mercredi 22 août 2012

Une opinion publique dans l’Église (1er texte)

Dans ces réflexions sur les effets des médias sociaux dans la vie de l’Église, je m’inspire d’une conférence de M. Nicolas Senèze. Un relevé des réactions médiatiques provoquées par diverses interventions récentes du Pape et d’évêques démontre selon ce journaliste « l’existence d’une opinion publique catholique qui a fait d’Internet un lieu privilégié de son expression ». Et c’est là un phénomène nouveau. «En effet, Internet était plutôt le lieu d’expression privilégié des cathos traditionalistes (ce qui est finalement peu étonnant de la part de post-modernes, plus à l’aise dans une culture du réseau). Or, aujourd’hui, on assiste à une prise de parole à plusieurs niveaux : Celle des catholiques non-pratiquants mais qui, à cette occasion, se sont sentis concernés par ce qui se passait dans “leur” Église […] Une prise de parole de catholiques engagés, ayant bénéficié du solide effort de formation théologique que l’Église a entamé voilà déjà plusieurs années, et qui se sentent en droit de prendre la parole ».

Ça fait pourtant longtemps que l’Église a reconnu l’importance, voire la nécessité, d’une opinion publique dans son sein comme dans toute société civile vécue sainement. Pie XII l’avait déjà clairement affirmé à des journalistes en 1950. Il leur a même assuré que l’absence d’une telle opinion publique est « un vice, une infirmité, une maladie de la vie sociale. » Ce sont là des paroles fortes.

Une telle affirmation fut reprise dans différents contextes par le concile Vatican II. Ainsi, nous lisons dans le décret sur les moyens de communication sociale qu’il est nécessaire de soutenir une « presse honnête », c’est-à-dire « qui soit manifestement publiée dans l’intention de former, d’affermir et de promouvoir des opinions publiques conformes au droit naturel ainsi qu’à la doctrine et à la discipline catholiques, de diffuser et d’expliquer loyalement les nouvelles sur la vie de l’Église. Les fidèles doivent être avertis de la nécessité de lire et de diffuser la presse catholique pour se former un jugement chrétien sur tous les événements ».

Le principe même de la nécessité d’une telle opinion y est aussi nettement formulée : « Les opinions publiques exercent de nos jours une énorme influence sur la vie privée et publique des citoyens, à quelque milieu qu’ils appartiennent. Il est donc nécessaire que tous les membres de la société remplissent dans ce domaine aussi leurs devoirs de justice et de vérité. Ils emploieront les moyens de communication sociale pour concourir à la formation et à la diffusion de saines opinions publiques. »

On a donc reconnu l’existence de telles opinions publiques et leur nécessité aussi dans l’Église. Pourtant les auteurs de cet écrit n’ont pas pu percevoir en 1965 comment cette question est cruciale. Les médias de communication étaient alors fort peu nombreux à comparer avec ce que nous vivons aujourd’hui. Aussi ni le Vatican ni les évêques de retour dans leurs diocèses n’ont pu développer cette opinion publique ecclésiale forte et dynamique.

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau
(1er texte d'une série de 4)