J’ai reçu l’ordination presbytérale le
27 mai 1961 pour œuvrer dans le diocèse d’Amos. J’y ai rempli diverses charges
ecclésiales avec l’élan de ma jeunesse, le goût de me donner, et toutes mes
illusions…
Puis ce fut l’appel à l’épiscopat. J’ai
quitté l’Abitibi avec, dans la mémoire et dans le cœur, diverses expériences
comme professeur, curé, directeur de la pastorale diocésaine, etc. J’ai gardé
de cette époque un fort souci pour la formation humaine et chrétienne des
laïcs.
Je quittais pour la Côte-Nord. J’y fus ordonné
évêque à Hauterive il y a 42 ans, le 31 juillet 1979.
Date inoubliable pour moi! Mes parents,
mes frères et sœurs ainsi que leurs conjointes ou conjoints et familles, et beaucoup
de personnes amies ont fait un long voyage pour être avec moi en ce moment unique
dans ma vie. Ce soir-là, le ciel était magnifique. Nous avions soupé ensemble,
plusieurs évêques venus se joindre à la communauté de ce diocèse pour la
célébration. Puis ce fut en soirée, l’ordination elle-même.
Je ne peux pas oublier un geste posé au
moment de la salutation par des personnes représentant diverses catégories de toute
la communauté diocésaine. Une religieuse innue est venue me murmurer à
l’oreille : « Je vais avoir soin de toi ». Elle parlait au nom
des siens. Et c’est vrai que j’y ai reçu un si bel accueil de toutes les
communautés, aussi bien autochtones qu’autres de la Côte-Nord!
Cette soirée fut un temps fort spirituel
et humain pour moi. Elle a implanté dans mon cœur de grandes promesses qui ont
entretenu mon zèle apostolique et mon courage. Ces promesses ont résonné en moi
comme ceci : « Tu te fatigueras, mais tu ne succomberas pas ». Et
encore : « Tu vas faire des faux pas et trébucher, mais sans
tomber ». J’ai pressenti là les soutiens indéfectibles de Jésus dans mon ministère
épiscopal. Et Jésus y fut fidèle, de mille façons si souvent imprévisibles!
Baie-Comeau : ce vaste territoire à
la fois forestier, rural et urbain. Et aux populations variées, gens de vieille
souche, immigrants récents, autochtones. Je m’y suis senti très à l'aise. J’ai
cherché à y vivre ma devise épiscopale, à la teneur si fermement ecclésiale et missionnaire :
« Par Lui, en Église, pour le monde ». Cette orientation de vie s’est
concrétisée par diverses présences aux
communautés paroissiales ou autres, l’accueil de bien des personnes aux
portes des églises, et une grande quantité de visites dans des écoles, lieux de
travail et autres lieux possibles de rencontrer des personnes de tous âges et
de toutes catégories : des enfants et des jeunes aux personnes âgées et malades.
Dès le lendemain de l’annonce de ma nomination
au diocèse de Gatineau-Hull, soit le 7 avril 1988, j’y ai fait une visite d’une
journée. Tout au long de ces heures très émotives, j’ai porté dans mon cœur une
parole tirée de la messe de ce jour-là. Pierre disait à l’infirme qui lui
demandait de l'aumône : « De l'or ou de l'argent, je n'en ai pas;
mais ce que j'ai, je te le donne : au nom de Jésus Christ, le Nazaréen,
marche! » (Actes des Apôtres 3, 1-6) J’ai senti que cette parole
devenait la lampe sur mes pas pour les années à venir…
Le 25 avril 1988, j’ai présidé une messe
d’adieu à Baie-Comeau, puis le 26 au
matin, le cœur serré, j’ai mis tout mon bagage dans mon auto et j'ai quitté la
Côte-Nord pour l’Outaouais. J’allais vers une ville en plein développement,
avec des régions rurales tout autour. J’y ai été responsable comme évêque de
1988 à 2011, soit 23 ans.
Gatineau est un diocèse très urbanisé,
et séparé de la capitale nationale par une rivière, mais relié par plusieurs
ponts. J’y ai trouvé un grand défi : celui de la communication. Les journalistes
y étaient plus aguerris que ceux de la Côte-Nord. La proximité du gouvernement
fédéral oblige! Ce fut là un défi que j’ai réussi à relever, je crois, avec de solides
aides.
J’y suis surtout arrivé avec une vive
conscience de la tradition implantée par l’évêque fondateur, Mgr Paul-Émile
Charbonneau, développée par son successeur, Mgr Adolphe Proulx :
l’attention privilégiée pour les petits et les pauvres, et un engagement
social, même politique en ce sens. J’ai cherché à enrichir ce précieux héritage
et à l’élargir selon mes charismes et mes capacités.
Depuis le 30 novembre 2011, j’y vis ma
retraite. Gatineau est devenu ma communauté, « chez-moi », le lieu de
ma demeure, de mon vieillissement. Tant que j’en fus capable, mon successeur,
Mgr Durocher, m’a invité; à célébrer des confirmations, à participer à des fêtes
paroissiales, etc. Je lui en suis très reconnaissant.
Je vis depuis septembre 1988 dans ce qui
était alors la maison provinciale des Sœurs de la Charité au Québec, et qui est
devenu une grande résidence pour personnes âgées. Je suis heureux de pouvoir y
célébrer la messe tous les jours, de répondre à divers appels d’aide aux plans
spirituel ou pastoral. Et j’espère bien continuer tant que ma santé me le
permettra…
Par ailleurs, ma santé ne me permet plus
de vivre un ministère que j’ai beaucoup aimé : celui de l’écriture. Il me
faut peu à peu consentir à tourner des pages de ma vie, et entrer dans un
nouveau chapitre…
Je me confie à vos prières.
† Roger Ébacher
Archevêque émérite de Gatineau