élite de prêtres, de personnes consacrées, d’évêques, mais que nous formons tous le saint peuple fidèle de Dieu. Oublier cela comporte plusieurs risques et déformations dans notre expérience, à la fois personnelle et communautaire, du ministère que l’Église nous a confié. »
 
Il faut parler du peuple de Dieu en « nous » et non pas en « eux » ou « ils ». « Nous sommes, comme le souligne bien le Concile Vatican II, le peuple de Dieu, dont l’identité est “la dignité et la liberté des fils de Dieu, dans le cœur desquels demeure l’Esprit Saint, comme dans un temple” (Lumen Gentium, n. 9). Le saint peuple fidèle de Dieu est oint par la grâce de l’Esprit Saint, et c’est pour cela qu’au moment de réfléchir, de penser, d’évaluer, de discerner, nous devons être très attentifs à cette onction. »
 
Quel rappel salutaire que cet enseignement sur la valeur fondatrice du baptême pour toute la communauté, insérant chaque nouveau baptisé dans cette famille des enfants de Dieu! Cette appartenance est notre dignité foncière, essentielle. Il faut nous le rappeler, car nous sommes toujours tentés, que nous soyons évêques, prêtres ou laïcs agents de pastorale, de porter un regard clérical sur nos communautés. Une telle approche cléricale risque de stériliser les dynamismes semés par l’Esprit dans chaque baptisé en vue de la mission de miséricorde et de vie dans le monde.
 
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau