C’est ainsi que le pape décrit, dans La joie de l’Évangile (par. 96), les personnes qui prétendent
œuvrer pour l’Évangile et Jésus-Christ, mais qui ne pensent qu’à leurs propres
intérêts. « La mondanité spirituelle, qui se cache derrière des apparences
de religiosité et même d’amour de l’Église, consiste à rechercher, au lieu de
la gloire du Seigneur, la gloire humaine et le bien-être personnel.»
Et François illustre les multiples formes de cette mondanité spirituelle. « Dans certaines d’entre elles, on note un soin
ostentatoire de la liturgie, de la doctrine ou du prestige de l’Église, mais
sans que la réelle insertion de l’Évangile dans le Peuple de Dieu et dans les
besoins concrets de l’histoire ne les préoccupe. » L’Église se transforme alors
en une pièce de musée.
Dans d’autres formes, la même mondanité spirituelle se cache derrière
la fascination de pouvoir montrer des conquêtes sociales et politiques. « Elle
peut aussi se traduire par diverses manières de se montrer soi-même engagé dans
une intense vie sociale, remplie de voyages, de réunions, de dîners, de
réceptions. Ou bien elle s’exerce par un fonctionnalisme de manager, chargé de
statistiques, de planifications, d’évaluations, où le principal bénéficiaire
n’est pas le Peuple de Dieu, mais plutôt l’Église en tant qu’organisation. »
« Dans ce contexte se nourrit la vaine gloire de ceux qui se
contentent d’avoir quelque pouvoir et qui préfèrent être des généraux d’armées
défaites plutôt que de simples soldats d’un escadron qui continue à combattre.
Combien de fois rêvons-nous de plans apostoliques, expansionnistes, méticuleux
et bien dessinés, typiques des généraux défaits! Ainsi nous renions notre
histoire d’Église, qui est glorieuse en tant qu’elle est histoire de
sacrifices, d’espérance, de lutte quotidienne, de vie dépensée dans le service,
de constance dans le travail pénible. »
Puis le pape parle des vaniteux qui « disent ce “qu’on devrait
faire” – le péché du “on devrait faire” – comme des maîtres spirituels et des
experts en pastorale qui donnent des instructions tout en restant au dehors. »
C’est alors se couper de la réalité douloureuse de notre peuple fidèle.
Dans ces situations de mondanité spirituelle, on regarde les autres de
haut et de loin, on fait ressortir continuellement les erreurs des autres et on
est obsédé par l’apparence. « C’est une terrible corruption sous
l’apparence du bien. Il faut l’éviter en mettant l’Église en mouvement de
sortie de soi, de mission centrée en Jésus Christ, d’engagement envers les
pauvres. »
Et le pape a cette prière qui est en même temps une exhortation :
« Que Dieu nous libère d’une Église mondaine sous des drapés spirituels et
pastoraux! Cette mondanité asphyxiante se guérit en savourant l’air pur du
Saint Esprit, qui nous libère de rester centrés sur nous-mêmes, cachés derrière
une apparence religieuse vide de Dieu. »
« Ne nous laissons pas voler l’Évangile! »
(28e
texte d’une série sur la joie)
† Roger ÉbacherÉvêque émérite de Gatineau