Le pape François, dans La joie de l’Évangile, développe une longue exhortation pour les « agents pastoraux », c’est-à-dire les évêques jusqu’aux plus humbles et cachés agents ecclésiaux. « Comme enfants de cette époque, nous sommes tous de quelque façon sous l’influence de la culture actuelle mondialisée qui, même en nous présentant des valeurs et de nouvelles possibilités, peut aussi nous limiter, nous conditionner et jusqu’à nous rendre malades. » (par. 77) Le premier défi qu’il relève c’est d’entretenir en nous une spiritualité missionnaire.
Qu’est-ce qui menace une telle identité en nous? Le pape note qu’aujourd’hui
beaucoup d’agents pastoraux risquent de développer une préoccupation exagérée
pour les espaces personnels d’autonomie et de détente, qui les conduit à vivre
leurs tâches comme un simple appendice de la vie. « Ainsi, on peut trouver
chez beaucoup d’agents de l’évangélisation, bien qu’ils prient, une
accentuation de l’individualisme, une crise d’identité et une
baisse de ferveur. Ce sont trois maux qui se nourrissent l’un
l’autre. »
Les agents
de la mission peuvent être contaminés par un certain désenchantement. D’où
« une sorte de complexe d’infériorité, qui les conduit à relativiser ou à
occulter leur identité chrétienne et leurs convictions. Un cercle vicieux se
forme alors, puisqu’ainsi ils ne sont pas heureux de ce qu’ils sont et de ce
qu’ils font, ils ne se sentent pas identifiés à la mission évangélisatrice, et
cela affaiblit l’engagement. Ils finissent par étouffer la joie de la mission
par une espèce d’obsession pour être comme tous les autres et pour avoir ce que
les autres possèdent. De cette façon, la tâche de l’évangélisation devient
forcée et ils lui consacrent peu d’efforts et un temps très limité. »
Et nous guette
ce relativisme pratique qui consiste « à agir comme si Dieu n’existait
pas, à décider comme si les pauvres n’existaient pas, à rêver comme si les
autres n’existaient pas, à travailler comme si tous ceux qui n’avaient pas reçu
l’annonce n’existaient pas. » Alors viennent les tentations pour « un
style de vie qui porte à s’attacher à des sécurités économiques, ou à des
espaces de pouvoir et de gloire humaine. »
D’où le cri
du pape : « Ne nous laissons pas voler l’enthousiasme missionnaire! »
Où en
suis-je face à ces tentations portées jusque dans mon cœur par la culture
contemporaine?
Me suis-je laissé
voler l’enthousiasme missionnaire?
(24e
texte d’une série sur la joie)
† Roger ÉbacherÉvêque émérite de Gatineau